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COMM.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 février 2020
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° X 18-19.044
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2020
La société ITC- SRL ayant pour enseigne […] , dont le siège est […] (Italie), a formé le pourvoi n° X 18-19.044 contre l’arrêt rendu le 9 mai 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. D… I…, domicilié […] , pris en qualité de gérant de la société Victoire Saint-Honoré,
2°/ à la société Victoire Saint-Honoré, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
3°/ à la société S…-L…, société civile professionnelle, dont le siège est […] , prise en la personne de M. P… S… en qualité de mandataire judiciaire de la société Victoire Saint-Honoré,
4°/ à M. G… F…, domicilié […] , pris en qualité de commissaire à l’exécution du plan du redressement de la société Victoire Saint-Honoré,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société ITC-SRL ayant pour enseigne […] , de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. I…, de la société Victoire Saint-Honoré, de M. S…, ès qualités, et de M. F…, ès qualités, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que la société de droit italien ITC SpA fabriquait les articles de prêt-à-porter de la marque « […] » et les commercialisait notamment par l’intermédiaire de la société de droit français Victoire Saint Honoré (la société VSH France) ; que des commandes de marchandises sur les collections automne/hiver 2008, printemps 2009 et automne/hiver 2009 étant demeurées impayées et la société ITC SpA ayant décidé de suspendre toute livraison dans l’attente d’un engagement irrévocable de règlement des sommes dues, M. I…, agissant en sa qualité de gérant tant de la société VSH France que d’une société de droit espagnol […] (la société VSH Espagne), la société ITC SpA et la société […] ont conclu le 30 mars 2010 un protocole transactionnel aux termes duquel, notamment, les sociétés VSH reconnaissaient devoir la somme totale de 687 689 euros correspondant à des factures visées en annexe 3 de l’acte ; qu’en juillet 2010 la société VSH France a encore commandé des marchandises, livrées pour certaines dans sa boutique à Paris et pour les autres dans celle de Marbella ; qu’en septembre 2010, invoquant le retour de lettres de change impayées, la société ITC SpA a cessé toute livraison ; que par un acte notarié du 11 mars 2011 organisant la reprise du Groupe […] par la société emirati Paris Group (le contrat de cession), la société ITC Srl (la société ITC) est venue aux droits de la société ITC SpA ; que celle-ci a assigné la société VSH France et M. I…, en qualité de dirigeant des sociétés VSH, en paiement de certaines sommes dues au titre tant du protocole transactionnel que des marchandises commandées et livrées postérieurement à la signature de cet acte, puis a mis en cause MM. F… et S…, en leurs qualités respectives d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société VSH France, entre-temps mise en redressement judiciaire ; que M. F… a ensuite été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession de la société VSH France ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société ITC fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir en sa demande en paiement de la somme de 687 689 euros au titre de la créance dite protocolaire, de ne fixer sa créance au passif de la société VSH France qu’à hauteur de 393 904, 04 euros et de n’ordonner la réalisation du nantissement qu’à hauteur de cette somme alors, selon le moyen :
1°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressortait de la liste des pièces versées aux débats par la société ITC Srl figurant en page 27 de ses conclusions d’appel en réponse que l’exposante avait non seulement produit (pièce n° 3) les factures ITC pour le magasin parisien de la société Victoire Saint Honoré pour un montant total de 981 358,60 euros, dont notamment les factures numérotées 3.i à 3.xxx du 25 mars 2009 au 26 mars 2010, qui étaient donc postérieures au 24 février 2009, date du jugement prononçant la mise sous administration judiciaire de la société ITC SpA, mais aussi (pièce n°6) les factures ITC pour les marchandises livrées à la boutique de Marbella de la société Victoire Saint Honoré comprenant, en particulier, les factures 13.a.i à 13.a.xxv du 31 mars 2009 au 30 septembre 2009, détaillées dans un tableau récapitulatif constituant la pièce n° 13 ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir la demande en paiement de la société ITC Srl de la créance visée par le protocole transactionnel, conclu le 30 mars 2010 entre la société Victoire Saint onoré et la société ITC, qui avait été ramenée à la somme de 687 689 euros, que la société ITC Srl ne communiquait pas les factures correspondant à la créance dite protocolaire, la cour d’appel a dénaturé la liste des pièces versées aux débats faisant partie intégrante des conclusions d’appel en réponse de l’exposante et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que, en tout état de cause, lorsqu’il ne trouve pas au dossier une pièce invoquée dans les conclusions d’une partie et figurant dans la liste des pièces faisant partie intégrante de ses conclusions, et dont la communication n’a pas été contestée, le juge doit, en application de l’article 16 du code de procédure civile, inviter les parties à s’expliquer sur cette absence ; qu’en se fondant sur l’absence prétendue de communication par la société ITC Srl des factures correspondant à la créance visée par le protocole transactionnel du 30 mars 2010 qui avaient été invoquées par l’exposante dans ses conclusions d’appel en réponse (notamment p.3) et qui figuraient dans la liste des pièces (n°s 3 et 6) versées aux débats faisant partie intégrante de ces conclusions, sans inviter les parties à s’expliquer sur l’absence au dossier de ces pièces dont la communication n’était pas contestée par la partie adverse qui avait seulement dénoncé dans ses conclusions d’appel récapitulatives n° 2 (p. 9, dernier al.) l’absence de communication, par l’exposante, de la liste des créances comprises dans la cession du 11 mars 2011 et de l’annexe III du protocole du 30 mars 2010, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt retient que, l’acte de cession ne comportant aucune liste des créances cédées, il incombe à la cour d’appel de rechercher lesquelles des créances postérieures au 24 février 2009, date du jugement plaçant sous administration judiciaire la société ITC Spa, ont été cédées à la société ITC à l’occasion du contrat de cession ; qu’il relève ensuite que, selon le protocole transactionnel, la société VSH reconnaît devoir la somme de 687 689 euros correspondant à des factures visées dans une annexe 3, que la société VSH n’a pas communiquée ; qu’il retient encore que la société ITC ne contredit pas les affirmations de la société VSH selon lesquelles les collections d’une année étant commandées l’année précédente, les collections automne/hiver 2008, printemps 2009 et automne/hiver 2009 ont nécessairement été commandées en 2007 et 2008, soit antérieurement au 24 février 2009 ; qu’il constate que la société ITC ne communique ni les bons de commandes, ni les bons de livraison, ni les conditions générales de vente permettant de connaître la date convenue de paiement, ni les factures correspondant à la créance dite protocolaire ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a pas dit qu’aucune facture n’était communiquée ni que des pièces visées dans la liste mentionnée dans les conclusions ne lui avaient pas été produites, a pu en déduire que les justificatifs correspondant à la créance dite protocolaire n’avaient pas été communiqués ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société ITC fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement des intérêts sur les sommes dues par la société VSH France à compter de la date de la première assignation en référé du 3 janvier 2012 alors, selon le moyen, que les intérêts sur les sommes dues par le débiteur à l’encontre duquel a été ouverte une procédure de redressement judiciaire courent à compter du jour où celui-ci est redevenu in bonis ; qu’en l’espèce, la société Victoire Saint Honoré, qui avait été placée en redressement judiciaire, est redevenue in bonis à la suite du jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 mai 2014 ayant autorisé la vente de son fonds de commerce, la cession de ce fonds étant intervenue le 24 mai 2014 (arrêt p.3, al.11) ; que ce jugement a eu pour effet de faire courir à nouveau les intérêts des sommes dues à la société ITC Srl ; qu’en retenant, pour débouter la société ITC Srl de sa demande en paiement au titre des intérêts, que seule la clôture de la procédure de redressement judiciaire fait courir les intérêts dus par le débiteur redevenu in bonis, la cour d’appel a violé les articles L 441-6, L 642-1 et L 642-5 du code de commerce ;