Contrat d’apporteur d’affaires : 24 octobre 2019 Cour d’appel de Grenoble RG n° 19/00872

·

·

Contrat d’apporteur d’affaires : 24 octobre 2019 Cour d’appel de Grenoble RG n° 19/00872
Ce point juridique est utile ?

24 octobre 2019
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
19/00872

N° RG 19/00872 – N° Portalis DBVM-V-B7D-J4T3

PG

Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU JEUDI 24 OCTOBRE 2019

DECLARATION DE SAISINE DU 20 Février 2019

sur un arrêt de cassation du 6 février 2019

Recours contre un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LYON en date du 25 novembre 2014, ayant fait l’objet d’un arrêt rendu le 17 mars 2016 par la Cour d’Appel de LYON

SAISISSANT :

La SOCIETE APRIL SANTE PREVOYANCE

SASU au capital de 540.640 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 428 702 419 prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Fanny QUINTANA, avocat au barreau de LYON, plaidant

SAISI :

SELARL ALLIANCE MJ

anciennement dénommée MDP, Mandataires Judiciaires Associés, représentée par maître [M] [B], autorisée par jugement du tribunal de LYON en date du 2 juillet 2013, à reprendre le mandat confié à maître [W] [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la société EPARGNE SANS FRONTIERES, désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 6 novembre 2008

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me Patricia SEIGLE de la SELARL SEIGLE & ASSOCIES – PRIMALEX -, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÈRE :

Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistées lors des débats de M. Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

l’audience publique sur renvoi de cassation tenue le 18 SEPTEMBRE 2019, Mme GONZALEZ, Président, a été entendue en son rapport, les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

——0——

EXPOSE DU LITIGE

La société April Santé Prévoyance (et ci-après société April) est intermédiaire en assurance (courtier grossiste) ; elle anime en tant que distributeur un réseau de distribution composé d’intermédiaires en assurance indépendants immatriculés à ce titre auprès de l’ORIAS qui agissent en qualité de courtiers en assurance (courtiers directs en lien avec l’assuré) et qui jouent notamment le rôle de rapporteurs d’affaires.

Ainsi, pour tout contrat d’assurance et pendant la vie de ce contrat, la société April perçoit de la compagnie d’assurances ou de l’organisme mutualiste une commission sur les cotisations (primes) encaissées dont elle rétrocède une quote-part au courtier direct ayant apporté le contrat.

La société April a conclu le 28 avril 1994 avec M. [D] un contrat dénommé ‘proposition de partenariat’ moyennant le versement de commissions mensuelles. M. [D] a créé la société Epargne sans frontières en 1996, le contrat avec April étant transféré à ladite société.

Par jugement du 6 novembre 2008, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Epargne sans frontières et maître [B] a été nommé en qualité de liquidateur judiciaire.

La société April a continué à verser à la société Epargne sans frontières par l’intermédiaire de Maître [B] les commissions mensuelles pour la période du 1er janvier 2009 au 6 juin 2013.

Le mandat du liquidateur judiciaire a été repris par la Selarl MDP suivant jugement du 2 juillet 2013.

Par courrier du 26 juillet 2013, la société April, se prévalant de l’article R 511-3 du code des assurances, a informé le nouveau liquidateur de ce qu’elle n’était pas en droit de reverser à la société Epargne sans frontières qui n’était plus inscrite à l’ORIAS et ne poursuivait plus son activité de courtage les commissions. La Selarl MDP a contesté cette décision et mis en demeure la société April de reprendre ses versements.

La société April faisait valoir que les dispositions de l’article R 511-3 du code des assurances, dispositions d’ordre public et issues d’une transposition d’une directive (directive 2002/92/CE du 9 décembre 2002), faisaient obstacle à toute rétrocession au profit de toute société non répertoriée à l’ORIAS, d’une rémunération au titre d’une activité d’intermédiaire en assurance.

