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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 JUIN 2022
N° RG 20/01246 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T44I
AFFAIRE :
S.A.S.U. SEPUR
C/
[Y] [H]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 19/00018
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Yann GALLANT
Me Clothilde LERAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. SEPUR
N° SIRET : 350 050 589
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentant : Me Yann GALLANT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de MARSEILLE
APPELANTE
****************
Monsieur [Y] [H]
né le 23 Avril 1968 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Clothilde LERAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 63
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCEDURE
M. [H], né le 23 avril 1968, a été engagé à compter du 11 août 2014 en qualité de conducteur de matériel de collecte, par les sociétés d’intérim Supplay et RSI et mis à la disposition de la société Sepur, selon plusieurs contrats de mission et ce, jusqu’au 12 janvier 2018
Au cours de cette période, un contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour la période du 22 décembre 2014 au 28 décembre 2014 en remplacement de M. [X].
L’entreprise emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des activités du déchet.
Le 24 août 2018, M. [H] a adressé un courrier à la société Sepur pour remettre en cause la relation contractuelle et solliciter le paiement de ses heures travaillées non rémunérées.
Sollicitant notamment la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, M. [H] a saisi le 14 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Versailles afin qu’il dise que la rupture intervenue le 12 janvier 2018 est imputable à l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que soit condamnée la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes.
Par jugement rendu le 28 mai 2020, le conseil a statué comme suit :
Requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 11 août 2014;
Condamne la société Sepur à payer à M. [H] les sommes suivantes :
– 1 932,09 euros au titre de d’indemnité de requalification ;
– 7 728,36 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 3 864,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 386,42 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 1 610,07 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 3 864 euros au titre de rappel de salaire sur la prime de qualité et de sécurité et de 386,40 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 966, 04 euros au titre rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté et de 96,60 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 5 796,27 euros au titre de rappel de salaire sur la prime de 13 ème mois ;
Ordonne à la société de remettre à M. [H] les bulletins de salaires ainsi que les documents sociaux rectifiés conformément au jugement au plus tard 2 mois après la date de réception de la notification du présent jugement ;
Condamne la société au paiement des intérêts légaux sur l’ensemble des demandes dans un délai de deux mois après la présentation du jugement à intervenir ;
Déboute M. [H] du surplus de ses demandes ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties ;
Laisse les entiers dépens à la charge de la société Sepur.
Le 23 juin 2020, la société Sepur a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance rendue le 9 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 mars 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 29 janvier 2022, la société Sepur demande à la cour de :
La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
Réformer le jugement entrepris :
– en ce qu’il a retenu un salaire moyen de 1 932,09 euros et fixer le salaire moyen à 1647,13 euros
– en ce qu’il a prononcé une requalification avec effet au 11 août 2014 et dit et jugé que la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 9 janvier 2017,
– quant aux sommes allouées du fait de cette requalification,
Et ce faisant :
Ramener l’indemnité de requalification à 1647,13 euros
Ramener l’indemnité compensatrice de préavis à 1647,13 euros
Ramener l’indemnité de licenciement à 415,16 euros
Fixer tout au plus l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3294,26 euros
Réformer à titre principal, le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes de rappels de salaire (prime de qualité et sécurité, prime d’ancienneté, prime de 13 ème mois) à fortiori pour des montants erronés et de débouter M. [H] de ces chefs de demande ;
Réformer à titre subsidiaire, le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes de rappels de salaire (prime de qualité et sécurité, prime d’ancienneté, prime de 13 ème mois) à fortiori pour des montants erronés et de les octroyer de ces chefs que pour les périodes de janvier 2016 à janvier 2018.
Condamner chacune des parties à supporter les frais irrépétibles qu’elle aura engagés dans le cadre de la présente procédure.
