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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ORDONNANCE DU 13 JUIN 2023
(n° / 2023 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/07437 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQAE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2023 Tribunal de Commerce de Bobigny – RG n° 2022L03402
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette cour, assistée de Liselotte FENOUIL, greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée le 10 mai 2023 à la requête de :
DEMANDEURS
Monsieur [Y] [P], en sa qualité de président de la SAS AZEL TRANS, domicilié en cette qualité audit siège,
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
S.A.S. AZEL TRANS, prise en la personne de son président M. [Y] [P], domicilié en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 881 630 024,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 7]
Représentés par Me Jérémie GINIAUX-KATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0352,
à
DÉFENDEURS
Maître [M] [H], ès qualités,
Dont l’étude est située [Adresse 1]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, prise en la personne de Me [J] [U], ès qualités,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 423 719 178,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 5]
Représentés par Me Jean-Noël COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de PARIS, toque : K178,
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 05 Juin 2023 :
ORDONNANCE rendue par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, assistée de Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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FAITS ET PROCÉDURE:
Sur requête du ministère public et par jugement du 24 novembre 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SAS Azel Trans exerçant depuis 2020 une activité de transport de marchandises et de livraison de colis.
Le 6 avril 2023, le tribunal a converti le redressement en liquidation judiciaire, a mis fin à la mission de la SELARL AJAssociés, en la personne de Maître [U], ès qualités d’administrateur judiciaire et désigné Maître [H] en qualité de liquidateur judiciaire.
La SAS Azel Trans et M.[Y] [P], représentant légal de la société ont relevé appel de cette décision le 15 avril 2023 et par acte du 10 mai 2023 ont fait assigner la SELARL AJAssociés, en la personne de Maître [U], ès qualités d’ administrateur judiciaire, et Maître [H], ès qualités de liquidateur judiciaire devant le délégataire du premier président pour voir arrêter l’exécution provisoire du jugement dont appel et condamner solidairement l’administrateur judiciaire ès qualités et le liquidateur judiciaire ès qualités à leur payer une indemnité procédurale de 2.000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La SELARL AJAssociés, en la personne de Maître [U], ès qualités d’administrateur judiciaire et Maître [H] ès qualités de liquidateur judiciaire demandent au délégataire du premier président d’annuler l’assignation en référé et le cas échéant de tout acte subséquent, subsidiairement, de déclarer mal fondée la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la rejeter et ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Dans son avis notifié par RPVA le 12 mai 2023, le ministère public invite le délégataire du premier président à ne pas faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Vu l’article R.661-1 du code de commerce.
SUR CE
– Sur la demande d’annulation de l’assignation en référé
Les organes de la procédure sollicitent l’annulation de l’assignation en référé au motif qu’elle a été délivrée par M.[Y] [P], lequel n’a pas, selon eux, été régulièrement désigné comme dirigeant de la société Azel Trans.
Il résulte des statuts versés aux débats que la SAS Azel Trans a pour actionnaire unique la SAS WB Invest, qui a pour dirigeant M.[W] [Z], et que M.[Y] [P] a été désigné comme premier président ( article 12).
Les statuts portent la signature de M.[Y] [P].
La société WB Invest, supposée être l’actionnaire unique de la société Azel Trans, mise en demeure par le liquidateur judiciaire de libérer le capital social, ainsi que son dirigeant ont indiqué tout ignorer de la société Azel Trans, celle-ci ayant été constituée à leur insu et sans leur consentement et ont déposé plainte auprès du procureur de la République de Bobigny pour usurpation d’identité, faux et usage de faux, arguant que les statuts et la liste des souscripteurs de la société Azel Trans ne comportent ni la signature ni le paraphe de son dirigeant, M.[Z], mais uniquement celle de M.[Y] [P] désigné comme dirigeant.
Les demandeurs au référé contestent la demande d’annulation de l’assignation, arguant que le dirigeant de la société WB Invest est l’oncle de M.[P], que la constitution de la société Azel Trans est intervenue en parfait accord avec M.[Z] qui souhaitait aider son neveu et que ses dénégations actuelles tiennent à la survenance de querelles familiales.
En l’état, s’il existe des doutes quant à régularité de la constitution de la société Azel Trans et partant de la désignation de M.[Y] [P] comme dirigeant de la société Azel Trans, aucune nullité n’a toutefois été prononcée et, ainsi que le relèvent les demandeurs au référé, il n’entre pas dans la compétence du délégataire du premier président appelé à se prononcer sur l’arrêt de l’exécution provisoire, de juger que cette désignation est irrégulière.
En conséquence, M.[P] étant toujours le représentant légal de la société, il n’y a pas lieu d’annuler l’assignation en référé pour défaut de pouvoir.
– Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
Il résulte de l’article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Dès lors, ne seront pas examinés les moyens des demandeurs au référé tirés des conséquences manifestement excessives.
Au soutien de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la société Azel Trans et M.[P] font valoir, de première part, que contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, M.[Y] [P] est bien titulaire de la capacité de transport et la société dispose sur les trois derniers exercices des capitaux propres nécessaires pour jouir de la capacité de transport, de seconde part que la facturation de clients par une société tierce, la société JMH au lieu de la société Azel Trans procède d’une erreur ponctuelle, le liquidateur ne caractérisant pas la proportion et les conséquences de ce phénomène, et de troisième part, que les charges sociales acquittées par la société sont parfaitement correlées aux salaires. La société peut donc reprendre son activité afin de pouvoir régler ses dettes.
L’administrateur et le liquidateur judiciaires exposent que le capital social d’un montant de 60.000 euros n’a pas été libéré, que le passif déclaré ressort à 346.182,01 euros pour un actif disponible de 144.146,08 euros, que le commissaire-priseur a établi deux rapports de carence, la société ayant indiqué qu’elle ne disposait plus de matériel roulant, que les comptes et liasses de l’exercice 2022 n’ont pas été produits, qu’il existe une opacité totale sur les conditions d’exercice de l’activité de la société, ses actifs et ses liens de sous-traitance avec des sociétés apparentées, notamment la société JMH, que M.[O] [P], frère de M.[Y] [P], qui est employé comme chauffeur par la société Azel Trans, est en réalité l’animateur de fait de la société, et a disposé du pouvoir de se faire attribuer un montant de 220.000 euros durant la période suspecte, alors que ce montant aurait pu servir à régler le passif , ce qui démontre la volonté de MM.[P] de privilégier leurs intérêts au détriment des créanciers de la société ce qui est incompatible avec toute volonté de redressement.
La société Azel Trans communique la copie d’une attestation de capacité professionnelle en transport de marchandises par route (n° DM 112204357) délivrée par le préfet de région d’Ile de France le 29 novembre 2022 à M.[Y] [P], permettant de considérer, à défaut d’élément contraire, que ce dernier est bien titulaire de la capacité professionnelle exigée en matière de transport routier.
La société Azel Trans a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 2.140.983 euros et un bénéfice de 363.607 euros, en 2021 un chiffre d’affaires de 4.957.431 euros et un bénéfice de 214.054 euros. La liasse fiscale de l’exercice 2022 n’est pas produite.
Les difficultés de la société se sont révélées après un redressement fiscal, ayant fait suite à une vérification de comptabilité au titre des déclarations de TVA sur la période de janvier 2020 à juin 2021, qui a donné lieu à une proposition de rectification en janvier 2022 d’un montant de 260.124 euros, en partie contesté.
Le passif déclaré s’élève globalement à 346.182,01 euros, non contesté à hauteur de 221.749,89 euros.
Si la société dispose d’un actif disponible de 144.146,08 euros (solde de banque et versement du débiteur) les organes de la procédure évoquent à bon droit l’opacité du fonctionnement de la société Azel Trans. Ainsi, il résulte du procès-verbal de carence établi par le commissaire-priseur que la société ne détient pas de matériel roulant, que par ailleurs certaines de ses prestations ont été facturées par une société apparentée, qu’elle ne justifie pas d’un lieu d’exploitation, son siège social étant celui d’une société de domiciliation.Par ailleurs, la société Azel Trans plutôt que d’utiliser sa trésorerie pour faire face à l’apurement de ses dettes, a procèdé à des virements récurrents et importants en faveur du frère du dirigeant, M.[O] [P], sans corrélation avec son salaire de chauffeur au sein de la société, d’un montant mensuel brut de 1.832,12 euros, soit en montant net de l’ordre de 1.665 euros ( CDI du 1er février 2022). En effet, les relevés de compte bancaire de la société Azel Trans, font état des virements totaux suivants (intégrant les salaires de M.[O] [P]):
– avril 2022 : 4.665,43 euros
– mai 2022: 21.639,75 euros
– juin 2022: 25.160,63 euros
– juillet 2022: 62.663,34 euros
– août 2022: 32.154,78 euros
– septembre 2022 : 38.193,92 euros
– octobre 2022: 10.568,92 euros
– novembre 2022 : 36.000 euros
L’importance et la récurrence de ces virements au profit de M.[O] [Y] (qui fait par ailleurs l’objet d’un interdiction de gérer d’une durée de 10 ans), alors que la société était en cessation des paiements depuis le 20 octobre 2022, et pour lesquels M.[Y] [O], dirigeant de la société, ne fournit pas d’explications, évoquent une appréhension de la trésorerie disponible à des fins personnelles et des pratiques incompatibles avec la rigueur qui doit s’attacher à un redressement et à la responsabilité qui incombe au dirigeant chargé d’exécuter un plan de redressement.
En cet état, les suspiçions pesant sur le fonctionnement de la société, indépendamment de la régularité de sa constitution, ne permettent pas de considérer comme sérieux le moyen pris de la possibilité d’un redressement.
La société Azel Trans sera en conséquence déboutée de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Déboutons la SELARL AJAssociés, en la personne de Maître [U], ès qualités, et Maître [H], ès qualités de leur demande d’annulation de l’assignation en référé,
Déboutons, la société Azel Trans et M.[P] de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel,
Disons n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Disons que les dépens du référé suivront le sort de ceux de l’appel.
La greffière La présidente,
Liselotte FENOUIL Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT