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20 mai 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-25.085
CIV. 1
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 mai 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10208 F
Pourvoi n° P 18-25.085
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020
Mme E… P…, épouse O…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° P 18-25.085 contre l’arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d’appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme O…, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, après débats en l’audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme P…, épouse O…, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme P…, épouse O….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné Mme O… à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel la somme de 248 136,12 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2009 ;
AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L. 341-4 désormais L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au moment de la signature du contrat en considération d’une part de l’ensemble des engagements souscrits par la caution et d’autre part des biens et revenus déclarés, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude ; que Mme O… soutient qu’il résulte des fiches de renseignements établies qu’elle disposait d’un revenu mensuel de 1.200 euros et de dettes de 160.000 euros, que seuls ses revenus doivent être pris en compte à l’exclusion de ceux de son conjoint, qu’elle est propriétaire de sa résidence principale située à […] et d’un bien situé à […] qu’elle avait déjà apporté en caution hypothécaire et que le cautionnement sollicité excède en conséquence la valeur de son patrimoine ; que cette argumentation ne saurait être suivie ; qu’en effet, il résulte de la fiche de renseignement établie le 5 février 2008 et signée par l’intéressée lors de la souscription de l’engagement de caution que Mme O… indique être mariée sous le régime de la séparation de biens, être retraitée et disposer d’un revenu mensuel de 1.200 euros et d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 1.200.000 euros ; que contrairement à ce que soutient Mme O…, la banque n’était pas tenue de vérifier la cohérence de ces informations avec celles figurant sur la fiche établie deux ans plus tôt, le 13 mars 2006, qui n’a été signée que par le seul M. O… ; que dès lors, faute pour Mme O… de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue, le montant de son engagement étant très inférieur à la valeur de son patrimoine, la CRCAM est fondée à se prévaloir de l’acte de cautionnement établi le 5 février 2008 ;
1° ALORS QUE la disproportion du cautionnement doit s’apprécier en considération de l’endettement global de la caution ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter la disproportion de l’engagement de Mme O…, que « le montant de son engagement [était] très inférieur à la valeur de son patrimoine » constitué « d’un revenu mensuel de 1 200 euros et d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 1 200 000 euros » (arrêt, p. 7, al. 1 et 3, nous soulignons), sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’engagement litigieux souscrit le 5 février 2008 n’était pas disproportionné au regard de l’endettement global de Mme O…, qui invoquait des emprunts en cours à hauteur de 160 000 euros et un cautionnement hypothécaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
2° ALORS QUE la disproportion d’un cautionnement doit s’apprécier en considération de tous les engagements antérieurement souscrits par la caution, dont le créancier a connaissance ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter la disproportion de l’engagement de Mme O…, que « le montant de son engagement [était] très inférieur à la valeur de son patrimoine » constitué « d’un revenu mensuel de 1 200 euros et d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 1 200 000 euros » (arrêt, p. 7, al. 1 et 3, nous soulignons), sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’engagement de Mme O… n’était pas disproportionné compte tenu d’un cautionnement hypothécaire dont bénéficiait le Crédit Agricole sur ce patrimoine immobilier, et qu’il ne pouvait ignorer en dépit du fait qu’il n’était pas mentionné dans la fiche de renseignement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
3° ALORS QUE le créancier n’est fondé à se fier aux déclarations de la caution relatives à son patrimoine qu’en l’absence d’anomalie apparente ; qu’en retenant, pour écarter la disproportion de l’engagement de Mme O…, qu’elle disposait d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 1 200 000 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la valeur ainsi déclarée qui était plus de deux fois supérieure à celle figurant dans la fiche de renseignement datant du 13 mars 2006 ne constituait pas une anomalie apparente justifiant que la banque procède à de plus amples investigations, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1, du code de la consommation.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mme O… de sa demande tendant à ce qu’il soit constaté que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel avait manqué à ses obligations contractuelles, et à ce qu’elle soit condamnée au paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Mme O… reproche à la banque de ne pas avoir respecté la convention d’apporteur d’affaires aux termes de laquelle elle s’engageait à placer auprès de ses clients investisseurs l’investissement visé au contrat et d’avoir en réalité rompu unilatéralement et sans préavis le contrat et fait valoir que cette faute lui cause un préjudice en ce qu’elle a fait obstacle à la vente des bateaux ; qu’elle lui reproche également d’avoir affecté le règlement de 100.000 euros réalisé en 2007 à la suite de la vente du bateau L’île de la tortue au crédit du compte d’une SNC alors qu’il aurait dû permettre un règlement partiel du prêt dont il est sollicité le paiement ; qu’enfin elle sollicite l’indemnisation du préjudice moral subi au titre de l’inscription hypothécaire prise par la banque et fait valoir qu’elle vit depuis 2005 dans l’anxiété d’être contrainte de vendre le bien immobilier situé à […], qui constitue le domicile conjugal et dans lequel elle a toujours vécu et qu’elle est empêchée de vendre le bien situé à […] en raison de l’inscription hypothécaire ; que cette argumentation ne saurait être accueillie ; qu’aux termes de l’article 1 de la convention versée aux débats, l’apporteur d’affaires a pour “mission de rechercher auprès de ses clients ceux qui seraient intéressés pour participer financièrement à des opérations d’investissement entrant dans le cadre du régime d’incitation fiscale prévu à l’article 199 undecies B du code général des impôts” ; que la CRCAM ne conteste pas le défaut de recherche d’investisseurs dans le cadre de l’opération d’achat du catamaran […] ; que cependant c’est à juste titre qu’elle excipe de l’impossibilité d’entreprendre quelque démarche de prospection que ce soit avant l’obtention de l’agrément fiscal qu’il incombait à la société Sopromar de solliciter et qui ne lui a été remis que le 17 décembre 2004, la caution ne rapportant pas la preuve que la banque avait procédé autrement lors des opérations antérieures en prospectant avant l’obtention de l’agrément ; qu’il en résulte que la banque n’a pas commis de faute dans sa mission de recherche d’investisseurs dans la mesure où l’agrément n’ayant pas été obtenu au 31 octobre 2004, elle n’était dès lors pas tenue d’effectuer une recherche de clients sans avoir la certitude que le dispositif fiscal trouverait à s’appliquer, compte-tenu du risque de réintégration fiscale qu’elle encourait alors ; que s’agissant de l’affectation des fonds résultant de la vente du bateau […], il n’est pas contesté que le produit de la vente a principalement permis de rembourser le prêt afférent à l’opération. Mme O… ne démontre pas que la banque aurait contrevenu à une demande de la société Sopromar tendant à ce que le surplus soit affecté au remboursement du prêt souscrit le 5 février 2008 ; qu’aucun manquement de la CRCAM n’est en conséquence caractérisé à ce titre ;
1° ALORS QUE le contrat d’apporteur d’affaires conclu entre le Crédit Agricole et la société Sopromar stipulait, sans aucune condition suspensive, que le Crédit Agricole avait pour « mission de rechercher auprès de ses clients ceux qui seraient intéressés pour participer financièrement à des opérations d’investissement entrant dans le cadre du régime d’incitation fiscale prévu à l’article 199 undecies B du code général des impôts » ; qu’en jugeant que le Crédit Agricole n’était pas tenu d’engager ses recherches d’investisseurs avant l’obtention de l’agrément fiscal (arrêt, p. 10, pén. al.), quand le contrat ne contenait aucune condition suspensive, et qu’une telle recherche n’était nullement impossible en l’absence d’agrément, la cour d’appel a dénaturé ledit contrat et ainsi violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2° ALORS QU’en toute hypothèse, le contenu des obligations des parties est déterminé par le contrat, accord de volontés entre les parties, et non par le comportement unilatéral de l’une des parties lors d’opérations antérieures ; qu’en retenant, pour juger que le Crédit Agricole n’était pas tenu d’engager ses recherches d’investisseurs avant l’obtention de l’agrément fiscal (arrêt, p. 10, pén. al.), que « la caution ne rapport[ait] par la preuve que la banque avait procédé autrement lors des opérations antérieures en prospectant avec l’obtention de l’agrément », la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 devenu 1103 du code civil ;
3° ALORS QU’en toute hypothèse, le contrat constitue la loi des parties ; qu’en jugeant pourtant que « la banque n’a pas commis de faute dans sa mission de recherche d’investisseurs dans la mesure où l’agrément n’ayant pas été obtenu au 31 octobre 2004, elle n’était dès lors pas tenue d’effectuer une recherche de clients sans avoir la certitude que le dispositif fiscal trouverait à s’appliquer » (arrêt, p. 10, pén. al.), quand le contrat d’apporteur d’affaires ne prévoyait aucune date butoir à compter de laquelle le Crédit agricole aurait été libéré faute d’avoir reçu l’agrément fiscal définitif, et sans constater que la date du 31 octobre 2004 avait fait l’objet d’un accord entre les parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, devenu 1103, du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mme O… de sa demande tendant à ce qu’il soit constaté que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel avait manqué à son devoir de mise en garde, et à ce qu’elle soit condamnée au paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la banque est tenue à l’égard de la caution non avertie d’un devoir de mise en garde sur les risques nés d’un endettement excessif lors de l’octroi du prêt au regard des capacités financières de l’intéressé ; que contrairement à ce que soutient la CRCAM, Mme O…, qui n’était ni associée ni gérante de la société Sopromar et dont il n’est pas établi qu’elle disposait d’une expérience particulière ou d’une formation en matière de gestion, ne peut être qualifiée de caution avertie ; que la seule circonstance qu’elle se soit déjà engagée à plusieurs reprises en qualité de caution de la société Sopromar dans le cadre des prêts court terme successifs antérieurs à l’engagement contesté n’est pas suffisant à faire d’elle une caution avertie et la banque était donc tenue à un devoir de mise en garde à son égard ; que Mme O… n’établit cependant pas qu’elle s’est engagée en qualité de caution dans le cadre d’une opération manifestement vouée à l’échec en ce que la société Sopromar, qui avait acquis un bateau qu’elle avait la possibilité de revendre, n’était pas à cette date dans l’incapacité de rembourser le prêt contracté ; qu’en effet, les crédits court terme consentis étaient adaptés au financement de l’activité de la société qui consistait en des opérations d’achat et de revente de bateaux favorisées par un dispositif fiscal relatif à l’investissement outre-mer, prêts dont il n’est pas contesté que les précédents, afférents à d’autres opérations, avaient été remboursés sans difficulté ; qu’il n’est ainsi pas démontré que le créancier avait connaissance, lors de la souscription de l’engagement de caution de Mme O…, de la situation irrémédiablement compromise ou lourdement obérée du débiteur principal ; qu’en outre, Mme O… ne démontre pas le caractère excessif du prêt au regard de ses capacités financières, notamment de son patrimoine immobilier ; qu’il convient en conséquence de débouter Mme O… de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;
ALORS QUE les capacités de remboursement du débiteur principal s’apprécient au jour du crédit garanti par la caution qui invoque un manquement de la banque à son devoir de mise en garde ; qu’en se fondant, pour juger que la caution n’établissait pas qu’elle s’était engagée à garantir une opération vouée à l’échec (arrêt, p. 8, al. 5), sur le fait que les crédits consentis étaient adaptés au financement de l’activité normale de la société qui consistait en des opérations d’achat et de revente de bateaux (arrêt, p. 8, al. 6), quand le crédit garanti par le cautionnement litigieux, consenti en 2008, n’avait pas servi à financer cette activité normale, mais à rembourser le crédit initial, en date du 12 octobre 2004, à la suite de l’échec de l’opération de défiscalisation, la cour d’appel, qui s’est fondée sur le crédit initial, et non sur le crédit garanti, pour apprécier l’existence du devoir de mise en garde, a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce.