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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 30 JANVIER 2024
PP
N° RG 21/01586 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MACX
[F] [W]
c/
SARL [P] [W] DIFFUSION
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 février 2021 par le Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX (RG : 18/01328) suivant déclaration d’appel du 17 mars 2021
APPELANT :
[F] [W]
né le 14 Avril 1960 à [Localité 5] (ALGÉRIE)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Karine PERRET de la SELAS PERRET & ASSOCIES, avocat au barreau de BERGERAC
INTIMÉE :
SARL [P] [W] DIFFUSION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Lisiane FENIE-BARADAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Gaël GRIGNON DUMOULIN, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 21 novembre 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Paule POIREL, Président
Mme Bérengère VALLEE, Conseiller
M. Emmanuel BREARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Véronique SAIGE
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat verbal d’agent commercial, M. [F] [W] s’est vu confier, en avril 2015, le mandat de commercialiser, au nom et pour le compte de la SARL [P] [W] Diffusion (ci-après dénommée SARL FBD), des paniers fabriqués à Madagascar, et ce auprès de la grande distribution et des jardineries sur tout le territoire national et en Belgique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2017, la SARL FBD a adressé à M. [W] un certain nombre d’avertissements concernant la conduite de son mandat et l’a rappelé à ses obligations.
Plusieurs courriers de mise en demeure se sont succédés en date des 12 décembre 2017, 4 et 12 avril 2018, lui demandant de mettre fin à ses agissements. M. [W] n’a répondu à aucun de ces courriers.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2018, la SARL FBD a notifié à M. [W] la rupture immédiate et sans indemnité pour faute grave de son contrat d’agent commercial, lui reprochant notamment d’avoir outrepassé ses pouvoirs, refusé de se plier aux instructions de la société, référencé des produits qui n’étaient pas disponibles, transmis de fausses informations et fait preuve de déloyauté à l’égard de l’entreprise.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2018, la SARL FBD a rappelé à M. [W] qu’il avait interdiction formelle de traiter au nom de la société auprès des centrales d’achats et lui a reproché une violation de cette interdiction.
Le 4 juin 2018, M. [W] a fait répondre à la SARL FBD, par l’intermédiaire de son conseil, qu’il contestait la rupture abusive de son contrat et réclamait le paiement d’une indemnité de préavis, d’une indemnité compensatrice de perte de clientèle et des dommages et intérêts complémentaires.
Par acte du 11 juin 2018, la société FBD a assigné M. [W] devant le juge des référés de Périgueux, notamment en cessation de tout acte de représentation au nom et pour le compte de la SARL FBD, pour le secteur de la grande distribution ayant trait au contrat d’agent commercial résilié le 9 mai 2018, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée.
Par ordonnance du 30 août 2018, le juge des référés a débouté la société FBD de l’intégralité de ses demandes.
Aucun règlement amiable n’ayant pu intervenir, M. [F] [W] a fait délivrer assignation à la SARL FBD d’avoir à comparaître devant le tribunal de grande instance de Périgueux, par acte d’huissier du 3 septembre 2018, au visa des articles L.134-1, L.134-4, L.134-11 et L.134-12 du code de commerce et de l’article 1998 du code civil, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, afin de voir :
– juger que M. [F] [W] a parfaitement exécuté son mandat et n’a commis aucune faute susceptible de générer la rupture de son contrat sans indemnité ;
– juger que la société [P] [W] Diffusion a commis des fautes en tentant de dégrader l’image de marque de M. [F] [W] auprès de ses clients ;
En conséquence,
– condamner la société [P] [W] Diffusion à lui payer avec exécution provisoire les sommes de :
* 31 572,71€ au titre des commissions acquises par M. [W] et non encore réglées,
* 15 338,40€ au titre de l’indemnité de préavis,
* 130 059,90€ au titre de l’indemnité de cessation de contrat d’agent commercial,
* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts destinés à réparer l’atteinte à l’image de marque provoquée et entretenue par la SARL FBD,
– désigner tel expert aux fins, après s’être fait présenter par la SARL [P] [W] Diffusion, tous les documents et livres compatibles nécessaires à l’exécution de sa mission, de déterminer le montant des commission dues en tenant compte du montant précédent et des commandes résultant de l’activité antérieure à la rupture de l’agent, reçues et transmises par son intermédiaire et directement par la SARL FBD,
– ordonner une mesure d’expertise afin de déterminer le montant des commissions dues ;
– condamner la société [P] [W] Diffusion à lui payer la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement du 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Périgueux a :
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 24 du code de procédure civile,
– rejeté la pièce 161 du dossier de M. [F] [W] intitulée ‘Jugement du Tribunal de Madagascar du 20 septembre 2018’,
– débouté M. [F] [W] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SARL [P] [W] Diffusion, prise en la personne de son représentant légal, de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens,
– dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire de la décision.
M. [F] [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 mars 2021 et par dernières conclusions déposées le 13 décembre 2021, il demande à la cour de :
– infirmer la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Périgueux le 16 février 2021 en, ce qu’il l’a débouté de ses demandes afférentes à la rupture abusive de son contrat d’agence commerciale,
Statuant à nouveau,
– juger illégitime et abusive la rupture du contrat d’agent commercial litigieux,
– infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Périgueux le 16 février 2021 en ce qu’il l’a débouté de de sa demande tendant à voir condamner la SARL FBD à lui payer la somme de 12.191,74 euros au titre des commissions acquises par lui et non réglées,
Statuant à nouveau,
– condamner la SARL FBD à payer à M. [W], la somme de 12.191,74 € au titre des commissions acquises par lui et non réglées,
– condamner la SARL FBD à payer à M. [W], la somme de 48.683 €.au titre de l’indemnité de préavis,
– condamner la SARL FBD à payer à M. [W], la somme de 130.059,90 € au titre de l’indemnité de fin de contrat,
– infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Périgueux le 16 février 2021 en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’expertise,
Statuant à nouveau,
– désigner tel expert qu’il plaira à qui il appartiendra de se faire présenter par la SARL FBD tous les documents comptables permettant de déterminer le droit à commission de M. [F] [W] pour les commandes reçues après la rupture du contrat résultant des démarches antérieures de l’agent,
– infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Périgueux en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image de marque,
Statuant à nouveau,
– condamner la Société FBD à lui payer la somme de 100.000 €.
SUR L’APPEL INCIDENT DE LA SOCIÉTÉ FBD :
1- Sur la violation de l’obligation de loyauté de M. [F] [W],
– débouter la Société [P] [W] de ses demandes,
– confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux qui l’a déboutée de ses demandes au motif qu’aucun élément objectif et certain n’est versé aux débats, les pièces communiquées à cet égard n’étant que des suppositions,
2- Sur la demande de suppression des paragraphes des écritures de M. [F] [W] comportant des allégations calomnieuses :
‘ Sur le caractère outrageant des allégations relatives à Mme [H] [A] [X]
– confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Périgueux, le 16 février 2021 qui a débouté la SARL [P] [W] Diffusion de sa demande au motif que les pièces versées aux débats son insuffisantes à caractériser le dénigrement.
3- Sur les attestations et fausses pièces versées aux débats par M. [F] [W] :
– débouter la SARL FDB de ses demandes.
– CONDAMNER la SARL FBD au paiement d’une juste indemnité de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner la SARL FBD aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Karine Perret, Avocat, aux offres de droit.
Par dernières conclusions déposées le 14 septembre 2021, la SARL [P] [W] Diffusion demande à la cour de :
– déclarer M. [F] [W] irrecevable et mal fondé en son appel et l’en débouter,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
* débouté M. [F] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
* rejeté des débats la pièces 161 du dossier de M. [F] [W] intitulée « Jugement du Tribunal de Madagascar du 20/08/2018 »,
– juger recevable et bien fondé l’appel incident de la société [W] DIFFUSION ;
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la société [W] DIFFUSION de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. [F] [W] ;
En conséquence,
Statuant à nouveau,
Vu les paragraphes suivants contenus dans les écritures de 1ère instance et d’appel de M. [F] [W] :
« ‘a contraint l’ancien gérant de la société LEKELY GAZY de démissionner pour mettre à sa place sa maîtresse, Mme [H] [A] [X],’
(‘)’, soit principalement [P] [W] et sa maîtresse, Mme [H] [A] [X] qui est, pour ce fait, incarcérée à MADAGASCAR. »
– les déclarer calomnieux et à tout le moins contraires au respect dû à la Justice ;
En conséquence,
– ordonner leurs suppressions des écritures de M. [F] [W];
– rejeter des débats les pièces adverses N° 158, 160, 161, 167 comme étant manifestement fausses ou dénuées de force probante;
– condamner M. [F] [W] à payer à la société [P] [W] Diffusion la somme de 15.000€ au titre de sa responsabilité délictuelle pour avoir poursuivi son mandat après sa révocation et en accordant des remises non autorisées par son mandant;
– condamner M. [F] [W] à payer à la société [P] [W] Diffusion une somme de 100.000€ à titre provisionnel en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait des actes de concurrence déloyale dont il s’est rendu responsable vis à vis de la société [P] [W] Diffusion et pour le surplus, désigner un expert avec mission :
– De se faire remettre la comptabilité de M. [F] [W] sur l’exercice 2017, 2018 et 1er semestre 2019, afin d’évaluer le préjudice subi par la société [P] [W] Diffusion du fait des actes de concurrence déloyale commis par M. [F] [W] ;
Vu l’ampleur et la gravité des actes de concurrence déloyaux dont la société [P] [W] Diffusion est victime,
– faire cesser le trouble illicite, en enjoignant M. [F] [W] :
1) De cesser ses actes de dénigrement à l’encontre de la société [P] [W] Diffusion ou de son dirigeant tant auprès de la clientèle que des sociétés concurrentes,
2) De cesser la commercialisation des produits copiés servilement ou contrefaits issus du catalogue de la société [P] [W] Diffusion dont les dessins et modèles sont déposés à l’INPI,
Le tout, sous astreinte de 15.000 € par infraction constatée dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir et ce, sans préjudice des dommages et intérêts pour le préjudice d’ores et déjà subi par la société [P] [W] Diffusion ;
– condamner M. [F] [W] à payer à la société [P] [W] Diffusion la somme de 6000 €sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civil et ceux comprenant les frais irrépétibles exposés en première instance ;
– condamner M. [F] [W] aux entiers dépens de la première instance et d’appel qui seront recouvrées par la SCP Boyreua, Avocats postulants, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 21 novembre 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rejet des pièces n°158, 160, 161 et 167 de M. [W]
Il est constant qu’il résulte des dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en observant le principe de loyauté de la preuve.