Selon ses dernières conclusions du 7 décembre 2020, M. [H] demande à la cour de :
Déclarer la société mal fondée en son appel,
Déclarer la société mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter purement et simplement,
Le déclarer légitime et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
Dire qu’il n’y a pas lieu à statuer sur la demande de la société de réformer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a retenu un salaire moyen de 1 932,09 euros, en l’absence d’effet dévolutif de l’appel sur ce chef de jugement,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 11 août 2014,
– condamné la société à lui payer les sommes suivantes :
– 1 932,09 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– 7 728,36 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 864,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 386,42 euros au titre des congés payés y afférents,
– 1 610,07 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 3 864 euros au titre de rappel de salaire sur la prime de qualité et de sécurité et de 386,40 euros au titre des congés payés y afférents,
– 966,04 euros au titre de rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté et de 96,60 euros au titre des congés payés y afférents,
– 5 796,27 euros au titre de rappel de salaire sur la prime de 13ème mois
– ordonné à la société de lui remettre les bulletins de salaires ainsi que les documents sociaux rectifiés conformément au jugement,
– condamné la société au paiement des intérêts légaux sur l’ensemble des demandes dans un délai de deux mois après la présentation du jugement,
– laissé les entiers dépens à la charge de la société,
En tout état de cause,
Condamner la société à lui payer la somme de 2 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n’est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n’auraient pas été reprises dans ce dispositif, telles la fin de non-recevoir opposée au titre d’une partie des demandes de rappel de salaire.
I ) Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée
I – a) Sur le bien-fondé de la requalification
La société conteste le jugement qui a prononcé la requalification de la relation contractuelle en CDI en affirmant que le conseil a non seulement fait une interprétation erronée des faits mais également une erreur de droit qu’il y a lieu de rectifier, soulignant qu’à aucun moment le conseil n’a remis en cause la réalité des motifs ayant conduit à recourir à l’intérim et donc l’objet des contrats successifs.
Elle affirme que l’inobservation du délai de carence, imposé par l’article L. 1251- 36 et L. 1251- 36- 1 du code du travail ne permet pas au salarié d’obtenir, sur le fondement de l’article L.1251- 40 du code du travail, la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée le liant à l’entreprise utilisatrice et, se prévalant d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018, fait valoir que le recours répété aux CDD de remplacement ne rend pas la requalification systématique. La société invoque également un arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 18 avril 2019.
La société explique ainsi qu’elle justifie des cas de recours aux contrats d’intérim entre août 2014 et janvier 2017, en respectant les délais de carence quand de besoin et que l’article L1251-39 du code du travail qui fonde pour partie la décision déférée est inapplicable en l’espèce. Elle conclut que si la relation contractuelle devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, la date à retenir serait le 9 janvier 2017, date du premier contrat litigieux.
M. [H] réplique que le conseil des prud’hommes a fondé sa décision sur l’inobservation, par la société Sepur, d’un délai de carence sur plusieurs contrats de missions successifs et au vu du nombre de jours travaillés entre le 11 août 2014 et le 12 janvier 2018 en sollicite la confirmation. Il soutient que les périodes de travail énumérées par la société sont inexactes et que les courtes périodes d’interruption entre les différents contrats étaient insuffisantes au regard de l’article L1251-36 du code du travail, soulignant de surcroît que les motifs de recours à ces contrats ne rentraient pas dans le champ d’application de l’article L1251-37 du même code et étaient irréguliers, de sorte qu’il a bien été embauché pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société Sepur.
Il fait valoir en outre qu’un accroissement d’activité qui dure pendant trois ans et cinq mois ne peut par définition être qualifié de temporaire.
Selon l’article L 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif ne peut avoir pour effet, ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Aux termes de l’article L. 1251-6 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée ‘mission’ et seulement dans des cas limitativement énumérés, en particulier pour remplacer un salarié absent ou en cas d’accroissement temporaire d’activité.
Dans sa rédaction applicable jusqu’au 23 septembre 2017 et donc à l’essentiel de la relation de travail, l’article L. 1251-40 du code du travail dispose que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12 (interdiction du recours au travail, terme du contrat temporaire et durée de celui-ci) L. 1251-30 (aménagement du terme de la mission) et L. 1251-35 (nombre de renouvellement du contrat), ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le premier jour de sa mission.
Les dispositions de l’article L.1251-40, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L.1251-5 à L.1251-7, L.1251-10 à L.1251-12, L.1251-30 et L.1251-35, par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, ne sont pas applicables à la méconnaissance de l’article L.1251-36, relatif au délai de carence.
