Contrat de dépôt : 4 juin 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/06974

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Contrat de dépôt : 4 juin 2020 Cour d’appel de Douai RG n° 18/06974
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/06/2020

****

N° de MINUTE :20/

N° RG 18/06974 – N° Portalis DBVT-V-B7C-SBKJ

Et RG 19/00435 (ordonnance rendue le 26 septembre 2019)

Jugement (N° 2017017672) rendu le 22 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE (intimée au dossier RG 19/00435 – jonction)

SAS Maintenance des Hauts de France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Thomas Buffin, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS (appelants au dossier RG 19/00435 – jonction)

M [V] [N]

de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

Mme [Z] [N]

de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

M. [W] [N]

de nationalité française

demeurant [Adresse 6]

Mme [H] [N] épouse [L]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

M. [D] [B]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Marc Messager, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs (appel du rôle) et Audrey Cerisier

DÉBATS à l’audience publique du 27 février 2020 après rapport oral de l’affaire par Agnès Fallenot

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juin 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 9 avril 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Audrey Cerisier, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 février 2020

****

FAITS ET PROCEDURE

Au terme d’un protocole de cession sous conditions suspensives du 30 mars 2016, réitéré le 10 mai 2016, M. [I] [U], auquel s’est substitué la société MHF, s’est porté acquéreur de l’intégralité du capital social de la société Holding Maintenance Tuyauteries Industrielles (HMTI) composé de 1 840 actions, ainsi que de sa filiale Sotravi Mercier, appartenant initialement à M. [V] [N] et M. [D] [B], M. [V] [N] ayant fait donation de la nue-propriété de certaines de ses parts à ses enfants, Mme [Z] [N], M. [W] [N] et

Mme [H] [N], avant la réitération de l’acte.

Le prix de base a été versé au jour de la réalisation de la cession pour la somme de 3 099 995,20 euros.

Il était prévu trois compléments de prix :

– un complément de prix n°1, qui a été versé le même jour pour la somme de

258 688,19 euros, relatif à la réalisation d’une opération Monsim, société civile immobilière que la société HMTI et sa filiale détenaient à 100%, entre la date de signature du protocole et la date de réitération de la cession ;

– un complément de prix n°2, en fonction d’un seuil de trésorerie de 1 700 000 euros à atteindre au 31 juillet 2016, plafonné à un montant maximal de trois cent mille euros ;

– un complément de prix n°3, calculé le cas échéant en fonction de l’EBE d’une filiale de la société cédée en fonction des comptes de cette filiale arrêtés au 31 décembre 2017.

Par courrier recommandé du 23 novembre 2016, les consorts [N]-[B] ont mis en demeure la société MHF de leur régler le complément de prix n°2 pour la somme de 296 070,00 euros.

Les parties ne sont pas parvenues à s’accorder.

Les consorts [N]-[B] ont en conséquence assigné la société MHF devant le tribunal de commerce de Lille le 3 novembre 2017 en paiement de la somme de

296 070,00 euros.

Par jugement rendu le 22 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

Condamne la société MHF à payer aux consorts [N] -[B] au titre du complément de prix la somme globale de 211 608 euros, à répartir à chacun des demandeurs au prorata de sa détention des titres cédés

Condamne la société MHF à payer aux consorts [N]-[B] une somme de

2 000 euros à chacun des demandeurs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

Condamne la société MHF à payer à chacun des demandeurs la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC

Condamne la société MHF aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 155,62 euros en ce qui concerne les frais de Greffe

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Les premiers juges ont retenu que :

– concernant les 309 000 euros issus de la trésorerie des sociétés acquises et leur mouvement, que ces sommes provenant de liquidités et d’avoirs bancaires des sociétés acquises étaient, sans contestation, qualifiables comme étant de la trésorerie tant qu’elles figuraient dans les comptes de ces sociétés ; que par décision unilatérale de l’acquéreur, ces sommes étaient passées de la trésorerie des sociétés acquises dans celle de la société MHF et comptabilisées sous l’écriture avance groupe ; que la société MHF avait fait l’aveu de l’existence d’une convention de trésorerie au sein du groupe et d’une rémunération des comptes courants internes ; que ces sommes étaient assimilables à des placements de trésorerie ; que les 309 000 euros devaient donc être inclus dans le calcul de la trésorerie ;

– concernant la prise en compte des intérêts issus du compte à terme, que le contrat de dépôt à terme Tutti Frutti avait été souscrit pour 180 000 euros par la société MHF le

7 février 2009 auprès de la Banque Populaire du Nord et était arrivé à échéance le

7 février 2017 ; que ce contrat précisait : ‘la rémunération à l’issue de chaque année sera définitivement acquise et versée à l’échéance du contrat’ ; que l’échéance était postérieure à la date prévue pour l’évaluation de la trésorerie ; que l’intérêt à venir devait donc être exclu de la base de calcul pour le complément de prix n°2 ;

– concernant la correction du retraitement indu de la trésorerie, que dans un courrier du 23 mai 2016, les consorts [N]- [B] retenaient un calcul de trésorerie corrigée tenant compte de ces 74 105 euros déduits et ne les remettaient pas alors en question ; qu’ils n’apportaient donc pas la preuve du bien-fondé de leur réclamation de ce chef.

Les premiers juges ont conclu que la trésorerie devait être chiffrée à la somme de 1 911 608,00 euros au 31 juillet 2016, justifiant la condamnation de la société MHF à payer un complément de prix n°2 de 211 608,00 euros, à répartir entre chacun des demandeurs au prorata de la détention des titres cédés ; que la résistance abusive de la société MHF justifiait également sa condamnation à payer une somme arbitrée à

2 000,00 euros à chacun des demandeurs à titre de dommages et intérêts.

Par déclaration du 21 décembre 2018, la société Maintenance des Hauts de France a relevé appel de cette décision en ce qu’elle : ‘Condamne la société MHF à payer aux consorts [N]-[B] au titre du complément de prix la somme globale de 211.608 euros, à répartir à chacun des demandeurs au prorata de sa détention des titres cédés, Condamne la société MHF à payer aux consorts [N]-[B] une somme de 2.000 euros chacun des demandeurs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, Condamne la société MHF à payer à chacun des demandeurs la somme de

1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, Condamne la société MHF aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 155.62 euros en ce qui concerne les frais de Greffe.’

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 2 janvier 2020, la société MHF demande à la cour de :

‘Vu les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016,

Vu les dispositions de l’article 1192 du Code civil et la jurisprudence constante de la Cour de cassation,

Vu les jurisprudences,

Vu les pièces versées au débat,

Il est demandé à la Cour :

– Réformer le jugement du 22 novembre 2018 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

– Débouter Monsieur [V] [N], Madame [H] [L], née [N], Monsieur [W] [N], Mademoiselle [Z] [N] et Monsieur [D] [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamner in solidum, Monsieur [V] [N], Madame [H] [L], née [N], Monsieur [W] [N], Mademoiselle [Z] [N] et Monsieur [D] [B], à payer la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner in solidum Monsieur [V] [N], Madame [H] [L], née [N], Monsieur [W] [N], Mademoiselle [Z] [N] et Monsieur [D] [B], aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d’appel.’

La société MHF plaide que pour apprécier la trésorerie au 31 juillet 2016, il faut prendre en compte uniquement la trésorerie des sociétés Sotravi et HMTI, ainsi que les montants des sommes distribuées. Elle revient sur la genèse des actes ayant abouti à la cession pour conclure qu’il avait été prévu dès le départ une remontée de trésorerie permettant le financement de l’opération. Les parties ont expressément convenu ‘que toutes les sommes distribuées par la Société ou la Filiale au profit de l’Acquéreur à titre exceptionnel à la Date de Réalisation et/ou postérieurement afin de permettre le financement de la Cession seront ajoutées à la Trésorerie à la date du 31 juillet 2016, comme si ces sommes n’avaient pas été distribuées.’ Selon les termes de cette clause, que le juge ne peut dénaturer, les parties ont convenu de prendre en compte uniquement les remontées de dividendes, légalement définies à l’article L. 232-11 du Code de commerce. La somme de 309 000,00 euros, qui n’est ni un placement, ni un compte bancaire mais une créance de compte courant, ne constitue pas une somme distribuée au titre du complément de prix n°2. En l’incluant dans le calcul de la trésorerie, le tribunal a modifié la clause contractuelle claire conclue entre les parties de la définition de la trésorerie.

