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1 décembre 2016
Cour d’appel de Douai
RG n°
15/06481
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 01/12/2016
***
N° de MINUTE : 16/
N° RG : 15/06481
Jugement (N° 14010024)
rendu le 06 octobre 2015
par le tribunal de commerce de Lille Métropole
REF : MLD/KH
APPELANTE
SARL Ovale agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Edwige Hardouin, avocate au barreau de Bordeaux
INTIMÉE
société Vivago
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Gérald Malle, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l’audience publique du 12 octobre 2016 tenue par Marie-Laure Dallery magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie Hainaut
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Annick Prigent, président de chambre
Marie-Laure Dallery, président de chambre
Philippe Brunel, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2016 après prorogation du délibéré initialement prévu le 17 novembre 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Marguerite-Marie Hainaut, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 octobre 2016
***
L’AREPA est une association qui gère des établissements à destination des personnes âgées valides ou dépendantes (EHPAD et foyers-logements).
Dans le cadre de ses relations avec l’association AREPA avec laquelle elle a signé un contrat de recherche d’économies le 24 mai 2004, la société Ovale, qui a pour activité principale l’aide à la réduction des coûts, a identifié le besoin de l’association de s’équiper en système de sécurisation de ses résidents.
Ovale s’est ainsi rapprochée de la société Vivago qui développe et distribue des applications et des produits permettant d’améliorer les conditions de vie des personnes dépendantes ou hospitalisées, en particulier du matériel d’alarme personnelle.
Ovale et Vivago ont signé le 15 mars 2005 un accord de confidentialité par lequel la société Ovale proposait ‘de mettre son client en relation avec la société Vivago et de lui présenter les produits de la société Vivago dans le but de lui faire acheter’.
Le 15 juillet 2015, Vivago a conclu avec AREPA un ‘contrat cadre de location-maintenance’ de matériel pour l’ensemble des établissements gérés par cette dernière. Il était notamment prévu l’implantation progressive sur 3 années (2005 à 2007) de 4050 bracelets.
Le 30 octobre 2005, Ovale et Vivago ont conclu un contrat d’apporteur d’affaires dont l’objet était de fixer les modalités de rémunération de la société Ovale, prévoyant que sa rémunération serait calculée en fonction du contrat signé le 15 juillet 2005 sur les installations prévues (bracelets) et s’élèverait à 3,755 euros HT indexée par redevance mensuelle unitaire payée par AREPA à Vivago.
1706 bracelets ont été installés entre le mois de décembre 2005 et le 30 novembre 2008 et Vivago a réglé Ovale sur cette base jusqu’au 30 novembre 2012.
En janvier 2013, Ovale a interrogé Vivago sur l’arrêt des locations au 30 novembre 2012 et sur le sort des 2344 abonnements manquants.
Assignée en référé devant le tribunal de commerce de Lille Métropole par acte du 22 octobre 2013 à la demande de Ovale, Vivago a été condamnée à communiquer les informations prévues à l’article 3 du contrat du 30 octobre 2005 liant les parties ainsi que le contrat signé entre Vivago et AREPA le 15 juillet 2005 ou tout autre contrat conclu depuis et portant sur le même matériel, la demande d’Ovale tendant au paiement de la provision au titre de l’indexation de sa rémunération depuis le 1er janvier 2007 étant rejetée comme se heurtant à une contestation sérieuse.
Par acte du 22 mai 2014, Ovale a fait assigner Vivago devant le tribunal de commerce de Lille Métropole pour obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 1’795’244,60 euros TTC au titre de la rémunération telle que prévue au contrat d’apporteur d’affaires, la somme de 36’317,35 euros TTC au titre de l’indexation de sa rémunération effectivement perçue pour les années 2007 à 2012, la somme de 500’000 euros de dommages et intérêts en raison du non-respect de ses obligations telles que prévues par l’accord de confidentialité.
Par jugement du 6 octobre 2015, ce tribunal a constaté la prescription de l’action engagée par Ovale et a dit ses demandes irrecevables, l’a condamnée à verser à Vivago la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Appelante de ce jugement, Ovale, par des conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2016, prie la cour, au visa des articles 2244 et suivants du code civil, de réformer la décision entreprise, de dire que son action n’est pas prescrite, et au visa des articles 1134 et 1184 ainsi que 1147 du Code civil, de la dire bien fondée et en conséquence, de condamner Vivago à lui payer la somme de 1’795’214,60 euros TTC au titre de sa rémunération telle que prévue au contrat d’apporteur d’affaires du 30 octobre 2005 ainsi que la somme de 36’317,35 euros TTC au titre de l’indexation de sa rémunération effectivement perçue et ce pour les années 2007 à 2012, outre la somme de 500’000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du non-respect de ses obligations telles que prévues à l’accord de confidentialité du 15 mars 2005, de débouter Vivago de ses demandes reconventionnelles et de condamner celle-ci à lui verser 20’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2016, la société Vivago demande de confirmer la décision entreprise et de condamner Ovale à lui verser 15’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire, elle demande de débouter Ovale de ses demandes, de la condamner reconventionnellement et sur appel incident, à lui verser la somme de 75’064 euros de dommages et intérêts, d’accepter le paiement intervenu à hauteur de 36’317,35 euros TTC sur l’indexation, de condamner Ovale à délivrer une facture conforme et de condamner cette dernière à lui verser 15’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de première instance.
Sur ce
Sur la prescription de l’action
Sur le contrat d’apporteur d’affaires
L’appelante fait valoir que le délai de prescription de 5 ans commence à courir du jour non de la naissance du droit mais du jour où le titulaire de ce droit est en mesure d’agir et qu’en l’espèce, s’agissant de l’action au titre du contrat d’apporteur d’affaires, ce n’est qu’à l’audience du 16 janvier 2014 qu’elle a eu connaissance d’une défaillance contractuelle de Vivago et de la poursuite de ses relations contractuelles avec AREPA.
Vivago rétorque que Ovale sait depuis l’année 2007 qu’elle n’a été commissionnée qu’à hauteur de 1706 bracelets au lieu des 4 050 bracelets prévus et qu’elle avait connaissance de l’impossibilité de mise en oeuvre du système ‘foyer- logement’ depuis le 7 décembre 2005 ainsi qu’il résulte de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2011 l’opposant à l’AREPA et de la solution de remplacement proposée, en voulant pour preuve l’attestation de M. [V] [Z] de l’AREPA (sa pièce 14).
L’article L 110’4 du code de commerce dispose : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 5 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes » ;
L’article 2224 du code civil dispose quant à lui : «les actions personnelles mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ;
Il résulte du contrat d’apporteur d’affaires conclu le 30 octobre 2005 entre Vivago et Ovale que la rémunération de cette dernière serait calculée en fonction du contrat signé le 15 juillet 2005 entre l’association AREPA et Vivago sur les installations suivantes :
-2005 : 850 bracelets
-2006: 900 bracelets
-2007 : 2300 bracelets
et que la société apporteur facturerait à la société bénéficiaire 3,755 euros hors-taxes par redevance mensuelle unitaire payée à la société Vivago par l’association AREPA, sachant que la quantité de bracelets prévue est la suivante :
-2005 : 850 bracelets
-2006: 900 bracelets
-2007 : 2300 bracelets.
En outre, le contrat cadre de location-maintenance du 15 juillet 2015 stipule ( chapitre 4 – Quotat) que l’AREPA s’engage d’une manière ferme et définitive à équiper du système Vivago l’ensemble de ses établissements existants et à venir selon l’échéancier suivant année 2005 : 11 établissements minimum , soit un minimum de 850 bracelets ; fin 2006: AO établissements minimum soit 900 bracelets, dernier trimestre 2007: 36 établissements soit 2300 bracelets minimum.
Il résulte de ces éléments que Ovale savait depuis 2007 qu’elle n’était pas commissionnée sur le nombre de 4050 bracelets contractuellement prévu, mais seulement sur 1706 bracelets. Cependant Ovale a attendu janvier 2013 pour interroger par courrier électronique Vivago sur le sort des 2344 abonnements manquants, puis le 22 octobre 2013 pour l’assigner en référé aux fins d’obtenir notamment la communication des informations prévues à l’article 3 du contrat du 30 octobre 2005 liant les parties et le 22 mai 2014 pour l’assigner en paiement de sa rémunération telle que prévue au contrat d’apporteur d’affaires.
A cette date, la prescription quinquennale était acquise, la circonstance que Ovale n’ait eu connaissance de l’installation d’un matériel de remplacement qu’au cours de la procédure de référé, étant à cet égard indifférente, dès lors qu’est en cause le non-commissionnement des bracelets prévu par le contrat.
Le jugement est donc confirmé sur ce point en ce qu’il a déclaré l’action de Ovale irrecevable comme prescrite.
Sur l’accord de confidentialité
Ovale dit que, contrairement à l’obligation limitée à une durée de 2 ans qui concerne l’interdiction pour Vivago de commercer directement ou indirectement avec son client sans son accord exprès sur le fondement de laquelle toute action est prescrite depuis le 16 mars 2007, l’obligation de ne pas prospecter directement ou indirectement le client présenté par elle et de la à tenir informée de tout contact que Vivago pourrait avoir eu avec ce client, est soumise à la prescription légale de 5 ans qui a commencé à courir à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d’exercer cette action, soit à compter de la procédure de référé, moment où elle a appris que la société Vivago avait traité directement avec AREPA.
L’accord de confidentialité conclu entre Vivago et Ovale le 15 mars 2005 stipule notamment que :
‘La société Vivago s’engage à ne pas prospecter directement ou indirectement le client présenté par la société Ovale et de tenir informé la société ovale de tout contact direct qu’elle pourrait avoir avec ce client.
La société Vivago s’interdit en outre de commercer directement ou indirectement avec le client de la société ovale sans son accord exprès pendant les deux ans qui suivent la signature de cet accord’.
Ainsi que le fait valoir Vivago, tant au regard de la mention ‘en outre’ liant l’interdiction de prospecter à l’interdiction de commercer que par une interprétation en faveur de celui qui s’oblige, il y a lieu de considérer que le délai de protection de deux ans s’applique sans distinction à ces deux obligations, étant observé qu’un souci de cohérence commande une telle interprétation du contrat. En effet, passé le délai de deux ans, le maintien d’une obligation de ne pas prospecter directement ou indirectement le client présenté par Ovale et de tenir informé celle-ci de tout contact direct avec ce client est incompatible avec la possibilité dans le même temps de commercer directement ou indirectement avec ce client sans l’accord exprès d’Ovale.
L’accord litigieux -qui n’est pas le contrat cadre de location-maintenance conclu entre Vivago et AREPA le 15 juillet 2015 dont Ovale avait effectivement connaissance à tout le moins à la date du 30 octobre 2005 de la signature du contrat d’apporteur d’affaires mais l’accord postérieur dont Vivago dit qu’il a été verbal, et dont l’expert-comptable de Vivago (pièce Ovale 45) précise qu’il s’agit d’un avenant au contrat du 15 juillet 2005 datant du mois de décembre 2008 dont Vivago produit un projet d’avenant du mois de décembre 2008 (sa pièce 47) – est intervenu postérieurement au 15 mars 2007. Se situant dès lors en dehors du délai de protection de deux ans, la demande tendant à voir sanctionner le manquement à l’obligation de prospecter et de tenir informé Ovale de tout contact direct avec le client présenté par Ovale, manque en fait de sorte qu’il n’y a pas lieu de rechercher l’existence d’une prescription.
Ovale est donc déboutée de ses demandes de chef.
Sur l’indexation
Sur la demande de la société Ovale tendant à voir condamner Vivago à lui verser la somme de 36’317,35 euros TTC au titre de l’indexation de sa rémunération effectivement perçue pour les années 2007 à 2012, il convient de constater que Vivago s’est acquittée de cette somme (sa pièce 20).
Il convient dès lors d’enjoindre à la société Ovale de délivrer à la société Vivago une facture conforme.
Sur la demande reconventionnelle de Vivago
Vivago fait grief à Ovale de l’avoir privée de l’effectivité du contrat signé le 15 juillet 2005 pour avoir conseillé du matériel ne correspondant pas aux besoins du client final. Elle soutient que l’inexécution partielle de ce contrat lui a causé un préjudice de 75’064 euros car les prix initialement convenus avec le fournisseur dépendaient du volume et les quotas n’ont pas été remplis du fait de la faute d’Ovale. Elle fait ainsi valoir que les bracelets ayant été achetés plus chers, la marge brute de l’opération a été diminuée de 41 %, de sorte qu’elle s’est appauvrie d’une somme de 75 064 euros alors que Ovale qui a reçu son entière rémunération sur les 1 706 bracelets, s’est enrichie de 233 925 euros et doit être condamnée à lui verser la somme de 75 064 euros à titre de dommages-intérêts.
Cependant ainsi que le fait justement valoir Ovale, d’une part les demandes au titre des sommes qu’elle a perçues avant le 22 octobre 2009 sont prescrites , la demande ayant été présentée pour la première fois le 22 octobre 2014 sur des sommes perçues entre les années 2006 et 2012, d’autre part Vivago ne produit aucune pièce notamment comptable de nature à justifier du prix d’achat effectif des bracelets et de la perte de marge qu’elle subirait ;
La demande de dommages-intérêts de Vivago est rejetée ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Ovale qui succombe en ses demandes est déboutée de sa demande sur ce fondement et est condamnée à verser à Vivago à ce titre, la somme de 7 500 euros .
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré les demandes de la société Ovale irrecevables comme prescrites s’agissant de l’accord de confidentialité,
et statuant à nouveau,
Déboute la société Ovale de ses demandes,
Déboute la société Vivago de sa demande de dommages-intérêts,
Constate que la société Vivago s’est acquittée de la somme de 36 317,35 euros TTC au titre de l’indexation ,
Enjoint à la société Ovale de délivrer à la société Vivago une facture conforme au titre de ce paiement,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Ovale aux dépens ainsi qu’à verser à la société Vivago la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Le GreffierLe Président
M.M. HainautM.A. Prigent