N’ayant pas obtenu les paiements sollicités, la Selarl MDP a assigné la société April devant le tribunal de commerce de Lyon par acte du 15 octobre 2013 et par jugement du 25 novembre 2014, le tribunal de commerce de Lyon a :

– dit que la société Epargne sans frontières a exécuté les obligations relatives au paiement de ses commissions consistant en l’apport d’affaires à la société April,

– constaté que les dispositions du code des assurances évoquées par la société April n’interdisent pas le respect des engagements de versement des commissions dues pour les contrats passés avec les sociétés inscrites à l’ORIAS, ce qui était le cas de la société Epargne sans frontières avant l’ouverture de la procédure collective,

– condamné la société April à verser entre les mains de la Selarl MDP représentée par maître [B] [Q] mandataire judiciaire de la société Epargne sans frontières les commissions dues depuis le 5 juillet 2013 à la société Epargne sans frontières au titre des contrats qu’elle a apportés à la société April antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, soit le 6 décembre 2008 jusqu’à l’extinction desdits contrats,

– dit que la société April est mal fondée en sa demande reconventionnelle, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à la Selarl MDP représentée par maître [B] [Q] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par arrêt du 17 mars 2016, la cour d’appel de Lyon a :

– infirmé le jugement entrepris et déclaré la société Avril irrecevable en sa demande de restitution des commissions versées à la Selarl MDP ès-qualités,

– déclaré la Selarl MDP ès-qualités bien fondée à réclamer à la société April le paiement des commissions d’intermédiation dues à la société Epargne sans frontières depuis le 5 juillet 2013,

– avant dire droit sur le montant des sommes devant être payées par la société April et sur les demandes d’indemnité de procédure, ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire à la mise en état de la chambre,

– enjoint à la société April de communiquer avant le 30 septembre 2016 tous éléments en sa possession permettant d’établir le montant des commissions dues depuis le 5 juillet 2013 et d’établir un tableau récapitulatif de ces commissions arrêté à la date la plus proche de la clôture,

– dit que la Selarl MDP ès-qualités devra émettre ses observations sur ce tableau avant le 30 novembre 2016,

– dit que les parties au cours de cette échange de pièces et conclusions pourront s’engager utilement dans une démarche de rapprochement, voire de médiation, en saisissant à cet effet le conseiller de la mise en état,

– réservé les dépens.

La cour d’appel a estimé que nonobstant la radiation de la société Epargne sans frontières de l’ORIAS en octobre 2008, il appartenait à la société April de verser les commissions au liquidateur aux motifs qu’il suffit que le courtier soit inscrit au RCS pour être autorisé à percevoir les commissions dues au titre d’intermédiations antérieures réalisées alors qu’il était régulièrement inscrit à l’ORIAS et que d’autre part, la demande de restitution d’April est irrecevable en l’absence de déclaration de créance.

Par arrêt du 21 décembre 2017, les parties s’étant mises d’accord sur le montant des commissions, la cour d’appel de Lyon a condamné la société April au paiement de la somme de 67.738,11 euros avec intérêts à compter du 25 novembre 2014 et capitalisation des intérêts outre 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la société April à l’encontre de la décision du 17 mars 2016, la Cour de cassation par arrêt du 6 février 2019 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 17 mars 2016, remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y être fait droit, les a renvoyé devant la cour d’appel de Grenoble. La société Alliance MJ (anciennement MDP) a été condamnée aux dépens et les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées.

Cette décision, en application de l’article 625 du code de procédure civile, a annulé le second arrêt.

La Cour de cassation a reproché à la cour d’appel d’avoir estimé qu’il se déduisait des articles R 511-3-II et R 511-2-I du code des assurances que si la condition requise pour exercer l’activité d’intermédiation en assurance est d’être immatriculée à l’ORIAS et au RCS, il suffit d’être immatriculé au RCS pour que le courtier soit autorisé à percevoir les commissions dues à titre d’intermédiations antérieures réalisés alors qu’il était régulièrement immatriculé.

Par ailleurs, elle a, sur un moyen relevé d’office, sanctionné la cour d’appel en ce qu’elle avait déclaré la demande de restitution des commissions irrecevable à l’encontre de la procédure collective faute de déclaration dans le délai légal, ne s’agissant pas d’une créance privilégiée au sens de l’article L 622-17 du code de commerce, alors que les paiements indus ayant été réalisés postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, de sorte que la créance n’avait pas à être déclarée.

La société April a saisi la cour de renvoi, soit la cour d’appel de Grenoble, le 20 février 2019.

