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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2020
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/19986 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LQM
Décision déférée à la cour : jugement du 17 mai 2017 -tribunal de commerce de Paris – RG n° 2016000139
APPELANT
Monsieur [G] [V] [U] [X]
Demeurant [Adresse 5]
[Localité 12] (ROYAUME-UNI)
Né le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 9] ([Localité 9])
Représenté par Me Annelies SAM SIMENOT de l’AARPI 2BA Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0308
INTIMÉES
Madame [W] [N]
Demeurant chez Mme [C] domiciliée [Adresse 2]
[Localité 8]
Née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 10] (VIETNAM)
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ‘LC AMEUBLEMENT ET DÉCORATION’
Ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 11]
N° SIRET : 533 357 695
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Justine CAUSSAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0203
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Camille LIGNIERES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre
Mme Christine SOUDRY, Conseillère
Mme Camille LIGNIERES, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
Rappel des faits et de la procédure :
La société LC Ameublement et Décoration (dite société LCAD) , dont la gérante est Mme [W] [N], a pour objet le négoce, l’import et l’export de meubles neufs et anciens, d’objets d’art et de décoration.
L’activité de cette société s’exerçait dans une boutique située [Adresse 4], et un établissement secondaire sous l’enseigne Galerie LCA au [Adresse 3].
M.[G] [X] indique avoir acheté à la société LCAD un bureau d’époque Art Déco attribué à JM Frank, décorateur connu dans le [Localité 11] des années 30. Ce bureau n’a pas été payé entièrement et a été conservé par le vendeur pour être restauré.
Parallèlement, M. [G] [X] a acquis divers autres objets et meubles d’art, dont un canapé de Sède et une commande Art Déco qu’il a ensuite confiés en dépôt à la Galerie LCA.
M. [G] [X] reproche aujourd’hui à Mme [N], de l’avoir trompé sur l’attribution du bureau Art déco à J.M Frank , et d’avoir revendu à des tiers les meubles laissés en dépôt-vente sans lui reverser le prix de vente.
M. [G] [X] a fait délivrer en date du 15 juillet 2014 une sommation de payer par huissier de justice à la société LCAD et à sa gérante, en sollicitant également la production du « livre de police » et les factures de revente des meubles laissés en dépôt-vente.
M. [G] [X] a, par acte en date du 12 décembre 2014, assigné la société LCAD et devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de solliciter l’annulation de la vente du bureau Art Déco et le paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice.
La société LCAD été mise en liquidation judiciaire par jugement du 17 décembre 2015 du tribunal de commerce de Paris. M. [G] [X] a déclaré une créance à hauteur de 158.476,16 euros auprès du liquidateur judiciaire, la société Actif Mandataires Judiciaires.
Par exploit en date du 24 février 2016, M. [G] [X] a fait intervenir en la cause la société Actis Mandataires Judiciaires en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société LCAD.
Par jugement contradictoire rendu le 17 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
– joint les causes ;
– dit l’action recevable ;
– dit l’action en nullité prescrite ;
– débouté la société Actis Mandataires Judiciaires prise en la personne de Me [G] [A], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration de Mme [N] [W] de leur paiement par M. [X] [G] [V] [U] de la somme de 105.000 euros au liquidateur ;
– débouté la société Actis Mandataires Judiciaires prise en la personne de Me [G] [A], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration et Mme [N] [W] de leur paiement par M. [X] [G] [V] [U] de la somme de 101.000 euros au liquidateur ;
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires ;
– condamné Monsieur [X] [G] [V] [U] aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 102,30 euros dont 16,84 euros de TVA ;
Par déclaration du 30 octobre 2017, M. [G] [X] a interjeté un appel partiel de cette décision en ce qu’elle a :
– dit l’action en nullité prescrite ;
– débouté Monsieur [X] de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;
– débouté Monsieur [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Monsieur [X] aux dépens ;
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2018, M. [G] [X], appelant, demande à la cour de :
Vu notamment les dispositions du décret n°81-255 du 3 mars 1981, les articles 1109, 1110, 1116, 1176 et s. 1304 et 1382 du code civil, les articles L.121-1, L.131-1 et L.137-2 du code de la consommation, les articles L.123-22 et L.441-3 du code de commerce et les articles 313-1 et 314-1 du code pénal,
– confirmer le jugement rendu le 17 mai 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a déclaré la demande de condamnation personnelle de Madame [N] recevable et débouté Madame [N] et la société Actis Mandataires Judiciaires (prise en la personne de Me [A], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration) de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles ;
– infirmer le jugement rendu le 17 mai 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a « dit l’action en nullité prescrite », débouté Monsieur [X] de ses « demandes autres, plus amples ou contraires », débouté Monsieur [X] de sa demande « au titre de l’article 700 du code de procédure civile » et a condamné Monsieur [X] aux dépens ;
Statuant à nouveau,
– débouter la société Actis Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [A], ès qualité de mandataire judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration et Madame [W] [N] de leurs appels incidents et l’ensemble de leurs fins de non-recevoir, prétentions et demandes reconventionnelle ;
– déclarer l’action et les demandes de Monsieur [X] recevables ;
– constater que la société LC Ameublement et Décoration et sa gérante Madame [W] [N] ont commis des fautes graves et intentionnelles d’une part, en vendant sciemment en 2010 à Monsieur [X] un bureau dont il était établi que l’authenticité ne pouvait pas être garantie et d’autre part, en s’abstenant d’informer Monsieur [X] de la revente d’un canapé de Sède et d’une commode Art Déco confiés en dépôt-vente et en s’abstenant de lui reverser les prix de revente ;
A titre principal,
– annuler en conséquence la vente dudit bureau pour erreur sur les qualités substantielles de l’objet vendu et pour dol ;
A titre subsidiaire, à défaut d’annulation de la vente,
– prononcer la résolution de la vente ;
– ordonner à la société LC Ameublement et Décoration et à Madame [W] [N] de produire les factures de revente et les justificatifs des encaissements des prix de revente du canapé de Sède et de la commode Art Déco par Monsieur [X] le 12 octobre 2010 à la société LC Ameublement et Décoration ;
– juger que Madame [N] a commis des fautes intentionnelles graves détachables de ses fonctions de gérante de la société LC Ameublement et Décoration et a engagé sa responsabilité personnelle ;
– condamner en conséquence Madame [W] [N] à payer à Monsieur [X] :
‘ la somme de 101.000 euros en remboursement des avances versées par le demandeur en pure perte pour l’acquisition du bureau ;
‘ les intérêts au taux légal dus sur les avances versées pour l’acquisition du bureau, à compter de la date de leur versement jusqu’à la date de remboursement de la somme de 101.000 euros ;
‘ les prix de revente du canapé de Sède et de la commode Art Déco ou à titre subsidiaire les prix d’achat la somme de 26.500 euros correspondant aux prix respectivement de 25.000 euros et de 9.500 euros payés par Monsieur [X] à la société LC Ameublement et Décoration pour leur achat ;
‘ Et la somme de 8.000 euros en indemnisation du préjudice moral ;
– fixer la créance sur la société L. Ameublement et Décoration en liquidation à :
‘ la somme de 101.000 euros en remboursement des avances versées en 2011, 2012 et 2013 par Monsieur [X] en pure perte pour l’acquisition du bureau ;
‘ la somme de 4.967,16 euros des intérêts au taux légal dus sur les avances versées pour l’acquisition du bureau à compter de leur versement et arrêtés au 17 décembre 2015 ;
‘ les sommes de 25.000 euros et de 9.500 euros en remboursement des prix d’achat du canapé de Sède et de la commode Art Déco que la société LC Ameublement a revendus pour le compte de Monsieur [X] sans lui reverser les prix de revente ;
‘ la somme de 8.000 euros en indemnisation du préjudice moral subi par Monsieur [X] ;
– juger que la société LC Ameublement et Décoration (ou Madame [N]), après le paiement intégral des condamnations, pourra récupérer le bureau auprès de la société La Prévoyance Foncière du 8ème ;
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la restitution du bureau en nature devait s’avérer impossible,
– fixer sa valeur de remplacement, compte tenu de l’absence d’attribution et de garantie d’authenticité à la somme de 3.000 euros ;
– condamner Madame [W] [N] aux entiers dépens ;
– condamner Madame [W] [N] à payer à Monsieur [X] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et fixer à ce titre la créance sur la société LC Ameublement et Décoration à 10.000 euros ;
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2018, Mme [W] [N], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action en nullité prescrite et débouté Monsieur [X] de l’intégralité de ses demandes ;
En conséquence,
– débouter Monsieur [X] de toutes ses demandes fins et conclusions ;
– recevoir Madame [N] en son appel incident ;
Y faisant droit,
– constater que le demandeur n’a pas de domicile en France, ni raison sociale et qu’il n’affirme la propriété d’aucun bien sur le territoire national ;
Néanmoins, à toute fin :
– condamner Monsieur [X] à payer entre les mains de Maître [A] ès-qualité de liquidateur de la société LCA dont elle était la gérante la somme de 105.400 euros avec intérêts de droit à compter du 17 novembre 2015 et représentant le solde débiteur de son compte dans les livres de la société et capitalisation des intérêts ;
– condamner Monsieur [X] à payer entre les mains de Maître [A] ès-qualité de liquidateur de la société LCA dont elle était la gérante la somme de 5.000 euros et à Madame [N] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens dont recouvrement pour ceux d’appel au profit de Me Buret avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2018, la société Actis Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [G] [A], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration, intimée, demande à la cour de :
Vu les dispositions de l’article 2224 du code civil,
Vu la date de la vente du bureau [E] [D] Frank, à savoir le 23 décembre 2008,
Vu la sommation interpellative, premier acte interruptif de prescription en date du 15 juillet 2014 et l’assignation en date du 12 décembre 2014,
– dire Monsieur [X] irrecevable et mal fondé en son appel ;
A titre liminaire,
– dire qu’il est irrecevable en sa demande de résolution de la vente qui constitue une demande nouvelle ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit que son action en nullité de ladite vente est prescrite et le débouté de ses demandes, fins et prétentions ;
– le conformer en ce qu’il dit également prescrites et en tous les cas mal fondée l’action en remboursement de la valeur des meubles mis en dépôt-vente ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans disait Monsieur [X] bien fondé en son action en nullité et en paiement,
Vu les dispositions de l’article L.223-22 du code de commerce,
– constater que la condamnation demandée à l’endroit de Madame [N] est une condamnation personnelle pour fautes détachables de ses fonctions ;
En conséquence,
– débouter Monsieur [X] de sa demande tendant à voir fixer l’état du passif de la liquidation judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration de la condamnation personnelle pour faute détachable qui serait prononcée à l’endroit de Madame [N] ;
A défaut,
– donner acte à la société Actis Mandataires Judiciaires de ce qu’elle se réserve d’agir à l’encontre de Madame [N] au titre de la fixation à la procédure d’une créance ayant pour origine une faute commise dans ses fonctions ;
En tout état de cause,
– dire la société Actis Mandataires Judiciaires recevable et bien fondée en son appel incident ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il déboute la société Actis Mandataires Judiciaires es qualité, de sa demande en paiement du solde du prix de cession ;
Statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [X] à payer à la société Actis Mandataires Judiciaires la somme de de 105.400,00 euros au titre du solde de ladite vente, ladite somme en principale outre les intérêts courant à compter de l’exploit introductif d’instance ;
– infirmer également le jugement entrepris en ce qu’il déboute la société Actis Mandataires Judiciaires de sa demande de condamnation pour préjudice subi ;
Statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [X] à payer à la société Actis Mandataires Judiciaires la somme de 101.000 euros à titre du préjudice subi du fait de ses agissements, ladite somme au principal outre les intérêts courant à compter de l’exploit introductif d’instance jusqu’à complet paiement ;
En tous les cas,
– condamner Monsieur [X] à payer à la société Actis Mandataires Judiciaires la somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
La clôture a été prononcée en date du 21 novembre 2019.
***
MOTIFS
Sur la nullité de la vente du bureau Art déco
M. [G] [X] sollicite l’annulation de la vente du bureau Art déco de J.M Frank, pour vice du consentement, plus particulièrement l’erreur et le dol, pour lequel il dit avoir versé un acompte de 101.000 euros et pour laquelle il s’est avéré que ce bureau n’était pas une oeuvre de J.M Frank.
