Contrat d’apporteur d’affaires : 11 mai 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 14/04964

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Contrat d’apporteur d’affaires : 11 mai 2017 Cour d’appel de Paris RG n° 14/04964
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11 mai 2017
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/04964

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 11 Mai 2017

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/04964

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2014 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL RG n° 11/03075

APPELANT

Monsieur [U] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Marie-claire GRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220

INTIMEE

Société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mars 2017 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 3 janvier 2011, Monsieur [U] [V] a conclu un contrat à durée indéterminée intitulé ‘contrat d’apporteur d’affaires – responsable d’agence administrative’, avec la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT, qui exerce les fonctions d’agence spécialisée dans le management sportif.

Le 17 novembre 2011, Monsieur [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil d’une demande de qualification de la relation contractuelle de contrat de travail et formé des demandes de rappel de salaire, d’indemnité pour travail dissimulé et de demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 3 avril 2014, le conseil de prud’hommes de Créteil statuant en départage a débouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

A l’encontre de ce jugement notifié le 9 avril 2014, Monsieur [V] a interjeté appel le 5 mai 2014.

Lors de l’audience du 31 mars 2017, Monsieur [V] demande à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT à lui payer les sommes suivantes :

– 8 881,62 € à titre de rémunération

– 888,16 € à titre de rémunération des congés payés

– les charges sociales sur ces sommes

– 8 881,62 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé

– 7 500 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour le préjudice résultant des conditions d’exécution du contrat.

– 4 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– les intérêt au taux légal avec capitalisation.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [V] expose :

– que le contrat en cause n’est pas un contrat d’apporteur d’affaires

– qu’il travaillait sous la subordination de la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT et était donc lié à elle par un contrat de travail

– qu’il est fondé à obtenir paiement du salaire dû

– qu’il justifie de ses préjudices.

En défense, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [V] à lui verser les sommes de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

– que Monsieur [V] s’est engagé en tant qu’apporteur d’affaires,

– qu’il n’a apporté aucune affaire ni prospection de joueur, et ne pouvait être payé en conséquence,

– que c’est la raison pour laquelle la société a dû mettre fin au contrat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat de travail

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération. Ce lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pourvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné.

Il résulte des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile que l’existence d’une relation de travail subordonnée ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité en cause.

En l’espèce, les parties ont signé le 3 janvier 2011, un contrat intitulé ‘apporteur d’affaires – Responsable Agence Administrative’, aux termes duquel, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT, qui exerçait l’activité d’agent sportif, confiait à Monsieur [V] la mission, de ‘ rechercher pendant la durée des présentes, dans le secteur géographique défini, des mandants des clubs, fédérations, joueurs et autres […] en vue de la conclusion d’un contrat de médiation exclusif appelé ‘mandat’ avec la Société S-C & M ‘.

En application des dispositions de l’article 1315 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au présent litige il appartient à Monsieur [V] de démontrer quece contrat constituait en réalité un contrat de travail.

A cet égard, il produit le contrat de Madame [W], ancienne collègue, portant le même intitulé et des clauses identiques identiques au sien, ce dont il résulte qu’il a adhéré à un contrat pré-établi, sans individualisation.

Il déclare, sans être contredit sur ce point, qu’il n’était pas un connaisseur du milieu du football à l’époque de sa prise de poste et produit l’annonce que la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT avait publiée le 28 décembre 2010 à l’origine de l’entrée en relations des parties et ainsi rédigée :

‘ Nous sommes actuellement à la recherche d’assistants administratifs stagiaires/salariés à la commission pour gérer les tâches telles que :

– relance clubs

– découverte de nouveaux talents

– réalisation des cv joueurs

– relance fédérations / clubs pour organisation de matches et autres événements

– assistanat pour la mise en place des événements

– mise à jour du site web

Un intéressement sur les placements de joueurs et autres événements est proposé aux stagiaires/salariés.

– secteur : sport/football/événement

– fonction : commercial – vente-placement administratif

– démarrage : poste à pourvoir immédiatement

– durée : stage de 2 mois / CDI commissions

– type de contrat : commission/cdi. ‘

Il produit une attestation de Madame [W] en date du 12 juillet 2012 dans laquelle elle le présente comme ‘l’assistant direct de Monsieur [U]’ et déclare qu’il avait des horaires contraignants, même si, de son côté, l’entreprise produit des éléments établissant qu’il travaillait également parfois de son domicile.

Monsieur [V] produit des copies de sms, qu’il déclare avoir échangés avec Monsieur [U], aux termes desquels il lui rendait compte de ses horaires d’arrivée le matin ou le soir dans les locaux où ce dernier exerçait son activité, ainsi que de détails de cette activité. La société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT conteste l’authenticité de ces sms mais ne produit, de son côté, aucun sms contraire, alors qu’elle ne conteste pas avoir échangé avec Monsieur [V] selon ce mode de communication.

Monsieur [V] produit également des courriels échangés, desquels il ressort que les joueurs intéressés par un placement dans un club contactaient la société sur sa boîte mail, qu’il répondait par le biais de cette boîte, signait lui-même en sa qualité d’assistant et signait [J] [U]. Ainsi, toutes les communications par email de Monsieur [V] étaient signées [J] [U]. Les interlocuteurs extérieurs se référaient aussi à lui comme ‘l’assistant de Monsieur [U]’.

Sur le fond de ces échanges, il est certain que Monsieur [V] ne prenait à aucun moment de décision, soit d’accepter de prendre en charge un joueur, soit d’en placer un dans un club, sa mission consistant en réalité à prendre en compte les demandes faites par les contacts de la société et à en référer auprès de Monsieur [U] afin de pouvoir leur communiquer la suite qu’il serait donnée à leurs demandes.

Il était ainsi un intermédiaire gérant les contacts de Monsieur [U].

Monsieur [V] produit également une copie d’écran relative à une recherche sur Google, d’où il résulte qu’il était chargé de gérer des offres d’emploi d’autres personnes payées à la commission pour le compte de la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT.

Par ailleurs, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT ne produit aucun élément permettant d’établir que Monsieur [V] exerçait de façon effective l’activité apporteur d’affaires, prestataire indépendant.

Il résulte de ces considérations que Monsieur [V] était lié à la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT par un lient de subordination et son contrat doit donc être requalifié en contrat de travail contrairement à ce qu’a estimé le premier juge.

Sur la demande de rémunération

Monsieur [V] n’ayant perçu aucune rémunération alors qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur et a fourni une prestation de travail, est fondé à percevoir, au titre de sa période de travail du 1er au 30 juin 2011, un rappel de salaires sur la base du SMIC, soit la somme de 8 190 euros, outre celle de 819 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de se soustraire intentionnellement aux déclarations et au paiement des charges sociales afférentes aux contrats de travails est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que le fait pour la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT, entreprise spécialisée et expérimentée de proposer à Monsieur [V], jeune homme inexpérimenté, un contrat intitulé ‘d’apporteur d’affaires’ pour un simple travail d’assistant administratif sous un lien de subordination ne constituait en réalité qu’un subterfuge destiné à éluder les obligations incombant aux employeurs.

Monsieur [V] est donc fondé à obtenir paiement d’une indemnité égale à six mois de salaire, soit la somme de 8 190 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif

Du fait de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.

Monsieur [V] ayant moins de deux ans d’ancienneté, a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail.

Au moment de la rupture, Monsieur [V], était âgé de 26 ans, n’avait que 10 mois d’ancienneté et ne produit aucun élément sur sa situation postérieure à la rupture de nature à justifier un préjudice.

Au vu de cette situation, et considérant qu’il a néanmoins souffert d’un préjudice financier et moral, il convient de lui allouer une indemnité de 1 000 euros.

Sur les autres demandes

La demande de Monsieur [V] étant partiellement fondée, la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT ne démontre pas l’existence d’un abus du droit d’ester en justice et doit donc être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, elle sera également déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT à payer à Monsieur [V] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 1 500 euros.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 nouveau du code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 nouveau du même code et de faire application de celles de l’article 1343-2 nouveau .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme le jugement déféré

Requalifie la relation contractuelle du 1er au 30 juin 2017 en contrat de travail

Condamne la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT à payer à Monsieur [U] [V] :

– à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive : 1 000 €

– à titre d’indemnité pour travail dissimulé : 8 190 €

– à titre de rappel de salaires : 8 190 €

– à titre de congés payés afférents : 819 €

– en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 €

Dit que les condamnations au paiement, de l’indemnité pour licenciement abusif et de l’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autre condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

Déboute la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT de ses demandes reconventionnelles et d’indemnité

Condamne la société SPORT CONSULTING ET MANAGEMENT aux dépens de première instance et d’appel

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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