Contrat de dépôt : 9 janvier 2020 Cour d’appel de Grenoble RG n° 17/05851

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Contrat de dépôt : 9 janvier 2020 Cour d’appel de Grenoble RG n° 17/05851
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N° RG 17/05851

N° Portalis DBVM-V-B7B-JK2U

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Adrien RENAUD

Me Yann BOISADAM

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 JANVIER 2020

Appel d’une décision (N° RG F 14/00736)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 février 2016

suivant déclaration d’appel du 11 février 2016

radiation le 28 novembre 2016

et réinscription le 22 décembre 2017

APPELANTS :

M. [N] [R]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Peggy FESSLER, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [V] [K]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Peggy FESSLER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Yann BOISADAM, avocat au barreau de LYON substitué par Me Hélène JACQUEMET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Octobre 2019,

M. Frédéric BLANC, Conseiller et M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller, ont entendu les parties s’en remettre à leurs conclusions, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 09 Janvier 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 09 Janvier 2020.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] ont régularisé, le 30 juillet 2012 avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, un contrat de co-gérance non salariée en vue d’assurer la gestion et l’exploitation d’une succursale « Casitalia » sise à [Localité 6].

La rémunération des co-gérants correspondait à une commission fixe sur le chiffre d’affaires réalisé par le magasin, prévue dans son montant par un avenant du même jour, à savoir 6,2% sur l’ensemble des ventes réalisées.

Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] étaient soumis au statut de gérant non salarié énoncé aux articles L.7222-1 et suivants du code du travail et précisé par un accord collectif national du 18 Juillet 1963.

Monsieur [N] [R] est tombé malade et a été placé en arrêt maladie du 13 janvier au 18 février 2013.

Il a d’ailleurs dû être hospitalisé du 13 au 14 janvier 2013 et du 29 janvier au 5 février 2013.

A l’issue d’un inventaire du 12 novembre 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a dressé un compte général de dépôt des co-gérants non salariés déficitaire à hauteur de 30200,78 euros.

Par courrier du 30 janvier 2014, Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] ont contesté les résultats inscrits sur le compte de dépôt remis par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demandant à cette dernière de revoir ses comptes.

Par courrier du 9 janvier 2014, Monsieur [R] et Madame [K] ont été convoqués par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à un entretien préalable à une rupture du contrat de gérance le 24 janvier 2014.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rompu le contrat de gérance des consorts [R]-[K] par courrier du 14 février 2014 au motif d’un déficit de 30 200,78 €.

Monsieur [R] a remis à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE un chèque de 6623,93€ le 4 avril 2014.

Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] ont tous deux saisi, le 11 juin 2014, le conseil de prud’hommes de GRENOBLE aux fins de requalification de leur contrat de co-gérance en contrat de travail de droit commun, pour contester la rupture du contrat et de diverses demandes financières au titre de la rupture et de paiement d’heures supplémentaires.

Par jugement du 2 Février 2016, le conseil de prud’hommes GRENOBLE a :

– ordonné la jonction des deux instances sous le seul n° RG F 14/00736

– requalifié les contrats de co-gérants non salariés de Monsieur [N] [R] et de Madame [V] [K] en contrats de travail

– dit que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société DISTRIBUTION CASINO France à payer les sommes suivantes :

À Monsieur [N] [R] :

– 42.509,90 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 4.250,99 € au titre des congés payés afférents,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 16 juin 2014

– 10.000,00 € à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive du contrat,

– 12.000,00 € à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice financier,

– 1.200,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent jugement

à Madame [V] [K] :

– 46.557,64 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 4.655,76 € au titre des congés payés afférents,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 16 juin 2014

– 10.000,00 € à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive du contrat,

– 12.000,00 € à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice financier,

– 1.200,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent jugement

– ordonné à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE de délivrer à Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] des documents de fins de contrat conformes à la décision, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification de la décision

– débouté la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE de ses demandes reconventionnelles

– condamné la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a interjeté appel du jugement rendu le 2 février 2016 par LRAR adressé le 11 février 2016.

En l’absence de dépôt de conclusions d’appelant, l’affaire a fait l’objet d’une radiation en date du 28 novembre 2016.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a demandé la remise au rôle de l’affaire le 22 décembre 2017.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s’en est remise à des conclusions transmises le 20 septembre 2019 et entend voir :

infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter Monsieur [R] et Madame [V] [K] de l’intégralité de leurs demandes

Y ajoutant,

– les condamner, chacun au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

Elle fait valoir que :

-il n’y a pas lieu à requalification du contrat de co-gérance non salarié en contrat de travail car :

– respectant le statut, elle a rémunéré les consorts [R]-[K] selon la commission prévue, le cas échéant avec un complément pour atteindre le minimum conventionnel garanti

– les co-gérants avaient toute latitude pour embaucher du personnel, étant relevé qu’il n’est pas nécessaire que des embauches effectives aient eu lieu et qu’il ne saurait y avoir requalification au seul motif que les revenus d’activités du magasin ne permettraient pas l’embauche effective de personnel

– les modalités commerciales d’exploitation sont exclusives de tout lien de subordination juridique, qui ne peut se déduire d’une dépendance économique alléguée. Il lui était parfaitement possible de conclure des contrats d’adhésion type, sans nécessité d’individualiser les contrats de co-gérance

– les co-gérants non salariés ont été libres de fixer leurs conditions de travail et les sujétions dont ils se prévalent ne les concernent pas. Les contraintes qu’ils évoquent sont au demeurant propres au statut de co-gérants non salariés. Plus précisément, il sont dépositaires des marchandises de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, de sorte qu’ils sont soumis à une clause d’exclusivité et ne peuvent en modifier ni la nature ni les prix. Il existe une procédure de contestation dans le cas où la marchandise réceptionnée n’est pas celle commandée et il est normal qu’il leur soit demandé de grouper leurs commandes. Ils doivent, en outre, participer à la politique commerciale de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, y compris dans le cadre de partenariat, étant relevé que celui avec la société CDISCOUNT ne présentait pas de caractère contraignant. L’attestation de Monsieur [X] est dépourvue de valeur probante puisqu’il a été en conflit avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et n’a jamais côtoyé les demandeurs.

– les inventaires se sont déroulés conformément au contrat

– les documents et protocoles qu’elle leur a transmis l’ont été au titre de son obligation d’assistance

– les commandes de matériel ont été faites conformément au contrat de gérance

– ses managers commerciaux n’ont fait que vérifier la bonne mise en oeuvre de la politique commerciale sans immixtion dans leur gestion du magasin, les pièces produites n’établissant pas le contraire. En particulier, les fiches « process metiers manager » et « suivi commercial des gérants » sont des documents anciens et généraux. Elle se prévaut d’attestations d’autres gérants non salariés.

– elle ne se livre à aucun contrôle des ventes, des encaissements et des heures d’ouverture du magasin via le logiciel GOLD et se prévaut des attestations de Messieurs [U] et [D] ainsi que de procès-verbaux d’huissier détaillant les éléments techniques de ce logiciel

– les horaires d’ouverture ont été fixés par les consorts [R]/[K], conformément aux usages locaux, sans être imposés par elle. L’attestation de Monsieur [X] n’est pas probante et les rappels à l’ordre sur les horaires évoqués concernent d’autres gérants non salariés. A contrario, elle produit des attestations d’autres gérants non salariés faisant état de leur liberté dans la modification des horaires d’ouverture et de fermeture

– elle ne leur a pas imposé leurs dates de congés et ils ont librement adhéré au système qu’elle a mis en place, consistant à proposer des gérants mandataires non salariés intérimaires pour pourvoir à leur remplacement à cette occasion

– il ne saurait être fait droit au paiement d’heures supplémentaires en ce que :

– ils ont librement fixé les horaires d’ouverture du magasin conformément aux coutumes locales et ils sont libres d’organiser dans ces créneaux le travail de chacun d’eux, sans qu’il ne soit établi de leur part une obligation de travail concomitant

– les dispositions de l’article L 3171-4 du code du travail doivent tenir compte de la spécificité du statut

– leurs décomptes ne sont pas probants, précis et détaillés

– le calcul qu’ils proposent est erroné car basé sur l’indemnité conventionnelle minimale qui est versée pour la totalité de la co-gérance et non individuellement

– la résiliation du contrat de co-gérance non salariée est bien fondée en ce que :

– un inventaire du 12 novembre 2013 a révélé un déficit de gestion, dont les consorts [R]/[K] n’ont pas justifié l’origine, la charge de la preuve leur incombant

– leur développement relatif à ses obligations de mandante est inopérant puiqu’elle a respecté ses obligations à ce titre

– l’inventaire litigieux est fiable et a été fait contradictoirement. Leur contestation est tardive et sans explication.

– leurs contestations relatives au logiciel GOLD et aux modifications intempestives de prix ne sont pas fondées

– elle a respecté son obligation de formation et d’assistance

Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] s’en sont remis à des conclusions transmises le jour de l’audience avec leur dossier et entendent voir :

Vu l’article 1134 du Code civil,

Vu les articles L. 1226-2 ; L. 1226-10 ; L.1231-1 ; L.1235-3 ; L.3171-4 et L.7322-1 et suivants du Code du travail,

Vu l’accord collectif national du 18 Juillet 1963 ;

Vu la jurisprudence ;

‘ Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 2 Février 2016 en ce qu’il a :

– Requalifié le contrat de cogérance non salariée de Monsieur [R] en contrat de travail salarié à durée indéterminée ;

– Requalifié le contrat de cogérance non salariée de Madame [K] en contrat de travail salarié à durée indéterminée ;

– Condamné, en conséquence, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Monsieur [R] et à Madame [K] la somme de 12.000€ chacun à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice financier résultant de la violation, par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, du statut légal et conventionnel du gérant non salarié, sauf à porter cette somme à un montant de 20.000 € chacun.