Concernant la prise en compte des intérêts issus du compte à terme, elle fait valoir qu’un contrat de dépôt à terme « Tutti Frutti » a été souscrit pour 180 000,00 euros par HMTI le 7 février 2009 auprès de la Banque Populaire du Nord et est arrivé à échéance le

7 février 2017. L’intérêt à venir n’est constitutif ni d’un placement, ni d’un solde de compte bancaire. Le montant des intérêts du compte Tutti Frutti doit donc être exclu de la base de calcul pour le complément de prix n°2. A titre subsidiaire, la société MHF fait observer que le montant versé au titre du contrat, à son échéance le 7 février 2017, soit sept mois après la date du 31 juillet 2016, était de 76 500,00 euros. Le taux d’intérêt étant de 7 %, le montant qui pourrait être retenu au 31 juillet s’élève à 63 166,00 euros. En tout état de cause, même si la somme de 73 166,00 euros, ou même 76 500,00 euros, était intégrée au compte, le seuil de trésorerie de 1 700 000,00 euros n’aurait pas été atteint et le complément de prix n° 2 n’était pas dû.

En réponse aux critiques adverses, la société MHF plaide que l’opération par laquelle le prix de vente est payé totalement ou en partie par une remontée de trésorerie excédentaire et inutile pour la société, est fréquente et licite.

Elle dénie toute résistance abusive de sa part aux demandes en paiement formées à son encontre par les consorts [N]-[B].

Par conclusions régularisées par le RPVA le 17 octobre 2019, les consorts [N]- [B] demandent à la cour de :

‘1°) Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole en ce qu’il

a :

-d’une part intégré la somme de 309.000 euros placée chez MHF dans le calcul de la trésorerie de référence pour le calcul de complément de prix n°2 ;

-d’autre part fait droit à la demande de dommages et intérêts et d’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de chacun des défendeurs, sauf à porter celui-ci à 2000 euros

2°) Débouter la SAS MHF de ses appels principal et incident, et de toutes ses demandes fins et conclusions

3°) Pour le reste, faisant droit aux appels principal et incident, réformer le jugement et dire que seront également inclus dans le calcul de la trésorerie de référence

-d’une part la somme de 69.435 euros au titre des intérêts acquis sur le dépôt à terme BNP Tutti-frutti,

-d’autre part la somme de 74.105 euros indûment déduite par MHF dans son calcul de trésorerie;

Dit en conséquence que la trésorerie de référence s’élève à la somme totale de 2.055.148 euros et le montant théorique du complément de prix n°2 à la somme de 355.148 euros.

4°) en conséquence, et compte-tenu du plafonnement contractuel à la somme de

300.000 euros, condamner MHF au paiement du prix de cette somme à titre de complément de prix, comme convenu au prorata de la quotité de titres cédés soit à :

-[V] [N] : 193 858,70 euros

-[H] [L] [N] : 27 065,22 euros

-[Z] [N] : 33 423,91euros

-[W] [N] : 33 423,91euros

-[S] [B]: 12 228,26 euros

outre intérêts à compter du 03.11.2017, date de l’assignation.

5°) la condamner en tous frais et dépens de première instance et d’appel.’

Ils exposent qu’en matière de cession de titres sociaux, le prix résulte de l’addition de la valeur intrinsèque de l’entreprise et du montant de sa trésorerie. Ce dernier point est justement l’objet du « complément de prix n°2 », censé correspondre au montant de la trésorerie telle qu’elle existe à la date du 31 juillet 2016, au-delà d’un montant minimum, fixé par ailleurs à 1 700 000,00 euros. La trésorerie pertinente est définie à la convention comme « la somme des placements et des comptes bancaires créditeurs et débiteurs de la société et de la filiale (hors mobilisation des créances clients ».

La date d’appréciation de la trésorerie ayant été fixée à une date postérieure de plus de deux mois et demi à la date à laquelle la société MHF est devenue propriétaire de la société achetée et de sa filiale, il a été prévu au paragraphe 2 que les sommes provenant de ces dernières et versées après le 10 mai 2016 à la société MHF pour permettre le financement de la cession seraient prises en compte pour la détermination du montant de la trésorerie permettant le calcul du complément de prix n°2.

La société MHF a, durant ladite période, procédé au prélèvement des fonds disponibles en trésorerie tant chez la société HMTI que chez la filiale de celle-ci (la société Sotravi), sous la comptabilisation explicite « Avance Groupe ». Il s’agit donc d’une opération de placement intra-groupe dont le montant doit être pris en considération pour le calcul de la trésorerie pertinente définie à la convention. C’est de façon totalement inexacte et de mauvaise foi que la société MHF prétend aujourd’hui que les fonds en cause ne devraient pas être pris en compte pour le calcul du complément du prix n°2, au motif que seules devraient être réintégrées les sommes « distribuées ».

Elle prétend fonder ses prétentions sur un distinguo entre sommes «distribuées » et sommes « remontées », qui n’a aucun sens juridique. Il ne s’agit en aucun cas d’un compte courant d’associé, mais bien d’une avance de trésorerie de la société HMTI au profit de la société MHF, rémunérée, ainsi que le dirigeant de la société MHF et son conseil l’ont indiqué au tribunal qui l’a consigné, ce qui en fait bien un «placement » au sens de la définition donnée par l’acte à la notion de trésorerie.

La société MHF a ensuite réalisé une transmission universelle du patrimoine (TUP) en absorbant la société HMTI. Par ce procédé, étant à la fois débitrice de la société HMTI et absorbante de celle-ci, elle a purement et simplement fait disparaître, par le jeu de la compensation, la dette dont elle était redevable.

L’opération ainsi réalisée est contraire aux dispositions de l’article L225-216 du code de commerce, qui dispose qu’à l’exception des établissements de crédit et de l’acquisition de titres de la société par les salariés de celle-ci, une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres action par un tiers. Si la société MHF avait voulu respecter cette prohibition légale, elle avait le loisir de décider, après cession, la distribution de dividendes par la société HMTI, ce qui lui aurait procuré en toute légalité les fonds nécessaires. Mais en ce cas, les sommes ainsi reçues auraient nécessairement été ostensiblement vues comme devant être réintégrées dans la base de calcul du complément de prix n°2.

Comme telle, cette opération est nulle avec toutes conséquences de droit en application de l’article L235-1§ 2 du code de commerce. Ainsi, la société MHF ne peut prétendre faire échapper la somme de 309 000,00 euros à la trésorerie servant de base au calcul du complément de prix n°2.

La résistance abusive de la société MHF prend sa source dans la malignité du comportement de cette société, en amont de la réclamation des consorts [N]. En opérant successivement le transfert de la trésorerie de sa filiale puis une TUP avec celle-ci, la société MHF a sciemment crée un mécanisme fondant aujourd’hui l’argumentation spécieuse construite au sujet de la réintégration des 309 000,00 euros dans l’assiette de calcul du complément de prix n°2.

Par ailleurs, une partie de la trésorerie considérée avait fait l’objet de placements rémunérés par intérêts capitalisés, dans le cadre de la souscription en février 2009 d’un dépôt à terme auprès de la B.P.N. désigné sous la dénomination « Tutti-Frutti Fidelis 8 ans » et courant jusqu’en février 2017. Les conditions générales régissant ce contrat en font apparaître les caractéristiques suivantes :

-versement unique,(art.2)

-durée de 8 ans, (art.3)

-rémunération dont le taux progresse tous les ans par paliers réguliers. (art.4)

Il est légitime et conforme au contrat de placement de comptabiliser dans la trésorerie de référence pour le calcul du complément de prix n°2 non seulement le montant principal souscrit, mais encore les intérêts définitivement acquis à chaque année échue avant la date de cession de la société, quand bien même leur paiement n’est intervenu que postérieurement, soit la somme de 69 435,00 euros.

Enfin, du montant de la trésorerie existante au 31 juillet 2016, la société MHF a cru pouvoir déduire sans explication ni justification une somme de 74 105 euros pour des motifs non prévus au protocole. Cette déduction infondée doit être corrigée par réintégration de cette somme à la trésorerie de référence. La société MHF s’est abstenue de contester ce point.

En conséquence, le montant de la trésorerie s’établit à la somme de 2 055 148,00 euros. Le seuil de la trésorerie est fixé dans l’acte de cession à la somme de 1 700 000,00 euros soit un complément théorique de 355 148,00 euros. Toutefois, le complément de prix n°2 a été contractuellement plafonné à la somme de 300 000,00 euros. C’est donc ce montant global de 300 000,00 euros que la société MHF sera condamnée à régler aux consorts [N], réparti au prorata de la quotité de titres cédés.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 février 2020.

SUR CE

Aucune critique n’est élevée par les parties sur le chef du jugement relatif au non-lieu à exécution provisoire qui sera donc confirmé.

I – Sur la demande en paiement au titre du complément de prix n°2

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

1) Sur l’avance-groupe de 309 000,00 euros

Le protocole de cession, en son article 1, définit les notions de seuil de trésorerie et de trésorerie :

‘Seuil de Trésorerie : Désigne un montant de Trésorerie d’un million sept cent mille euros (1.700.000 euros) dont il faudra déduire le prix perçu au tire du prix de la cession MONSIN et du montant du Remboursement du Compte Courant MONSIM.’

