Contrat de dépôt : 1 juillet 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-24.199

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Contrat de dépôt : 1 juillet 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-24.199
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CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10247 F

Pourvoi n° A 18-24.199

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020

Mme A… U…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° A 18-24.199 contre l’arrêt rendu le 29 mai 2015 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à la Société d’exploitation des déménagements F. Mercier, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Déménagements Maréchal, défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme U…, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d’exploitation des déménagements F. Mercier, et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme U… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme U…

L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’ il a cantonné à la somme de 4.839 euros le montant des dommages-intérêts dus par la Société d’exploitation des déménagements F. MERCIER, venant aux droits de la société Déménagements MARÉCHAL, après déduction de la provision de 9.201 euros allouée en référé ; et en ce qu’il a débouté Mme U… du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’ « Il résulte du rapport d’expertise amiable contradictoire que le mobilier confié par Mme U… à la société Déménagements F. MERCIER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL en sa qualité de garde-meubles présente de nombreux désordres dus à l’humidité lors de sa restitution.
Aux termes de l’article 1915 du code civil, le dépôt est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature.
L’article 1927 dudit code précise que le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.
Enfin l’article 1933 du code civil précise que le dépositaire n’est tenu de rendre la chose déposée que dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant.
En l’espèce, il convient de constater que lors de la remise du mobilier de Mme U… à la société Déménagements F. MERCIER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL en octobre 2002, aucun contrat écrit n’a été signé ni même aucun document de nature à établir l’état du mobilier déposé.
En conséquence, le mobilier est présumé avoir été déposé en bon état.
Le 4 février 2008, la société Déménagements F. MERCIER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL a fait signer à Mme U… un contrat prévoyant une limite de valeur du mobilier fixée à 14.040 f, rappelant les termes de l’article 1933 du code civil et incluant une clause d’exclusion de garantie en cas de dommages résultent notamment de la durée du gardiennage, de l’état hygrométrique de l’air ambiant et plus généralement de l’influence des facteurs climatiques naturels.
Dans la mesure où la signature de ce contrat prévoyant cette clause d’exclusion n’est intervenue qu’un mois avant la restitution du mobilier à Mme U…, cette clause ne peut s’appliquer pour la période de gardiennage entre le mois d’octobre 2002 et le mois de février 2008.
La cour constate que la société Déménagements F. MERC1ER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL ne s’explique pas sur les désordres présentés par les meubles de Mme U…, désordres dont personne ne conteste le fait qu’ils soient la conséquence d’une humidité des locaux du garde-meuble.
Dans ces conditions, la société Déménagements F. MERCIER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL a manqué à ses obligations contractuelles de dépositaire professionnel devant rendre la chose déposée dans l’état dans laquelle elle se trouvait lors du dépôt ou de prouver que les dommages ne résultent pas de sa faute.
Or la société Déménagements MARÉCHAL ne rapporte pas l’existence d’un cas de force majeure ou bien encore la preuve du fait que les différents mobiliers confiés étaient déjà détériorés en octobre 2002. Elle se devait d’assurer le gardiennage de ces meubles dans de telles conditions qu’elle puisse les restituer en bon état.
Or tel n’est pas le cas en l’espèce. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Déménagements MARECHAL devenue la société Déménagements F. MERCIER.
Mme U… demande la réparation intégrale de son préjudice incluant la réparation de l’ensemble de ses meubles ainsi que des dommages annexes résultant du fait qu’elle comptait ouvrir un commerce d’antiquités brocante et vendre les meubles litigieux ce qu’elle n’a pas pu faire. Elle indique qu’elle a ainsi payé un loyer commercial en pure perte ainsi que des abonnements téléphoniques d’électricité outre un préjudice moral puisqu’elle n’a pas pu mener à bien son projet professionnel.
Il résulte des pièces produites que sur le devis initial d’octobre 2002, la valeur du mobilier avait été fixée à la somme de 15.244 €.
Dans le contrat signé le 4 février 2008, ce mobilier a été évalué à la somme de 14.040 € avec un plafond maximum par objet de 762 € outre une liste précisant la valeur supérieure à 762 € pour 14 meubles.
Mme U… justifie, par la production de plusieurs devis de restauration, que le coût de remise en état de son mobilier endommagé s’élève à la somme de 37.470,48 €.
Néanmoins dans la mesure où elle a limité la valeur de son mobilier déposé en garde meubles à la somme de 14.040 €, elle ne peut prétendre contractuellement à une somme supérieure.
Mme U… demande en outre l’indemnisation de préjudices annexes.
C’est par une exacte appréciation des faits de la cause que la cour adopte que le premier juge a retenu qu’en application des dispositions de l’article 1150 du code civil, Mme U… ne démontrant pas que la société Déménagements F. MERCIER venant aux droits de la société Déménagements MARECHAL avait été informée du fait que le mobilier entreposé dans ses locaux étaient destinés à une activité professionnelle d’antiquité et de brocante, elle devait être déboutée de ses demandes au titre des frais de loyers commerciaux et frais d’abonnement divers.
Mme U… sollicite également une somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral en raison de l’échec de son projet professionnel qui devait lui permettre de s’extraire de la précarité de sa situation.
Cependant là encore, le juge a fait une exacte analyse des faits en déboutant Mme U… de ce chef de demande qui n’est pas la conséquence directe de la mauvaise exécution du contrat. » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’ « Il est de faits constants que selon un devis non signé, A… U… a confié en garde-meubles son mobilier à la SARL DEMENAGEMENTS MARECHAL moyennant paiement d’une redevance mensuelle de 175,02 €
A la suite du rachat de la société de garde-meubles, le mobilier de A… U… a été déménagé dans un nouveau local situé au LANGON en Vendée.
Un contrat a été régularisé entre les parties le 4 février 2008.
Le mobilier a été évalué à 14 040 € et A… U… a établi une liste manuscrite de son mobilier dont la valeur individuelle était supérieure à 762 € pour un total de 23 000 €.
Lors de sa prise de possession de ses meubles en mars 2008, A… U… a établi les réserves suivantes sur la lettre de voiture :
– manque une clef à un meuble vitrine
– manque un bout de corniche petite armoire acajou
– bouton cassé sur haut de bureau
– bouton de gazinière cassé
– morceau de placage enlevé sur commode acajou.
Dans un courrier recommandé du mois du 5 mars 2008, elle a énuméré la liste des dégâts apparents :
– trou dans le tissu de garnissage de la méridienne
– mauvais état du piano en ce qui concerne la boiserie dû à l’exposition à l’humidité
– piétement tripode affaissé sur une table guéridon en ronce de noyer
– velours marqué par des sangles et divers objets sur un fauteuil et une chauffeuse
– pieds fendus sur une table de bureau en noyer
– salle à manger “art déco” en noyer vernis très abîmée : ferrures rouillées, éclats de placage sur portes centrales
– vernis tâché sur vitrine Napoléon Ill
– meubles et sièges tapissés imprégnés d’une forte odeur d’humidité
En vertu du contrat de dépôt salarié qui a été conclu entre les parties, la SARL DEMENAGEMENTS MARECHAL était tenue de conserver les meubles en bon état de conservation et à tout le moins de mettre en garde la dépositaire sur les risques liées à l’entreposage de meubles précieux dans des conditions climatiques non garanties.
Le contrat signé le 4 février 2008 ne vaut que pour l’avenir et ne peut avoir d’effet rétroactif pour la période antérieure à sa signature, de sorte’ que la clause d’exclusion de garantie pour ‘les dommages résultent de l’état hygrométrique de l’air ambiant à l’intérieur des contenants des appareils et plus généralement de l’influence des facteurs climatiques naturels” ne peut valablement être opposée à A… U… pour la période allant d’octobre 2002 à février 2008
Il s’évince des conclusions du rapport d’expertise diligenté par GROUPAMA que les dommages constatés sont liés à des conditions de gardiennage non satisfaisantes en ce que le mobilier a été soumis à des phénomènes d’humidité importants tandis que des dégâts ont été commis lors de leur manutention.
Il apparaît cependant que A… U… a validé une déclaration de valeur de son mobilier pour un montant total de 14 040 E.
Le montant de la valeur déclarée dans le cadre du contrat de déménagement constitue le plafond de l’indemnité due par le déménageur, peu important que le montant des réparations soit en réalité supérieur au plafond de garantie contractuellement défini entre les parties.
Dès lors en application des dispositions contractuelles, le préjudice indemnisable ne peut être supérieur à la valeur déclarée lors de la signature du contrat.
A… U… justifie par les pièces produites que le montant des réparations est supérieur au plafond de garantie souscrit puisque de 37,747,48 E.
Ce plafond de garantie fixe le droit à indemnisation de la victime au titre de la mauvaise exécution de la convention de dépôt et de déménagement.
Compte tenu de la provision de 9201 déjà allouée par le juge des référés, c’est donc la somme de 4839 E qui doit revenir à la requérante au titre de l’indemnisation de son entier préjudice.
Sur les autres demandes :
A… U… demande en premier lieu le remboursement de la somme de 6500 E au titre de la perte de loyers.
Elle fait valoir en effet qu’elle avait loué un local commercial […] pour exercer une activité d’antiquités et de brocante, comptant sur son mobilier personnel pour démarrer son activité.
L’article 1150 du code civil stipule que le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat.
En l’espèce, la requérante ne démontre nullement que la société de déménagement était informée que le mobilier qui lui était confié, était destiné à une activité professionnelle d’antiquités et de brocante.
Ainsi, la société de garde-meubles ne pouvait nullement prévoir lors de la conclusion du contrat en 2002 que ce mobilier était prévu pour être utilisé plus de 6 ans plus tard à titre professionnel, alors même qu’il n’est pas certain et encore moins établi que A… U… avait envisagé un tel projet à l’époque de conclusion du contrat.
Ce chef de demande doit en conséquence être rejeté.
Il en est de même en ce qui concerne les frais d’abonnement téléphonique et d’électricité pour un montant total de 228,22 €, s’agissant d’un préjudice non prévisible au sens de l’article 1150 du code civil.

Sur le préjudice personnel :

A… U… sollicite 10 000 € en raison de l’échec de son projet professionnel et des frais importants qu’elle a engagés.
Pour les motifs ci-dessus rappelés, il apparaît que la Société de déménagement ne peut être tenue d’indemniser un préjudice qui n’est pas la conséquence directe des fautes commises dans le cadre de l’exécution du contrat de dépôt et ne constitue pas en conséquence un dommage prévu ou prévisible par la suite de la mauvaise exécution de la convention.
Ce chef de demande doit également être rejeté. » ;

ALORS QUE, premièrement, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en l’espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le contrat signé le 4 février 2008 ne pouvait pas s’appliquer à la période de gardiennage écoulée antérieurement au mois de février 2008, et que, selon le devis initial établi le 1er octobre 2002, la valeur du mobilier avait été fixée à la somme de 15.244 euros ; qu’en décidant néanmoins de faire application, pour l’intégralité de la période de gardiennage, de la limite de 14.040 euros convenue le 4 février 2008, les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, en violation de l’article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en décidant de faire application de la limite de valeur de 14.040 euros pour la totalité de la période de gardiennage, tout en retenant que les clauses d’exclusion de garantie ne pouvaient pour leur part s’appliquer pour la période antérieure au mois de février 2008, sans expliquer pour quelle raison les différentes stipulations du contrat ne devaient pas s’appliquer pour les mêmes périodes, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard de l’article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

ET ALORS QUE, troisièmement, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’en cas d’ambiguïté, elles s’interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur ; qu’en l’espèce, il résulte du contrat de garde-meubles conclu le 4 février 2008 qu’il a été déclaré une valeur totale de mobilier pour un montant de 14.040 euros ; qu’en fixant la valeur des meubles pris en dépôt, cette déclaration visait leur valeur de remplacement en l’état d’usage, et non le coût de leur réparation, en particulier si leur remplacement était impossible ; qu’en déduisant néanmoins de cette stipulation que celle-ci s’imposait aussi bien pour l’indemnisation du remplacement du mobilier que pour indemniser leur remise en état, les juges du fond ont violé l’article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble l’article L. 133-2 ancien devenu L. 211-1 nouveau du code de la consommation.

 


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