Contrat d’apporteur d’affaires : 4 mai 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00187

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Contrat d’apporteur d’affaires : 4 mai 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00187
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4 mai 2022
Cour d’appel de Riom
RG n°
21/00187

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 04 Mai 2022

N° RG 21/00187 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ3V

ALC

Arrêt rendu le quatre Mai deux mille vingt deux

Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 12 janvier 2021 par le président du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2020/001864)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [B] [C]-[X]

[Adresse 4]

[Localité 2] – ESPAGNE

Représentant : la SARL TRUNO ET ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Charles BOURGEOIS de l’AARPI BOURGEOIS ITZKOVITCH, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société GAZ END

SARL immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 872 201 371 00020

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE

DEBATS : A l’audience publique du 23 Février 2022 Madame CHALBOS a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 13 Avril 2022 puis prorogé le délibéré au 04 Mai 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 04 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [O] [Y], fondateur du groupe de sociétés familiales Oria, est décédé en 2010 laissant pour lui succéder son épouse Mme [K] [Y] et leurs deux filles, Mme [S] [P] et Mme [B] [C]-[X].

Le groupe est notamment constitué d’une société de holding, la SARL Oria Holding, détenant majoritairement deux filiales opérationnelles, les SARL Gaz End et Service Maintenance gaz.

Après le décès de M. [Y], Mme [K] [Y] a été désignée gérante de la SARL Oria Holding, dont elle détient 2 parts en pleine propriété et 488 parts en usufruit, chacune de ses deux filles détient 5 parts en pleine propriété et 243 parts en nue propriété, les 2 parts en nue propriété restantes étant au nom de l’indivision.

La SARL Gaz End a pour activité la mise en service et la maintenance d’appareils de chauffage auprès de particuliers.

Son capital est détenu par la holding à hauteur de 475 parts sur 500.

Mme [K] [Y] détient une part en pleine propriété et 24 parts en usufruit, l’indivision détient 2 parts en nue propriété et les 22 parts restantes sont réparties également entre Mme [P] et Mme [C]-[X].

À la suite du décès de son époux Mme [K] [Y] a été désignée co-gérante de la société Gaz End avec un cadre de la société M. [F] [L], lequel a démissionné le 31 décembre 2017, Mme [Y] exerçant alors seule la gérance.

Mme [P] a été embauchée par la société Gaz End le 1er janvier 2018 sur le poste de directeur exécutif précédemment occupé par M. [L].

Elle a créé avec son époux la société Gaz End Hydro, sans lien capitalistique avec le groupe Oria, pour externaliser une partie de l’activité de la société Gaz End (remplacement de chaudières), les deux sociétés étant liées par une convention d’apport d’affaires réciproques.

Un important conflit d’associés est apparu au sein du groupe Oria Holding.

Mme [C]-[X] a engagé une première procédure devant le tribunal de commerce de Cusset aux fins d’entendre ordonner la révocation de Mme [Y] de ses fonctions de gérante de la SARL Oria Holding. (Instance pendante devant la cour).

Par acte du 12 février 2020, Mme [C]-[X] a fait assigner la société Gaz End devant le président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand statuant en référé aux fins d’entendre ordonner la désignation d’un administrateur provisoire et subsidiairement d’un mandataire ad hoc.

Elle affirmait avoir été mise à l’écart, par sa soeur, de la gestion de la société Gaz End et invoquait des irrégularités dans la tenue des assemblées générales.

Elle prétendait que Mme [P] profitait de la carence de la dirigeante de droit, Mme [Y], pour exercer la gestion de fait de la société dans son propre intérêt et au préjudice de la société Gaz End, détournant le fonds de commerce de cette société au profit de la société Gaz End Hydro qu’elle avait créé avec son époux.

Par ordonnance du 12 janvier 2021, le président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :

– écarté des débats les échanges de courriers des 14 et 15 mai 2019 ainsi que la pièce jointe au courrier du 15 mai 2019 versés par Mme [B] [C]-[X] sous le numéro 68 en tant que preuves non admissibles,

– débouté Mme [B] [C]-[X] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la SARL Gaz End de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront,

– condamné Mme [C]-[X] à payer à la SARL Gaz End la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le juge des référés a retenu à cet effet :

– que les pièces produites par Mme [C]-[X] constituées par les courriels de M. [E] du cabinet SECAC du 14 mai 2019 et de Maître Decrock du 15 mai 2019 ainsi que la pièce jointe étaient irrecevables car produites en violation du secret professionnel,

– que la désignation d’un administrateur provisoire supposait que soient réunies deux conditions tenant à l’existence d’une atteinte au fonctionnement normal de la société et d’un péril imminent la menaçant, que ces conditions n’étaient pas remplies en l’espèce,