La clôture est intervenue le 18 septembre 2019.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 23 août 2019, la société April demande à la cour, au visa de la directive 2002/92/CE du 9 décembre 2002, du protocole additionnel numéro 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (article 1), de la notion d’enrichissement sans cause et des articles L 512-1, R 511-2 et R 511-3 du code des assurances :

– de constater que la société Epargne sans frontières en liquidation judiciaire et non inscrite à l’ORIAS depuis le 6 novembre 2008 ne remplit pas les conditions légales posées par l’article R 511-3 du code des assurances pour prétendre au versement d’une rémunération au titre d’une intermédiation en assurance,

– statuant à nouveau,

– de dire n’y avoir lieu pour la concluante de s’acquitter au profit de la Selarl Alliance MJ ès-qualités de montants de commissions générées par l’activité d’intermédiation exercée par la société Epargne sans frontières,

– de débouter en conséquence la Selarl Alliance MJ ès-qualités de l’ensemble de ses demandes,

– de condamner la Selarl Allance MJ ès-qualités au paiement de la somme de 144.910,13 euros correspondant au montant de l’indu et subsidiairement, de fixer ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société Epargne sans frontières,

– de condamner la Selarl Alliance MJ ès-qualités à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel dont les dépens d’appel afférents à l’instance d’appel avant cassation, et application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– elle a, malgré le jugement de liquidation judiciaire, continué à payer par pure inadvertance les commissions mensuelles du 1er janvier 2009 au 6 juin 2013 puis elle a cessé les paiements en ayant pris conscience de la situation alors que la société Epargne sans frontières n’était plus inscrite à l’ORIAS,

-il existe une interdiction formelle de verser une rémunération au titre d’une activité d’intermédiation à toute personne non immatriculée à l’ORIAS, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation faisant suite à une décision largement publiée,

– s’agissant d’une répétition d’un indu, l’intimée ne peut opposer l’absence de déclaration de créance et qu’il n’existe pas d’enrichissement sans cause au profit de la concluante.

En réponse aux conclusions adverses, elle soutient que :

– la société Epargne sans frontières exerçait de manière indiscutable une activité d’intermédiation en assurance, le liquidateur n’ayant contesté cette qualité que lors de l’audience devant le tribunal de commerce de Lyon au profit d’une activité ‘d’indicateur’ et n’ayant pas repris cette argumentation devant la cour d’appel de Lyon, puisque le liquidateur reconnaissait expressément devant cette cour la qualité d’intermédiaire en assurance ; l’intimée cherche à contourner la solution de principe dégagée par la Cour de cassation,

– l’extrait Kbis de la société Epargne sans frontières mentionne une activité de courtier en assurance qui est nécessairement un intermédiaire en assurance au sens du texte précité et la Cour de cassation a statué en appliquant à la société Epargne sans frontières le régime juridique des intermédiaires en assurance,

– il existe une interdiction formelle de verser une rémunération au titre d’une activité d’intermédiaire en assurance à toute personne non immatriculée à l’ORIAS et en l’espèce, la demande du liquidateur se heurte à un obstacle de droit rédhibitoire puisque la société Epargne sans frontières n’est plus inscrite à l’ORIAS et la circonstance que les contrats aient été conclus à une époque où la société Epargne sans frontières exerçait régulièrement son activité est indifférent sur l’issue du litige,

– il n’y a pas lieu de distinguer entre rémunération et rétrocession, le terme rétrocéder étant propre au secteur de l’assurance, il s’agit de deux notions complémentaires,

– le motif tiré par le tribunal des dispositions de l’article L 622-13 du code de commerce est inopérant, la poursuite de l’activité par l’entreprise en liquidation judiciaire comme la poursuite des contrats en cours est l’exception et exige une décision spéciale du tribunal, et en outre, le paiement de commissions nées de l’apport de contrats par un courtier avant sa mise en liquidation judiciaire et portant sur des commissions dues postérieurement à celles-ci ne relève pas de l’exécution d’un contrat en cours,

– l’intimée ne peut opposer l’absence de déclaration de créance, l’indu versé postérieurement à l’ouverture de la procédure collective est opposable à cette dernière, ce que confirme l’arrêt de la Cour de cassation,

– elle n’était pas au courant de la procédure collective,

– l’enrichissement sans cause allégué est inopérant, cette théorie étant exclue lorsque celle-ci vise à suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit, et la concluante doit prendre en charge l’accompagnement individuel des assurés alors que ce rôle incombait à Epargne sans frontières,

– il n’existe aucune violation du l’article 1 du protocole 1 à la Convention européenne des droits de l’Homme, la jurisprudence de la Cour de cassation met directement en oeuvre le droit européen s’agissant de la transposition d’une directive et la solution dégagée ne contrevient pas au droit à la protection des biens.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 10 septembre 2019, la société Alliance MJ demande à la cour :

– de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a dit que la société Epargne sans Frontières a exécuté les obligations relatives au paiement de ses commissions consistant en l’apport d’affaires à la société April, en ce qu’il a constaté que les dispositions du code des assurances évoquées par la société April n’interdisaient pas le respect des engagements de versement des commissions dues, en ce qu’il a condamné la société April à verser les commissions dues depuis le 5 juillet 2013 à la société Epargne sans Frontières au titre des contrats qu’elle a apportés à la société April antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, en ce qu’il a dit la société April mal fondée en sa demande reconventionnelle et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,

– en conséquence,

– de condamner la société April à lui payer les commissions dues depuis le 5 juillet 2013 jusqu’à la date la plus proche de la clôture à charge pour la société April d’établir un tableau récapitulatif des commissions depuis le 5 juillet 2013 jusqu’à la date la plus proche de la clôture, ces sommes portant intérêt à compter du 25 novembre 2014 avec application de l’article 1154 du code civil,

– dans tous les cas,

– de débouter la société April de toutes ses demandes et notamment de sa demande en répétition de l’indu, d’en prononcer l’irrecevabilité, de la dire non fondée et subsidiairement, de dire qu’elle pourrait au mieux faire fixer sa créance,

– de condamner la société April à lui payer ès-qualités la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d’instance.

Elle fait principalement valoir que :

– la cour d’appel de Lyon a statué hors des demandes du liquidateur en condamnant la société April au paiement de commissions d’intermédiaires dues à la société Epargne sans frontières,

M. [D] puis la société Epargne sans Frontières n’ont eu que la qualité d’indicateur apporteur d’affaires et ont perçu les commissions en contrepartie de l’apport de clientèle, et si la société s’est adjoint une nouvelle activité de courtier en assurance, le contrat en cause n’a pas été modifié,

– le liquidateur a demandé paiement de commissions dues au titre de contrats apportés, correspondant à l’apport de clientèle, la société April était seule rémunérée en qualité d’intermédiaire d’assurance,

– la confusion de l’arrêt ayant donné lieu à cassation correspond à la confusion entre entre la rémunération de l’intermédiaire d’assurance et le paiement ou la rétrocession de commissions d’apporteur d’affaire indicateur, le code des assurances opère cette distinction et les parties s’étaient mises d’accord sur une rétrocession de la rémunération perçue par April conformément à l’article R 511-3 III,

– la créance de commission due par April est un actif qui a une valeur patrimoniale et évincer la procédure collective et les créanciers de la liquidation judiciaire de la créance de la société Epargne sans frontières méconnaît le droit aux biens protégé par la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales,

– le droit des procédures collectives d’ordre public s’oppose à la restitution, la créance n’est pas privilégiée, la créance n’est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle,

– la créance n’est pas née régulièrement après le jugement d’ouverture et elle est inopposable à la procédure,

– à défaut, elle doit être déclarée à la procédure, et ne l’ayant pas été, elle est inopposable,

– conserver les commissions pour April serait un enrichissement sans cause,

– il n’y a pas d’indu puisqu’April a reconnu que la prestation avait été fournie et qu’elle en avait bénéficié.

Elle précise en réponse aux conclusions adverses, que :

– le droit à rémunération de l’apporteur d’affaires n’est pas soumis aux règles et usages du courtage d’assurance et donc à l’immatriculation à l’ORIAS, l’activité d’Epargne sans frontières était essentiellement ‘crédits et placements’, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une activité de courtage, elle pouvait avoir une activité de courtage et exercer de manière accessoire un partenariat d’apporteur d’affaires,

– la société April n’a pas sollicité le justificatif de l’inscription à l’ORIAS, y compris après la liquidation judiciaire

– selon la Cour de cassation, (arrêt du 24 octobre 2014) la rémunération est un critère de définition de l’intermédiaire d’assurance et le paiement ayant été fait sans être subordonné à une immatriculation à L’ORIAS, la société April a reconnu que les commissions versées l’étaient au titre d’un contrat d’apporteur d’affaires,

– les pièces adverses ne correspondent qu’à trois documents sur 19 ans, il s’agit d’informations et non de contrats d’assurance, les pièces ne sont pas probantes,

– elle n’exige pas la poursuite d’un contrat en cours, la prestation ayant déjà été réalisée,

– la société April a fixé un taux de commissions d’apporteurs d’affaires avec M. [D] et ses successeurs et il n’y a pas indu en cas d’absence d’erreur du solvens, alors que le 24 novembre 2008, Maître [B] a demandé le paiement des commissions,

– la créance revendiquée ne peut bénéficier du traitement préférentiel puisque non nécessaire ni utile à la procédure, la Cour de cassation l’a confirmé s’agissant d’une créance d’indu, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée en l’espèce sur le fait de savoir si la créance bénéficiait d’un traitement préférentiel.

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nature des relations contractuelles entre les parties

La société April soutient que la société Epargne sans frontières a exercé l’activité d’intermédiaire en assurance dans la catégorie ‘courtier d’assurance’ et a été inscrite à l’ORIAS en cette qualité, ce que réfute la Selarl Alliance MJ qui prétend que, bien qu’inscrite à l’ORIAS, seule une activité d’apporteur d’affaires a été exercée dans ses relations avec April.

Selon l’article R 511-3 du code des assurances, l’indicateur d’assurance qui n’a pas à être immatriculé à l’ORIAS contrairement aux intermédiaires en assurance comme les courtiers et se contente de mettre en relation assureur et assuré.

L’intermédiation en assurance (ou réassurance) est l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion selon l’article L 511-1 du code des assurances.

L’article R 511-1 du code des assurances précise que ‘pour l’application de l’article L 511-1, est considérée comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d’une opération d’assurance, le fait pour toute personne physique ou personne morale de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat ou l’adhésion à un tel contrat, ou d’exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d’un contrat’.

Il n’est pas contesté que la société Epargne sans Frontières inscrite au RCS a été immatriculée au registre unique des intermédiaires d’assurance en 2001 puis qu’elle a été radiée pour cessation d’activité par l’ORIAS.

Le contrat du 28 avril 1994 liant la société April à M. [D] puis à la société Epargne sans Frontières et dénommé ‘proposition de partenariat’ révèle sur la première page à la rubrique ‘êtes vous ” que ni la case ‘agent général d’assurance’, ni la case ‘courtier d’assurance’ n’ont été cochées contrairement à la case ‘conseil en gestion du patrimoine Conseil financier’. Il est ensuite précisé dans cette proposition l’engagement suivant ‘mandataire des clients que je confie au Groupe April, je prends l’engagement de respecter la déontologie et le devoir de conseil applicables à mon statut professionnel’.

Il est évident qu’à cette date, il ne pouvait s’agir que d’un contrat d’apporteur d’affaires, l’inscription à l’ORIAS ne datant que de 2001 et n’ayant pas été exigée par la société April.

Aucun avenant ou nouveau contrat n’a été signé par la suite entre les parties de sorte qu’il appartient à la société April de démontrer que les relations contractuelles auraient évolué entre les parties suite à l’inscription à l’ORIAS et que la société Epargne sans frontière a exercé à son égard une activité d’intermédiaire en assurance. Il n’est d’ailleurs pas justifié que la société April ait sollicité à un moment ou à un autre la communication du numéro d’immatriculation à l’ORIAS d’Epargne sans frontières.

La cour constate de manière liminaire que Maître [B], par courrier du 24 novembre 2008 avisant la société April de la liquidation judiciaire d’Epargne sans frontières, parlait d’une activité d’apporteur d’affaires, ce qui n’avait pas entraîné de réaction d’April dans son courrier en réponse du 28 novembre 2008.

Ensuite, si le débat n’a pas porté devant la cour d’appel de Lyon sur l’activité exercée par Epargne sans frontière, cela ne prive pas le liquidateur de s’en prévaloir devant la cour de renvoi.

Pour démontrer que la société Epargne sans frontières a exercé un rôle de courtier direct, la société April se réfère essentiellement à trois documents versées aux débats. Il s’agit des trois seules pièces se rapportant une activité de quatorze années avant la liquidation judiciaire.

Un de ces documents, qui concerne une demande d’adhésion datée du 23 février 2000 est inopérant, s’agissant d’une date antérieure à l’inscription à l’ORIAS.

Une autre ‘demande d’adhésion’ (concernant M. [G]) n’est pas datée mais un cachet apposé sur la demande d’adhésion est daté du 28 avril 2003 de sorte que cette date est retenue. La troisième ‘demande d’adhésion’ qui concerne M. [H] est datée du 13 novembre 2013. Sur ces deux documents, le cachet de la société Epargne sans frontière se réfère à une activité de crédits et placements. Il n’est pas fait état d’un règlement au bénéfice de la société April. Il n’apparaissent pas en l’état pouvoir être assimilés à des contrats d’assurance établissant concrètement qu’avec l’adjonction de l’activité de courtage, la relation entre les deux sociétés a évolué par rapport au contrat initial, ne s’agissant plus d’un apport d’affaire mais d’un courtage, et ce pour les contrats d’assurance qui donnent toujours lieu à commission et dont le détail n’est pas donné par les pièces du dossier.

Ces deux seuls documents sont en tout état de cause insuffisants à démontrer que la nature des relations des parties a intégralement été modifiée avec l’inscription à l’ORIAS.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a dit que la société Epargne sans Frontières a exécuté les obligations relatives au paiement de ses commissions consistant en l’apport d’affaires à la société April.

Sur le paiement des commissions

La société Epargne sans frontières n’ayant été qu’un apporteur d’affaires, la société April ne peut se prévaloir de sa radiation de l’ORIAS pour ne plus payer les commissions en application de l’arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2019.

En conséquence, elle doit poursuivre le paiement des commissions postérieurement au 5 juillet 2013 et ne peut de ce fait demander répétition d’un indu sur les commissions déjà versées depuis la liquidation judiciaire.

Le jugement est réformé en ce qu’il a constaté que les dispositions du code des assurances évoquées par la société April n’interdisaient pas le respect des engagements de versement des commissions dues pour les contrats passés par les sociétés inscrites à l’ORIAS, ce qui est indifférent dans le présent litige ; il est dit que la société April n’est pas fondée à se prévaloir de la radiation de la société Epargne sans frontière de l’ORIAS pour cesser le paiement de ses commissions au rapporteur d’affaires.

Il est réformé sur le paiement des commissions, ce paiement devant être fait à la Selarl Alliance MJ ès-qualités suite au changement de liquidateur pour les commissions dues à compter du 5 juillet 2013 à charge pour la société April d’établir un tableau récapitulatif des commissions dues depuis cette date.

Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société April de toutes ses prétentions puisqu’il n’existe pas d’indu.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société April qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens de première instance et d’appel y compris les dépens de l’instance d’appel devant le cour d’appel de Lyon et versera à son adversaire la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a dit que la société Epargne sans Frontières a exécuté les obligations relatives au paiement de ses commissions consistant en l’apport d’affaires à la société April et en ce qu’il a débouté la société April de toutes ses prétentions.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que la société April n’est pas fondée à se prévaloir de la radiation de la société Epargne sans frontière de l’ORIAS pour cesser le paiement de ses commissions dues au rapporteur d’affaires.

Condamne la société April à payer à la Selarl Alliance MJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Epargne sans Frontières les commissions dues depuis le 5 juillet 2013 jusqu’à la date la plus proche de la clôture à charge pour la société April d’établir un tableau récapitulatif des commissions depuis le 5 juillet 2013 jusqu’à la date la plus proche de la clôture, ces sommes portant intérêt à compter du 25 novembre 2014 avec application de l’article 1154 du code civil,

Condamne la société April santé prévoyance aux dépens de première instance et d’appel y compris les dépens d’appel de l’instance devant le cour d’appel de Lyon et à payer à la société Alliance MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société Epargne sans frontière la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par M. STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x