Il doit en être déduit que l’inobservation par l’entreprise utilisatrice du délai de carence ne permet pas au travailleur temporaire de demander à son égard la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée, sauf lorsque cette inobservation du délai de carence est révélatrice de l’occupation d’un emploi durable qui tombera sous le coup de l’article L. 1251-5.
L’article L. 1251-36 du code du travail dispose : « A l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal :
1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ;
2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours. ».
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs.
L’article L. 1251-37 poursuit ainsi : « Le délai de carence n’est pas applicable :
1° Lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;
2° Lorsque le contrat de mission est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
3° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier défini au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi ;
4° Lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1251-6 ;
5° (‘) ;
6° Lorsque le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée du contrat ;
7° Lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat de mission, pour la durée du contrat non renouvelé.»
M. [H] produit les différents contrats de mission conclus avec la société Supplay [Localité 4], pour la période du 11 août 2014 au 12 janvier 2018, desquels il résulte qu’il exerçait les fonctions de conducteur de camion, tantôt pour nettoyage voierie et trottoirs, tantôt pour la collecte des ordures ménagères.
Il en ressort :
L’année 2014 : 9 contrats de mission ayant pour motif le remplacement d’un salarié absent et 1 contrat de mission ayant pour motif l’accroissement temporaire d’activité.
L’année 2015 : 41 contrats de mission ayant pour motif le remplacement d’un salarié absent et 18 contrats de mission ayant pour motif l’accroissement temporaire d’activité.
L’année 2016 : 79 contrats de mission ayant pour motif le remplacement d’un salarié absent et 46 ayant pour motif l’accroissement temporaire d’activité.
L’année 2017 : deux contrats de mission ayant pour motif le remplacement d’un salarié absent et 72 contrats de mission ayant pour motif l’accroissement temporaire d’activité.
L’année 2018 : deux contrats de mission ayant pour objet l’accroissement temporaire de l’activité.
À l’examen des pièces communiquées, il est relevé
que la majorité des contrats étaient conclus pour une journée en cas de remplacement d’un salarié absent, plus rarement pour une durée de 2,3, 6, 13 ou 14 jours.
La majorité des contrats de mission conclus pour motif de l’accroissement temporaire de l’activité avaient une durée de variable comprise entre 1 jour et 41 jours.
Au titre de ces contrats le salarié a travaillé pour le compte de la société Sepur, 47 jours du 11 août au 31 décembre 2014 (pièces n°9 à 12), 229 jours en 2015, 281 jours en 2016, (pièces n°1, 4, 7 et 8), 274 jours en 2017, et enfin 8 jours en janvier 2018 (pièces n°1, 5, 6, 7, 8, 14).
Force est de constater que sur la période considérée, le délai de carence n’a pas été respecté dès le mois d’avril 2015, comme le démontre la succession des deux contrats de mission en date du 14 avril 2015 conclu pour une durée de six jours et en date du 20 avril 2015 conclu pour une durée de 12 jours, afin de pouvoir le même poste de conduite de camion pour nettoyage voirie et trottoirs pour accroissement d’activité de l’entreprise.
Le délai de carence n’a pas été non plus respecté dès le mois suivant entre la mission du 5 mai au 31 mai 2015 et la mission du 02 au 5 juin 2015, M. [H] ayant été amené à pallier un accroissement temporaire de l’activité.
Ces exemples se reproduisent à plusieurs reprises, la cour en dénombrant 13 sur l’année 2015, 13 sur l’année 2016, et 30 sur l’année 2017.
L’inobservation du délai de carence conforte les données chiffrées de la relation de travail en termes de nombre de contrats et de durée de travail effectif, lesquelles établissent que le salarié a occupé durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Le salarié relève encore plusieurs irrégularités sur le motif de recours lesquelles portent le discrédit sur la réalité des dits motifs. C’est ainsi que :
– Plusieurs contrats de mission n°0044696, 0044697, 0044727, 0045047 sont signés sur la même période du 05/01/2015 au 12/01/2015, visant le remplacement de plusieurs salariés au titre d’heures de délégation syndicale, à savoir MM. [N] [A], [J] [T], [K] [B] et [U].
– Pour la journée du 14/12/2015, le contrat de mission n°0541553 a pour motif un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise alors qu’il précise qu’il s’agit du remplacement de Mr [D] [O] [F].
– Pour la période du 25/01/2016 au 26/01/2016, le contrat de mission n°0543150 a pour motif un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise alors qu’il précise qu’il s’agit du remplacement de Mr [X] [V].
En l’état de ces éléments, c’est à bon droit que le conseil a requalifié à l’égard de l’entreprise utilisatrice la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 août 2014. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
I – b) Sur les conséquences financières.
M. [H] demande la confirmation du jugement de ce chef qui lui a alloué une indemnité de requalification d’un montant de 1932,09 euros en faisant valoir que l’indemnité de requalification doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié et des accessoires du salaire. Il observe que l’indemnité de requalification est déterminée librement par le conseil de prud’hommes sans pouvoir être inférieure à un mois de salaire.
La société conteste le montant de cette somme et demande qu’elle soit calculée en fonction du salaire de base, correspondant à la position hiérarchique du salarié soit 1647,13 euros.
Conformément à l’article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, le juge doit allouer au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier mois de salaire avant la saisine du conseil de prud’hommes. La rémunération mensuelle moyenne brute de M. [H] en ce compris les heures supplémentaires accomplies et les accessoires du salaire s’élève à la somme de 1932,09 euros
M. [H] est bien fondé en sa demande indemnitaire à hauteur de cette somme, laquelle n’est pas inférieure au dernier mois de salaire.
II) Sur la rupture de la relation de travail.
La rupture de la relation de travail résultant du seul fait de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié de contrat de mission, sans l’envoi d’une lettre de licenciement motivée, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 12 janvier 2018.
III) Sur les demandes indemnitaires.
M. [H] était âgé au jour de la rupture de 50 ans, et titulaire d’une ancienneté de 3 ans et 4 mois.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1934’5 du code du travail et de l’article 2. 21 de la Convention collective des activités de déchets, M. [H] est bien fondé en sa demande en paiement de la somme de 3 684,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 386,42 euros au titre des congés payés afférents.
En application de l’article R 1234-2 du code du travail, M. [H] est bien fondé en sa demande de paiement de l’indemnité légale de licenciement à hauteur de 1610,07 euros, calculée de la façon suivante :
1932,09 euros x ¿ x3 + 1932,09 euros x ¿ x ( 4/12) = 1 610,07 euros.
M. [H] qui justifie de trois ans et quatre mois d’ancienneté sollicite l’allocation de la somme de 7 728,36 euros.
Sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017’1387 du 22 septembre 2017, cette indemnité est comprise entre trois et quatre mois de salaire de salaire brut. Sa demande, bien fondée sera accueillie.
Le jugement sera donc confirmé sur ses chefs de demande.
IV – Sur les rappels de prime :
Se prévalant d’un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2012, la société sollicite sa mise hors de cause pour toutes les périodes à l’exception du 22 au 28 décembre 2014, prescrite, puisqu’elle n’était pas l’employeur de M. [H]. Elle souligne que M. [H] n’a pas appelé dans la cause les sociétés d’intérim pour les périodes où il était leur salarié. En tout état de cause, la société rappelle que la prescription est de 3 ans et qu’elle ne peut être condamnée qu’à des rappels de salaires ou de primes que pour la période postérieure à janvier 2016.
M. [H] soutient que l’arrêt cité par la société est inapplicable en l’espèce et que la requalification fait perdre à l’entreprise de travail temporaire sa qualité d’employeur, de sorte que la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ouvre droit à la perception par le salarié concerné des salaires et primes appliquées dans l’entreprise.
Certes, hors hypothèse de requalification de la relation de travail, l’obligation de verser au travailleur temporaire mis à la disposition d’une entreprise des salaires conformes aux dispositions légales ou conventionnelles ou aux stipulations contractuelles qui lui sont applicables, pèse sur l’entreprise de travail temporaire laquelle demeure l’employeur, à charge pour elle, en cas de manquement à cette obligation, de se retourner contre l’entreprise utilisatrice dès lors qu’une faute a été commise par cette dernière.