– que la nomination d’un administrateur provisoire n’avait pas vocation à protéger les intérêts d’un associé minoritaire,

– que le chiffre d’affaire et les résultats des entreprises du groupe Oria se maintenaient, que la comptabilité était tenue par le cabinet SECAC et produite régulièrement, que les assemblées étaient également tenues, que les sociétés Gaz End et Oria Holding étaient assistées dans leur gestion juridique par un professionnel,

– que la SARL Gaz End et la SARL Gaz End Hydro avaient deux activités différentes ne les mettant pas en concurrence, qu’une convention d’apporteur d’affaire avait bien été régularisée entre les deux sociétés,

– que le juge des référés est le juge de l’évidence et de l’urgence, que la mésentente entre associés ne justifiait pas à elle seule la désignation d’un administrateur provisoire, que Mme [C]-[X] ne rapportait pas la preuve d’une situation de crise rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent compromettant les intérêts sociaux.

Mme [C]-[X] a interjeté appel de cette décision le 25 janvier 2021.

L’affaire qui avait fait l’objet d’une fixation à bref délai en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile a été défixée à la suite de la saisine, par Mme [C]-[X], du président de la chambre sur un incident de procédure dont elle s’est par la suite désistée.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 décembre 2021, Mme [B] [C]-[X] demande à la cour,

Vu les articles 31, 42 et suivants, 378 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 4 du code de procédure pénale,

Vu l’article 873 du code de procédure civile,

Vu l’article L.721-3 du code de commerce, de :

Avant dire droit :

– surseoir à statuer jusqu’à décision définitive à intervenir d’une juridiction pénale des chefs de faux et usage de faux, tentative d’escroquerie au jugement, abus de bien social et recel d’abus de bien social,

En cause d’appel :

– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par Mme [B] [C]-[X],

Y faisant droit,

– infirmer la décision entreprise, notamment en ce qu’elle a écarté des débats la pièce n°68 et qu’elle a débouté la concluante de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire et, à titre subsidiaire, d’un mandataire ad hoc.

Et, statuant à nouveau, par effet dévolutif de l’appel :

À titre principal :

– juger que les conditions sont réunies pour désigner un administrateur provisoire ;

– désigner d’un administrateur provisoire pris sur la liste des administrateurs judiciaires avec pour mission de :

– exercer les fonctions habituellement dévolues au gérant, dans le respect de la loi et des statuts de la société Gaz End,

– administrer et gérer l’exploitation de la société Gaz End,

– à titre conservatoire, surseoir à toute décision entraînant le transfert de tout ou partie du fonds de commerce de Gaz End au profit de Gaz End Hydro,

– faire élaborer toutes pièces nécessaires à sa mission,

– vérifier le parfait respect des dispositions légales et réglementaires, révéler tout fait ou acte anormal de gestion qui auraient pu être commis par le gérant de Gaz End, notamment concernant l’utilisation des biens et du crédit de Gaz End au profit du développement de Gaz End Hydro, et en chiffrer les conséquences,

– en particulier, identifier les facturations qui ont été effectuées entre Gaz End et Gaz End Hydro et le système frauduleux impliquant ces sociétés,

– se faire communiquer par le cabinet d’expertise comptable SECAC ou par des tiers tous documents et pièces nécessaires à l’exercice de sa mission,

– informer l’Administration fiscale et souscrire toutes déclarations rectificatives,

– prendre toutes mesures et engager toutes procédures pour recouvrer les sommes en cause et obtenir réparation du préjudice subi par la société Gaz End,

– consigner dans un rapport adressé aux associés de Gaz End et au tribunal le fruit de ses vérifications en donnant son avis sur la situation de la société,

– au terme de sa mission et en tout état de cause après le dépôt de son rapport, convoquer l’assemblée générale des associés de Gaz End à l’effet de statuer sur ledit rapport,

– et généralement, assister la société Gaz End dans la mise en place de toutes mesures utiles à la bonne gestion de cette période de difficultés et à la sauvegarde de l’exploitation,

– dire que dans le cadre de sa mission, l’administrateur provisoire pourra se faire assister par tout expert-comptable ;

– dire que la mission de l’administrateur sera donnée le temps que soit rendu un jugement définitif et irrévocable dans l’instance en révocation judiciaire du gérant de Oria Holding actuellement en cours devant le tribunal de commerce de Cusset,

– dire que, à la demande expresse et motivée de l’administrateur provisoire, cette durée pourra être renouvelée par le tribunal pour une durée de 6 mois,

– dire que la mission de l’administrateur provisoire sera rémunérée par la société Gaz End,

À titre subsidiaire :

– juger que les conditions sont réunies pour désigner un mandataire ad hoc,

– désigner tel mandataire ad hoc qui lui plaira avec mission de :

– enquêter sur la situation de la société Gaz End et de déterminer si la structure actuelle du groupe Oria Holding et de sa filiale Gaz End est adaptée,

– exercer un contrôle sur l’activité de Gaz End et vérifier – sans intervenir dans la gestion de la société – qu’aucun détournement d’actifs, matériels ou immatériels, n’est réalisé au profit de la société Gaz End Hydro,

– face à l’impossibilité d’exercer l’action sociale à l’égard d’un dirigeant de fait, engager devant les tribunaux compétents la responsabilité de Mme [S] [P] en sa qualité de gérante de fait de Gaz End au nom et pour le compte de Gaz End,

– consigner dans un rapport adressé aux associés de Gaz End et au tribunal le fruit de ses vérifications en donnant son avis sur la situation de la société,

– dire que dans le cadre de sa mission, le mandataire ad hoc pourra se faire assister par tout expert-comptable et qu’il pourra entendre toute personne pour ce faire, notamment l’ensemble des salariés de Gaz End,

– dire que la mission du mandataire ad hoc sera donnée pour une durée de 6 mois afin de permettre au mandataire de rédiger son rapport et de le déposer au tribunal,

– dire que, à la demande expresse et motivée du mandataire, cette durée de 6 mois pourra être renouvelée par le tribunal pour une nouvelle durée de 6 mois,

– dire que la mission du mandataire sera rémunérée par la société Gaz End,

En tout état de cause :

– décharger Mme [B] [C]-[X] des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,

– ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,

– condamner la société Gaz End à porter et payer à Mme [B] [C]-[X] la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Gaz End en tous les dépens,

– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par l’AARPI Bourgeois Itzkovitch, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 janvier 2022, la société Gaz End demande à la cour,

Vu l’article 4 du code de procédure pénale,

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile,

Vu l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971,

Vu les articles 2.1 et 2.2 du Règlement Intérieur National de la profession d’Avocat,

Vu l’article 21 de l’ordonnance du 19 septembre 1945,

Vu l’article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles L.223-19 et L.223-26 du code de commerce,

Vu l’article 1155 du code civil, de :

In limine litis,

– donner acte à la société Gaz End qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de sursis à statuer formulée par Mme [B] [C]-[X],

– débouter Mme [B] [C] [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

À titre principal,

– confirmer l’ordonnance de référé rendue par Mme le Président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 12 janvier 2021 en ce qu’elle a :

– écarté des débats les échanges de courriels des 14 et 15 mai 2019, ainsi que la pièce jointe au courriel du 15 mai 2019, versés par Mme [B] [C]-[X] sous le numéro 68, en tant que preuves non admissibles,

– débouté Mme [B] [C]-[X] de l’ensemble de ses demandes,

– renvoyé les parties à se pourvoir au fond, ainsi qu’elles aviseront,

– condamné Mme [B] [C]-[X] à payer et porter à la SARL Gaz End la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [B] [C]-[X] aux dépens de l’instance,

– infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– débouter Mme [B] [C] – [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [B] [C]-[X] à payer et porter à la société Gaz End la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner Mme [B] [C]-[X] à payer et porter à la société Gaz End la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [B] [C]-[X] aux entiers dépens d’appel.

À titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour de céans procédait à la désignation d’un administrateur provisoire ou d’un mandataire ad hoc,

– dire et juger que la mission de l’administrateur provisoire et/ou du mandataire ad hoc se limitera à l’assistance et l’accompagnement de Mme [K] [Y], en sa qualité de gérante, dans le cadre de l’administration et de la gestion de la Société Gaz End,

– dire et juger que Mme [B] [C]-[X] supportera seule la charge de la rémunération de l’administrateur provisoire ou du mandataire ad hoc désigné,

– condamner Mme [B] [C]-[X] aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

La procédure a été clôturée le 10 février 2022.

MOTIFS :

Sur la demande de sursis à statuer :

Il résulte des pièces produites par l’appelante qu’à la suite d’une plainte déposée par courrier de son conseil le 16 novembre 2020 auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, une enquête préliminaire a été confiée à la DTPJ sur des faits de faux et usage, tentative d’escroquerie au jugement, abus de bien social et recel d’abus de bien social, à l’encontre de Mme [K] [Y], de Mme [S] [P] et de M. [W] [P].

L’appelante fonde sa demande de sursis à statuer, en ce qui concerne la désignation d’un mandataire ad hoc aux fins d’agir en responsabilité contre Mme [S] [P], sur l’article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale.