M. [W] ne remet finalement aps en cause le jugement netrepris qui a écarté des débats la pièce n° 161, ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.
La société [P] [W] reproche au contraire au jugement de n’avoir rejeté que la pièce numérotée 161 sur le bordereau de communication de pièces de M. [W] et demande de rejeter des débats les pièces n°158, 160, 161 et 167 versées par M. [W] comme étant manifestement fausses ou dénuées de force probante.
S’agissant de la pièce n°158 de M. [W], régulièrement communiquée, constituée d’un mail de Mme [C], la société FBD ne développe aucun argument au soutien de sa prétention, étant précisé que ce mail est également versé en pièce n°179 par M. [W], qui reprend l’échange complet avec Mme [C]. Il n’y a donc pas lieu de l’écarter des débats.
Les pièces n°160 et 167, qui sont des déclarations sur l’honneur, ne respectent pas les formes prescrites par l’article 202 du code de procédure civile, ce dont le tribunal a exactement déduit qu’elles ne pouvaient constituer que des commencements de preuves par écrit devant être corroborés par d’autres éléments, sans pour autant être écartées des débats.
En revanche, la pièce n°161, constituée d’une copie ainsi que de la traduction d’un jugement rendu le 20 septembre 2018 par la chambre civile du tribunal de première instance d’Atananarivo, ne comporte aucune mention officielle, signature ou sceau. Cette pièce, dont la traduction n’est au surplus pas certifiée, est susceptible de constituer un faux, eu égard aux pièces versées aux débats par la société FBD, dont, en pièces n°97 et 98, une attestation du Président du tribunal de première instance d’Atananarivo du 13 août 2019, un courrier de maître Richard Rafanomezantsoa, avocat au barreau de Madagascar, faisant état d’anomalies et d’irrégularités affectant le document en cause et une traduction certifiée conforme de la décision rendue le 20 septembre 2018, comportant les mentions officielles, notamment un tampon daté, signature et sceau.
Le jugement qui a écarté des débats la seule pièce numérotée 161 sur le bordereau de pièces de M. [W] et intitulée ‘Jugement du tribunal de Madagascar du 20 septembre 2018’, sera ainsi confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat d’agence commerciale
Aux termes de l’article L.134-4 du code de commerce, ‘Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties.
Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information.
L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat’.
L’article L.134-12, alinéa 1er, du même code, dispose : ‘En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi’.
L’article L.134-13, 1°, du même code, prévoit que la réparation prévue à l’article L.134-12 n’est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.
Il est constant que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il incombe au mandant de rapporter la preuve d’une telle faute.
En outre, pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat d’agence, à l’indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au seul juge et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis (Com. 28 mai 2002 ; n°00-16.857).
En l’espèce, aucun contrat d’agence commerciale n’a été régularisé. Pour autant, les parties ne contestent pas cette qualification et la jurisprudence considère qu’il s’agit d’un contrat consensuel, la loi du 25 juin 1991 ne faisant pas de l’écrit une condition de validité dudit contrat. C’est ainsi à juste titre que le tribunal a précisé qu’il est admis que le contrat écrit peut être remplacé par des échanges de correspondances entre les parties, indiquant les éléments essentiels de la relation, notamment la liste des clients à démarcher et les modalités de la collaboration, ce qui est le cas en l’espèce.
Sur la rupture du contrat d’agence commerciale, M. [F] [W] fait valoir qu’il n’a commis aucune faute justifiant la rupture du contrat d’agence commerciale sans indemnité ni préavis. Il soutient avoir apporté à la SARL FBD une part importante et croissante de son chiffre d’affaires dès 2015, que les commandes qu’il a prises l’ont toutes été en référence aux produits présents et tarifés dans le catalogue de la SARL FBD et qu’il appartient au mandant de permettre à l’agent commercial d’exécuter son mandat.
En réponse, la SARL FBD fait valoir que M. [W] n’a pas respecté ses instructions, qu’il a manqué à son devoir de loyauté et d’information et qu’elle l’a mis en demeure à quatre reprises dans les six mois précédent la rupture, sans réponse. La société intimée demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que la nature des fautes de l’agent justifie une rupture sans indemnité.
Il ressort des pièces du dossier que la SARL FBD a adressé à M. [W] quatre lettres recommandées avec accusé de réception, les 6 novembre et 12 décembre 2017, puis les 4 et 12 avril 2018. Ces lettres contiennent toutes un rappel des obligations de loyauté, de réserve et d’information liant M. [W] à son mandant la société FBD et démontrent que cette dernière mettait en cause le comportement de l’agent, ainsi que son absence de respect de la politique commerciale de l’entreprise.
La lettre de rupture du contrat d’agence commerciale, produite en pièce n°3 par l’appelant et en pièce n°5 par l’intimée, reproche à M. [W] de ne pas avoir tenu compte des rappels et mises en demeure précédemment adressées et formule à son égard les griefs suivants :
– refus de fournir les éléments d’information indispensables à l’activité de la société ;
– refus de se plier aux instructions de la société ;
– conditions de vente accordées au client sans l’accord de la société ;
– prises d’engagements que la société ne pourra pas tenir ;
– communication de fausses informations à la société et absence de reddition de comptes ;
– attitude insultante et dénigrante vis à vis de la société.
Sur ces points, il ressort des différentes pièces versées à la procédure que M. [W] a pris des initiatives sans respecter la politique commerciale de la société et sans en informer cette dernière.
Ainsi, dans un mail du 21 septembre 2017 produit par elle en pièce n°44, la SARL FBD indique : ‘Les paniers régionaux ne feront pas partie du permanent […] Donc ne pas les mettre car ils ne seront pas au catalogue 2018. Ça ne sera à rien de rabâcher les mêmes choses notre position ne changera pas’, auquel M. [W] a répondu : ‘Trop tard il est déjà codifié. Si tu ne veux pas livrer tu risques de perdre le client’.
De même, M. [W] a passé une commande pour un hypermarché Leclerc à [Localité 4] portant sur plus d’une centaine de paniers hors catalogue en fabrication spéciale, sans bon de commande signé ni écrit du magasin, alors que la société FBD lui avait signifié que cette procédure était nécessaire pour lancer la fabrication. M. [W] répondait alors dans son mail du 6 avril 2018 : ‘Tu n’auras pas de cachet sur la commande du Leclerc de [Localité 4], c’est le PDG en personne qui m’a passé la commande au téléphone […] Soit tu prends la commande, soit tu ne la prends pas’. Le gérant de la société FBD lui indiquait alors qu’il allait prendre contact avec le magasin pour vérifier la véracité de la demande, tandis que l’appelant annulait les commandes pour ce magasin : ‘Tu peux annuler toutes les commandes concernant le Leclerc de [Localité 4]’, sans en informer ledit magasin, ainsi que cela lui a été reproché par la société FBD : ‘Nous avons contacté Mme [Z], responsable textile Lerclerc [Localité 4], qui ne comprend pas pourquoi vous avez demandé d’annuler ses commandes et a semblé très étonnée de votre mail’ (pièces n°74 et 75 intimée).
Ainsi que l’a relevé le tribunal, ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits, traduisent un mauvais service rendu à la clientèle, mettant le mandant devant le fait accompli et risquant de remettre en cause son image auprès de ses clients et de son réseau de distribution.
Par ailleurs, il est également démontré que M. [W] a retenu des informations ou communiqué des informations erronées à son mandant.
C’est notamment le cas d’une opération commerciale avec le client Système U, pour laquelle M. [W] a donné à la société FBD la date du 2 juin, alors que l’opération avait en réalité lieu à compter du 12 juin, ce qui n’est pas contesté par l’appelant, qui indique dans ses écritures ‘c’est pour tenir compte des besoins du client que la date du 2 juin a été annoncée par le requérant à la SARL FBD’.
De plus, il ressort des mails échangés les 1er et 3 avril 2018 (pièce n°68 et 69 intimée), que la société FBD a dû réclamer à plusieurs reprises, la copie des éléments d’une offre faite à l’enseigne Système U par M. [W], qui a persisté à ne pas la transmettre, indiquant : ‘Les offres se font sur fichier spécifique, je m’en occupe’, ajoutant ensuite que cette offre a été : ‘adressée, réceptionnée et validée par Système U’, puis écrivant au gérant de la société FBD : ‘Avant de vouloir te mêler de ce que tu ne connais pas, il vaut mieux que tu te contentes de gérer tes stocks correctement car il y a encore beaucoup de boulot […]’.
Il est ainsi également établi que M. [W] a manqué à son devoir de loyauté et n’a pas communiqué à son mandant toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son mandat.
Par ailleurs, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que, quelles que soient les conditions d’indépendance dans lesquelles il exerce son activité, M. [W] était tenu, en qualité qu’agent commercial, de respecter les instructions de son mandant, tenant notamment aux tarifs et aux conditions des remises commerciales, lesquels sont fixés par le mandant.
Ainsi, il ressort des mails produits en pièces 58 à 61 par l’intimée, que M. [W] n’a pas respecté cette obligation, concernant plusieurs contrats :
– ‘Vous nous avez fait déduire 3% sur facture alors que les accords signés en 2017 stipulent 2% si livraison entrepôt uniquement ‘ Qu’en est-il des 3% que vous nous avez fait déduire sur facture dans vos transmissions de commande alors que ces remises ne sont pas conformes aux accords signés ”.
