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8 mars 2017
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/16918
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRÊT DU 8 MARS 2017
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 14/16918
Joint avec le dossier RG n° 14/17827
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2012035823
APPELANTE
SAS BULL
Immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le numéro B 642 058 739
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Ayant pour avocat plaidant Maître Isabelle VEDRINES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2587
INTIMÉE
SARL CCUBE
Immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le numéro B 399 098 367
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Arnaud GINOUX de l’AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente et Monsieur François THOMAS, Conseiller, chargé du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur François THOMAS dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
La société C.Cube est un agent d’affaires dans le milieu des télécoms, la société Bull est spécialisée dans le secteur d’activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques.
Le 7 décembre 2005, les sociétés Bull et C.Cube ont conclu un contrat d’apporteur d’affaires aux termes duquel la société C.Cube s’est engagée à aider la société Bull dans son développement commercial auprès de clients potentiels en vue d’identifier les projets et éléments clés à mettre en oeuvre pour l’obtention de contrats par Bull, et plus particulièrement à mettre en ‘uvre toutes ses diligences pour que la société Bull devienne l’un des contractants de la société SFR, en contrepartie de quoi la société Bull s’est engagée à verser une rémunération à la société C.Cube.
Des différends sont intervenus entre les parties quant aux rémunérations auxquelles la société C.Cube estimait avoir droit en vertu de la convention d’apporteur d’affaires.
Par assignation en date du 21 mai 2012, la société C.Cube a sollicité du tribunal de commerce de Paris notamment qu’il condamne la société Bull à lui payer les sommes de :
– 75.000 euros en réparation des commissionnements auxquelles avait droit la société C.Cube au titre des affaires non renseignées obtenues par la société Bull auprès de la société SFR,
– 75.000 euros en réparation des commissionnements auxquelles avait droit la société C.Cube au titre des affaires obtenues par les filiales de la société Bull auprès de la société SFR,
– 227.932,25 euros en complément des commissions déjà versées par la société Bull au titre des affaires qu’elle avait reconnues,
– 150.000 à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 25 avril 2014, le tribunal de commerce de Paris a :
– condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 206.260 euros HT à titre de compléments de commissions dues sur les affaires reconnues par la société Bull avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
– condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 45.000 euros d’indemnisation pour les commissions non versées sur les filiales,
– condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 75.000 euros de dommages et intérêts,
– condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Bull aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 82.44 euros dont 13,52 euros de TVA,
– débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,
– ordonné l’exécution provisoire.
La société Bull a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 4 août 2014, la société C.Cube a également interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 25 août 2014.
Par ordonnance du 13 janvier 2015, la cour d’appel de Paris a joint les procédures inscrites au rôle sous les numéros 14/16918 et 14/17827 désormais inscrites au numéro RG unique 14/16918.
Par conclusions du 23 février 2015, la société Bull demande à la cour de :
– Recevoir la société Bull en ses présentes écritures et l’y dire bien fondée,
et y ajoutant,
sur la responsabilité de la société Bull :
– dire que la société Bull n’a commis aucune faute et que les demandes en paiement formulées par la société C.Cube sont infondées et injustifiées
en conséquence et statuant à nouveau,
– infirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 206.260 euros HT à titre de compléments de commissions dues sur les affaires reconnues par la société Bull avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
– confirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté la société C.cube de ses demandes au titre d’affaires prétendument obtenues par la société Bull auprès de la société SFR et dont la société C.Cube n’aurait pas été informée,
– infirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 45.000 euros d’indemnisation pour des commissions non versées sur les filiales,
– infirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a condamné la société Bull à payer à la société C.Cube la somme de 75.000 euros de dommages et intérêts,
à titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considérerait que la condamnation prononcée à l’encontre de la société Bull doit être confirmée en cause d’appel,
