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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 10 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01433 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPAS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 19/02403
APPELANTE
SARL MPR
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044
INTIMEE
Madame [E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Claudia LEROY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société MPR est une société qui a pour activité la rénovation, la peinture et la pose de
revêtements de sols pour les entreprises et les particuliers ainsi que toute activité accessoire à l’activité principale.
Madame [E] [Z] a été embauchée par la société MPR par contrat à durée déterminée du 1 er avril 2010 pour la période du 6 avril au 30 avril 2010 en qualité d’assistante gérante, statut employé, position 4, coefficient 550 de la convention collective régionale des techniciens et agents de maîtrise du bâtiment de la région parisienne.
A l’issue de ce contrat elle a été nommée gérante à compter du 1er mai 2010. Elle soutient qu’elle était gérante salariée et exerçait les fonctions de chef de chantier. La société soutient qu’elle était gérante associée non liée par un contrat de travail.
En août 2018 la relation de travail cessait , selon la société MPR , madame [Z] partait exercer sa propre activité. Madame [Z] indiquait quant à elle avoir été licenciée par sms en date du 12 août 2018 monsieur [M].
Fin 2018 , elle était révoquée de ses fonctions de gérante associée.
Contestant tant les modalités de son activité que la rupture des relations contractuelles, celle-ci saisissait le conseil de Prud’hommes.
Par jugement du 19 décembre 2019, le Conseil de prud’hommes de Paris jugeait que madame [Z] était liée à la société MPR par un contrat de travail et avait fait l’objet d’un
licenciement verbal . Il condamnait la société MPR à verser à madame [Z] les sommes suivantes :
– 2.200 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 13.200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.676 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 6.600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 660 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 9.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de cotisation chômage,
– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens,
Ordonnait la remise par la SARL MPR à madame [Z] d’un bulletin de salaire d’une attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un solde de tout compte conforme au présent jugement,
La société MPR en a interjeté appel.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA , le 15 mai 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la Société MPR demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’ a condamnée à verser à madame [Z] les sommes de :
-2.200 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
-13.200 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-5.676 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
-6.600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 660 euros au titre des congés payés afférent,
– 9.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en l’absence de cotisation chômage,
1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu’il a débouté la société de ses demandes
Elle demande de débouter madame [Z] de l’intégralité de ses demandes, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 4 août 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [Z] demande à la cour de confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 19 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la société MPR et statuant à nouveau de porter à la somme de 17.600 euros nets, l’indemnité pour licenciement abusif et à 15.153,6 euros nets les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de cotisation au régime de l’assurance chômage avec intérêts au taux légal de condamner la société MPR à 3000 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure pour ce qui concerne la première instance, et 3.000 euros nets pour ce qui concerne l’appel et condamner la société MPR aux dépens ; et ordonner à la société MPR la remise des bulletins de paie d’août, septembre, octobre, novembre 2018, d’un reçu pour solde de tout compte, d’une attestation Pôle emploi et d’un certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l’astreinte et de débouter la société MPR de ses demandes reconventionnelles.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
L’article L 1242-12 du code du travail prévoit que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée et précise qu’il comporte notamment la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis et l’intitulé de la convention collective applicable.
Madame [Z] soutient que ce contrat étant irrégulier faute de préciser son motifs , il s’est poursuivi par un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs elle rappelle qu’il lui a été proposé de le poste de gérante salariée et verse aux débats des bulletins de salaire la désignant comme cadre dirigeant . Elle estime donc qu’elle fournit des éléments caractérisant l’existence d’un contrat de travail apparent et qu’il appartient à la société de combattre cette présomption.
La société MPR soutient que le motif du contrat était parfaitement valable et visait « une phase spécifique d’activité liée au changement de gérant », et tendait donc à accompagner la direction de société dans le cadre du changement de gérance . La société rappelle que les dirigeants des personnes morales sont présumés être non salariés et que madame [Z] a été désignée en qualité de gérante et qu’elle est même devenue associée.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée. L’existence d’un contrat de travail implique l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les éventuels manquements de l’intéressé.
L’existence d’un contrat de travail est caractérisée lorsque les intéressés ont accompli un travail effectif sous l’autorité et le contrôle d’une personne physique ou morale.
Madame [Z] considère qu ‘il est possible de cumuler les fonctions de gérant avec les fonctions techniques découlant d’un contrat de travail.
L’article L1242-2 du code du travail prévoit que ‘sous réserve des dispositions de l’article L1242-3 , un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’ une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants : remplacement d’un salarié.. , accroissement temporaire d’activité , emploi à caractère saisonnier, remplacement d’un chef d’entreprise …’
Il sera observé que le motif prévu au CDD ne fait pas partie des cas permettant l’usage d’un CDD , ni remplacement ni accroissement d’activité ne sont invoqués. Dés lors ainsi que le précise l’article L1242-12 , le contrat se poursuit en CDI .
Madame [Z] était donc liée à la société par un contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2010.
Le 22 avril 2010, la société lui proposait le poste de « gérante salariée statutaire plein temps de l’entreprise Ryss Touraine à compter du 1 er mai 2010″et précisait les conditions financières proposées . En outre ses bulletins de paie mentionnaient l’ emploi de « cadre dirigeant », la convention collective des ingénieurs et cadres du bâtiment de la région parisienne applicable et la durée du travail .
Bien que madame [Z] ait disposé des délégations de pouvoir inhérentes à son mandat social de gérant, elle exerçait une prestation de travail technique indépendante de ses fonctions de gérante, pour le compte de la société MPR, ainsi que le souligne le mail susvisé.
Madame [Z] verse aux débats des mails et Sms que lui adresse monsieur [M] démontrant que celle-ci travaille sous un lien de subordination ainsi ‘ merci de préparer le bon de commande pour [B] , tu appliques un coefficient de 2 sur 9082€ ‘ ‘ Ci joint commande , date à renseigner ‘ rien n’est vraiment urgence . Disons courant de semaine prochaine ” rendez vous 1er octobre pour poser les quarts de rond ‘ Sur une proposition de mail faite par Madame [Z] , monsieur [M] indique ‘ j’ai changé juste la première phrase ( mail du 29 octobre 2014 ) alors que la salariée est dans la société depuis plus de 4 ans , il lui indique ‘ tu trouveras ci après des prix d’achat que j’avais établis .. Merci de les insérer au tableau.
Il valide les propositions qu’elle fait et par exemple il répond à une proposition de forfait ‘c’est d’accord ‘ ‘ sur la facture Poggioli merci de marquer ‘facture acquittée le 5 novembre 2013″.
Il en est de même des SMS de monsieur [M] ainsi ‘ avais tu prévu des dates avec m [I] pour la peinture des plinthes ‘ Es tu sur chantier [W] ‘ ‘oui j’y suis encore je range , pourquoi ‘ demande madame [Z] ‘ pour savoir si tu bosses ‘ ‘ Après [W] tu fais [F] ‘ ‘ non met deux couches ‘ ‘ tu vas quand à [W] faire les finitions ‘ ‘ je ne peux pas te gérer comme salariée’ ‘ merci de peindre la devanture du 115 et de terminer les finitions à l’intérieur ‘ ‘ [E] comme convenu vous ne déposez les affaires au garage qu’entre 12h et 14h ‘ ‘ les achats et autres déplacements se font de 7h à 8h et de 12hà 14h et le samedi matin ‘.
L’ensemble de ces échanges démontrent que celle-ci travaillait sous la subordination de monsieur [M] qui a d’ailleurs utilisé son pouvoir de sanction en lui indiquant ‘oui je te licencie. Tu as les chantiers [V] et [H] à faire à la rentrée dans le cadre de ton préavis à partir du 20 août ‘.
L’absence de redressement lors du contrôle de l’Urssaf ne permet pas d’exclure que madame [Z] soit effectivement salariée le contrôle n’ayant porté que sur la validation des bases déclarées au titre des contributions d’assurances chômage et cotisations AGS au regard des bases de sécurité sociale déclarées . Aucun appréciation sur la qualité ou non de salariée de madame [Z] n’ayant été faite dans le cadre de ce contrôle .
La société MPR verse aux débats de nombreux mails et documents démontrant que par ailleurs celle-ci exerçait ses fonctions de gérante , ce qui n’est pas contesté.
Le jugement qui a considéré qu’il existait un contrat de travail en sus du statut de gérant sera confirmé.
Sur le licenciement
Madame [Z] a été licenciée par SMS du 12 août 2018 indiquant ‘oui je te licencie’, sans qu’aucune procédure de licenciement ne soit conduite et sans qu’elle ait eu connaissance des motifs de son licenciement.
La société MPR soutient, sans apporter aucun élément à l’appui de ses dires , que madame [Z] était à l’origine de la rupture du contrat de travail en indiquant que celle-ci a créé son entreprise . Il est démontré que celle-ci a ouvert au mois de novembre suivant son entreprise , mais pas qu’elle a démissionné ni sollicité une rupture conventionnelle .
La société soutient que le texto ‘oui je te licencie ‘ est un abus de langage , néanmoins le fait de lui préciser qu’elle doit effectuer deux chantiers dans le cadre de son préavis ne laisse aucun doute sur le terme utilisé. Il s’agit bien d’un licenciement qui organise le préavis de sa salariée avant la rupture effective .
Il sera observé que la révocation de madame [Z] de son mandat de gérante a été plus tardif puisqu’il résulte de l’assemblée générale ordinaire du 25 octobre 2018 et qu’il ne peut donc y avoir de confusion entre licenciement de la salariée et révocation de la gérante .
Cette rupture s’analyse nécessairement en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dés lors le jugement sera confirmé sur l’indemnité conventionnelle allouée soit 5676€ ainsi que sur l’indemnité compensatrice de préavis de 6600€ et les congés payés y afférents de 660€.
Sur l’indemnité pour licenciement abusif
Madame [Z] demande de porter le montant accordé par le conseil de Prud’hommes de 13200€ à 17600€ correspond à 8 mois de salaire.
Madame [Z] justifiant des difficultés qu’elle a rencontré postérieurement à ce licenciement il sera fait droit à sa demande à hauteur de 15400€.
Sur l’indemnité pour non respect de la procédure
L’article L1235-2 prévoit dans son dernier alinéa que: Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure , notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2,L1232-3, L1232-4 L1233-11 L1233-12 et L1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée mais pour une cause réelle et sérieuse , le juge accorde à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ‘.
Au vu de ce texte dans sa version applicable à l’espèce les irrégularités de procédure ne peuvent être sanctionnées que si le licenciement est motivé par une cause réelle et sérieuse.
Tel n’étant pas le cas en l’espèce , madame [Z] sera débouté de cette demande et le jugement infirmé sur ce point.
Sur l’indemnisation pour défaut de paiement des cotisations
Madame [Z] qui n’a pu être indemnisée par Pôle emploi démontre avoir subi des difficultés financières, le jugement qui a condamné la société MPR au paiement de la somme de 9000€ sera confirmé.
Sur la remise des documents
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.
Sur la demande pour procédure abusive
Madame [Z] a usé sans abus de son droit d’ester en justice , il sera rappelé que celle-ci a obtenu gain de cause et qu’elle n’est pas appelante dans la présente procédure.
La société MPR sera déboutée de cette demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le montant de l’indemnité pour licenciement abusif et sur l’indemnité pour non respect de la procédure .
Y ajoutant,
CONDAMNE la société MPR à payer à madame [Z] la somme de :
– 15600 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
DÉBOUTE madame [Z] de sa demande d’indemnité pour non respect de la procédure
– Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
– Ordonne la remise par la société MPR à madame [Z] de bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société MPR à payer à Madame [Z] en cause d’appel la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,
LAISSE les dépens à la charge de la société MPR.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE