Contrat de Saisonnier : 15 mai 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05421

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Contrat de Saisonnier : 15 mai 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05421
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 15 MAI 2019

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/05421 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3CTT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Février 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL – RG n° F13/03220

APPELANTE

Madame U… P…

[…]

Représenté par Me Philippe BRUN, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant

Représenté par Me Julie GONIDEC, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant

INTIMEE

SA CORSAIR

[…]

N° SIRET : 328 621 586

Représentée par Me Guillaume BORDIER de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Camille SPARFEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame ROUGE dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame Valérie LETOURNEUR

MINISTÈRE PUBLIC

L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Madame Fabienne ROUGE, Présidente et par Madame Sylvie FARHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame U… P… a été embauchée sous contrat de travail à durée déterminée par la société CORSAIR selon les périodicités et motifs suivants :

– Du 1 er juillet 2007 au 31 août 2007 prolongé d’un commun accord au 15 septembre 2007 (CDD de saison)

– Du 15 décembre 2007 au 15 avril 2008 (CDD de saison)

– Du 15 juin 2008 au 15 septembre 2008 (CDD de saison)

– Du 16 septembre 2008 au 30 septembre 2008 (CDD de remplacement d’un salarié absent)

– Du 15 décembre 2008 au 31 mars 2009 (CDD de saison)

– Du 15 juin 2009 au 31 août 2009 prolongé d’un commun accord au 15 septembre 2009 (CDD de saison)

– Du 15 décembre 2009 au 31 janvier 2010 prolongé d’un commun accord au 28 février 2010 (CDD de saison)

– Du 1 er mars 2010 au 31 mars 2010 renouvelé d’un commun accord au 15 avril 2010 (CDD de saison)

– Du 26 juin 2010 au 31 août 2010 prolongé d’un commun accord au 15 septembre 2010 (CDD de saison)

– Du 15 décembre 2010 au 28 février 2011 prolongé d’un commun accord au 15 avril 2011 (CDD de saison) avenant non signé

– Du 16 septembre 2011 au 31 décembre 2012 (CDD de remplacement dans l’attente de la suppression du poste).

La relation contractuelle a pris fin à échéance du terme le 31 décembre 2012.

Par jugement du 24 février 2017, la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Créteil a débouté Madame P… de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société CORSAIR de sa demande reconventionnelle et condamné Madame P… aux dépens.

Par déclaration en date du 31 mars 2017, Mme P… en a interjeté appel.

Par conclusions récapitulatives en date du 27 juin 2017 auxquelles il convient de se référer pour les moyens Mme P… demande à la Cour d’infirmer le jugement, d’ordonner la requalification de ses contrats précaires en un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d’ancienneté au 07/01/2007 de condamner la société CORSAIR au paiement des sommes suivantes :

– 15342,70 € à titre d’indemnité de requalification

– 73644,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement ans ause réelle et sérieuse

– 9205,62 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 920,56 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

– 7671,350 € à titre d’indemnité de licenciement

– 79782,04 € à titre de salaire correspondant aux périodes non travaillées

– 7 978,20 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents

1500€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens

Par conclusions récapitulatives en date du 1er février 2019 ,auxquelles il convient de se référer pour les moyens la société CORSAIR demande à la cour de confirmer le jugement de déclarer irrecevable la demande de Madame P… de requalification en CDI du CDD de remplacement conclu du 16 septembre 2008 au 30 septembre 2008 pour cause de prescription, de la débouter de l’ensemble de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Le ministère public dans ses observations écrites indique que des contrats saisonniers pouvaient être conclus pendant plusieurs saisons consécutives dés lors que les salariés n’étaient pas engagés expressément pour toutes les saisons ni pour toute la durée de la saison. Il appartiendra à la cour de vérifier que les contrats pour accroissement d’activité sont justifiés par un réel accroissement d’activité. Il soutient que les contrats pour remplacement de salarié ne mentionnant que la catégorie PNC doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée

L’ordonnance de clôture était rendue le 5 février 2019.

MOTIFS

Sur la prescription

La société CORSAIR soutient que toutes les demandes fondées sur le contrat de remplacement conclu du 16 septembre 2008 au 30 septembre 2008 sont prescrites .

Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Compte tenu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2013 qui précisent qu’elles s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure du 17 juin 2008, celle-cii est en l’espèce de 5 ans.

Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur une irrégularité de forme court à compter de la conclusion de ce contrat.

L’action de Madame P… a été engagée le 27 septembre 2013, tous les contrats de remplacement signés antérieurement au 27 septembre 2008 sont prescrits.

Sur la requalification

Madame P… conteste le caractère saisonnier des contrats puisque la société CORSAIR a une activité tout au long de l’année avec des vols réguliers, et souligne que ces contrats sont reconduits systématiquement. Elle critique l’imprécision des contrats de remplacement, la mention personnel navigant commercial ne permettant pas de connaître la qualification de la personne remplacée.

La SA CORSAIR soutient qu’un emploi lié à l’activité normale et permanente d’une entreprise peut néanmoins justifier le recours aux contrats saisonniers dès lors qu’il peut être démontré que son activité s’accroit de façon cyclique, chaque année à des périodes à peu près fixes correspondant aux périodes d’afflux touristique, ce que les partenaires sociaux ont reconnu , qu’elle a également connu un accroissement d’activité liée à la mise en service de nouveaux appareils et que la mention figurant sur les contrats de «’personnel navigant commercial’» correspond à la qualification de l’agent conformément aux dispositions du code des transports et du code de l’aviation civile.

L ‘article L. 1242-2 du code du travail, indique que « un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants: 1° remplacement d’un salarié en cas a) d’absence, b) de passage provisoire à temps partiel conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, c) de suspension de son contrat de travail, de départ définitif avant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel…

2° accroissement temporaire de l’activité

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois…

L’article L1244-1 précise que les dispositions de l’article L 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié s’il est conclu dans les cas suivants : remplacement d’un salarié absent , remplacement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu , emploi à caractère saisonnier ou pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voire de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’ usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois …

L’article L 1245-1 du code du travail dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4, L 1242-6à L1242-8, L 1242-12 alinéa un , L1243-11 alinéa un ,L 1243-13, L 1244-3 et L1244-4.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé en cas de recours à un contrat à durée déterminée.

Les contrats saisonniers

Sont saisonniers les travaux destinés à se répéter chaque année à date à peu près fixe , en fonction du rythme des saisons et ou des modes de vie collectifs , la distinction entre le travail saisonnier et le simple accroissement d’activité repose sur le caractère régulier prévisible et cyclique du premier, ces variations étant indépendantes de la volonté de l’employeur ou des salariés . Le tourisme est considéré comme une activité saisonnière. Dés lors le fait qu’une compagnie aérienne ait une activité normale et permanente n’exclut pas le recours aux contrats de travail saisonnier, si son activité est accrue du fait de l’accroissement significatif du nombre de passagers chaque année à des dates à peu près fixes, sur des destinations spécifiques. Le recours à des contrats à durée déterminée de saison est en conséquence justifié. Ainsi que l’a constaté le conseil des prud’hommes l’employeur a la faculté de conclure des contrats de travail à durée déterminée avec le même salarié pour pourvoir un emploi saisonnier sans qu’il existe de limite au delà de laquelle les salariés pourraient se prévaloir d’un contrat de travail a durée déterminée .

En l’espèce

Les contrats saisonniers signés correspondent aux périodes de plus forte affluence touristique soit entre le 15 décembre et le 15 avril puis entre le 15 juin et le 15 septembre , ils ne couvrent pas toute la durée de la saison et ne sont pas conclus systématiquement pour chaque saison . Le recours à des contrats saisonniers est dès lors justifié.

Les contrats de remplacement

La catégorie ‘personnel naviguant commercial ‘comporte plusieurs qualifications HST, Chef de cabine et chef de cabine principal dont les fonctions sont différentes et qui perçoivent des rémunérations différentes.

Les contrats de remplacement ne portent que la mention de la catégorie de’ personnel navigant commercial’ ce qui ne permet pas à Madame P… de connaître la qualification précise du salarié remplacé. Faute de respecter cette obligation de précision qui implique nécessairement le nom et la qualification du salarié remplacé, le recours au contrat à durée déterminée n’est pas justifié.

Dés lors les contrats à durée déterminée conclus sur ce motifs sont irréguliers. La prescription pour irrégularité formelle s’applique à la date de la signature du contrat.

Le premier contrat pour remplacement signé postérieurement à la date de prescription de l’action en requalification date du 16 septembre 2011 Celui-ci est irrégulier en ce qu’il n’a pas précisé la qualification exacte du salarié remplacé.

Ce contrat devant être requalifié pour irrégularité formelle a pour point de départ sa date de signature . Il convient donc de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 septembre 2011.

Sur la demande d’indemnité de requalification

L”article L. 1245-2 du code du travail prévoit que l’indemnité de requalification est au moins égale à 1 mois de salaire.

Elle ne peut en effet pas être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine du juge . Le dernier salaire de Madame P… s’élève à 3356,63€.

Il convient de condamner la société CORSAIR à lui verser cette somme

Sur les demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat de travail

La relation de travail a pris fin le 31 décembre 2012, les contrats de travail étant requalifiés en contrat à durée indéterminée ,cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit aux indemnités de rupture constituées de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés, de l’indemnité conventionnelle de licenciement et d’une indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement prévu par l’article L 1235-3 du code du travail Madame P… ayant une ancienneté de plus de 2 ans .

Le salaire mensuel brut de référence de Madame P… sera fixée à la somme de 2442,25 € celle-ci n’indiquant aucun salaire de référence et n’explicitant pas les sommes demandées.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents.

Selon |’article L. 1234-5 du Code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application de l’article L. 1234-5 du Code du travail est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé pendant Ia duré du délai-congé. Ce salaire englobe tous 1es éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s’il avait exécuté normalement son préavis, à 1’exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.

L’article 8.3 de l’accord AEPNC signé le 2 septembre 2005 prévoit une durée de préavis de deux mois.

En l’espèce, il convient d’accorder à Madame P…, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 4884,50 euros, outre la somme de 488,45€ au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité de licenciement

Aux termes de l’article L. 1234-9 du Code du travail, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Selon les dispositions de I’article R.423-1du code de l’aviation civile, l’indemnité de licenciement qui est allouée, en application de l’article L. 423-1, sauf en cas de faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate En l’espèce, le salaire mensuel minimum garanti de Madame P… était de 1810 euros bruts. I1 convient de lui accorder une indemnité de licenciement d’un montant de 3770,83euros, conformément au calcul établi en subsidiaire par la société CORSAIR

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A la date de la rupture de la relation contractuelle, Madame P… bénéficiait d’une

ancienneté de plus de 2 ans. Il convient d’évaluer à la somme de 14.000 euros le montant de l’indemnité à allouer à Madame P… au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L1235-3 du code du travail .

Sur la demande relative rappel de salaire pour les périodes intermédiaires et les congés payés afférents

Le nouvel article L.3245-1 du Code du travail dispose que :

« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat »

Toute demande en paiement des périodes inter contrats antérieure au 13 août 2010 est prescrite et il appartient au salarié de démontrer qu’il était à la disposition de son employeur pendant les périodes non travaillées .

Madame P… n’apporte aucun élément permettant de justifier qu’elle s’est tenue à la disposition de son employeur pendant ces périodes intersticielles .

Le jugement qui l’a débouté de cette demande sera confirmé

PAR CES MOTIFS

Constate la prescription des demandes formulées sur le fondement des contrats à durée déterminée antérieurs au 16 septembre 2011,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 septembre 2011

Infirme le jugement du conseil des prud’hommes

condamne la société CORSAIR à payer à Madame P… les sommes de :

– 3356,63€ au titre de l’indemnité de requalification

– 4884,50 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 488,45€ au titre des congés payés afférents.

-3770,83euros, au titre de l’indemnité de licenciement

-1400€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ,

Vu l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société CORSAIR à payer à Madame P… en cause d’appel la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge de la société CORSAIR

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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