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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 09/02/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/05609 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T565
Jugement (N° 2019J00095) rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque
Ordonnance (RG 21/5609) rendue le 16 juin 2022 par la cour d’appel de Douai
APPELANTE
SAS Di Sante, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
ayant son siège social [Adresse 4]
représentée par Me Franck Gys, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
INTIMÉE
SNC Camo 36, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice audit siège,
ayant son siège social [Adresse 1], prise en son établissement de [Adresse 3]
représentée par Me Véronique Planckeel, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 29 novembre 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 novembre 2022
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FAITS ET PROCEDURE
La SAS Di Sante est une entreprise spécialisée dans la fabrication de structures métalliques et de parties de structures métalliques. Elle a recours régulièrement à du personnel intérimaire par le biais de la SNC Camo 36, qui exerce sous le nom commercial Gemo Intérim 15.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juin 2019, la société Camo 36 a mis en demeure la société Di Sante de lui régler la somme de 40 542,69 euros TTC au titre de factures impayées.
Par lettre recommandée non datée, la société Di Sante a informé sa prestataire de services qu’elle bloquait le paiement de ses factures en cours et sollicité le remboursement de la somme de 87 590 euros HT correspondant au différentiel entre la facturation de ses prestations et les salaires réellement versés aux salariés intérimaires.
Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre.
Par acte d’huissier du 11 juillet 2019, la société Di Sante a attrait la société Camo 36 devant le tribunal de commerce de Dunkerque pour obtenir principalement sa condamnation à lui payer la somme de 105 108,86 euros TTC.
Par jugement rendu le 20 septembre 2021, le tribunal de commerce de Dunkerque a statué en ces termes :
« Ecarte la fin de recevoir présentée en défense ;
Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Déclare inopposable la réduction de délai de réclamation prévue aux conditions générales des contrats passés entre les parties ;
Déboute néanmoins la société DI SANTE de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société CAMO 36 ;
Condamne la société DI SANTE à payer à la société CAMO 36 les sommes de Soixante Sept Mille Six Cent Trente et Un Euros Quarante Trois Centimes (67.631,43 €) en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24/06/2019, Huit Cent Quarante Euros (840 €) et Dix Mille Cent Quarante Quatre Euros Soixante et Onze Centimes (10.144,71 €) en pénalités contractuelles ;
Ecarte toute demande d’indemnité procédurale ;
Vu la nature et l’ancienneté du litige, prononce l’exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne la société DI SANTE aux dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 73,22€ TTC (= tarifs 05-2018 n°18, 22, n°20 x2). ».
Par déclaration du 4 novembre 2021, la société Di Sante a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.
Par conclusions du 1er février 2022, la société Di Sante a élevé un incident, par lequel elle a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de sursis à statuer.
Par message RPVA en date du 25 mars 2022, il a été demandé aux conseils des parties de conclure sur le pouvoir du conseiller de la mise en état pour statuer sur cette demande, dans la mesure où la détermination par l’article 907 du code de procédure civile des pouvoirs du conseiller de la mise en état, par renvoi à ceux du juge de la mise en état, ne pouvait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l’appel, seule la cour d’appel disposant du pouvoir d’infirmer la décision frappée d’appel, revêtue, dès son prononcé, de l’autorité de la chose jugée.
Par ordonnance d’incident en date du 16 juin 2022, le conseiller de la mise en état a statué en ces termes :
« Déboutons la société Di Sante de l’ensemble de ses demandes ;
Condamnons la société Di Sante à payer à verser à la société Camo 36 la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’incident ;
Déboutons la société Di Santé de sa propre demande de ce chef ;
Condamnons la société Di Sante aux dépens d’incident ;
Accordons à Maître Planckeel le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision. ».
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 2 février 2022, la société Di Sante demande à la cour de :
« Vu l’article 1104 du Code Civil dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016,
Vu l’article 1134 du Code Civil avant sa modification par l’ordonnance du 10 février 2016,
Vu l’article 1231-1 du Code Civil dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016,
Vu l’article 1147 du Code Civil dans sa version avant la modification de l’ordonnance du 10 février 2016,
REFORMER en sa totalité le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Mer et de Terre de DUNKERQUE en date du 20 septembre 2021,
Y ajoutant,
DEBOUTER la SNC CAMO 36 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
SURSEOIR À STATUER jusqu’à la décision pénale définitive à intervenir à la suite de la plainte pour escroquerie et faux et usage de faux en écriture privée déposée par la SAS DI SANTE entre les mains de Monsieur le Procureur près le Tribunal Judiciaire de DUNKERQUE,
À titre subsidiaire,
DÉBOUTER la SNC CAMO 36 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment au titre de ses demandes reconventionnelles en paiement, ces dernières étant fondées sur un taux horaire surfacturé,
ANNULER la clause contenue à l’article 6 des conditions générales des contrats de mise à disposition réduisant à 10 jours le délai pour contester le montant des factures contrevient à l’article 2254 du Code Civil, et, en conséquence,
DIRE ET JUGER que la SNC CAMO 36 a engagé sa responsabilité contractuelle en surfacturant les prestations de mise à disposition de personnel intérimaire auprès de la SAS DI SANTE,
En conséquence,
CONDAMNER la SNC CAMO 36 à verser à la SAS DI SANTE la somme de 87.590,72 euros HT avec intérêts à compter de la mise en demeure du 7 juin 2019,
ACCORDER l’anatocisme par année entière,
CONDAMNER la SNC CAMO 36 à verser à la SAS DI SANTE la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour les causes sus-énoncées,
À titre infiniment subsidiaire,
ENJOINDRE sous astreinte de 150,00 € par jour de retard à compter du 30è 7e jour suivant la décision à intervenir à la SNC CAMO 36 de remettre au greffe de la Cour d’appel de DOUAI :
o L’ensemble des contrats de mission d’intérim (entre le salarié et la SNC CAMO 36) visé ayant fait l’objet d’une facturation telle que reprise dans la pièce DI SANTE n°3,
o Remettre les fiches de paie correspondantes contresignées par l’Expert-Comptable ou le Commissaire aux comptes de la société,
o Remettre les DADS courant du 30 juin 2014 au 30 avril 2019 et certifiées par l’Expert-Comptable ou le Commissaire aux comptes de la société,
SE RÉSERVER le contentieux de l’astreinte,
CONDAMNER la SNC CAMO 36 à verser à titre de provision à valoir sur le préjudice définitif de la SAS DI SANTE la somme de 50.000,00 € HT soit 60.000,00 € TTC,
DESIGNER tel expert judiciaire qu’il plaira avec mission :
– de convoquer les parties,
– se faire remettre l’ensemble des contrats de mises à disposition liant la SNC CAMO 36 à la SAS DI SANTE et les contrats d’intérim liant les intérimaires intervenus chez DI SANTE et la SNC CAMO 36,
– comparer les prix des heures et accessoires facturés à DI SANTE et celles réglées à chaque intérimaire,
– du tout dresser un rapport dans tel délai qu’il plaira à la cour de fixer,
METTRE à la charge de la SAS DI SANTE les frais de consignation qu’il plaira à la Cour de fixer et pour le compte de qui il appartiendra,
En tout état de cause,
CONDAMNER la SNC CAMO 36 à verser à la SAS DI SANTE la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance ».
La société Di Sante plaide que le litige repose sur la faute de la société Camo 36 qui lui a facturé à un coût horaire supérieur à celui versé à son salarié intérimaire.
Victime d’une escroquerie de la part de sa prestataire de services, elle a été contrainte de déposer plainte entre les mains du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dunkerque, pour les surfacturations dont elle a été victime. Sur la base de ladite plainte, la société Camo 36 a engagé un contrôle interne, dont il est ressorti que le responsable du site de [Localité 2] avait modifié les données du logiciel. Cependant, cet audit ne reprend pas la totalité des salariés ni même certains contrats pourtant produits aux débats. Il n’est qu’une altération frauduleuse de la vérité afin de dissimuler une escroquerie. L’issue de la plainte pénale est donc intrinsèquement liée à l’action civile. Pour une bonne administration de la justice, le sursis s’impose.
Les premiers juges ont écarté à juste titre la prescription de 10 jours invoquée par la SNC Camo 36 en rappelant les dispositions de l’article 2254 du code civil.
L’article L1251-18 du code du travail prévoit une interdépendance entre le salaire versé au salarié en intérim et le salaire fixé par le contrat de mise à disposition. La société Di Sante a pu constater une erreur systématique sur les seuls contrats d’intérim qu’elle a eu entre ses mains. Il ne s’agit pas d’une erreur matérielle mais d’une man’uvre frauduleuse systématique et de grande ampleur. En n’appliquant pas le coût réel réglé au salarié intérimaire et en trompant son cocontractant, la société Camo 36 a commis une faute de nature contractuelle et même un dol. Elle prétend que la société Di Sante ne disposerait pas d’un intérêt à agir puisque seuls les intérimaires auraient été dupés. Or, premièrement, la société Di Sante dispose d’un intérêt certain à agir puisque les sommes versées par elle n’ont pas été mises à disposition des bénéficiaires. Deuxièmement, le comportement de la société Camo 36 est particulièrement condamnable puisque la société Di Sante a subi des actions prud’homales de la part des salariés concernés, pour ne pas respecter la convention collective, un contrôle par la DIRRECTE avec une amende de 3 700 euros par infraction constatée, c’est-à-dire par contrat de travail ne respectant pas les dispositions rappelées ci-dessus, et plus généralement, un préjudice d’image vis-à-vis des salariés en intérim mais également de ses propres salariés. La découverte de cette escroquerie s’est faite dans le cadre d’un mouvement du personnel reprochant à la direction de la société Di Sante de ne pas percevoir les mêmes salaires que les salariés en CDI. Le préjudice est certain et encore actuel. Il sera indemnisé à hauteur de 30 000 euros.
La SAS Di Sante a calculé une surfacturation à hauteur de 6,3 %, à partir des quatre salariés actuellement en contrat d’intérim et au regard des pièces qu’elle a pu obtenir.
Si la société Camo 36 contestait le mode de calcul, ou si la cour ne s’estimait pas suffisamment informée, la communication de pièces et une expertise s’imposeraient.
Enfin, la société Di Sante s’oppose au paiement des factures réclamées par la société Camo 36 en raison de ses man’uvres de surfacturation et qualifie ses demandes de particulièrement abusives.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 26 avril 2022, la société Camo 36 demande à la cour de :
« Vu les articles 1103, 1199 du Code Civil, 9 et 122 du Code de procédure civile, 4 du Code de procédure pénale, L 1255-10 du Code du Travail, la jurisprudence précitée :
– Débouter Société DI SANTE de toutes ses demandes, fins et prétentions,
– Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de DUNKERQUE le 20 septembre 2021 en toutes ses dispositions,
– Condamner la société DI SANTE à verser à la Société CAMO 36 la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
– Condamner la société DI SANTE aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître PLANCKEEL, avocat »
La société Camo 36 indique qu’elle entend à nouveau, en cause d’appel, soulever l’irrecevabilité des demandes de la société Di Sante, au regard de ses conditions générales de vente, conditions que le tribunal de commerce de Dunkerque a injustement écartées.
Elle s’oppose à la demande de sursis à statuer formée par son adversaire. Elle explique que suite à la plainte déposée par celui-ci, elle a diligenté un audit sur la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2019. Il en résulte que les prestations ont été systématiquement facturées à la société Di Sante conformément au salaire de référence figurant dans les contrats de mise à disposition. S’il s’est avéré que pour quelques salariés, le salaire finalement versé à ceux-ci a été inférieur, la victime de ces erreurs n’est pas la société Di Sante, mais bien les salariés concernés. L’auteur de ce rapport d’audit, Madame [I] [D], indique expressément avoir répertorié l’intégralité des contrats conclus avec la société Di Sante, étant rappelé que les relations contractuelles ont débuté en 2014, et ont pris fin en 2019. Pas moins de 458 contrats, concernant 114 salariés, ont été conclus durant cette période. Ce rapport d’audit interne met en évidence que la société Di Sante a toujours été correctement facturée, mais que les erreurs commises par le directeur d’agence de la société Camo 36 doivent avoir pour conséquence d’adresser aux salariés concernés un rappel de salaire. Dans la mesure où la société Camo 36 n’a bien évidemment jamais délégué au directeur d’agence la possibilité de modifier le salaire de référence, elle ne saurait encourir quelque sanction pénale que ce soit.
Entre l’entreprise utilisatrice, la société Di Sante, et l’entreprise de travail temporaire, la société Camo 36, ne s’appliquent que les stipulations des contrats de mise à disposition, et uniquement celles-ci, c’est-à-dire le droit des contrats. Contrairement à ce que prétend la société Di Sante, si la société Camo 36 a facturé ses prestations sur la base d’un salaire de référence, c’était bien sur celui figurant sur les contrats de mise à disposition, et non sur celui figurant dans les contrats de travail des salariés. C’est dès lors de manière parfaitement abusive et diffamatoire que la société Di Sante prétend qu’elle aurait été victime d’une escroquerie, ou encore de man’uvres frauduleuses ou d’abus de confiance.
Les préjudices qu’elle chiffre sont totalement fantaisistes. Elle n’a pas été victime d’une surfacturation et n’a subi ni action prud’homale ni contrôle de l’inspection du travail.
La société Di Sante ne conteste pas les factures laissées impayées. Le tribunal de commerce de Dunkerque a, à juste titre, fait application des pénalités contractuelles figurant à l’article 6, dernier alinéa, de ses conditions générales de vente. La décision de première instance ne pourra qu’être confirmée.
SUR CE
I ‘ Sur l’étendue de la saisine
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
En conséquence, la cour n’est pas saisie des prétentions de la société Camo 36 visant à faire déclarer irrecevables pour prescription les demandes de la société Di Sante, en application de ses conditions générales de vente, qui figurent exclusivement dans le corps de ses écritures et ne sont pas reprises dans son dispositif, par lequel elle demande la confirmation de la décision querellée en toutes ses dispositions.
II ‘ Sur l’action en responsabilité contractuelle
1) Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
En l’espèce, le sursis sollicité n’est pas rendu obligatoire par la loi et n’apparaît pas justifié, au regard des éléments du litige, par l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
La demande sera donc rejetée, et la décision des premiers juges confirmée de ce chef.
2) Sur les autres demandes de la société Di Sante
Aux termes des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Aux termes des articles 1104 et 1231-1 nouveaux du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
En l’espèce, la simple comparaison entre, d’une part les contrats de mise à disposition conclus entre la société Di Sante et la société Camo 36, d’autre part les factures adressées par la société Camo 36 à la société Di Sante, met en évidence que le taux horaire facturé à l’entreprise utilisatrice par la société de travail intérimaire est conforme à celui convenu entre les parties.
Dès lors, si certains salariés n’ont pas été payés au salaire de référence indiqué aux contrats, la société Camo 36 plaide à raison que c’est à leur seul préjudice, puisqu’ils se sont vus payer une rémunération trop faible, alors que la société Di Sante a de toute évidence été facturée aux montants contractuellement convenus.
Ces conclusions sont d’ailleurs celles auxquelles était parvenu le rapport d’audit interne diligenté par la société Camo 36, portant sur les contrats conclus avec la société Di Sante entre mars 2014 et juin 2019, soit 458 contrats concernant 114 salariés, lequel a estimé le total des différences à 3 064,13 euros au titre des rappels de salaires dus aux salariés concernés (outre 306,41 euros d’indemnités de fin de mission et 337,05 euros d’indemnité de congés payés), sauf à noter que les copies de 21 contrats concernant 13 salariés n’avaient pas été fournies et n’avaient donc pas pu être contrôlées.
La société Di Sante est en réalité totalement défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe qu’elle ait subi une quelconque surfacturation.
En outre, elle n’établit par aucune pièce la réalité des actions prud’homales, des amendes et du préjudice d’image qu’elle allègue, se contentant d’affirmations purement péremptoires.
Elle ne peut en conséquence qu’être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts, comme de ses demandes de production de pièces, d’expertise et de provision à valoir sur son préjudice, totalement infondées, la cour soulignant la légèreté particulièrement blâmable avec laquelle elle a introduit son action.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.
III ‘ Sur la demande en paiement de la société Camo 36
Aux termes des articles 1104 et 1217 nouveaux du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation.
Les pièces produites aux débats démontrent à suffisance que la société Camo 36 n’a pas manqué à ses obligations envers la société Di Sante. Cette dernière doit donc être condamnée à lui régler les sommes contractuellement dues au titre des contrats de mise à disposition conclus entre elles.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Di Sante à payer à la société Camo 36 la somme de 67 631,43 euros en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019, outre celles de 840 euros et 10 144,71 euros au titre des pénalités contractuelles.
IV ‘ Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
L’issue du litige justifie de condamner la société Di Sante aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance.
En conséquence, il convient d’accorder à Maître Planckeel, avocat au barreau de Dunkerque, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La société Di Sante, tenue aux dépens d’appel, sera en outre condamnée à verser à la société Camo 36 la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de la dévolution,
Déboute la société Di Sante de sa demande de sursis à statuer ;
Confirme le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société Di Sante de toutes ses demandes ;
Condamne la société Di Sante à payer à la société Camo 36 la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;
Déboute la société Di Sante de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Di Sante aux dépens d’appel ;
Accorde à Maître Planckeel, avocat au barreau de Dunkerque, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse