Conséquences de l’Insolvabilité et de l’Autorité de la Chose Jugée dans les Relations entre Associés de SCI

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Conséquences de l’Insolvabilité et de l’Autorité de la Chose Jugée dans les Relations entre Associés de SCI
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Contexte de l’affaire

La SCI La Fontaine, associée aux époux [B], a contracté des prêts auprès de la Caixa Bank, garantis par une hypothèque sur un immeuble d’une valeur de 114.000 euros. Cet immeuble a été vendu le 29 août 2002, mais le notaire a libéré le prix de vente sans que la société Boursorama, successeur de la Caixa Bank, ne soit payée.

Déclaration de sinistre et action récursoire

Suite à cette situation, le notaire a déclaré un sinistre à son assureur, les Mutuelles du Mans, qui ont versé 137.500 euros à Boursorama. En conséquence, les Mutuelles du Mans ont intenté une action récursoire contre la SCI La Fontaine, qui a été condamnée par un jugement du 12 mars 2012 à rembourser cette somme.

Insolvabilité de la SCI

Le 8 janvier 2013, un huissier a établi un certificat d’insolvabilité de la SCI La Fontaine, rendant difficile le recouvrement de la somme due.

Assignation des époux [B]

Le 17 juillet 2014, les Mutuelles du Mans ont assigné M. et Mme [B] devant le tribunal de Nîmes, demandant le paiement de 68.750 euros chacun, ainsi que des intérêts et des dépens. Le juge a ordonné un sursis à statuer en attendant l’issue d’une tierce opposition formée par les époux [B].

Confirmation de la décision initiale

La cour d’appel de Nîmes a confirmé le 12 novembre 2020 le rejet de la tierce opposition. En 2023, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent concernant une fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs.

Demandes des Mutuelles du Mans

Dans leurs conclusions de juillet 2024, les Mutuelles du Mans ont réitéré leur demande de paiement, en se basant sur de nouveaux justificatifs, tout en contestant l’autorité de la chose jugée du jugement de 2011.

Réponse des époux [B]

M. et Mme [B] ont demandé la déclaration d’irrecevabilité des demandes des Mutuelles du Mans, arguant que la présente instance était identique à celle ayant abouti au jugement de 2011. Ils ont également soutenu qu’ils ne pouvaient être tenus à une somme supérieure à celle due par la SCI.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, concluant que les demandes des Mutuelles du Mans étaient irrecevables. Les demandes accessoires ont également été rejetées, et les Mutuelles du Mans ont été condamnées aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Nîmes
RG n°
14/03690
Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
la SCP B.C.E.P.
la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 06 Novembre 2024
1ère Chambre Civile

N° RG 14/03690 – N° Portalis DBX2-W-B66-GNBU
Minute n° JG24/

JUGEMENT

Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

Société LES MUTUELLES DU MANS,
dont le siège social est sis Professions Libérales Pôle Judiciaire – [Adresse 6] – [Localité 3]

représentée par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant

à :

M. [A] [B]
né le 15 Octobre 1956 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]

représenté par la SCP B.C.E.P., avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, la SCP SVA, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats plaidant

Mme [F] [C] épouse [B]
née le 27 Février 1957 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]

représentée par la SCP B.C.E.P., avocats au barreau de NIMES, avocats postulant, la SCP SVA, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats plaidant

Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 09 Septembre 2024 devant Nina MILESI, Vice-Présidente, statuant comme juge unique, assistée de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI La Fontaine, ayant pour associés les époux [B], a souscrit des prêts auprès de la Caixa Bank, garantis par une inscription d’hypothèque conventionnelle prise sur un immeuble propriété de la SCI pour un montant de 114.000 euros.

La SCI La Fontaine a vendu l’immeuble objet de l’hypothèque le 29 août 2002 et le notaire instrumentaire a libéré le prix de vente en totalité au profit de la venderesse sans que la société Boursorama, venant aux droits de laCaixa Bank, n’ait reçu paiement.

Le notaire instrumentaire a alors effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la compagnie les Mutuelles du Mans, qui a réglé à la société Boursarama la somme de 137.500 euros pour solde de tout compte.

C’est dans ces conditions que la compagnie les Mutuelles du Mans a exercé une action récursoire à l’encontre de la SCI La Fontaine, et que par jugement du 12 mars 2012, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné la SCI à rembourser à la compagnie MMA la somme de 137.500 euros.

Cependant, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la décision a établi un certificat d’insolvabilité de la SCI le 08 janvier 2013.

* * *

Par acte en date du 17 juillet 2014, la compagnie les Mutuelles du Mans a assigné M. [A] [B] et Mme [F] [C] épouse [B] devant le tribunal de grande instance de Nîmes, sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil, afin de :
condamner M. [B] à payer aux Mutuelles du Mans la somme de 68.750 euros outre intérêts depuis le 29 octobre 2009 et application de l’anatocisme,condamner Mme [F] [C] épouse [B] à payer aux Mutuelles du Mans la somme de 68.750 euros outre intérêts depuis le 29 octobre 2009 et application de l’anatocisme,condamner solidairement M. [B] et Mme [B] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,le tout avec exécution provisoire.

Par ordonnance du 17 mars 2016, le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Nîmes a ordonné un sursis à statuer dans la présente affaire, jusqu’à l’issue définitive de la tierce opposition formée par les époux [B] à l’encontre du jugement du 12 mars 2012.
Par arrêt du 12 novembre 2020, la cour d’appel de Nîmes a confirmé le jugement rejetant ladite tierce opposition.
Par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée soulevée par les défendeurs.
* * *
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, les Mutuelles du Mans demandent au tribunal judiciaire, au visa des articles 1857, 1858 et 1346 du code civil, de :
condamner M. [B] à lui payer la somme de 68.750 euros outre intérêts depuis le 29 octobre 2009 et application de l’anatocisme ; condamner Mme [F] [C] épouse [B] à lui payer la somme de 68.750 euros outre intérêts depuis le 29 octobre 2009 et application de l’anatocisme ; condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du 21 janvier 2011, les Mutuelles du Mans exposent que cette décision les a déboutés de leur demande en paiement de la somme de 137.500 euros au motif qu’aucun justificatif n’était produit et qu’il n’était pas démontré l’existence de vaines poursuites préalables ; que l’autorité de la chose jugée attachée au dispositif doit être éclairée par les motifs du jugement ; que désormais, les Mutuelles du Mans produisent des justificatifs, à savoir une quittance subrogative signée par la société Boursorama, réglée par les Mutuelles du Mans en qualité d’assureur du notaire en date du 26 mai 2009 ; que sa demande en paiement est donc recevable, bien fondée et justifiée.

* * *
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2022, M. et Mme [B] demandent au tribunal judiciaire de :
à titre principal, déclarer les demandes des Mutuelles du Mans irrecevable du fait de l’autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Nîmes du 21 janvier 2011 et rejeter leurs demandes ; à titre subsidiaire, dire et juger que M. et Mme [B] ne sauraient être tenus à une somme supérieure à celle due par la SCI La Fontaine ; en conséquence débouter les Mutuelles du Mans de leur demande de capitalisation des intérêts ; condamner les Mutuelles du Mans au paiement de la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
M. et Mme [B] exposent que :
– par acte d’huissier du 1er juin 2010, les Mutuelles du Mans les ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins d’obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 137.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009 ;
– que la demande portait sur le remboursement de la somme de 137.500 euros versée à la société Boursorama venants aux droits de la Caixa Bank en l’état de la responsabilité de son assuré, Maître [D], notaire ;
– que par jugement du 21 janvier 2011, le tribunal de grande instance a débouté les Mutuelles du Mans de ses demandes ;
– que la présente instance a une cause, un objet et des parties identiques à celle ayant abouti au jugement du 21 janvier 2011.
Subsidiairement, M. et Mme [B] rappellent que les associés d’une société civile ne peuvent être condamnés à une somme supérieure à celle due par la SCI La Fontaine de sorte que les Mutuelles du Mans doivent être déboutées de leur demande de capitalisation des intérêts.

* * *
Le juge de la mise en état a fixé la clôture de l’instruction à la date du 26 août 2024 par une ordonnance du 4 avril 2024. A l’audience du 9 septembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 6 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée
Aux termes de l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Par jugement du 21 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Nîmes a débouté les Mutuelles du Mans de l’ensemble de leurs demandes.
L’autorité de la chose jugée interdit qu’un litige qui a fait l’objet d’une décision de justice définitive soit jugé une seconde fois.
Il convient donc d’examiner si le jugement du 21 janvier 2011 a autorité de la chose jugée et s’oppose à l’examen au fond des demandes des Mutuelles du Mans.
Les parties sont identiques dans les deux instances et interviennent avec la même qualité.
L’objet de la demande est identique : le remboursement de la somme de 137.500 euros payée à la banque Boursorama, créancière de la SCI, par les Mutuelles du Mans en leur qualité d’assureur du notaire.
La cause de la demande est identique : les Mutuelles du Mans soutiennent être subrogées dans les droits de la société Boursorama et que la charge définitive de la dette de 137.500 euros doit reposer sur les associés de la SCI La Fontaine.

Les Mutuelles du Mans se prévalent des éléments suivants pour faire obstacle à l’autorité de la chose jugée :
de nouveaux éléments de preuve, l’existence de poursuites préalables de la SCI, et ce en réponse aux motifs retenus par le tribunal de grande instance pour rejeter leur demande initiale.
Toutefois, il est constant que la production d’une pièce nouvelle n’empêche pas une nouvelle demande de se heurter à l’autorité de la chose jugée d’une première décision.
En outre, le tribunal de grande instance de Nîmes a rejeté les demandes des Mutuelles du Mans au motif qu’elles n’avaient pas respecté l’article 1858 du code civil selon lequel les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
Or, il est exact que depuis le jugement du 21 janvier 2011, les Mutuelles du Mans ont obtenu un titre exécutoire contre la SCI La Fontaine.
Toutefois, il est de jurisprudence constante que le caractère nouveau de l’évènement permettant d’écarter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ne peut pas résulter de ce que la partie qui l’invoque a négligé d’accomplir une diligence en temps utile. Or, en l’espèce, les Mutuelles du Mans auraient dû poursuivre la SCI La Fontaine avant d’introduire une instance à l’encontre de M. et Mme [B].
Il s’ensuit que le jugement du 21 janvier 2011 a autorité de la chose jugée et interdit que la demande des Mutuelles du Mans soit examinée une seconde fois, peu importe le fait que l’assureur produise de nouvelles pièces susceptibles de justifier sa créance et ait poursuivi préalablement la SCI.
Les demandes des Mutuelles du Mans doivent être déclarées irrecevables.

Sur les demandes accessoires
Les Mutuelles du Mans perdent le procès et seront condamnées au paiement des dépens.
En revanche, aucune circonstance tirée de l’équité ou de la situation économique des parties ne justifie qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :
DÉCLARE irrecevables les demandes de la compagnie Les Mutuelles du Mans ;
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la compagnie Les Mutuelles du Mans aux dépens.

Le présent jugement a été signé par Nina MILESI, Vice-Présidente et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.

Le Greffier, Le Président,


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