– Ordonné à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de communiquer respectivement à Monsieur [R] et à Madame [K] des documents de fin de contrats rectifiés et conformes à leur statut de salariés, dans un délai de 30 jours à compter de la décision, sous astreinte de 20 € par jour de retard, sauf à porter le montant de l’astreinte à 50 € par jour de retard.

– Dit et jugé que la rupture du contrat de Monsieur [R] et de Madame [K] fondée sur le seul déficit de gestion est abusive, et doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Monsieur [R] et à Madame [K] la somme de 10.000 € chacun à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droits à compter de la demande, sauf à porter cette somme à un montant de 30.000 € chacun.

– Condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Monsieur [R] la somme totale de 42 509,90 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées de 2012 à 2014, outre la somme de 4 250,99 € au titre des congés payés afférents, le tout avec intérêts de droits à compter de la demande ;

– Condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Madame [K] la somme totale de 46 557,65 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées de 2012 à 2014, outre la somme de 4 655,76 € au titre des congés payés afférents, le tout avec intérêts de droits à compter de la demande ;

– Condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au paiement de la somme de 1200 € chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, sauf à porter cette somme à un montant de 3000 € chacun.

‘ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux entiers dépens.

Ils font valoir que :

– leur contrat de co-gérance non salariée doit être requalifié en contrat de travail de droit commun en ce que :

– ils n’avaient pas d’indépendance dans la fixation de leurs conditions de travail ; ce qui ressort des clauses mêmes du contrat de co-gérance non salariée, qui est un contrat type d’adhésion. Il aurait, au demeurant, dû être conclu deux contrats individuels de co-gérance.

– il leur était imposé diverses sujétions. Ils n’avaient pas la liberté de fixer les horaires de fermeture et d’ouverture du magasin. Ils avaient l’obligation d’assurer la réception et la délivrance des colis de la société CDISCOUNT. Ils devaient passer des commandes aux dates et selon des volumes imposés par DISTRIBUTION CASINO FRANCE. Les directeurs commerciaux procédaient à un contrôle étroit et minutieux ainsi que cela ressort des documents internes de l’entreprise et faisaient des reproches aux gérants non salariés s’agissant des horaires d’ouverture du magasin. Ils faisaient l’objet d’évaluation régulière par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE. Ils se voyaient imposer des opérations commerciales et de partenariat. Ils n’avaient pas la liberté de choix de leurs congés. La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE procédait à un contrôle des ventes via les logiciel GOLD ET VISUAL LEADER. Ils se voyaient imposer les méthodes d’entretien du magasin. Ils devaient obligatoirement passer des commandes auprès de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE. Ils ont régulièrement perçu non pas une rémunération proportionnelle mais le minimum conventionnel garanti. Ils ne pouvaient pas, en pratique, recruter du personnel eu égard à la faiblesse de leur rémunération.

– le contrat de gérance non salarié a été rompu de manière abusive en ce que :

– le déficit de gestion ne peut constituer en soi un motif justifiant la résiliation du contrat de cogérance non salariée

– ils ont refusé de signer l’arrêté de compte

– la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne prouve pas que le déficit de gestion soit imputable à des manquements fautifs de leur part et ce d’autant, qu’ils n’ont pas bénéficié de formation sur le logiciel GOLD

– le déficit de gestion allégué est contesté et ne repose pas sur des bases comptables fiables, outre le fait que l’appelante n’a pas de titre exécutoire à ce titre. Les écarts observés peuvent s’expliquer par les modifications intempestives et erreurs de prix par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et par les dysfonctionnements du logiciel GOLD

-leurs prétentions au titre des heures supplémentaires est légitime en ce que :

– la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE contrôle les horaires d’ouverture et de fermeture du magasin et exerce des pressions à cet égard, ainsi qu’en témoigne Monsieur [X], un autre gérant non salarié

– ils ont travaillé de manière concomitante dans le magasin selon les horaires d’ouverture et de fermeture et ont accompli d’autres tâches en dehors de ces plages horaires

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées développées oralement.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande de requalification du contrat de cogérants mandataires non salariés en contrats de travail :

L’article L 7322-2 du code du travail prévoit que :

Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.

La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat.

Les juridictions du fond ne sont pas tenues par la qualification prévue par le contrat et doivent rechercher si, d’après les conditions effectives d’exploitation du magasin par les gérants non salariés, ceux-ci n’étaient pas, en réalité, placés dans un lien de subordination juridique caractérisé emportant application du droit commun du contrat de travail à durée indéterminée.

A cette fin, il convient d’opérer une distinction entre les contraintes inhérentes à la politique commerciale de la société qui s’imposent aux gérants au titre de leur mandat et les contraintes touchant à l’exercice de l’activité de gérants non salariés à l’intérieur de leur succursale (horaires de travail à l’intérieur des ouvertures-fermetures, relation avec leur personnel et la clientèle), lesquelles peuvent justifier une requalification en contrat de travail.

Le lien de subordination inhérent à tout contrat de travail est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, il convient d’analyser successivement les moyens développés par les consorts [R]/[K] caractérisant selon eux une violation de leur statut de co-gérants non salariés et corrélativement une subordination à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

D’une première part, si l’article 1 fait effectivement mention d’horaires d’ouverture du magasin par référence aux coutumes locales des commerçants, il y a lieu de relever que ces horaires sont fixés non par le mandant mais par les mandataires et que la référence aux usages locaux des autres commerçants est légitime au regard du fait qu’à l’égard des tiers et en particulier de la clientèle, les mandataires gérants non salariés doivent avoir l’apparence de l’exercice d’une activité commerçante, sans pour autant en avoir effectivement le statut et à en assumer les risques incombant au mandant. Dans ces perspectives, il n’est pas contraire au statut de gérant non salarié que le mandant, par l’intermédiaire de ses managers commerciaux, procède à une analyse des horaires et des jours d’ouverture en fonction de la zone de chalandise.

En revanche, dans les faits, cette référence ne doit pas servir à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE pour imposer, le cas échéant par l’entremise de ses managers commerciaux, des horaires précis et non modulables d’ouverture et de fermeture du magasin.

Or, au cas d’espèce, force est de constater que les consorts [R]/[K] ne démontrent pas que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ait pu leur imposer des horaires pré-déterminés de fermeture et d’ouverture du magasin puisque celle-ci produit en pièce n°2, un courrier que les gérants lui ont adressé le 21 juin 2012 informant le mandant des horaires d’ouverture et de fermeture du magasin, que leur pièce n°28 est une carte de visite d’un directeur commercial PETIT CASINO avec une mention manuscrite interrogative sur une absence d’ouverture à 15H sans que l’auteur de ce commentaire et le destinataire ne soient connus, que le courrier produit en pièce n°29 concerne un autre gérant non salarié et que l’attestation de Monsieur [X], gérant non salarié, évoque certes une pression sur les gérants pour les inciter à ouvrir davantage le commerce sans que les consorts [R]/[K] ne produisent d’élément concret mettant en évidence qu’ils ont pu être confrontés à ce type de pressions.

D’une seconde part, le fait que les co-gérants non salariés se voient interdire la possibilité de modifier la nature, la qualité ou la présentation des marchandises résulte directement de leur qualité de mandataires et de dépositaires de produits dont ils ne sont pas propriétaires et ne saurait traduire un lien de subordination à l’égard de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

D’une troisième part, si le contrat prévoit certes que l’absence de livraison de marchandises commandées ne peut jamais engager la responsabilité de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, les demandeurs à l’instance n’établissent toutefois pas, dans les faits, qu’ils aient pu être confrontés à des défauts significatifs de livraison de nature à mettre en difficulté l’exploitation de leur commerce.

D’une quatrième part, la réalisation d’inventaires réguliers ne caractérise pas en soi un lien de subordination mais résulte directement de la qualité de mandataire des co-gérants, qui doivent rendre compte de leur gestion à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

En outre, les consorts [R]/[K] font une interprétation erronée de l’article 7 du contrat liant les parties puisqu’ils ont également la possibilité d’imposer un inventaire à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et l’intervention prévue d’un officier ministériel en cas d’absence des co-gérants non salariés permet de manière légitime de garantir le bon déroulé de l’inventaire, supposé être contradictoire, afin que celui-ci ne soit pas entièrement mené à l’initiative et sous le contrôle de la mandante.

D’une cinquième part, le seul fait que les gérants non salariés soient tenus de participer à la politique commerciale de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et le cas échéant que cette dernière en vérifie la mise en oeuvre découle directement de leur qualité de mandataires de vente de marchandises ne leur appartenant pas de sorte que cela ne caractérise pas en soi l’existence d’un lien de subordination, sauf à établir que les vérifications opérées par le mandant se seraient dans les faits traduites par des contrôles non seulement réguliers mais avec des injonctions très précises et généralisées sous la menace de sanctions en cas de non-respect des consignes données, dans des conditions traduisant une immixtion du mandant dans la gestion au quotidien de la succursale privant le gérant de toute autonomie d’exploitation.