Les intimés soutiennent que l’appelant était irrecevable dans sa demande en annulation qui serait prescrite, à l’instar de ce qui a été jugé par le tribunal de commerce.
Ils ajoutent que le bureau lui a été vendu comme étant du style de l’artiste et non comme un meuble dont l’authenticité serait garantie par le vendeur.
Sur ce ;
Conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.’
L’annulation de la vente litigieuse est sollicitée sur le fondement des anciens articles 1109 du code civil sur les vices du consentement, l’erreur et le dol.
Il est discuté la date de la vente litigieuse entre les parties. Pour l’appelant, la vente date du 4 novembre 2010, et pour les intimés elle est intervenue le 23 décembre 2008.
M. [G] [X] produit une facture n° PE/5302 datée du 4 novembre 2010 à en tête ‘Galerie LCA’ mentionnant ‘un grand bureau de [E] [D] FRANK& CHANEAU circa 1930″ pour un prix de 450.000 euros avec une signature apposée sur le tampon de LCAmeublement et Décoration, à l’attention de M. [G] [X] , ainsi que la preuve de virements pour un total de 101.00 euros au bénéfice de la société la société LCAD de janvier à décembre 2011.
Quant aux intimés, ils produisent une attestation du 12-10-2015 de M. [B] [O], qui travaillait aux côtés de Mme [N] à la Galerie LCA, indiquant que la vente du bureau litigieux est intervenue le 23 décembre 2008 et les pièces comptables de la société la société LCAD suivantes :
– facture n°41 d’un carnet facturier Exacompta portant les mentions du nom de M. [G] [X] , ‘Bureau Art Déco J.[D] Frank, Circa 1930 restauré avec l’accord du client’, le prix de 260.000 euros et ‘voir acompte [G] à déduire’, le tampon de LCDA et une signature apposée dessus.(pièce 30) ;
– achat d’un bureau de J.M Frank en date du 18-11-2008 à Mme [N] par la société LCAD inscrit au registre des achats de Mme [N]) pour 130.000 euros,
– virement bancaire apparaissant sur un extrait du compte BNP de la société LCAD émanant de M. [G] [X] pour la somme de 105.000 euros en date du 31-12-2008,
-attestation de l’expert comptable de LCA indiquant que la vente du bureau J.M Frank est intervenue le 28-12-2008,
-l’extrait du Livre journal mentionnant la vente à M. [G] [X] d”un bureau J.M Frank” pour 260.00 euros.
Comme l’ont relevé à bon escient les juges du tribunal de commerce les virements entre M. [G] [X] et la société LCAD sont nombreux et réguliers du fait des nombreuses opérations d’achat vente existant entre M. [G] [X] et la société LCAD, les deux factures sont contradictoires sans qu’il soit possible de dire que l’une d’entre elles est un faux, mais toutes les pièces comptables produites convergent à démontrer que la vente litigieuse est intervenue en date du 23 décembre 2008 pour un prix de 260.000 euros.
La facture du 23 décembre 2008 mentionne comme objet de vente ‘Bureau Art Déco J.[D] Frank, Circa 1930 restauré avec l’accord du client’. Il est constant que M. [G] [X] est un amateur d’art averti au vu de ses nombreuses et régulières acquisitions d’objets d’art depuis des années. Il était dès le jour de la vente conscient de l’aléa sur l’attribution du bureau à J.M Frank alors qu’il n’était pas détenteur d’un certificat d’authenticité du Comité JM Frank et que la facture du 28 décembre 2008 n’indiquait pas explicitement Bureau ‘de’ JM Frank. Or, l’appelant ne demande un certificat d’authenticité à Mme [N] que par sommation interpellative du 31 juillet 2014 à l’occasion d’un différend avec cette dernière pour récupérer d’autres meubles acquis par lui et laissés en dépôt dans les locaux de LCDA pour revente, et il n’a agi en justice en annulation pour vice du consentement que le 12 décembre 2014, soit plus de cinq années après la vente, alors qu’il était conscient dès cette date du doute sur l’attribution à JM Frank.
L’action en nullité est donc prescrite, comme l’ont dit à bon droit les premiers juges.
Sur la recevabilité de la demande en résolution de la vente
A titre subsidiaire, à défaut d’annulation de la vente, M. [G] [X] demande qu’il soit prononcée la résolution de la vente sur le fondement de l’ancien article 1176 du code civil.
Les intimées répliquent que s’agissant d’une demande nouvelle en appel, celle-ci est irrecevable.
Sur ce ;
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu”À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’ intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.
Aux termes de l’article 565 du même code, ‘les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’.
L’action en résolution et celle en nullité ont toutes deux pour résultat l’anéantissement rétroactif de l’acte, M. [G] [X] est donc recevable dans sa demande en résolution du contrat de vente.
Sur le bien fondé de la demande en résolution
M. [G] [X] soutient que la vente était soumise à la condition de l’obtention de l’avis du Comité JM Frank, et que l’e-mail de 2014 émanant de ce Comité lui ayant appris que le bureau n’était pas de l’artiste, la vente devrait donc être résolue et la somme de 101.000 euros restituée.
Sur ce ;
Aux termes de l’ancien article 1176 du code civil applicable en l’espèce,
‘ Lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. S’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas. »
Cependant, comme le soutiennent les intimés, rien ne démontre que la vente litigieuse était soumise à la condition de la remise d’un certificat d’authenticité du Comité Frank. Le fait de n’avoir payé qu’un acompte de 101.000 euros sur le prix de 260.000 euros ne permet aucunement de le prouver puisque le compte courant ouvert par la société LCAD au nom de M. [X] montre que ce dernier avait l’habitude de régler ses acquisitions en plusieurs fois et que ses dettes étaient parfois couvertes par les reventes des objets acquis par lui au sein des boutiques de LCAD. Aucune mention écrite n’indique l’existence de cette condition et l’échange d’emails entre les parties versé aux débats fait apparaître un différend lié à la revente de certains objets acquis par M. [G] [X] et laissés en dépôt dans les boutiques de la société LCAD alors que M. [G] [X] souhaitait les récupérer, et non sur l’absence de réception d’un certificat d’authenticité pour le bureau Art Déco. Ce n’est que dans la sommation interpellative de 2014 que cette demande est faite par M. [G] [X] alors que ce dernier n’a pas pu récupérer les objets d’art acquis.
Il en résulte que M. [G] [X] échoue à démontrer que la vente litigieuse était soumise à la condition de la remise d’un certificat d’authenticité du Comité Frank et sera débouté de sa demande subsidiaire tendant à la résolution de la vente litigieuse.
Les demandes subséquentes en remboursement de la somme de 101.000 euros versée à titre d’acompte pour la vente litigieuse et en paiement des intérêts de retard dus sur cet acompte seront donc rejetées.
La vente litigieuse du bureau Art Déco subsiste, il ressort des éléments du dossier que le bureau objet de la vente est stocké dans la Galerie Prince et a fait l’objet d’une saisie par le bailleur des locaux et également d’une revendication de la part de M. [G] [X] ).
La société LCAD soutient être dans l’impossibilité matérielle de restituer à M. [G] [X] l’objet de la vente du fait qu’il est entre les mains du bailleur de la galerie Prince. Mme [N] propose de faire application des dispositions de l’article 1352 du code civil selon lequel ‘la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution’. Elle sollicite un expert pour estimer le bien au jour de la restitution.
M. [G] [X] conteste l’impossibilité arguée par la société LCAD de restituer le bureau en arguant du fait que si le stock de la Galerie Prince a été saisi par le bailleur des locaux, il en a revendiqué la propriété mais que le bailleur refuse cette restitution au motif que la société LCAD a également revendiqué le titre de propriété de ce bureau auprès du bailleur et que ce dernier attend l’issue de la présente procédure pour restituer ledit bureau.
La cour n’est pas saisie d’une demande en restitution du bureau objet de la vente, il convient seulement de relever que la présente décision confirme que M. [G] [X] est propriétaire du bureau Art déco, le solde du prix de vente de 260.000 euros ayant été débité au compte ouvert au nom de M. [G] [X] auprès de la société LCAD et sur lequel il sera statué infra.
Sur le sort du canapé de Sède et de la commode Art Déco
M. [G] [X] demande que lui soit remboursé par les intimés le prix de revente du canapé de Sède et de la commode Art Déco qu’il avait acquis en 2010 auprès de la société LCAD, ces objets ayant été, selon lui, revendus par Mme [N] sans l’en avoir informé et non crédités à son compte par elle.
A titre subsidiaire, il demande que lui soient remboursées les sommes correspondant aux prix auxquels il prétend avoir acquis ces objets, soit respectivement 25.000 et 9500 euros.
Mme [N] répond que ces deux objets étaient en dépôt-vente dans sa boutique depuis 2010, que la réalité du contrat de dépôt vente n’est pas contesté, de même que l’encaissement des sommes reçues. Selon elle, la société LCAD a procédé à la revente de ces meubles sur instruction de son client.
Elle prétend que M. [G] [X] s’est comporté comme un commerçant et qu’un compte courant s’est créé entre les parties, chacun étant réciproquement débitrice ou créditrice l’une l’autre, que le compte étant débiteur elle a choisi de compenser la dette que la société devait à M. [G] [X] en raison de cette vente avec la créance que la société détenait contre lui à raison du solde débiteur du compte ouvert au nom de M. [G] [X].
La société LCAD demande la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande en paiement et relève que M. [G] [X] n’a jamais fait de demande en revendication dudit canapé et de ladite commode auprès du mandataire judiciaire désigné dans le cadre de la procédure collective.
Sur ce ;
Il est constant qu’un compte courant était ouvert par la société LCAD au nom de S.[X] du fait de ses nombreuses et régulières acquisitions durant plusieurs années, et il n’est pas non plus contesté par les parties que certains objets acquis étaient laissés en dépôt dans les boutiques de la société LCAD, comme le canapé de Sède et la commode Art Déco, et pouvaient y être revendus sur instruction de M. [G] [X].
Cependant, il n’est nullement démontré que M. [G] [X] avait donné comme instruction à la gérante de M. [G] [X] de revendre le canapé SEDE et la commode Art Déco qu’elle avait en dépôt depuis 2010. Au contraire, il ressort de l’échange des e-mails versés aux débats entre M. [G] [X] et Mme [N] en 2013 que M. [G] [X] avait exprimé l’intention de les récupérer.
En outre, les intimés ne justifient pas, par la production de pièces comptables, que le prix de revente de ces objets apparaît au crédit du compte ouvert au nom de M. [G] [X].
Par cette revente cachée, la société LCAD a commis une faute contractuelle dans l’exécution du contrat de dépot conclu avec M. [G] [X] , elle devra donc indemniser ce dernier à hauteur de :
‘ la somme de 17.000 euros que M. [X] dit avoir réglée pour le canapé de Sede dans son e-mail à Mme [N] en 2013 et dont il demande le paiement dans sa sommation interpellative de 2014,
‘ la somme de 9.500 euros réglée pour la commode Art déco.
Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de M. [G] [X] au titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
M. [G] [X] justifie avoir déclaré cette créance au passif de la société LCAD en date du 28 décembre 2018.
Au vu de ce qui précède, il convient donc de fixer la créance de M. [G] [X] à l’égard de la société LCAD à la somme totale de 26.500 euros (17.000+9500).
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral sollicités par M. [G] [X]
La vente du bureau Art Déco n’ayant pas été annulée pour vice du consentement et le préjudice subi du fait d’une revente sans instruction du canapé de Sède et de la commode Art Déco ayant été réparé par l’indemnisation du préjudice financier subi par M. [G] [X], ce dernier ne justifie pas de l’existence d’un préjudice distinct sur le plan moral.
Le jugement du tribunal de commerce qui a débouté M. [G] [X] de ce chef de demande sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société LCAD en paiement du solde du compte courant débiteur ouvert au nom de M. [G] [X]
Aux termes de l’ancien article 1315 du code civil, “celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation”.
A l’appui de leur demande reconventionnelle, les intimés versent les éléments comptables suffisants, notamment le Grand Livre Client arrêté au 31-12-2014, des extraits du compte bancaire de LCAD et des factures, concernant les opérations mentionnées au compte courant ouvert au nom de M. [G] [X], compte dont il n’est pas contesté l’existence, ni contestée précisément la véracité des opérations, excepté le défaut de preuve d’un crédit de la revente du canapé de Sède et de la commode Art Déco, sur lequel il a été statué plus haut.
