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CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 octobre 2021
Cassation partielle
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 579 F-D
Pourvoi n° P 20-14.858
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2021
La société Banque Neuflize OBC, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Neuflize OBC Art, a formé le pourvoi n° P 20-14.858 contre l’arrêt rendu le 19 mars 2010 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à M. [R] [M], domicilié [Adresse 1],
pris tous deux en qualité d’héritiers de [S] [U], veuve [M],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Banque Neuflize OBC, après débats en l’audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2010), en vertu d’un contrat de dépôt
du 21 juillet 1993, [S] [M] a confié un tableau provenant de la succession de [H] [M], son époux, à la société NSM Art aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Neuflize art, Neuflize OBC Art et se trouve la société Banque Neuflize OBC (le dépositaire).
2. Le contrat stipulait qu’en cas de sinistre total, le déposant aurait droit à une indemnité correspondant à la valeur de l’objet estimée au contrat, qui ne serait pas due si la perte était imputable à la saisie de cet objet.
3. La société Alvis Logistics Limited a, le 2 octobre 1998, fait notifier une saisie conservatoire entre les mains du dépositaire et signifié, les 27 juin 2002 et 16 juillet 2002, des procès-verbaux de conversion de saisie avec commandement et de vérification avec injonction. Le tableau a été remis le 16 janvier 2003 en vue de sa vente réalisée le 9 février 2004. Par lettre du 22 décembre 2005, le dépositaire a informé le conseil de [S] [M] de cette remise.
4. Soutenant ne pas avoir été informée de l’existence d’une saisie conservatoire et de la remise du tableau avant cette date, [S] [M] a assigné le dépositaire en responsabilité et en paiement de dommages-intérêts. A l’issue de son décès survenu le 3 février 2010, ses héritiers, Mme [D] [M] et M. [R] [M], ont repris l’instance.
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Enoncé du moyen
5. Le dépositaire fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à [S] [M], aux droits de laquelle viennent Mme [D] [M] et M. [R] [M], les sommes de 152 499,02 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2006, et avec capitalisation des intérêts, et de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors « que, pour engager la responsabilité de son cocontractant, le demandeur doit démontrer l’existence d’un lien de causalité direct entre la faute reprochée et le préjudice allégué, en établissant que ce préjudice ne se serait pas produit sans cette faute ; qu’en retenant que la perte irrémédiable du tableau objet du dépôt résultait directement du défaut d’information imputable au dépositaire quant à l’existence d’une procédure de saisie sur ce bien, en ce qu’il avait fait échec à toute possibilité pour le déposant de faire obstacle à la procédure de vente et d’exercer une éventuelle action en revendication contre l’acquéreur, sans constater que ces procédures auraient abouti, ce qui était contesté, la cour d’appel, qui n’a pas fait ressortir que le dommage ne se serait pas produit sans la faute du dépositaire, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Il résulte de ce texte qu’ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute retenue.
7. Pour condamner le dépositaire au paiement de dommages-intérêts correspondant à la valeur estimée du tableau dans le contrat, l’arrêt retient qu’en omettant d’informer [S] [M] de l’action de la société Alvis Logistics Limited, le dépositaire ne lui a pas permis d’exercer ses droits et a fait échec à toute possibilité de faire obstacle à la procédure de vente puis d’exercer une éventuelle action en revendication entre les mains de l’acquéreur, qu’il en est résultée une perte définitive et irrémédiable du tableau et que cette perte découle de la faute commise par le dépositaire.
8. En se déterminant ainsi, sans constater que, si le dépositaire n’avait pas commis de faute, il était certain que [S] [M] aurait pu faire échec à la procédure engagée par la société Alvis Logistics Limited et conserver le tableau, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Neuflize OBC Art à payer à [S] [M] la somme de 152 499,02 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2006, et ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 13 janvier 2010, l’arrêt rendu le 19 mars 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne Mme [D] [M] et M. [R] [M] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt et un.