– réformer le jugement rendu le 25 avril 2014 par le tribunal de commerce de Paris sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la société C.Cube comme n’étant pas justifié et manifestement excessif ou le réduire à 1 euros,
en tout état de cause,
– infirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 en ce qu’il a condamné la société Bull à verser à la société C.Cube la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société C.Cube à payer à la société Bull une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement rendu le 25 avril 2014 en ce qu’il a condamné la société Bull aux dépens,
– condamner la société C.Cube aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant, pour ceux la concernant, pourra être directement recouvré par la SCP Récamier Avocats Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 5 décembre 2016, la société C.Cube demande à la cour de :
vu les articles 1134, 1147 et 1153 du code civil,
à titre principal,
– joindre les deux procédures d’appel inscrites devant le Pôle 5 ‘ Chambre 4 sous les numéros de RG 14/16918 et 14/17827
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité à 45.000 euros le montant des commissions dues par la société Bull au titre des affaires conclues par ses filiales avec SFR et a débouté la société C.Cube de ses demandes en paiement des sommes de 12.646 euros au titre des intérêts de retard et de 75.000 euros au titre des affaires conclues par la société Bull avec SFR qu’elle n’a pas renseignées,
– l’infirmer sur le montant des dommages-intérêts attribués à hauteur de 75.000 euros,
– le confirmer sur les autres dispositions,
statuant à nouveau,
– condamner la société Bull à payer à la société C.Cube :
/ la somme de 75.000 euros HT au titre des affaires conclues par ses filiales avec SFR,
/ la somme de 75.000 euros HT au titre des affaires conclues par la société Bull avec SFR qu’elle n’a pas renseignées,
/ la somme de 12.646 euros au titre des intérêts de retard
/ la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,
en tout état de cause,
– débouter la société Bull de l’intégralité de ses demandes,
– condamner la société Bull à pater à la société C.Cube la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Bull aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Ginoux conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur le périmètre des affaires ouvrant droit à rémunération au profit de la société C.Cube
La société Bull soutient que le contrat pose deux conditions cumulatives à la rémunération de la société C.Cube, soit :
– l’affaire doit être obtenue par la société Bull suite aux actions de la société C.Cube, et doit avoir été préalablement acceptée par la société Bull,
– l’affaire doit être listée et décrite au sein d’une fiche d’engagement.
Aussi estime-t-elle que sont seules soumises au commissionnement les affaires ayant été préalablement acceptées et mentionnées sur une fiche d’engagement, et que l’intimée n’a droit à aucune rémunération pour les affaires n’ayant pas fait l’objet d’une fiche d’engagement.
Elle ajoute que le fait d’avoir accepté de payer une commission à la société C.Cube au titre de contrats n’ayant fait l’objet d’aucune fiche d’engagement ne traduit nullement sa volonté de voir toutes les affaires conclues avec SFR soumises au commissionnement, mais seulement de faire exceptionnellement une entorse aux stipulations contractuelles dans une logique transactionnelle.
Elle en déduit que la seule somme à laquelle la société C.Cube pouvait prétendre, à titre de régularisation de commissions sur les affaires reconnues par elle, est d’un montant de 108.462 euros correspondant à 4 affaires et non de 206.260 euros comme l’a retenu le tribunal de commerce.
La société C.Cube soutient pour sa part que le droit à commissionnement n’était pas conditionné à l’existence d’une fiche d’engagement préalablement acceptée, et qu’il résulte des termes du contrat que ce sont toutes les affaires conclues avec la société SFR et acceptées par la société Bull qui y sont soumises.
Elle affirme que la notion de fiche d’engagement fait référence à la liste de toutes les affaires que la société Bull a acceptées d’instruire chez SFR et correspond aussi à la nature de l’information que la société Bull devait lui donner.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, le comportement des parties au cours de l’exécution du contrat démontre qu’elles ont voulu que toutes les affaires, acceptées par la société Bull, soient soumises au commissionnement, la société Bull ayant accepté de payer une commission à la société C.Cube au titre de contrats n’ayant pas fait l’objet d’une fiche d’engagement.
Sur ce
L’article 1134 du code civil indique que ‘les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites’.
Le contrat d’apporteur d’affaires n°05003 conclu le 7 décembre 2005 l’a été pour une durée de trois ans, a pris effet rétroactivement à compter du 1er mai 2005 et devait expirer au 30 avril 2008. Il a été prolongé par avenant n°1 jusqu’au 30 juin 2009.
Son article 3 précise que la société C.Cube ‘propose à BULL de l’aider dans l’obtention d’affaires auprès de l’opérateur de télécommunication SFR’.
L’annexe à ce contrat d’affaires intitulée ‘fiche d’engagement n°01-11/2005’ précise dans sa partie ‘aspects généraux’ ‘concernant le client SFR, il est convenu, entre les parties, que toutes les affaires réalisées avec la direction des réseaux et services, actuellement dirigée par Monsieur [P] [H], fera l’objet d’un commissionnement conformément au contrat n°05003, dès lors qu’elles ont été acceptées par BULL’ ; dans sa partie ‘affaires’, cette annexe signée le 30 novembre 2005 ne mentionne qu’une seule affaire IP-Centrex, SFR-Box.
L’Article 10 ‘modalités financières’ du contrat prévoit que ‘l’apport d’affaires fera l’objet d’une rémunération proportionnelle à la part des produits… développés en propre par BULL ou par une de ses filiales, des prestations de services… exécutées par BULL dans le chiffre d’affaires HT facturé et encaissé par BULL à la suite de l’intervention de C.CUBE auprès d’un client, désigné par une fiche d’engagement’…
Cet article comprend un point 1 ‘les commissions versées seront liées aux affaires produits ou services obtenues suite aux actions de C.CUBE’ qui précise ‘les affaires ne seront considérées que dans la mesure où BULL les a préalablement acceptées et qu’elles ont été renseignées par une ‘fiche d’engagement’ qui précise la nature de l’affaire poursuivie’.
Enfin, l’article 5 ‘obligation de Bull’ du contrat prévoit que cette société ‘s’engage à informer C.CUBE des contrats ayant été l’objet d’une fiche d’engagement, dans leur nature et leur modalités, qu’elle aura conclus à la suite de l’intervention de C.CUBE, ainsi que de leur réalisation’.
Ainsi, si la société C.Cube met en avant l’indication de l’annexe selon laquelle ‘toutes les affaires réalisées’ feront ‘l’objet d’un commissionnement… dès lors qu’elles ont été acceptées par BULL’, c’est sous la réserve que ce commissionnement s’effectue conformément au contrat n°05003, dont l’article 10 consacré aux dispositions financières prévoit expressément que ‘les commissions versées seront liées aux affaires… obtenues suite aux actions de C.CUBE’.
Il en ressort que les commissions sont dues lorsque des affaires ont été obtenues auprès de SFR par la société Bull à la suite de l’action de la société C.Cube.
Par ailleurs, l’article 10 du contrat donne une importance particulière à la fiche d’engagement, sur laquelle doivent figurer les produits et prestations de services exécutés par la société Bull donnant lieu à rémunération proportionnelle, le point 1 de cet article faisant de l’acceptation de l’affaire par la société Bull et du renseignement d’une fiche d’engagement les conditions pour que les affaires soient considérées comme donnant lieu à commission.
Dès lors, l’existence d’une telle fiche était, aux termes du contrat, nécessaire pour qu’une affaire donne lieu à rémunération de la société C.Cube, sans que les dispositions de l’article 10 du contrat ne soient susceptibles de deux sens (citer par référence à l’article 1157 du code civil).
Ce contrat a fait l’objet de négociations entre les sociétés, comme l’établissent l’attestation de Monsieur [X], alors dirigeant de Bull indiquant qu’elles ont pris un certain temps, et l’envoi par celui-ci à monsieur [F] de la société C.Cube le 19 octobre 2005 d’une ‘proposition de contrat que nous sommes en mesure de vous proposer’ (pièce 51 intimée).
Il est à rappeler que selon l’article 3 du contrat la société C.Cube a un rôle d’identification des affaires que la société Bull pourrait conclure avec l’opérateur SFR, que les échanges intervenus entre les sociétés au cours des années 2006 à 2008 montrent qu’elles n’avaient pas renoncé aux fiches d’engagement (pièces intimée, 10, 12 et 28), et que la société C.Cube était régulièrement tenue informée par la société Bull de l’état d’avancement de ses négociations avec SFR, avec laquelle elle était en relation, la société C.Cube demandant à la société Bull de lui faire connaître l’état actuel des relations Bull-SFR, et la société Bull l’informant de l’avancée des négociations et de ses projets avec SFR.
Dans une courrier du 8 décembre 2011 (pièce 26 intimée), la société Bull a reconnu que la conclusion de certaines affaires ayant fait l’objet d’une intervention de la société C.Cube, et le droit à commission de cette société, malgré l’absence de fiches d’engagement.
Pour autant ce courrier, intervenu après la fin de la période d’application du contrat, ne peut à lui seul constituer la révélation que la société Bull avait renoncé à la fiche d’engagement contractuellement prévue, alors qu’elle y rappelle expressément que la fiche d’engagement conditionne le droit à commission.
Dès lors, si la seule fiche d’engagement produite ne constitue pas une liste exhaustive des affaires justifiant le versement par la société Bull d’une commission à la société C.Cube, et qu’il convient de prendre en compte les commissions dues au titre des affaires visées par ce courrier, pour autant celui-ci ne constitue pas une reconnaissance tacite que les parties avaient entendu se libérer de la nécessité de cette fiche ou accepter de commissionner la société C.Cube pour tous les contrats conclus avec SFR.
Sur les commissions dues au titre des affaires reconnues par la société Bull
La société Bull soutient que le tribunal de commerce a fait une interprétation erronée du contrat en affirmant que la demande en paiement de la société C.Cube devait être analysée malgré l’absence de fiche d’engagement, sa proposition contenue dans le courrier du 8 décembre 2011 n’étant qu’une proposition de régularisation à fins de transaction. Elle en déduit que la seule rémunération complémentaire que peut solliciter la société C.Cube est de 108.462 euros correspondant aux affaires visées dans ce courrier.
La société C.Cube relève que le jugement s’est fondé sur le tableau joint au courrier du 8 décembre 2011 de la société Bull pour retenir l’existence de plusieurs contrats SFR BOX ainsi que le taux de commission qui y était retenu, et qu’il convient de le confirmer sur ce point. Elle soutient que le montant des commissions dues s’entend par contrat et non par affaire.
Sur ce
L’article 10 ‘modalités financières’ du contrat prévoit un point 2 indiquant ‘les bases du commissionnement de C.Cube par contrat seront fonction d’une part du montant HT des affaires obtenues ventilé selon 4 tranches et, d’autre part, de la nature des prestations vendues pouvant correspondre à 3 types d’affaires différentes’.
La société Bull soutient que la rémunération complémentaire à laquelle peut prétendre la société C.Cube est celle des quatre affaires figurant dans son courrier du 8 décembre 2011, soit une somme de 108.462 euros, alors que la société C.Cube soutient que sa rémunération, au vu des contrats visés par ce courrier, doit être de 186.756 euros, somme retenue par le tribunal de commerce.
La société Bull ne produit pas plus que devant le tribunal de commerce les contrats relatifs aux affaires visées dans son courrier du 8 décembre 2011, qui auraient permis de constater l’existence d’un ou de plusieurs contrats d’application, notamment pour le projet SFR BOX visé par ce courrier.
Cependant, et comme l’a relevé le tribunal de commerce, la société Bull a divisé dans son courrier du 8 décembre 2011 la présentation de SFR BOX en plusieurs subdivisions, et un de ses employés avait validé le 5 juin 2006 (pièce 44 intimée) les modifications apportées par la société C.Cube à un projet de fiche d’engagement ventilant le projet SFR BOX en plusieurs subdivisions et appliquant à chacune d’elles un taux de commission de 5%, alors que le montant total dépassant 2 millions d’euros le taux de commission aurait dû être inférieur si la société Bull avait considéré qu’il s’agissait d’un seul contrat.
Par ailleurs, les parties s’accordent sur le montant dû, au titre des commissions, à la société C.Cube, pour les dossiers ‘IP centre expérimentation’ et ‘SFR TR69’, pour respectivement 9028 et 24831 euros, et sur la somme de 277528 euros.
Aussi, il convient de confirmer le tribunal de commerce qui a retenu, au titre des commissions dues au titre des commissions dues au vu du courrier du 8 décembre 2011, la somme de 186756 euros, les modalités de calcul n’étant pas contestées.
Sur les commissions au titre des affaires non renseignées
La société Bull réclame la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté la société C.Cube de sa demande en paiement au titre de commissions sur des affaires non renseignées par la société Bull. Elle estime que la société C.Cube ne peut prétendre être dans l’impossibilité de connaître précisément le nombre et le montant des contrats conclus par la société Bull dès lors qu’il lui incombe, en tant qu’apporteur d’affaires, de connaître précisément les affaires pour lesquelles elle est intervenue.
La société C.Cube sollicite le paiement d’une somme de 75.000 euros représentant le montant des commissions pour les affaires non déclarées par la société Bull, soutient qu’il incombait à la société Bull, conformément au contrat d’apporteur d’affaires, de l’informer des contrats conclus avec SFR. Elle ajoute que son activité se limitait à un travail de lobbying auprès de la direction générale de SFR et ne lui permettait pas de connaître précisément le nombre et le montant des contrats conclus par la société Bull avec SFR. Elle déclare que le chiffre d’affaires que la société Bull a réalisé avec la société SFR révèle l’existence d’affaires non renseignées estimées à 1,5 millions d’euros pour lesquelles elle estime avoir droit à commissions.
Sur ce
Il ressort des articles 3 et 5 du contrat que la société C.Cube aidait la société Bull dans l’obtention d’affaires auprès de SFR, et que la société Bull informait la société C.Cube des contrats ayant fait l’objet d’une fiche d’engagement.
La société C.Cube ne peut soutenir qu’elle était dans l’impossibilité de connaître les affaires conclues par la société Bull avec SFR car son rôle se limitait à effectuer du lobbying auprès de la direction générale de SFR, alors qu’elle devait être informée de ces affaires au vu des dispositions de l’article 3 du contrat.
Les pièces versées par la société C.Cube montrent qu’elle entretenait des relations régulières avec SFR (pièces intimée 5 et 6) et pouvait être informée par celle-ci des chiffres d’affaires des contrats conclus entre cette société et la société Bull (pièce intimée 18).
La société C.Cube ne peut se fonder sur les chiffres d’affaires des années 2007, 2008 et 2009 qu’aurait réalisés la société Bull avec SFR pour soutenir que son droit à commission est supérieur à celui perçu, alors que ces chiffres sont extraits d’un document de présentation de la société Bull pour une présentation effectuée le 11 octobre 2007, soit alors même que l’exercice 2007 n’était pas arrivé à son terme.
De plus, ce document fait étant d’un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros en 2008 et de 10 millions en 2009, alors que les données reçues par la société C.Cube provenant de SFR retiennent des montants différents de 6 millions d’euros en 2008 et 2,8 millions d’euros en 2009.
Au vu de ce qui précède, et la société C.Cube ne produisant pas de pièces justifiant l’estimation du montant de commissions qu’elle sollicite, elle sera déboutée de cette demande.
Sur les commissions sur les affaires obtenues par les filiales de la société Bull auprès de SFR
La société Bull soutient n’avoir jamais missionnée la société C.Cube pour intervenir auprès de SFR pour le compte de ses filiales, dont la société Agarik qui était déjà en relation d’affaires avec SFR avant la signature du contrat d’apporteur d’affaires. Elle estime qu’en tout état de cause, le montant de 45.000 euros alloué par le tribunal à la société C.Cube à titre de commissions sur des affaires obtenues par ses filiales avec SFR a été calculé de manière arbitraire.
La société C.Cube réclame l’infirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a limité à 45.000 euros le montant des commissions dus par la société Bull au titre des affaires conclus par ses filiales avec SFR et la fixation de cette somme à 75.000 euros HT. Elle soutient que la société Bull fait une lecture erronée de la convention d’apporteur d’affaires qui prévoit expressément un droit à commissionnement pour les contrats conclus par ses filiales.
Sur ce
L’article 10 indique que ‘l’apport d’affaires fera l’objet d’une rémunération proportionnelle à la part des produits (matériels et logiciels) développés en propre par BULL ou par une de ses filiales, des prestations de services (assistance technique, maîtrise d’oeuvre…) exécutées par BULL dans le chiffre d’affaires HT facturé et encaissé par BULL à la suite de l’intervention de C.Cube auprès d’un client, désigné par un fiche d’engagement’…
La société Bull en déduit que seules étaient concernées par cette rémunération proportionnelle les prestations de service exécutées par elle, celles réalisées par ses filiales en étant exclues.
Il est établi que la société Agarik, filiale de la société Bull, entretenait des relations commerciales avec SFR antérieurement à la conclusion du contrat d’apporteur d’affaires, un communiqué de presse indiquant qu’elle avait été retenue dès février 2005 pour ses prestations de conseil et d’accompagnement lorsque SFR avait lancé ses chaînes de télévision accessibles par la téléphonie mobile (pièce 50 intimée), ce qui est confirmé par une attestation du directeur administratif et financier de cette filiale indiquant que SFR avait été son client de juin 2002 à octobre 2009 (pièce 1 appelante).
Un courriel du 22 mai 2006 montre que la société C.Cube a facturé une commission au titre d’affaire conclue entre cette filiale Agarik et SFR, et que la société Bull l’avait acceptée (pièce intimée 44).
Cependant, la lecture du courriel du 22 mai 2006 révèle la particularité de cette facturation, la société C.Cube soulignant que la société Bull avait retiré la partie Agarik du commisionnement alors qu’elle considérait avoir droit à une commission de 14859 euros, qu’elle acceptait de réduire à 2229 euros.
Cette particularité est confirmée par le courriel du 29 septembre 2008 du dirigeant de la société C.Cube relevant que selon la société Bull les affaires conclues par ses filiales étaient exclues du commissionnement, et indiquant que pour 2007 sa société n’avait facturé qu’une ‘petite partie soit 2229 euros au lieu de 14859 euros, qu’en est-il maintenant ainsi que sur les autres contrats avec Agarik”, ce qui révèle qu’aucun accord n’existait entre elles sur ce commissionnement (pièces 10 et 17 intimée).
Il s’en suit que si pour l’année 2007 la somme de 2229 euros a été facturée par la société C.Cube et que la société Bull a accepté de la régler, il n’existait aucun accord entre les parties sur le commissionnement des prestations de services exécutées auprès de SFR par les filiales de la société Bull, que ne couvre pas l’article 10 du contrat, étant par ailleurs relevé que la société C.Cube ne justifie pas de ses interventions auprès de SFR pour les filiales de la société Bull.
Le tribunal de commerce sera infirmé sur ce point quant à son quantum, et la société Bull sera condamnée au paiement de la somme de 2229 euros en deniers ou quittance.
Sur les commissions dues par la société Bull au titre du matériel vendu
La société Bull estime qu’il ressort des termes du contrat d’apporteurs d’affaires que seuls les matériels développés en propre par la société Bull sont inclus dans l’assiette de la rémunération due à C.Cube de sorte que tous les équipements qui n’ont pas été développés par elle ou ses filiales sont exclus du montant de cette commission due à la société C.Cube. Elle rappelle que sa filiale Agarik était en relations commerciales avec SFR avant la conclusion du contrat et soutient que le tribunal de commerce a fait une mauvaise interprétation du tableau qu’elle a adressé le 8 décembre 2011 à la société C.Cube.
La société C.Cube estime avoir bien droit à commissionnement pour toutes les ventes de produits à SFR qui n’avaient pas été achetés et revendus en l’état par la société Bull, de sorte qu’elle avait droit à une commission sur tout le matériel de conception Bull vendu à SFR. Elle soutient que la société Bull a reconnu être débitrice de commissions sur la vente de matériel, lequel a fait l’objet de factures de commissionnement réglées. Elle sollicite la confirmation du jugement ayant condamné la société Bull à lui verser 19.504 euros au titre des commissions sur le matériel vendu.
Sur ce
Comme déjà indiqué, l’article 10 indique que ‘l’apport d’affaires fera l’objet d’une rémunération proportionnelle à la part des produits (matériels et logiciels) développés en propre par BULL ou par une de ses filiales…’, et ‘exclut de l’assiette de cette rémunération la part de chiffre d’affaire afférente à toute opération de vente de produits (matériels ou logiciels) achetés et revendus en l’état par BULL’.
Il ressort cependant du tableau de commissionnement adressé le 22 mai 2006 par la société C.Cube qu’y figuraient trois lignes de matériel pris en compte pour le calcul du montant de son assiette de commissionnement, et que ce tableau a été accepté le 5 juin 2006 par la société Bull.
Dès lors, celle-ci ne peut contester l’accord donné à la prise en compte de ce matériel, en se fondant sur un tableau qu’elle produit en 2011.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a décidé que la société C.Cube avait droit à perception d’une commission sur le matériel vendu de 19504 euros, le calcul de ce montant n’étant pas contesté par la société Bull.
Sur la condamnation de la société Bull à des dommages et intérêts
La société C.Cube sollicite la condamnation de la société Bull à des dommages-intérêts venant réparer le temps que la société Bull a pris pour payer les commissions dont elle était débitrice mais également le préjudice causé à son image et à sa réputation ainsi que le préjudice moral subi, la société Bull n’ayant eu de cesse que de la décrédibiliser et de minimiser son intervention.
La société Bull estime qu’il peut difficilement lui être reproché une inertie ou un silence alors même que c’est la société C.Cube qui n’a répondu à son courrier proposant de régulariser la situation en lui versant, dès réception de facture et sans condition, la somme de 108.462 euros. Elle soutient par ailleurs que la société C.Cube est dans l’incapacité de produire une quelconque pièce attestant, notamment, de son préjudice d’image auprès de SFR.
Sur ce
Il ressort des pièces versées que la société C.Cube a fait part à la société Bull de difficultés sur les commissions qu’elle devait percevoir en application du contrat en 2008 (ses pièces 15 et 17 notamment) et que la société Bull n’y a pas répondu jusqu’en 2010, alors que la société C.Cube a continué à intervenir au soutien de ces intérêts dans le cadre de l’exécution du contrat.
Or, la nécessité de procéder à une analyse détaillée ne saurait à elle seule justifier l’absence de réponse de la société Bull jusqu’en avril 2011.
Par ailleurs, comme l’a relevé le tribunal de commerce, le fait pour la société C.Cube de devoir solliciter les dirigeants de SFR pour obtenir des attestations justifiant de son rôle est de nature à porter une atteinte à son image et à sa réputation.
Aussi, la société C.Cube est fondée à solliciter la réparation du dommage subi du fait de l’attitude de la société Bull.
Cependant, en l’absence de pièces démontrant l’ampleur du préjudice subi par la société C.Cube, il convient de réduire son montant à la somme de 25000 euros.
Sur les intérêts de retard
Le tribunal de commerce a débouté la société C.Cube de sa demande de condamnation de la société Bull au paiement d’intérêts de retard en retenant l’absence de production d’une facture par la société C.Cube, ce que celle-ci conteste en avançant qu’elle avait envoyé une lettre de mise en demeure à la société Bull la sommant de régler les commissions dues.
Pour autant, outre l’absence de facture, le courrier du 30 novembre 2010 de la société C.Cube fait état de ses doléances quant au refus de paiement des commissions ou des incohérences dans les chiffres de la société Bull, mais ne sollicite pas le versement d’une somme d’un montant déterminé.
Par conséquent, le tribunal de commerce sera confirmé en ce qu’il a décidé que les intérêts commenceront à courir à la date de la signification du jugement.
Sur les autres demandes
La société Bull succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
Elle sera également condamnée à verser à la société C.Cube la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce du 25 avril 2014, s’agissant des commissions dues au titre des affaires reconnues par la société Bull, des affaires non renseignées par la société Bull, au titre du matériel vendu et des intérêts de retard, des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,
L’INFIRME sur les commissions sur les affaires obtenues par les filiales de la société Bull auprès de SFR,
Et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Bull à verser à la société C.Cube la somme de 2229 euros en deniers ou quittances,
L’INFIRME sur les dommages et intérêts,
Et, statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Bull à verser à la société C.Cube la somme de 25 000 euros de ce chef,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Bull aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Ginoux conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Bull à verser à la société C.Cube la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
Vincent BRÉANT Irène LUC