Au cas d’espèce, l’attestation de Monsieur [X] évoque certes des pratiques alléguées de commandes imposées par le mandant qui si elles sont avérées et concernent un volume important de commandes, excédant les seuls besoins d’actions ponctuelles commerciales, permettraient de caractériser un lien de subordination résultant d’une immixtion du mandant dans la gestion de ses mandataires.

Toutefois, les consorts [R]/[K] ne produisent aucun élément mettant en évidence qu’ils se sont effectivement vu imposer de manière systématique des commandes.

De plus, le seul fait que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE impose par commande un minimum de produits à se faire livrer par catégorie ainsi qu’il résulte de la pièce n°20 produite par les intimés, ne traduit pas en soi une directive mais est légitime au regard des contraintes inhérentes aux livraisons de marchandises (conditionnement en lots, type d’emballages mis en oeuvre par les fournisseurs, nombre limité de livraisons le cas échéant par catégorie de produits…).

S’agissant des actions commerciales, les consorts [R]/[K] produisent un certain nombre de pièces mettant en évidence que les mandataires gérants se voient demander à ce titre par leur mandant de collaborer avec des partenaires de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE (LOGIC IMMO TOP) et à avoir en magasin certains produits dans le cadre d’actions promotionnelles ; ce qui revient indirectement mais nécessairement à imposer certaines commandes, le référentiel des managers commerciaux de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE présentant d’ailleurs des occurrences de vérification à ce titre.

Ces actions commerciales ponctuelles, impliquant nécessairement la présence pour une période donnée en magasin des produits concernés et partant, la nécessité pour les gérants non salariés de procéder le cas échéant à des commandes à l’initiative de leur mandant, ne doivent effectivement pas être détournées de leur finalité dans des proportions telles que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, sous couvert de participation à sa politique commerciale, en viendrait dans les faits à contrôler de manière essentielle ou significative la nature et le volume des commandes passées par ses mandataires.

Les consorts [R]/[K] ne produisent cependant aucune pièce les concernant établissant qu’ils auraient été dépossédés de leur prérogative générale de pouvoir passer ou non des commandes, en dehors de celles, à l’initiative de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, devant restées accessoires et strictement nécessaires à la mise en oeuvre de sa politique commerciale.

S’agissant des partenariats, ils peuvent parfaitement être rattachés à la politique commerciale à laquelle les gérants non salariés doivent collaborer, sous réserve qu’ils ne se voient effectivement pas imposer de vendre contre leur gré des produits et/ou des services de ces entreprises partenaires alors que leur contrat de gérance non salarié n’a pour objet de leur conférer un statut de déposant et de mandataire de vente que des produits de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Les consorts [R]/[K] n’établissent pas qu’ils ont pu, contre leur gré, se voir en particulier imposer d’assurer le service de réception/livraison de colis de l’entreprise C DISCOUNT.

Enfin, tant le référentiel des managers commerciaux produits aux débats que la fiche d’évaluation annuelle des gérants non salariés font référence pour l’essentiel soit à des missions de conseils et d’assistance, soit à des occurrences très générales non susceptibles de caractériser un lien de subordination, si ce n’est, effectivement, des points plus précis sur le contrôle du respect de la politique commerciale (« réaliser des prises de commandes promotionnelles basées sur des objectifs chiffrées, réaliser des prises de commandes hebdomadaires pour les lots managers, implanter les nouveaux produits, respect des assortiments préconisés et présence en rayons »), qui ne sont susceptibles de caractériser des consignes dans le cadre d’un véritable lien de subordination, non pas in abstracto, mais uniquement ainsi qu’il a été vu supra, que si le mandant en vient par des pratiques abusives à s’immiscer dans la gestion quotidienne de ses mandants.

Aucune pièce produite par les consorts [R]/[K] ne met en évidence dans les faits un tel dévoiement à leur détriment de leur participation légitime à la politique commerciale de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

D’une sixième part, la pièce n°39 des consorts [R]/[K] ne caractérise pas l’imposition qui leur aurait été faite par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de leurs congés puisqu’il est évoqué trois choix possibles et le fait que ces dates sont données à titre indicatif.

D’une septième part, les pièces n°21 et 22 des consorts [R]/[K] sont illisibles et de ce fait inexploitables. Leur pièce n°40 correspondant à une série de codes de logiciels de gestion ne constitue pas la preuve suffisante que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE contrôle à distance les commandes et les ventes réalisées en magasin via les logiciels GOLD et VISUAL LEADER alors que l’appelante produit aux débats des constats d’huissier mettant en évidence que l’accès au logiciel GOLD par les gérants est protégé par un mot de passe qu’ils créent eux-mêmes, que Monsieur [D], ingénieur maîtrise d’ouvrage pour la branche proximité de CASINO atteste que « la prise en main à distance par le service SVP ne permet de s’immiscer dans la gestion d’un magasin car une caisse n’a pas les logiciels et programmes nécessaires à la gestion d’un magasin (notamment l’outil GOLD). En prenant la main sur une caisse le service SVP ne peut pas s’immiscer dans la gestion d’un gérant » et que Monsieur [U], directeur maîtrise d’ouvrage informatique décrit le fonctionnement de ce système d’un point de vu technique sans révéler de contrôle systématique opéré par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, étant relevé qu’aucune contestation précise de nature technique n’est élevée par les intimés.

D’une huitième part, si les gérants doivent accomplir leur mandat en se conformant sous leur responsabilité aux lois, réglementations et règlements de ville et de police applicables au commerce de proximité dont la gestion autonome leur a été confiée et que les documents de « bonnes pratiques » en matière d’hygiène et de sécurité produits aux débats constituent certes des règles précises, elles peuvent cependant parfaitement être rattachées à la mission de support/assistance à laquelle la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s’est engagée, sauf à établir une immixtion précise de cette dernière dans la gestion des co-gérants ; ce qui ne ressort d’aucun élément produit.

D’une neuvième part, les consorts [R]/[K] ne justifient pas que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ait pu s’immiscer tant dans leur décision de recruter ou non du personnel que dans un quelconque processus de recrutement, le seul fait allégué qu’ils ne tirent pas de leur activité de cogérance des revenus suffisants pour assurer le recrutement de personnel n’étant pas de nature à en déduire l’existence d’un lien de subordination de nature, non économique, mais essentiellement juridique, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D’une dixième part, l’obligation alléguée de se fournir en toners d’encre et ramettes de papier destinés à l’imprimante du magasin auprès de l’économat de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne s’analyse pas comme une contrainte exclusive de toute liberté de gestion mais s’inscrit dans le cadre de l’obligation faite à la mandante de fournir un magasin prêt à la vente, avec une obligation notamment de maintenance, étant noté que des indemnités sont versées par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE d’après le contrat de co-gérance non salariée pour faire face aux frais d’équipement et d’entretien du magasin de sorte que l’alourdissement allégué des charges d’exploitation n’est pas établi.

D’une onzième part, la conclusion d’un seul mandat de co-gérance n’est pas contraire au statut de gérants non salariés dès lors que sous réserve du respect par le mandant des dispositions du code du travail applicables aux gérants non salariés, cette modalité est prévue par l’accord du 18 juillet 1963 et que les contrats individuels visés par la loi et l’accord collectif règlent la situation spécifique de chaque gérance de succursale, qui peut être assumée le cas échéant par plusieurs co-gérants.

D’une douzième part, le seul fait que, pour l’essentiel de la période de gérance, les consorts [R]/[K] n’aient pas perçu la rémunération proportionnelle au montant des ventes mais l’indemnité minimale conventionnelle ne caractérise pas un lien de subordination, qui est de nature avant tout juridique, étant relevé que les consorts [R]/[K] n’établissent pas de manière suffisante notamment par une étude des facteurs de commercialité et de la zone de chalandise que le magasin confié en gérance n’était pas viable économiquement dans des conditions telles qu’ils se trouvaient dans une dépendance économique totale à l’égard de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] de leur demande de requalification de leur contrat de co-gérance non salariée en contrat de travail de droit commun ainsi que de leurs prétentions indemnitaires pour violation du statut légal et conventionnel de gérants non salariés.

Ils sont également déboutés de leur demande tendant à voir condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à leur remettre des documents de rupture conformes à leur statut salarié.

Sur les prétentions au titre des rappels de rémunérations sur heures supplémentaires :

Il résulte de l’article L. 7322-1 du code du travail que les dispositions de ce code bénéficiant aux salariés s’appliquent, en principe, aux gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire. Selon ce même texte, l’entreprise propriétaire de la succursale est responsable au profit des gérants non salariés des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et congés payés et à la sécurité du travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ont été fixées par elles et soumises à son accord. Il en résulte que, lorsque les conditions d’application en sont réunies, les gérants non salariés peuvent revendiquer le paiement d’heures supplémentaires et l’application des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail.

En l’espèce, si la société Casino n’a pas imposé unilatéralement des horaires de travail précis à chacun des co-gérants, de sorte que le lien de subordination juridique caractérisant l’existence d’un contrat de travail n’était pas établi, ses demandes adressées aux gérants non salariés, concernant les horaires d’ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux habitudes de la clientèle et aux coutumes locales ainsi que la diffusion par ses soins des horaires d’ouverture du commerce sur le site internet, permettent, pour autant, de caractériser une vérification du respect de l’amplitude horaire dans le cadre du service organisé de succursales qu’elle dirige, de sorte qu’il apparaît que le respect de l’amplitude horaire était soumis à son accord.

