Conditions de la contrefaçon de documentaire : affaire Paris Mystères

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Conditions de la contrefaçon de documentaire : affaire Paris Mystères
Ce point juridique est utile ?

De simples ressemblances pour certaines fortuites ne suffisent pas à caractériser la contrefaçon d’un documentaire.  

Affaire Paris Invisible

Un auteur a présenté à une société un synopsis de documentaire intitulé « Paris Invisible ». Par contrat, l’auteur s’est engagé à écrire et remettre à la société le résumé et le scénario de l’oeuvre  Il s’est également engagé à céder à titre exclusif à la société ses droits d’auteur sur le scénario. En contrepartie, la société s’est engagée à lui verser une rémunération.  

Le contrat prévoyait également que la société pouvait mettre fin au contrat avant l’arrivée de son terme, auquel cas l‘auteur recouvrait la possibilité de céder à tout tiers de son choix les droits cédés à la société, sous réserve que les sommes versées par cette dernière

soient remboursées par le tiers ou par l‘auteur lui-même dès la conclusion d’un accord afférent au projet.

Différentes versions du scénario ont été remises à la société.  Par lettre recommandée, la société a fait part à l’auteur de sa décision de mettre fin au contrat.

L’auteur a alors entamé des discussions avec diverses sociétés de production au sujet de son projet « Paris Invisible », et notamment avec la société Mezzanine Films avec laquelle il avait déjà collaboré, sans qu’un accord ne soit finalement conclu.

Contrefaçon supposée sur RMC

Postérieurement, l’auteur a découvert que la chaîne RMC diffusait une série de documentaires intitulée « Paris Mystères » produite par la société avec laquelle il était en contact.

Absence de ressemblances significatives

Saisie de l’affaire, la juridiction a considéré que le documentaire ne présentait pas de  ressemblances significatives avec le scénario originel. Les ressemblances avec le scénario ‘Paris Invisible’ ressortent des idées ou de caractéristiques banales, qui ne participent pas comme telles à l’originalité de l’oeuvre et ne sauraient caractériser à elles seules la contrefaçon de l’oeuvre ‘Paris Invisible’ par la série ‘Paris Mystères’.

Les idées sont également traitées dans la série ‘Paris Mystères’ de manière radicalement différente de celle ressortant du scénario.

En effet, la série ‘Paris Mystères’ est bâtie non ‘selon une alternance d’interviews porteuses de connaissances avec des séquences à la découverte des sites et des symboles de la capitale’ mais autour de la personnalité de l’auteur, présenté comme le spécialiste de l’histoire de Paris qui est le narrateur et le guide du spectateur tout au long de l’épisode pour mener l’enquête, avec force de références aux recherches réalisées par celui-ci.

De même, chaque thème sur les mystères de Paris est abordé non selon des sujets généraux tels ‘la mort’, ‘les fantômes’ ‘les clairvoyants, médiums et spiritisme’, ‘l’invisible scientifique’, ‘la musique de l’invisible’… à l’occasion desquels interviennent diverses personnalités aux expertises variées, mais autour d’un personnage historique, Allan Kardec et le spiritisme, le fantôme de l’opéra et le roman du même nom de l’alchimiste, et en ne faisant intervenir des professionnels que de façon ponctuelle pour présenter l’histoire du lieu.

Aussi, les quelques autres ressemblances relevées ne sont pas plus pertinentes pour caractériser la contrefaçon et ce d’autant que l’usage de clichés représentant les gargouilles de Notre Dame ou les toits de Paris comme de celui représentant le lustre de l’opéra de Paris vu d’en dessous n’apparaissent pas participer de l’originalité d’un scénario ayant pour thème Paris ses mythes et ses légendes.

Il en va de même des scènes représentant une personnalité à son bureau, marchant dans une bibliothèque, allant de l’île Saint Louis vers le quartier Saint-Michel ou visitant les sous-sols de l’opéra ou encore de l’apparition de citations, qui sont différentes sur le fond, ces ressemblances ressortant de simples coïncidences fortuites.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/14879 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CAM2A

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 juin 2019 -Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°18/06915

APPELANT

M. M-N X

Né le […] à Nancy

De nationalité française

Exerçant la profession de réalisateur et scénariste

[…]

Représenté par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0075

Assisté de Me Gilles VERCKEN plaidant pour la SELARL VERCKEN & GAULLIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 414

INTIMEE

S.A.S. J K L, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 509 629 788

Représentée par Me Cosima OUHIOUN de l’AARPI LAVAGNE – OUHIOUN – GUYON AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque P 517

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juillet 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue

en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 06 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 18 juillet 2019 par M. M-N X ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 16 juillet 2020 par M. X, appelant ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 13 octobre 2020 par la société J K L (société J K), intimée ;

Vu l’ordonnance de clôture du 05 novembre 2020,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

M. M-N X est un auteur-réalisateur français de longs-métrages et de courts-métrages documentaires et de fictions du genre fantastique.

La société J K a pour activité la production pour la L de séries documentaires, notamment l’émission ‘Rendez-vous en terre inconnue’.

M. X a présenté en 2011 à la société J K un synopsis de documentaire intitulé « Paris Invisible ». Par contrat du 4 octobre 2011, M. X s’est engagé à écrire et remettre à la société J K le résumé et le scénario de l’oeuvre avant le 15 décembre 2011. Il s’est également engagé à céder à titre exclusif à la société J K ses droits d’auteur sur le scénario. En contrepartie, la société J K s’est engagée à verser une rémunération à M. X.

Le contrat prévoyait également que la société J K pouvait mettre fin au contrat avant l’arrivée de son terme, auquel cas M. X recouvrait la possibilité de céder à tout tiers de son choix les droits cédés à la société J K, sous réserve que les sommes versées par cette dernière

soient remboursées par le tiers ou par M. X lui-même dès la conclusion d’un accord afférent au projet.

Différentes versions du scénario ont été remises à la société J K, notamment une dernière version en mai 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2012, la société J K a fait part à M. X de sa décision de mettre fin au contrat.

M. X a alors entamé des discussions avec diverses sociétés de production au sujet de son projet « Paris Invisible », et notamment avec la société Mezzanine Films avec laquelle il avait déjà collaboré, sans qu’un accord ne soit finalement conclu.

Le 22 janvier 2018, M. X a découvert que la chaîne de L RMC diffusait une série de documentaires intitulée « Paris Mystères » produite par la société J K, écrite par MM. M-P Q, conservateur de musées et spécialiste de l’histoire de Paris, et Z A, auteur-scénariste.

Par courrier du 2 février 2018, M. X a indiqué à la société J K que le documentaire « Paris Mystères » présentait des ressemblances significatives avec son projet de documentaire intitulé « Paris Invisible » et l’a mise en demeure de faire connaître sa position sur les faits reprochés ainsi que sur les mesures envisagées pour réparer son préjudice résultant notamment de la perte de chance de voir la réalisation de son projet aboutir.

Par deux courriels des 2 et 5 février 2018, M. B C, producteur associé de la société J K, a fait part de son incompréhension et a affirmé qu’il n’existait aucun lien entre le travail de M. X et la série « Paris Mystères ».

Le directeur juridique de la société J K a par ailleurs, dans un courrier du 20 février 2018, contesté l’analyse de M. X et affirmé que les deux documentaires ne présentaient aucune ressemblance significative.

C’est dans ces circonstances que M. X a fait assigner la société J K par acte du 5 juin 2018 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d’auteur, en concurrence déloyale et parasitaire et en responsabilité contractuelle.

Le jugement déféré a :

— débouté M. X de sa demande en contrefaçon de droits d’auteur ;

— débouté M. X de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire ;

— débouté M. X de sa demande en inexécution contractuelle ;

— condamné M. X à verser la somme de 4000 euros à la société J K L sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. X aux entiers dépens de l’instance dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure.

M. X a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions sollicite au visa des articles L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1231-1 et suivants et 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile de la cour de :

— le juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance du Paris du 6 juin 2019 en ce qu’il l’a : – débouté de sa demande en contrefaçon de droits d’auteur ;

— débouté de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire ;

— condamné à verser la somme de 4 000 euros à la société J K L sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné aux entiers dépens de l’instance dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

— juger que la société J K a commis des actes de contrefaçon constitutifs d’une atteinte aux droits d’auteur dont il est titulaire ;

— juger que la société J K lui a causé, par son attitude fautive, un préjudice d’image ;

En conséquence,

— condamner, au titre de la contrefaçon, la société J K à lui payer :

— la somme de 122.000 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur ;

— la somme de 30.000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit moral ;

— condamner la société J K à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de l’atteinte portée à son image ainsi qu’à sa crédibilité professionnelle ;

A titre subsidiaire :

— juger que la société J K s’est rendue coupable d’actes de parasitisme à son encontre ;

En conséquence,

— condamner la société J K à lui payer :

— la somme de 122.000 euros en réparation de son préjudice financier ;

— la somme de 45.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

En tout état de cause :

— ordonner, à l’encontre de la société J K, la cessation et l’interdiction, directement ou indirectement, de toute exploitation, diffusion, commercialisation ou promotion de l’oeuvre contrefaisante « Paris Mystères » et de ses produits dérivés reprenant les caractéristiques essentielles de l’oeuvre « Paris Invisible » et ce, à compter de la signification du jugement ;

— condamner la société J K à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction conformément de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, la société J K sollicite de la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— débouter M. X de toutes ses demandes,

— condamner M. X à lui payer la somme de 5.000 euros pour les frais irrépétibles d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux dépens dont distraction conformément de l’article 699 du code de procédure civile.

A titre liminaire, la cour relève que dans ses dernières conclusions, M. X ne sollicite pas l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de sa demande en inexécution contractuelle, le jugement étant devenu sur ce point irrévocable.

— Sur l’originalité du scénario de M. X

Il résulte des dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

La société J K ne discute pas la titularité des droits invoqués par M. X et conteste uniquement l’originalité du scénario qui lui est opposé.

Il appartient à M. X qui revendique une protection au titre du droit d’auteur sur un scénario dont l’originalité est contestée de préciser en quoi l’oeuvre revendiquée porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

M. X critique le jugement déféré qui a rejeté ses demandes au titre du droit d’auteur en raison du défaut d’originalité du scénario ‘Paris Invisible’, faisant valoir que le scénario dont il est l’auteur ne se borne pas à fournir des idées mais propose un agencement, dépassant celui des idées pour intégrer celui des formes et que les éléments présents dans le scénario, pris dans leur ensemble, font, dans sa composition et ses articulations, l’originalité de l’oeuvre dont il est l’auteur.

La société J K sollicite la confirmation de la décision entreprise en faisant valoir que le scénario argué de contrefaçon n’est pas original, chaque thème, pris en soi, retenu par M. X dans son scénario étant banal, leur sélection étant également banale, certains éléments étant en outre imposés par le genre du documentaire d’investigation historique tels la présence d’un narrateur guide et l’alternance d’interviews et de séquences sur les sites de Paris.

M. X fournit au débat (pièce n° 5) un document de 49 pages intitulé ‘Paris Invisible’ sur lequel figure le nom de la société J K, celle-ci ne discutant pas qu’il lui a été remis dans le cadre de l’exécution du contrat en date du 4 octobre 2011. M. X présente ce document dans ses écritures comme l’ultime version du scénario (page 10 des conclusions de M. X) remis à la société J K. Le film y est présenté comme une enquête à travers la capitale (Paris), un voyage initiatique constitué de trois sujets imbriqués : Paris, le monde Invisible et une révélation. Le scénario est décomposé en 51 séquences, la majorité des séquences étant illustrée de clichés et

prévoyant l’intervention d’une personnalité (urbaniste, artiste peintre, photographe, historiens, personnel de direction d’établissements culturels ou de salles de spectacles, guide touristique ou médiums) dans un lieu précis (quartier de Paris, lieux connus de la capitale ou domicile des intervenants).

Le scénario en cause, s’il traite de thèmes connus tels le mystérieux, le surnaturel et l’invisible (thèmes favoris de M. X) en lien avec la ville de Paris, en reprenant des illustrations déjà utilisées par d’autres scenarii ainsi que le démontre la société J K, comme l’alchimie, la mort, les catacombes, le fantôme de l’opéra, le spiritisme ou les initiés, est néanmoins constitué d’un agencement de ces thèmes présenté sous l’angle d’une progression ‘du concret vers l’abstrait, de l’obscurité vers la lumière et de la mort vers la vie et le futur’, d’un choix des intervenants, des lieux et ambiances où ceux-ci se trouvent mis en scène, des clichés qui les accompagnent, choix arbitraires dont il résulte que l’aspect global de cette oeuvre, prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, en font un scénario qui a ‘pour propos de réussir l’équilibre entre divertissement et métaphysique à travers un film vivant, parfois drôle esthétiquement hypnotique et porteur de lumière’, selon les explications de M. X, et qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

L’originalité du scénario dont M. X est l’auteur est ainsi caractérisée.

— Sur la contrefaçon du scénario de M. X

M. X considère que l’oeuvre ‘Paris Mystères’ a été réalisée à partir du scénario dont il est l’auteur, les traits caractéristiques de celui-ci se retrouvant dans l’oeuvre contrefaisante. A ce titre il invoque l’angle retenu identique (présentation de Paris sous l’angle des esprits et des morts qui habitent des sites célèbres ou inconnus par le prisme du spiritisme et des initiés, en évoquant les secrets et les mystères que recèle la capitale et abordée sous forme d’enquête), la similarité des thèmes traités de la même façon (sur six sujets présentés dans la série « Paris Mystères », quatre sont repris du scénario antérieur : les mystères de l’opéra, Allan Kardec et le spiritisme, Paris post-mortem et D E (l’alchimiste), la série ‘Paris Mystères citant comme la scénario antérieur George Méliès réalisateur et illusionniste), la mise en scène, la méthode retenue (alternant la présentation par un guide et des rencontres avec des témoins de phénomènes rares, des historiens et scientifiques porteurs de connaissances et des ésotériciens initiés aux mystères…) et les choix visuels de mise en image (plan d’ensemble et plongée totale sur la carte de Paris avec surimpression de fumée, Paris en plan large photographiée depuis les toits avec des gargouilles en amorce, des citations apparaissant à l’écran, l’image d’un puzzle (version en date du 14 janvier 2012 de M. X).

M. X fournit au débat le premier épisode de la série ‘Paris Mystères’ (pièce n° 7). La société J K verse quant à elle le projet de série ‘Paris dossier secret’ (ancien nom de la série ‘Paris Mystères’ pièce n° 4 ) transmis le 14 avril 2014 par M. F A à la société J K et le scénario de la série ‘Paris Mystères’ (pièce n° 14).

Il ressort du visionnage par la cour de l’épisode de ‘Paris Mystères’ que celui-ci traite des mystères de Paris tels celui du spiritisme et du ‘fantôme de l’opéra’, de l’enquête menée pour percer ces mystères, montre la présence d’un narrateur guide et l’alternance d’interviews et de séquences sur les sites de Paris. Le projet initialement soumis le 14 avril 2014 mentionne les énigmes non résolues liées à la ville de Paris qui sont souvent classées dans le surnaturel, les mythes ou les légendes, les croyances populaires et le scénario précise que ‘Paris Mystères’ est conçu comme une enquête policière qui emmène au coeur de l’histoire de Paris et de ses plus grands mystères.

Néanmoins, ces ressemblances avec le scénario ‘Paris Invisible’ ressortent des idées ou de caractéristiques banales ainsi qu’il a été ci-dessus relevé, qui ne participent pas comme telles à l’originalité de l’oeuvre et ne sauraient caractériser à elles seules la contrefaçon de l’oeuvre ‘Paris Invisible’ par la série ‘Paris Mystères’.

Il convient en outre de relever avec l’intimée qu’il ressort tant du visionnage de l’épisode ci-avant mentionné que du scénario fourni en pièce n° 14 que ces idées sont traitées dans la série ‘Paris Mystères’ de manière radicalement différente de celle ressortant du scénario de M. X.

En effet, la série ‘Paris Mystères’ est bâtie non ‘selon une alternance d’interviews porteuses de connaissances avec des séquences à la découverte des sites et des symboles de la capitale’ (page 5 du scénario de M. X) mais autour de la personnalité de M. M-P Q présenté comme le spécialiste de l’histoire de Paris qui est le narrateur et le guide du spectateur tout au long de l’épisode pour mener l’enquête, avec force de références aux recherches réalisées par celui-ci. De même, chaque thème sur les mystères de Paris est abordé non selon des sujets généraux tels ‘la mort’, ‘les fantômes’ ‘les clairvoyants, médiums et spiritisme’, ‘l’invisible scientifique’, ‘la musique de l’invisible’… à l’occasion desquels interviennent diverses personnalités aux expertises variées, mais autour d’un personnage historique, Allan Kardec et le spiritisme, le fantôme de l’opéra et le roman du même nom ou D E l’alchimiste, et en ne faisant intervenir des professionnels que de façon ponctuelle pour présenter l’histoire du lieu.

Aussi, les quelques autres ressemblances relevées par M. X dans ses écritures en sortant certaines phrases ou clichés de son scénario de leur contexte pour les comparer à des éléments également isolés de l’épisode ‘Paris Mystères’, ne sont pas plus pertinentes pour caractériser la contrefaçon et ce d’autant que l’usage de clichés représentant les gargouilles de Notre Dame ou les toits de Paris comme de celui représentant le lustre de l’opéra de Paris vu d’en dessous n’apparaissent pas participer de l’originalité d’un scénario ayant pour thème Paris ses mythes et ses légendes. Il en va de même des scènes représentant une personnalité à son bureau, marchant dans une bibliothèque, allant de l’île Saint Louis vers le quartier Saint-N ou visitant les sous-sols de l’opéra ou encore de l’apparition de citations, qui sont différentes sur le fond, ces ressemblances ressortant de simples coïncidences fortuites, comme celle de l’image d’un puzzle dont il convient de relever, que cette image ressort surtout de la version précédente du scénario de M. X (pièce 13) qui n’est pas celle sur laquelle l’appelant se fonde et dont l’orignalité a été caractérisée, celui-ci ne pouvant arguer d’éléments ressortant d’autres variantes du scénario pour caractériser la contrefaçon de l’oeuvre originale telle que revendiquée.

Il ressort de ce qui précède, que la contrefaçon de l’oeuvre ‘Paris Invisible’ par la série ‘Paris Mystères’ n’est pas établie.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de M. X au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.

— Sur la concurrence déloyale et parasitaire

L’action en concurrence déloyale et parasitaire fondée sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, ne peut prospérer que si sont réunis les éléments suivants, dont il appartient à M. X de rapporter la preuve : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre ces deux éléments.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

M. X fait valoir qu’il a remis, en exécution du contrat conclu le 4 octobre 2011, à la société J K, prise en la personne d’une de ses productrices Mme G Y, plusieurs versions du scénario ‘Paris Invisible’ dont elle a pris connaissance, que cette société a toutefois fait valoir les dispositions de l’article 4.4 du contrat susvisé et en conséquence mis fin unilatéralement à leur relation contractuelle. Il soutient que contrairement aux explications données par Mme Y dans son courriel adressé quelques jours après la rupture du contrat, la société J K n’a jamais renoncé au projet et a usé d’un procédé malhonnête en lui faisant miroiter la promesse de la

réalisation future d’une oeuvre afin de s’approprier le fruit de son labeur et exploiter son univers ce qui a permis à la société J K de produire à moindre coût la série ‘Paris Mystères’.

Néanmoins, il ressort des éléments fournis au débat et des explications des parties que la société J K a mis fin aux relations contractuelles avec M. X, ainsi qu’elle y était autorisée par le contrat les liant, et que M. X a, à la condition de rembourser ou de faire rembourser par le tiers les sommes qui lui ont été versées par la société J K, recouvré la possibilité de céder ses droits sur le scénario à tous tiers de son choix, ce qu’il a tenté de faire sans succès.

La production par la société J K, quelques années plus tard, d’une série sur un thème similaire à celui retenu par le scénario de M. X n’est pas de nature à démontrer une faute de celle-ci, l’idée d’un documentaire sur Paris et ses mystères étant de libre parcours, ce quand bien même celui-ci appartient aux sujets de prédilection de l’appelant. De même, il n’est nullement démontré que la société J K a utilisé le travail de M. X pour la série ‘Paris Mystères’, la circonstance que la personne en charge de la production des deux programmes au sein de la société J K soit la même, est insuffisante à démontrer cet usage ce d’autant que dans le dossier envoyé par M. Z A le 14 avril 2014 lors du premier contact avec la société J K (pièce n° 4 intimée) figurent les éléments dont M. X reproche la reprise, qu’il a été ci-avant démontré que le sujet a été abordé de manière différente dans la série ‘Paris Mystères’, et que les quelques ressemblances existant entre le scénario et M. X et la série ‘Paris Mystères’ sont la conséquence du sujet commun traité.

M .X I donc à démontrer l’existence de manoeuvres déloyales de la société J K visant à tirer profit du travail qu’il a réalisé.

Il sera débouté de l’ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et le jugement déféré confirmé de ce chef.

— Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. X est condamné aux dépens d’appel et à payer à la société J K, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement entrepris,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. M-N X à payer à la société J K L la somme complémentaire de 3.000 euros,

Condamne M. M-N X aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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