‘Trésorerie : Désigne la somme des placements et comptes bancaires créditeurs et débiteurs de la Société et de la Filiale (hors mobilisation de créances).’

En son article 3.3 ‘Complément de prix n°2″, il stipule :

‘En complément du Prix de Base, il est prévu un second complément de prix d’un montant correspondant au montant de la Trésorerie, telle qu’elle existera à la date du

31 juillet 2016, excédant le Seuil de Trésorerie.

Il est expressément convenu que toutes les sommes distribuées par la Société ou la Filiale au profit de l’Acquéreur à titre exceptionnel à la Date de Réalisation et/ou postérieurement afin de permettre le financement de la Cession seront ajoutées à la Trésorerie à la date du 31 juillet 2016, comme si ces sommes n’avaient pas été distribuées.

Ce complément de prix sera plafonné à un montant maximal de trois cent mille euros (300.000 euros) (le ‘Complément de Prix n°2)

(…)

Le Complément de Prix n°2 devra être payé par l’Acquéreur au Cédant et au prorata au plus tard le 15 septembre 2016.’

Cette clause a été intégralement reprise dans l’acte réitératif de cession du 10 mai 2016.

La société MHF ne saurait tirer comme conséquence du fait que les parties ont expressément prévu que ‘toutes les sommes distribuées par la Société ou la Filiale au profit de l’Acquéreur à titre exceptionnel à la Date de Réalisation et/ou postérieurement afin de permettre le financement de la Cession seront ajoutées à la Trésorerie à la date du 31 juillet 2016, comme si ces sommes n’avaient pas été distribuées’ que seules les distributions de dividendes entrant dans le cadre de l’article L232-11 du code de commerce doivent être réintégrées dans la trésorerie à prendre en compte pour le calcul du complément de prix.

En effet, la définition de la trésorerie à prendre en compte, stipulée par l’article 1 du protocole précédemment rappelé, comprend explicitement ‘la somme des placements et comptes bancaires créditeurs et débiteurs de la Société et de la Filiale (hors mobilisation de créances)’.

Or, ainsi que l’ont très justement retenu les premiers juges, la somme de 309 000,00 euros provient de liquidités et d’avoirs bancaires des sociétés acquises, que la société MHF ne nie pas avoir fait remonter à son profit par le biais d’une avance-groupe.

Si le projet négocié entre les parties évoquait initialement non pas les sommes distribuées, mais les sommes remontées pour permettre le financement de la cession, il n’en demeure pas moins que cette évolution n’est pas suffisante à démontrer que les parties aient eu la volonté d’exclure un tel mouvement du montant de la trésorerie de la société à prendre en compte pour le calcul du complément de prix n°2.

Il sera rappelé que l’acquéreur a reconnu en première instance l’existence d’une convention de trésorerie au sein du groupe et d’une rémunération des comptes courants internes.

La somme de 309 000,00 euros est donc bien assimilable à un placement au sens de l’article 1 du protocole et doit être incluse dans la trésorerie de la société HMTI au

31 juillet 2019.

2) Sur le compte à terme ‘Tutti Frutti Fidelis’

La société HMTI a souscrit le 7 février 2009 auprès de la Banque Populaire du Nord un contrat de dépôt à terme ‘Tutti Frutti Fidelis’ d’un montant de 180 000,00 euros d’une durée de 8 années.

Ce contrat stipule en son article 4 que la rémunération à l’issue de chaque année est définitivement acquise.

Le montant desdits intérêts était d’ailleurs provisionné dans les comptes annuels de la société.

En conséquence, bien que son versement n’ait été effectué qu’à l’échéance du contrat, intervenue le 7 février 2017, il n’en demeure pas moins qu’au sens de la notion de trésorerie telle que définie par l’article 1 du protocole de cession, la somme de

63 000,00 euros, représentant le montant des intérêts capitalisés au 7 février 2016 définitivement acquis au 31 juillet 2016, devait être incluse dans la trésorerie de la société HMTI.

3) Sur la correction de trésorerie de 74 105,00 euros

Les consorts [N]-[B] démontrent que la trésorerie de la société HMTI et de sa filiale s’élevait au 31 juillet 2016 à 627 110,00 euros.

La société MHF n’adonné ni explication, ni justificatif de la déduction de la somme de 74 105,00 euros qu’elle a appliquée au titre de ‘corrections’.

Si les consorts [N]-[B] ne les ont pas remises en question dans le courrier du 23 mai 2016 qu’ils ont adressé à la cessionnaire, essentiellement pour réclamer la prise en considération du montant des intérêts acquis du contrat Tutti Frutti Fidelis, il est manifeste qu’à cette date, ils ne disposaient pas de toutes les informations nécessaires à une reconstitution fidèle de la trésorerie de la société HMTI et de sa filiale. Ils n’ont d’ailleurs formé, à cette occasion, aucune réclamation sur l’avance-groupe de

309 000,00 euros. Il ne peut donc être tiré aucune conséquence de leur défaut de contestation à cette date.

Cette somme sera réintégrée à la trésorerie de référence.

4) Sur le montant du complément de prix n°2

Compte tenu de la manière dont les points en litige ont été tranchés, le montant de la trésorerie à prendre en compte pour le calcul du complément de prix n°2 est le

suivant :

– trésorerie de la société et de sa filiale au 31 juillet 2016 : 627 110,00 euros ;

– dividendes distribués : 1 400 000,00 euros ;

– avance-groupe : 309 000,00 euros ;

– intérêts capitalisés du contrat Tutti Frutti : 63 000,00 euros ;

Sous-total : 2 339 110,00 euros

A déduire :

– cession Monsim : 265 935,00 euros ;

Total : 2 133 175,00 euros.

Cette somme est supérieure de 433 175,00 euros au seuil de 1 700 000,00 euros fixé par l’acte de cession.

Le complément de prix n°2 ayant été plafonné à 300 000,00 euros, la société MHF sera condamnée à payer cette somme aux consorts [N]-[B] au prorata de la quotité des titres cédés.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

II – Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les consorts [N]-[B] ne précisent pas le fondement juridique de leur demande.

Il se plaignent de la malignité du comportement de la société MHF, en indiquant que cette dernière a tenté de dissimuler la somme de 309 000,00 euros en organisant un transfert de trésorerie dissimulé ensuite par une transmission universelle de patrimoine.

Ces doléances ne caractérisent pas une résistance procédurale abusive au sens des articles 1382 ancien du code civil (devenu l’article 1240) et 32-1 du code de procédure civile, sur le fondement desquels une partie ne peut engager sa responsabilité pour s’être défendue à une action en justice que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus.

Par ailleurs, les consorts [N]-[B] ne rapportent pas la preuve que la société MHF leur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard en paiement déjà réparé par l’intérêt moratoire, en application des dispositions de l’article 1153-1 ancien (devenu l’article 1231-6) du code civil.

Il convient donc de les débouter de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

III – Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société MHF aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société MHF à payer à chacun des consorts [N]-[B] la somme de 1 000,00 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour ne peut que constater que ces derniers n’ont formé, dans le dispositif de leurs écritures, aucune prétention au titre de leurs frais irrépétibles d’appel et qu’elle n’est donc saisie d’aucune demande de ce chef, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

La société MHF sera déboutée de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu’il a :

Condamné la société MHF à payer aux consorts [N]-[B] au titre du complément de prix la somme globale de 211 608,00 euros, à répartir à chacun des demandeurs au prorata de sa détention des titres cédés ;

Condamné la société MHF à payer aux consorts [N]-[B] une somme de

2 000,00 euros à chacun des demandeurs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Dit que la société MHF est redevable de la somme de 300 000,00 euros au titre du complément de prix n°2 prévu par le protocole de cession du 30 mars 2016 réitéré le

10 mai 2016 de l’intégralité du capital social de la société Holding Maintenance Tuyauteries Industrielles (HMTI) ;

En conséquence, condamne la société MHF à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2017, à :

– Monsieur [V] [N], la somme de 193 858,70 euros ;

– Madame [H] [N], la somme de 27 065,22 euros ;

– Madame [Z] [N], la somme de 33 423,91euros ;

– Monsieur [W] [N], la somme de 33 423,91euros ;

– Monsieur [S] [B], la somme de 12 228,26 euros ;

Déboute M. [V] [N], Mme [Z] [N], M. [W] [N],

Mme [H] [N] et M. [D] [B] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Confirme la décision entreprise pour le surplus ;

Déboute la société MHF de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société MHF aux dépens d’appel.

Le greffierLe président

Audrey CerisierLaurent Bedouet

 


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