Il s’ensuit que les conditions d’application de l’article L. 7322-1 du code du travail sont réunies et que les dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail s’appliquent.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ou assimilé en l’occurrence.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié ou la personne assimilée à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ces dispositions doivent être interprétées de manière conforme à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil et à la directive 89/391 CE tel que interprétées par la CJCE dans un arrêt du 14 mai 2019 (CJCE 14 mai 2019 C 55-18) qui a indiqué que « les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en ‘uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui, selon l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n’impose pas aux employeurs l’obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. »

En conséquence, le juge doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ou la personne assimilée et que l’employeur ou la personne assimilée est tenu de lui fournir.

Le salarié ou la personne assimilée doit pour autant fournir au préalable au juge des éléments de nature à étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires et ce sur l’ensemble de la période concernée, étant précisé qu’un récapitulatif d’horaires dressé par le salarié ou la personne assimilée est jugé suffisant.

L’employeur ou la personne assimilée peut ensuite contredire les éléments avancés par le salarié ou la personne assimilée et en particulier en justifiant des horaires effectivement réalisés par ce dernier dont il doit assurer le décompte et/ou justifier.

Une fois constatée l’existence d’heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l’importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire (rémunération) qui en résulte sans qu’il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

En l’espèce, les consorts [R]/[K] se sont prévalus d’un décompte précis de leur temps de travail correspondant pour chacun aux horaires d’ouverture et de fermeture de la succursale, outre à différentes tâches listées de manière précise devant être effectuées en dehors de ces plages horaires et dont ils ont fourni une quantification relative à leur durée d’exécution.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne fournit aucun élément utile, si ce n’est des attestations très générales dans leur contenu de co-gérants de succursales différentes et donc avec des contraintes nécessairement distinctes, permettant de déterminer de manière précise le temps de travail effectif de chacun des co-gérants non salariés, étant précisé que, si elle ne doit effectivement pas imposer des horaires précis à chacun d’eux, il lui était parfaitement loisible d’apporter, dans le contrat de co-gérance, des précisions quant à l’amplitude horaire des co-gérants, au respect du repos journalier et hebdomadaire et à une éventuelle activité partielle de l’un et/ou l’autre dès lors qu’il a été vu précédemment qu’elle soumettait à son accord les horaires d’ouverture et de fermeture du magasin par la référence aux coutumes locales et dont elle s’assurait de la vérification.

Il s’ensuit que, réformant le jugement dont appel qui a fait application du minimum conventionnel pour chacun des co-gérants alors que l’indemnité conventionnelle minimale en cas de co-gérance est versée à la co-gérance dans sa totalité et non garantie à chacun des co-gérants mais que ceux-ci doivent à minima pouvoir bénéficier du SMIC à titre individuel ainsi que rappelé par les consorts [R]/[K] dans leurs conclusions (page 35 § 2), il y a lieu de calculer individuellement les heures supplémentaires au regard du SMIC, et de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à :

– à Monsieur [R] la somme de 26031,81 euros bruts à titre de rappel de rémunérations au titre des heures supplémentaires de 2012 à 2014, outre 2603,18 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice (date de saisine du conseil de prud’hommes au 11 juin 2014)

– à Madame [K] la somme de 28505,61 euros bruts à titre de rappel de rémunérations au titre des heures supplémentaires de 2012 à 2014, outre 2850,56 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice (date de saisine du conseil de prud’hommes au 11 juin 2014)

Le surplus des prétentions de ce chef est rejeté.

Sur la rupture du contrat de co-gérants non salariés à l’initiative de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE :

Si le gérant non salarié d’une succursale peut-être rendu contractuellement responsable de l’existence d’un déficit d’inventaire en fin de contrat et tenu d’en rembourser le montant, il doit, aux termes de l’article L. 7322-1 du code du travail, bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale. Il en résulte qu’il ne peut être privé, dès l’origine, par une clause du contrat, du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles et que constitue un licenciement toute rupture du contrat de gérance à l’initiative de l’entreprise propriétaire de la succursale.

Plus particulièrement, les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail s’appliquent à la rupture du contrat de gérance non salariée et notamment les articles L 1231-1 et suivants et L 1232-1 et suivants du code du travail, notamment celles relatives au licenciement de nature disciplinaire.

En l’espèce, dans son courrier du 14 février 2014, la société CASINO DISTRIBUTION FRANCE a motivé la résiliation sans préavis ni indemnité du contrat de co-gérance non salariée de Monsieur [R] et de Madame [K], par référence aux articles 3 et 15 du contrat, en leur reprochant un déficit de gestion qualifié d’important ressortant de l’inventaire du 12 novembre 2013 avec un fine un solde débiteur du compte de dépôt de 30200,78 euros et pour lequel ils n’ont fourni aucune explication plausible.

Les consorts [R]/[K] contestent que le déficit de gestion puisse leur être imputable.

Or, indépendamment des règles régissant le contrat de dépôt et le mandat ayant existé entre les parties et susceptibles de donner lieu selon des règles de preuve qui lui sont propres à une action en paiement par le mandant à l’égard des co-mandataires du déficit de gestion devant la juridiction commerciale, force est de constater que, dans le cadre du présent litige, les pièces produites par l’une et l’autre des parties ne permettent pas de déterminer avec certitude la ou les causes de ce déficit de gestion suite à inventaire et son imputabilité, au-delà de tout doute, aux co-gérants non salariés.

Il est certes produit en pièce n°13 par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE l’attestation d’inventaire signée des deux parties mais sans la bande qui devrait être jointe, récapitulant dans l’ordre chronologique, les marchandises et emballages inventoriés.

Si des mentions dactylographiées dans ce document signé des co-gérants non salariés précisent que ceux-ci certifient que l’inventaire a été effectué contradictoirement, en leur présence et sous leur contrôle, qu’ils n’ont décelé aucune anomalie dans les opérations d’inventaire et que les marchandises répertoriées sur la bande supposée annexée mais non produite constituent le stock existant dans la superette, il n’y aucune mention de reconnaissance par eux que le déficit de gestion observé par rapport à un stock de 77249,2 euros et des emballages de 285,69 euros en comparaison au précédent inventaire puisse résulter d’une faute de leur part, alors qu’ils avancent d’autres explications possibles à ce déficit et fournissent des éléments sérieux relatifs à des modifications intempestives de prix par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, faussant le stock et que des difficultés à ce titre ont été à plusieurs reprises évoquées lors des réunions des représentants du comité des gérants non salariés.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé abusive la rupture du contrat de co-gérance non salariée, assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions financières au titre de la rupture abusive du contrat de cogérance non salariée :

La rupture abusive du contrat de co-gérance assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse a généré, pour les co-gérants non salariés, un préjudice en tenant compte à la fois de la durée de la cogérance du 30 juillet 2012 au 12 mars 2014 et des revenus qu’ils en tiraient, étant relevé que les consorts [R]/[K] ne justifient toutefois par de leur situation ultérieure au regard de l’emploi.

Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de leur préjudice en leur allouant à chacun des dommages et intérêts à hauteur de 10000 euros, de sorte que le jugement dont appel est confirmé sur ce point et les consorts [R]/[K] déboutés du surplus de leurs prétentions élevées dans le cadre de leur appel incident.

Sur les demandes accessoires :

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure allouée en première instance à chacun des demandeurs à l’instance et de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à leur payer à chacun une indemnité complémentaire de 1000 euros en cause d’appel.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

– ordonné la jonction des deux instances sous le seul n° RG 14/00736

– dit que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer les sommes suivantes :

Pour Monsieur [N] [R] :

-10000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat

-1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

dit que les sommes porteront intérêts à la date du présent jugement

Pour Madame [V] [K] :

-10000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat

-1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

dit que les sommes porteront intérêts à la date du présent jugement

– débouté la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de ses demandes reconventionnelles

– condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au dépens

L’INFIRME pour le surplus,

statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] de leur demande de requalification de leur contrat de co-gérance non salariée en contrat de travail de droit commun ainsi que de leurs prétentions indemnitaires pour violation du statut légal et conventionnel de gérants non salariés

DEBOUTE Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K] de leur demande tendant à voir condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à leur remettre des documents de rupture conformes à leur statut salarié

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à :

– Monsieur [N] [R] la somme de vingt six mille trente et un euros et quatre vingt un centimes (26031,81 euros) bruts à titre de rappel de rémunérations sur heures supplémentaires de 2012 à 2014, outre deux mille six cent trois euros et dix huit centimes (2603,18 euros) bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice (date de saisine du conseil de prud’hommes au 11 juin 2014)

– Madame [V] [K] la somme de vingt huit mille cinq cent cinq euros et soixante et un centimes (28505,61) euros bruts à titre de rappel de rémunérations sur heures supplémentaires de 2012 à 2014, outre deux mille huit cent cinquante euros et cinquante six centimes (2850,56) euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice (date de saisine du conseil de prud’hommes au 11 juin 2014)

REJETTE le surplus des prétentions au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Monsieur [N] [R] et Madame [V] [K], à chacun, une indemnité complémentaire de procédure de 1000 euros

REJETTE le surplus des prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens d’appel

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Blandine FRESSARD, Présidente et par Madame Carole COLAS, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE

 


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