– ‘Comme indiqué par téléphone et précédents mails, nous souhaiterions avoir des éclaircissements concernant les remises supplémentaires que vous auriez accordé aux clients APEX à hauteur de 1% du chiffre d’affaire en 2018. Engagement de participation au salon KIRIEL alors que la politique commerciale de la société [P] [W] Diffusion est de ne pas disposer de budget pour ce genre d’événement qui ne rapporte pas de chiffre d’affaire additionnel chez ce client’.
– ‘Nous vous rappelons que l’octroi de budget ou remise supplémentaire ne vous est pas délégué et ne peut pas être prise de votre propre chef, nécessitant un accord préalable de la société [P] [W] Diffusion’.
– ‘Suite à la réception des accords APEX nationaux sur lesquels apparaît une remise palliative de 1% et pour laquelle aucun mandat ni accord vous a été donné, nous vous confirmons que ce budget sera déduit de vos commissions à réception de la facture correspondante à ce budget non autorisé’.
M. [W] soutient avoir informé la société FBD de cette remise consentie à APEX, mais aucun des éléments qu’il produit ne permet de le démontrer, son mail ultérieur du 9 avril 2018 dans lequel il écrit lui-même que les remises ‘ont toujours et sont toujours de 3%’ ne démontre nullement l’accord de la société mandante. En outre, concernant la participation au salon KIRIEL, M. [W] ne démontre pas davantage avoir obtenu l’accord préalable de la société FBD pour y participer et pour l’engager.
Enfin, il s’évince de l’échange de mails du 9 février 2018, produit en pièce n°63, que M. [W] s’est engagé sur un délai de livraison de marchandises qu’il a commandées trop tard, la société FBD lui rappelant alors :
‘Comme nous vous l’avions indiqué précédemment, nous ne pourrons livrer cette opération que semaine 18 car notre container partira le 13 mars pour une arrivée [Localité 3] 24 avril et notre entrepôt le 26 ou 27 avril.
Les commandes ayant été passées beaucoup trop tardivement, nous vous rappelons que pour une opération centrale régionale ou nationale, un délai de 70 jours est nécessaire pour assurer les livraison en plus de notre planning déjà programmé.
Merci de contacter Mme [D] [R] pour l’informer. Faute de retour de votre part nous la contacterons directement par mail pour savoir si cette opération est maintenue ou annulée’.
Enfin, outre les manquements ci-dessus développés, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que l’indépendance de l’agent commercial l’autorise à formuler au mandant des observations, qui ne doivent néanmoins pas relever du dénigrement ou de propos injurieux, agressifs et vulgaires, qui ont pu être tenus par M. [W] à l’égard de son mandant, la société FBD, ou de son gérant. Il a ainsi écrit par mail :
– en juillet 2017 : ‘je te conseille de ne pas jouer au con’.
– le 6 novembre 2017 : ‘Il est hors de question que tu me foutes le bordel. Contente toi de gérer la fabrication et d’assumer les livraisons. Tu devrais mieux aller casser les burnes à tes bons à riens’.
– le 19 septembre 2017 : ‘cela va dire que tes bourricots vont avoir de plus en plus de mal à avancer’.
– le 3 avril 2018 : ‘à agir de la sorte, tu ne vas que faire foutre le bordel il est vrai que pour cela tu est champion, apprends plutôt à gérer tes stocks correctement cela sera plus utile’.
M. [W] tenait aussi des propos dénigrants vis à vis de l’équipe commerciale de la société FBD, qu’il qualifiait régulièrement de ‘bourricots’, de ‘bons à riens’ ou encore de ‘tocard’.
Enfin, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que M. [W] laissait entendre à la société mandante que si elle voulait des commandes sur les enseignes qu’il visitait, elle devait le commissionner davantage, ce qui ressort de plusieurs échanges de mails, notamment entre août et novembre 2017 :
– ‘Si un référencement Leclerc t’intéresse, merci de bien vouloir me le dire, cela va te coûter 2% tous secteurs confondus y compris chez les bourricots’ (pièce n°37) ;
– ‘J’ai rendez-vous jeudi avec Agrisanders […] si ça t’intéresse que j’y rentre les paniers, tu connais la condition’ (pièce n°39) ;
– ‘Je prends acte que cela ne t’intéresse pas. Comme cela ne m’intéresse pas de travailler à 5%. J’ai déjà largement de quoi faire avec mes autres cartes qui me rapportent 10% et 12%’ (pièce n°40).
– ‘Je viens de tomber GVSO sur ma gamme osier et sur mes caches pots et bougies si tu veux y rentrer tes paniers il y a 180 magasins cela coûte 10% et non 5%, la commission de référencement a lieu le 17 novembre, à toi de voir si tu mises sur un toccard ou sur un pro. Attend réponse’ (pièce n°48).
Peu important les liens familiaux unissant M. [F] [W] et les associés et dirigeants de la société FBD, l’attitude de l’appelant traduit non seulement une importante mésentente entre les parties, mais également un comportement agressif, injurieux et individualiste, incompatible avec la notion d’intérêt commun visée à l’article L.134-4 du code de commerce.
C’est en conséquence par une exacte appréciation que le tribunal a retenu que le comportement et les écrits de M. [W] traduisent un manquement à son devoir de loyauté et d’information envers son mandant et que, malgré les multiples rappels à l’ordre dont il a fait l’objet par courriers recommandés en 2017 et 2018, il a persisté dans cette attitude, rendant ainsi impossible le maintien des relations contractuelles et justifiant que le contrat d’agence commerciale soit rompu pour faute grave, sans indemnisation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [W] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat d’agence commerciale.
Sur les commissions et la demande d’expertise de M. [F] [W]
L’article 9 du code de procédure civile dispose : ‘Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’.
L’article 146 du même code prévoit que : ‘Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve’.
Aux termes de l’article L.134-7 du code de commerce : ‘Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat’.
Pour demander l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande au titre des commissions acquises par lui et non réglées et demander la condamnation de la société FBD au paiement de la somme de 12 191,74 euros à ce titre, M. [F] [W] soutient qu’il était le seul agent de la société, que les ventes se faisaient sur la base du référencement et qu’ainsi, les ventes conclues après la cessation du contrat d’agence résultent nécessairement de son activité d’agent commercial. Sur la demande d’expertise, M. [W] soutient qu’il doit être commissionné sur des commandes qu’il a reçues après la rupture du contrat et transmises à la société FBD et que cette dernière refuse de transmettre ses éléments comptables permettant de calculer les commissions litigieuses.
La société intimée fait quant à elle valoir que M. [W] n’a jamais produit les éléments permettant d’établir que le droit à commission existe (identité du client, offres et propositions commerciales faites, éventuels contrats de référencement, échanges de correspondances et tous autres documents précontractuels établis avec la clientèle). Par ailleurs, concernant le chiffre d’affaires réalisé postérieurement à la rupture du contrat d’agence commerciale, la société FBD expose avoir réglé à M. [W] la somme de 7 042,99 euros TTC pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, dont 6 038 euros directement aux impôts du fait d’un avis à tiers détenteur. La société FBD fait également valoir que depuis juillet 2018, elle a enregistré un certain nombre d’avoirs liés à des reprises de marchandises invendues, qui représentent environ 30% du chiffre d’affaires et que M. [W] refuse de prendre en compte. La société demande la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [W] au titre des commissions et de l’expertise.
M. [W] verse au soutien de ses prétentions des mails concernant :
– une offre de panier ‘oie’ faite en février et avril 2018 pour un magasin à [Localité 4] ;
– une offre de panier ‘Bresse’ faite en juillet 2017 pour des magasins Gamm Vert ;
– un cadencier, les tarifs 2018 et conditions générales de ventes transmis en décembre 2017 à une centrale d’achat Gamm Vert.
Néanmoins, ces mails produits en pièces 6 et suivantes par M. [W] ne font nullement mention des montants concernés et c’est dès lors à juste titre que le tribunal a considéré que ces pièces ne permettent pas de justifier de la somme réclamée et ne permettent pas davantage d’établir qu’ils concernent des commissions dues pour des commandes livrées en septembre 2018, ainsi qu’il le soutient.
Le jugement qui l’a débouté de sa demande de condamnation de la société FBD à lui payer la somme de 12 191,74 euros à ce titre sera confirmé de ce chef.
Concernant la demande d’expertise, il sera fait observer que, si M. [W] a formulé cette demande devant le juge de la mise en état dans le cadre de la première instance, il n’a, à aucun moment, demandé la communication par la société FBD de toutes les informations et documents comptables nécessaires pour établir le montant des commissions qu’il revendique.
Le décompte sous forme de tableau qu’il produit en pièce n°165 ne peut constituer un élément de preuve objectif et satisfaisant, dès lors qu’il s’agit du propre tableau élaboré par M. [W] lui-même et qu’il n’est pas corroboré par des pièces venant appuyer ses demandes sur ce point. La pièce suivante n°166 contenant des avis de paiement de la société Euralis ne détaille pas les opérations auxquelles elle se réfère et mentionne des sommes qui ne correspondent pas à celles exposées dans le tableau, de sorte qu’elle n’est pas exploitable.
Enfin, ainsi que l’a relevé le tribunal, M. [W] reste taisant sur le règlement des commissions qu’il a perçues à hauteur de 7 042,99 euros, pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, ainsi que la société FBD en justifie en pièce n°92.
En conséquence, en l’absence d’élément sérieux et objectif quant à la réalité des commissions qui lui seraient dues postérieurement à la rupture du contrat d’agence commerciale, il sera débouté de sa demande d’expertise, la mesure d’instruction n’ayant pas vocation à suppléer sa carence dans l’administration de la preuve, confirmant le jugement sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [F] [W] au titre d’une atteinte à son image de marque et à son activité commerciale
M. [F] [W] soutient que la société FBD a tenté de nuire à sa réputation à l’issue de la rupture du contrat d’agence commerciale, que ce comportement constitue une atteinte à son image de marque et à son activité commerciale et est à l’origine de la non signature d’un contrat avec une société tierce. Il demande à ce titre l’allocation d’une somme de 100.000 euros.
La société FBD conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté M. [W] de cette demande.
Il sera premièrement relevé que l’appelant ne fournit aucune pièce au soutien de son allégation selon laquelle la société FBD est à l’origine de la non signature d’un contrat entre lui est la société LVA Diffusion.
En outre, le courrier émanant de la société Européenne de Distribution, rédigé par M. [O] [U], qui par ailleurs ne décline pas sa qualité au sein de ladite société, ne permet pas d’établir un quelconque préjudice pour M. [W]. Au contraire, M. [U] dit ne pas prendre partie mais lui renouvelle sa confiance. Il indique en effet : ‘Je reçois ce jour un appel téléphonique de votre frère [P] [W] m’informant de la rupture de votre collaboration pour faute grave […]. Je suis complètement abasourdi par tant de haine vis à vis de son frère et lui explique que je ne veux pas entrer dans quelconque jeu dans cette affaire qui n’a absolument rien à voir ni avec Européenne de Distribution ni avec moi-même et que je n’ai à ce jour aucun problème ni souci professionnel avec vous. Sachez monsieur [W] que vous avez toute ma confiance’. Le courrier s’achève par : ‘Avec toute ma confiance réitérée, je vous prie d’agréer […]’.
En tout état de cause, cette lettre ne permet pas d’apprécier les propos qui auraient été tenus par le gérant de la société FBD, ou de considérer qu’il s’agit de dénigrement, dès lors qu’ils ne sont pas cités. Elle démontre néanmoins que la société Européenne de Distribution n’y a pas été sensible et qu’elle réitère sa confiance envers M. [F] [W].
Par ailleurs et ainsi que l’a relevé le tribunal, il n’est pas justifié des éventuelles plaintes qui auraient été déposées par les artisans malgaches menacés par la SARL FBD.
En outre, concernant M. [L] (fournisseur de la société Européenne de Distribution), dont M. [W] soutient que la SARL FBD, par l’intermédiaire de Mme [A] [X], l’aurait fait emprisonner pour concurrence déloyale, le jugement pénal rendu dans cette affaire ne fait pas mention de concurrence déloyale mais de faits d’escroquerie, pour lesquels M. [L] a été relaxé.
C’est en conséquence à bon droit que le jugement a retenu que M. [W] ne démontre pas l’atteinte qu’il invoque à son image et à son activité commerciale, de sorte qu’il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l’appel incident de la société FBD quant à la poursuite du mandat après sa révocation et aux actes de concurrence déloyale
En l’absence de clause de non-concurrence dès lors que le contrat d’agence commerciale a été conclu oralement entre les parties, il est admis que l’ancien agent peut agir librement, sous réserve de ne pas commettre d’actes de concurrence déloyale. En outre, la faute grave de l’agent, conduisant à la privation de l’indemnité de cessation de contrat, peut aussi entraîner sa responsabilité pour concurrence déloyale (Com. 15 mai 2007 ; n° 05-19.447). Cette responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à charge pour le mandant de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Il est également constant que l’agent commet un acte de concurrence déloyale lorsqu’il crée une confusion entre sa nouvelle activité et son ancienne activité d’agent, ou lorsqu’il utilise ses anciens rapports d’affaires pour s’approprier les clients de son mandant et lorsqu’il dénigre auprès d’eux la qualité des produits de son ancien mandant.
La société FBD fait valoir que M. [W] a communiqué à des sociétés concurrentes des informations susceptibles d’entraîner la confusion dans l’esprit du public et démarché systématiquement la clientèle de sa société [P] [W] Diffusion, avec des copies de produits qu’elle commercialise. Elle demande ainsi la condamnation de M. [W] à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de la poursuite du mandat après sa révocation, celle de 100 000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait des actes de concurrence déloyale, une expertise afin d’évaluer son préjudice, ainsi que la condamnation de l’appelant à cesser le trouble illicite sous astreinte de 15 000 euros par infraction constatée dans les 8 jours de la signification de l’arrêt.
Il n’est en l’espèce pas contesté par les parties que M. [F] [W] était agent commercial multicartes, ainsi que cela ressort de plusieurs mails et correspondances dans lesquelles il écrit :
– le 8 septembre 2017 : ‘J’ai rendez-vous jeudi avec Agrisanders […] avec qui je travaille l’osier, pour y prendre ma commande de paniers bûches, et y rentrer ma nouvelle carte de céramique, cache pot et bougies parfumées’.
– le 11 septembre 2017 : ‘C’est très bien […] j’ai déjà largement de quoi faire avec mes autres cartes qui me rapportent 10% et 12%’.
Il sera premièrement relevé qu’aucun élément objectif et certain n’est versé à la procédure concernant des actes de concurrence déloyale antérieurement à la rupture du contrat d’agence.
Concernant la période postérieure, il sera rappelé que, consécutivement au courrier de rupture du contrat d’agence commerciale du 9 mai 2018, la société FBD a adressé à M. [W] une lettre recommandée avec accusé de réception le 15 mai 2018, lui rappelant ‘l’interdiction formelle’ de traiter au nom et pour le compte de la société FBD auprès de tout client, centrale d’achats et points de vente.
Si la société FBD invoque un mail de juin 2018, dans lequel M. [W] indique avoir contacté une société tierce pour qu’elle le fournisse en paniers identiques afin qu’il les commercialise et un mail de janvier 2019, dans lequel une SAS Armad indique avoir reçu de la part de M. [W] les tarifs et catalogues de la société FBD, ce qui ne suffit à démontrer que M. [W] a effectivement détourné ses clients, auxquels il aurait eu accès grâce à son mandat et elle ne démontre en tout état de cause pas la réalité du préjudice qu’elle estime avoir subi quant à son chiffre d’affaires. La société FBD ne verse pas davantage de pièce comptable ou d’attestation de son expert comptable, susceptible de justifier de l’organisation d’une expertise pour démontrer son préjudice sur le fondement d’actes de concurrence déloyale.
Enfin, concernant la poursuite du mandat après sa révocation, la société FBD, qui ne développe aucun argument au soutien de sa prétention à ce titre, sera déboutée de sa demande de condamnation de M. [W] au paiement de la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts sur ce fondement.
S’agissant du dénigrement invoqué par la société intimée, les éléments produits ne permettent pas d’établir que M. [W] aurait adressé à des tiers des informations malveillantes sur les produits, la qualité, les prix ou sur la personnalité des dirigeants de la société FBD. En effet, l’attitude menaçante qui ressort des mails envoyés par [F] [W] à son frère [P] [W] ne permet pas de démontrer la matérialité du dénigrement qui aurait été fait auprès de la clientèle ou de sociétés concurrentes. De même, le mail que la société FBD a adressé à de nombreuses sociétés, clientes notamment, leur demandant de maintenir leur confiance et de ne pas tenir compte d’une ‘fausse information’ la concernant, qui serait relayée par leur ‘ancien commercial’, ne démontre pas davantage la matérialité du dénigrement auquel se serait livré [F] [W].
S’agissant de la demande de la société FBD visant à faire cesser sous astreinte la commercialisation de produits issus de son catalogue, qui auraient été copiés servilement ou contrefaits, c’est à juste titre que le tribunal a fait observer qu’aucune action en contrefaçon n’a été diligentée à l’encontre de M. [W] ou d’une société tierce et qu’il n’est au surplus nullement démontré au vu des pièces versées que des produits protégés issus du catalogue de la société FBD auraient été copiés servilement ou contrefaits.
Le jugement devra en conséquence être confirmé en ce qu’il a débouté la société intimée de l’ensemble de ses demandes relatives à des actes de concurrence déloyale et à la poursuite du mandat après sa révocation, de sa demande d’expertise, ainsi que de sa demande tendant à faire cesser, sous astreinte, le trouble illicite résultant d’actes de dénigrement et de la commercialisation de produits issus de son catalogue.
Sur la demande de suppression de paragraphes des écritures de M. [F] [W]
Aux termes de l’article 24 du code de procédure civile, ‘Les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice.
Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d’office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements.’
La SARL FBD demande en l’espèce le retrait de paragraphes contenus en page 17 (et non 15 comme elle l’indique) des dernières conclusions de M. [W], qui indiquent notamment : ‘[P] [W] a contraint l’ancien gérant de la société LEKELY GASY de démissionner pour mettre à sa place sa maîtresse, Madame [H] [A] [X] […]. Ceux-ci ont porté plainte à l’encontre des représentants de la société LEKELY GASY, soit principalement [P] [W] et sa maîtresse, Madame [H] [A] [X], qui est, pour ce fait, incarcérée à MADAGASCAR’.
Cependant, c’est à bon droit que le tribunal a considéré que les propos litigieux ne présentent pas un caractère injurieux, calomnieux ou outrageants pour la justice et ne sont donc pas contraires au respect dû à la justice, en ce qu’ils font seulement état de témoignages selon lesquels [P] [W] aurait contraint l’ancien gérant de la société Lekely Gasy à démissionner pour faire nommer à sa place Mme [H] [A] [X], dont il est indiqué qu’elle serait sa maîtresse.
Ces propos, qui ne sont pas contraires aux dispositions de l’article 24 du code de procédure civile, ne présentent au surplus aucune utilité dans la résolution du litige objet de la présente instance.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 24 précité.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il y a lieu de confirmer le jugement du 16 février 2021 en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant en son appel, M. [F] [W] supportera la charge des dépens et sera équitablement condamné à payer à la SARL [P] [W] Diffusion une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Confirme le jugement du 16 février 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Condamne M. [F] [W] à payer à la SARL [P] [W] Diffusion une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne M. [F] [W] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Lisiane Fenie-Baradat, avocat postulant.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,