Il est donc suffisamment justifié l’existence d’un solde débiteur de M. [G] [X] à hauteur de 105.400 euros arrêté au 31 décembre 2014, somme à laquelle il sera condamné en paiement.
Le jugement du tribunal de commerce sera infirmé sur ce point, les premiers juges ayant débouté la société LCAD de sa demande reconventionnelle au motif que la créance de celle-ci n’était pas certaine.
Sur la condamnation in solidum de Mme [N] à titre personnel
A l’appui de cette demande, il est invoqué par M. [G] [X] l’existence d’une faute détachable de ses fonctions de gérante de la société LCAD commise par Mme [N] pour justifier sa condamnation à titre personnel in solidum avec la société LCAD en invoquant des manoeuvres dolosives de sa part dans la vente du bureau Art Déco et une revente des canapés de Sède et de la commode Art Déco sans en informer M. [G] [X] et sans en créditer son compte.
Mme [N] nie avoir commis une quelconque faute détachable de ses fonctions en niant tout dol et en faisant valoir qu’elle n’a procédé qu’à une compensation entre les dettes et créances de M. [G] [X] et de la société LCAD sur le compte courant ouvert entre elles.
Sur ce ;
Vu l’article L.223-22 al 1er du code de commerce selon lequel les gérants de SARL sont solidairement responsables envers les tiers de leur faute de gestion ;
Il est établi que la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement.
En l’espèce, il n’a été retenu aucune annulation de vente pour vice du consentement l’action étant prescrite, reste la vente des objets acquis par M. [G] [X] sans son consentement et sans qu’il soit prouvé que le prix de revente ait été crédité au compte ouvert au nom de ce dernier auprès de la société LCAD.
Mme [N] ne conteste pas avoir pris l’initiative personnelle de cette revente et ne justifie pas que le produit de cette revente ait été crédité au compte de M. [G] [X] ouvert auprès de la société dont elle est la gérante. Ce comportement constitue une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.
Du fait qu’elle a commis une faute détachable de ses fonctions de gérante, Mme [N] sera tenue à titre personnel in solidum avec la société LCAD de l’indemnisation due à M. [G] [X] à ce titre et à hauteur de 26.500 euros.
Sur les frais et dépens
Le jugement sera confirmé quant à sa décision sur les dépens mis à la charge de M. [G] [X] et le rejet des demandes relatives aux frais irrépétibles de 1ere instance.
Les parties succombant successivement en appel garderont à leur charge les frais non répétibles engagés respectivement dans la présente instance et les entiers dépens seront partagés par moitité entre d’une part, l’appelant, et d’autre part, les intimés qui y seront tenus in solidum.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit prescrite l’action de M. [G] [X] en nullité pour vice de consentement de la vente du bureau Art Déco, débouté M. [G] [X] dans ses demandes subséquentes en remboursement de la somme de 101.000 euros versée à titre d’acompte pour la vente litigieuse et en paiement des intérêts de retard dus sur cet acompte, rejeté sa demande en dommages et intérêts au titre du préjudice moral, dit l’action envers Mme [N] recevable, rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et condamné M. [G] [X] aux dépens.
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
FIXE la créance de M. [G] [X] envers la société LC Ameublement et Décoration représentée par son liquidateur judiciaire à hauteur de 26.500 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice financier sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
DIT que Mme [N] est tenue à titre personnel in solidum avec la société LC Ameublement et Décoration au paiement de l’indemnisation due à M. [G] [X] à hauteur de 26.500 euros, et la condamne en paiement à ce titre,
CONDAMNE M. [G] [X] à payer à la société Actis Mandataires Judiciaires, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration, la somme de 105.400 euros, au titre du solde restant dû au 31 décembre 2014 sur le compte courant ouvert au nom de M. [X] auprès de la société LC Ameublement et Décoration, outre intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
Y ajoutant,
DIT recevable M. [G] [X] dans sa demande subsidiaire en résolution de la vente du bureau Art Déco par la société LC Ameublement et Décoration, mais l’en déboute,
REJETTE toutes les demandes au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE in solidum la société Actis Mandataires Judiciaires, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Ameublement et Décoration, et Mme [N] à payer la moitié des dépens, et M. [G] [X] à payer l’autre moitié des dépens.
Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT
Greffière Présidente