Toutefois, par l’effet de la requalification de la relation contractuelle, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche au sein de société Sepur, de sorte qu’il était en droit d’obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération.
IV ‘ a) Sur la prime de qualité et sécurité
Le salarié sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 3 854 euros outre les congés payés afférents, affirmant qu’il n’a pas perçu la prime de qualité et de sécurité entre le 11 août 2014 et le 12 janvier 2018.
Il est stipulé par l’article 4 du règlement intérieur de la société Sepur une prime de qualité et de sécurité d’un montant de 94 euros brute par mois pour les chauffeurs poids-lourds.
M. [H] rapporte la preuve de l’obligation dont il se prévaut. Le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué ce rappel de prime conformément à la durée du contrat de travail requalifié.
IV ‘ b) Sur le rappel de prime d’ancienneté
La société affirme que l’ancienneté de M. [H] étant de 1 an et 3 jours, il ne pouvait prétendre à une telle prime qui n’est acquise qu’à partir de 2 ans d’ancienneté et soutient subsidiairement que le conseil a fait une application erronée des dispositions de la convention collective en calculant la prime sur le salaire moyen de base alors qu’il convenait de le calculer sur le salaire conventionnel.
M. [H] rétorque que le calcul de la société ne tient pas compte des heures supplémentaires qu’il a effectuées alors que la prime doit être calculée sur la base du salaire minimum conventionnel de la fonction, ce dernier étant nécessairement proportionnel à l’horaire du salarié.
L’article 3.15 de la Convention collective des activités du déchet stipule qu’au salaire mensuel conventionnel des personnels des niveaux I à IV s’ajoutent les primes d’ancienneté suivantes :
‘ 2 % après 2 ans de présence dans l’entreprise ;
‘ 4 % après 4 ans de présence dans l’entreprise ;
‘ 6 % après 6 ans de présence dans l’entreprise (..)
Lorsque la prime est calculée sur la base du salaire minimum conventionnel de la fonction celui-ci est nécessairement proportionnel à l’horaire du salarié, de sorte que la base de calcul de la prime doit nécessairement prendre en compte les heures supplémentaires.
Ainsi, M. [H] est bien fondé en ses demandes de paiement de la somme de 966,04 euros calculée comme suit : 1932,09 x 2% x24 mois + 1932,09 x2 % x1 mois, observation faite que les conditions d’octroi de la prime d’ancienneté rappelées ci-dessus ne s’appliquent qu’après deux ans de présence dans l’entreprise.
Il lui sera également alloué la somme de 96,60 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
IV ‘ c) Sur le rappel de prime de 13ème mois
La société rappelle que M. [H] ne peut solliciter des rappels de salaire que pour la période où il était son employé, selon contrat à durée déterminée de sept jours du 22 au 28 décembre 2014 et non pour les périodes où il était salarié des sociétés d’intérim.
Elle indique que si la cour a retenu la requalification de la relation contractuelle, M. [H] ne peut prétendre à un rappel de 13 ème mois que pour l’année 2017 soit la somme de 1647,13 euros.
M. [H], qui demande la requalification de la relation de travail depuis le 11 août 2014, soutient être bien fondé à solliciter le versement de la prime de 13ème mois non perçue pendant l’exécution de sa relation de travail.
L’article 3.16 de la Convention collective nationale d’activité du déchet stipule qu’une prime de 13e mois est versée aux personnels ayant au moins six mois consécutifs d’ancienneté dans l’entreprise et étant présent à l’effectif de celle-ci au 31 décembre de l’année de référence.
Au regard de la période travaillée du 11 août 2014 au 12 janvier 2018, le conseil de prud’hommes a, à bon droit, alloué à M. [H] un rappeld e salaire à hauteur de 5 796,27 euros, dont le montant n’est pas utilement critiqué. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
V) Sur les demandes accessoires.
La société SASU SEPUR sera condamnée à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société SASU SEPUR sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles le 28 mai 2020 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la société SASU SEPUR à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Condamne la société SASU SEPUR aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,