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Pour renverser la présomption de salariat dont bénéficie le journaliste pigiste, l’employeur doit apporter la preuve de l’absence de lien subordination. Cette preuve négative est difficile à apporter et rarement retenue par les juridictions. La SARL Groupe Gratuit Pros qui exerce une activité d’édition de presse spécialisée gratuite, destinée aux professionnels, n’a pas réussi à renverser la présomption de salariat dont bénéficiait l’un de ses journalistes pigistes.
Si l’employeur d’un journaliste pigiste, collaborateur régulier, n’est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant, il ne peut néanmoins cesser de lui fournir tout travail.
Il est de droit que si en principe une entreprise de presse n’a pas l’obligation de procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n’en est pas de même, si en fournissant régulièrement du travail au journaliste pendant une longue période elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l’entreprise est tenue de fournir un travail.
De même, il est de droit que l’employeur, lié à un journaliste par un contrat à durée indéterminée, ne peut unilatéralement modifier le montant de sa rémunération en ne lui fournissant plus la même quantité de travail, de sorte que le salarié a droit à un rappel de salaire.
Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources et ce quel que soit son mode de rémunération, y compris par le moyen de piges.
Le pigiste disposait de sa carte de carte de presse depuis près de 30 ans et avait collaboré avec la société en qualité de journaliste rémunéré à la pige, depuis une dizaine d’années.
Sa rémunération forfaitaire s’élevait pour l’ensemble textes et photos, à la somme de 180 € par page « métiers marchés » et ses bulletins de paie mentionnaient la convention collective des journalistes.
L’essentiel des ressources du journaliste provenait de l’exercice de sa profession de journaliste. Ce dernier était en outre titulaire de la carte d’identité de journaliste professionnel, délivrée conformément aux dispositions de l’article L. 7111-6 alinéa 1er du code du travail, par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, laquelle a pour rôle de vérifier si le journaliste demandeur de la carte exerce bien à titre principal des fonctions de journaliste dans le cadre d’une ou plusieurs entreprises de presse.
Il s’en déduit que le pigiste avait bien la qualité de journaliste professionnel durant la période de sa collaboration avec la société.
L’article L. 7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il résulte de ce texte qu’il incombe à l’entreprise de presse, à laquelle on oppose la présomption légale de salariat et qui conteste la qualité de salarié d’un journaliste pigiste, de démontrer que celui-ci exerce ses fonctions en dehors de tout lien de subordination, soit en toute indépendance et en toute liberté.
Dans l’affaire soumise, le pigiste a dénoncé sa baisse de rémunération consécutive à une diminution d’activité et l’absence de paiement de la prime d’ancienneté conventionnelle. Par la suite, le salarié a obtenu la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités, ainsi que la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société.
L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur, étant précisé que l’existence d’un lien de subordination n’est pas incompatible avec une indépendance technique dans l’exécution de la prestation.
En l’espèce, la société était une entreprise de presse et les conditions de la présomption de contrat de travail étaient réunies, il lui appartenait donc combattre cette présomption et notamment de rapporter la preuve de l’absence de lien de subordination.
A cet égard, la société a fait valoir en vain que le salarié a collaboré avec elle en dehors de tout lien de subordination sur des sujets de son choix sans instruction particulière, qu’il disposait d’une totale liberté quant au lieu et au temps de réalisation de son travail, sans travailler au sein d’un service organisé et sans être astreint à une production minimum ou être soumis à son pouvoir disciplinaire. La société ne justifiait pas de ces affirmations et la seule circonstance que les articles aient été contrôlés à réception par le rédacteur en chef ne participe pas du lien de subordination. Télécharger la décision