Il n’est cependant pas justifié par l’appelante de la mise en mouvement de l’action publique, et la demande en désignation d’un mandataire ad hoc n’est pas une action en réparation du dommage causé par l’infraction.

La demande ne peut en conséquence être retenue sur ce fondement.

Mme [C]-[X] demande par ailleurs qu’il soit sursis à statuer sur l’ensemble de ses demandes dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, jusqu’au jugement définitif des délits faisant l’objet d’une enquête préliminaire.

Ainsi que le souligne l’intimée, à supposer que des poursuites pénales soient engagées à l’issue de l’enquête préliminaire, le jugement définitif de l’affaire pourrait ne pas intervenir avant l’expiration d’un délai d’une durée incompatible avec la nature de l’affaire dont est saisie la cour, à savoir une procédure de référé fondée sur l’allégation d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite nécessitant la prescriptions de mesures conservatoires.

Le sursis présente d’autant moins d’intérêt que la présente décision n’a pas autorité de chose jugée au principal et que quelqu’en soit le sens, elle ne fait pas obstacle à une nouvelle action que Mme [C]-[X] pourrait vouloir mettre en oeuvre, en référé ou au fond, en cas de condamnation pénale définitive de Mme [P] ou de Mme [Y].

La demande de sursis à statuer sera en conséquence rejetée.

Sur les pièces écartées des débats :

Le premier juge a considéré à juste titre que la pièce communiquée par Mme [C]-[X] sous le seul n°68, qui comporte un courrier électronique envoyé le 15 mai 2019 par Maître Alain Decrock, avocat, dont sa cliente est l’un des deux destinataires, ainsi que la pièce jointe à ce message, constituait un mode de preuve irrecevable comme étant couverte par le secret professionnel de l’avocat.

La circonstance que ce courrier soit également adressé à l’expert-comptable de la société Gaz End ne fait pas perdre à cet échange son caractère confidentiel.

Le secret professionnel couvre l’ensemble de cet échange tripartite et en particulière le courrier électronique, figurant sur le même feuillet, adressé le 14 mai 2019 par l’expert-comptable à l’avocat et à la société Gaz End, élément indissociable de cet échange.

L’ordonnance sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire :

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire d’une société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de celle-ci et la menaçant d’un péril imminent.

Lorsque, comme en l’espèce, elle est demandée en référé, le demandeur doit en outre démontrer que les conditions édictées par l’article 873 sont réunies.

Ainsi que le souligne l’intimée, la demande présentée par l’appelante, tendant à ce qu’il soit sursis à statuer sur les mesures sollicitées jusqu’à l’issue de la procédure pénale susceptible d’être engagée à la suite de l’enquête préliminaire en cours discrédite la thèse d’un péril imminent nécessitant la prescription de mesures en référé.

L’existence d’une mésentente grave entre les associés, sous-tendue par des dissensions familiales, et le désir de Mme [C]-[X], qui ne détient directement dans le capital de la société Gaz End que 11 parts en nue propriété sur 500, de renverser la gouvernance et de remettre en cause la loi de la majorité, ne sauraient justifier la désignation d’un administrateur provisoire, qui n’a pas vocation, comme l’a justement énoncé le premier juge, à protéger les intérêts d’un associé minoritaire.

L’engagement par Mme [C]-[X] d’une procédure au fond tendant à la révocation de la dirigeante de la société Oria Holding ne caractérise pas un risque de paralysie du fonctionnement de la société Gaz End, entité distincte, et la difficulté qui pourrait naître d’une éventuelle vacance temporaire de la gouvernance de la société Oria Holding n’est en tout état cause pas susceptible d’être résolue par la désignation d’un administrateur provisoire de la société Gaz End.

L’allégation d’un fonctionnement anormal des assemblées générales de la société Oria Holding, et le refus de la gérance de soumettre au vote des associés de cette société la détermination de tout vote d’Oria Holding aux assemblées générales de ses filiales, sont pareillement inopérants à justifier la désignation d’un administrateur provisoire de la société Gaz End.

Il ressort des pièces versées aux débats que la société Gaz End dispose d’une gouvernance opérationnelle en la personne de Mme [K] [Y], gérante, assurant les fonctions qui lui sont dévolues en ce qui concerne notamment l’organisation et la tenue des assemblées générales, et de Mme [S] [P], directrice exécutive, titulaire d’une large délégation de pouvoirs de la gérante, conduisant l’appelante à considérer que Mme [P] est la gérante de fait de la société, ce qui en soit ne caractérise pas une atteinte à l’intérêt social constitutif d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite.

La production des comptes annuels et d’une attestation de l’expert-comptable confirment que comme l’a souligné le premier juge, la comptabilité est régulièrement tenue.

Ainsi que l’a relevé le premier juge, les assemblées générales sont régulièrement tenues et Mme [C]-[X] ne démontre pas une violation manifeste des dispositions de l’article L.223-26 du code de commerce, caractérisant un dysfonctionnement de la société la menaçant d’un péril imminent.

Le grief relatif à une violation statutaire en matière de droit de vote lors de l’assemblée générale de Gaz End du 27 juin 2019 n’apparaît pas sérieux, Mme [C]-[X] ne contestant pas que la répartition du capital retenue lors de cette assemblée est conforme aux termes de la donation partage du 20 juillet 2009 qu’elle verse elle-même aux débats.

Une telle violation justifierait en tout état de cause une action en annulation et non pas la désignation d’un administrateur provisoire.

Ne caractérise pas non plus un dysfonctionnement de la société et la menace d’un péril imminent la violation alléguée, à deux reprises, du régime des conventions réglementées visées à l’article L.223-19, alors qu’une telle violation, contestée par la société Gaz End, ne présente pas un caractère manifeste.

L’appelante reproche à la gérante de la société Gaz End d’avoir produit lors de l’assemblée générale du 27 juin 2019 un contrat d’apporteur d’affaires entre les sociétés Gaz End et Gaz End Hydro, volontairement antidaté.

La société Gaz End ne conteste pas que la formalisation d’un support écrit n’est intervenue qu’en mai 2019 et que la date du 9 mars 2018 portée sur le document correspond à celle de la mise en oeuvre effective de la convention.

Elle justifie d’ailleurs que des commissions ont été réglées au titre de l’exécution de cette convention à compter du début de l’année 2018.

Une telle régularisation, certes maladroite, ne révèle pas une volonté de fraude caractérisée au préjudice de la société Gaz End.

Mme [C]-[X] reproche à Mme [P] d’avoir détourné le fonds de commerce de la société Gaz End au profit de la société Gaz End Hydro créée par les époux [P], et d’utiliser les biens et le crédit de la société Gaz End au profit de la société Gaz End Hydro.

L’externalisation de l’activité remplacement de chaudière a été évoquée dès le mois de novembre 2015 dans un mail versé aux débats, adressé par Mme [P] à M. [L], Mme [Y] et Mme [C]-[X], afin de recentrer l’activité de la société Gaz End sur l’entretien et la maintenance et clarifier les relations avec les apporteurs d’affaires.

Les sociétés Gaz End et Gaz End Hydro sont liées par un convention d’apport d’affaires en exécution duquel la société Gaz End a perçu une somme de 306 303 euros TTC entre le 2 janvier 2018 et le 28 février 2021 selon attestation de l’expert-comptable en date du 16 mars 2021.

Les documents comptables versés aux débats, en particulier les comptes des exercices 2018 et 2019 et la note de l’expert-comptable sur l’exercice 2018, ne permettent pas de caractériser une incidence de cette externalisation préjudiciable à la société Gaz End, dont le chiffre d’affaires se maintient en 2018 et 2019 et dont le résultat net enregistre une forte progression en 2019 après une baisse en 2018, que l’expert-comptable explique par une augmentation des charges externes liées à la modernisation de l’outil et une provision importante pour dépréciation des stocks.

La preuve n’étant pas rapportée d’une situation rendant impossible le fonctionnement de la société Gaz End et l’exposant à un péril imminent, la demande de désignation d’un administrateur provisoire sera rejetée, l’ordonnance étant confirmée sur ce point.

Sur la demande de désignation d’un mandataire ad hoc :

L’absence de démonstration d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite affectant les intérêts de la société Gaz End conduit pareillement à rejeter la demande de désignation d’un mandataire ad hoc sur le fondement des dispositions de l’article 873 du code de procédure civile, avec une mission aussi étendue que celle sollicitée par l’appelante.

Une telle désignation ne saurait être justifiée par le fait que Mme [C]-[X] ne dispose pas du nombre de parts nécessaire pour solliciter une expertise de gestion, ou n’a pas qualité pour exercer l’action sociale contre le dirigeant de fait.

La décision sera également confirmée sur ce point.

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société Gaz End sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts faute de démontrer que le droit de Mme [C]-[X] à agir en justice aurait dégénéré en un abus caractérisé.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Partie succombante, Mme [C]-[X] sera condamnée aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles d’appel conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [C]-[X] à payer à la société Gaz End la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

Condamne Mme [C]-[X] aux dépens.

Le greffier, Le président,

 


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