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ARRÊT N° /2023
PH
DU 21 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/01242 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E7O6
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DIE
21/00006
25 avril 2022
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A.S. CUNY CONSTRUCTIONS Prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric BLAISE de la SELAFA ACD substitué par Me MARCHAL, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [W] [N]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Comparant assisté de M.[V] [O], défenseur syndical régulièrement muni d’un pouvoir de représentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : WEISSMANN Raphaël
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 25 mai 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 21 Septembre 2023 ;
Le 21 Septembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [W] [N] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à compter du 16 mai 1983, en qualité de menuisier.
Au dernier état de ses fonctions, le salarié occupe le poste de chef d’équipe et est membre du conseil social et économique de la société, outre son mandat de délégué syndical.
Par accord collectif signé le 16 décembre 2010, la mise en place d’un intéressement a été décidée au sein de la société CUNY CONSTRUCTIONS, avec une durée initiale de trois ans, prévoyant une clause de tacite reconduction. En 2013, aucune partie n’ayant demandé la renégociation de l’accord, il a donc été tacitement renouvelé pour une nouvelle durée de trois ans.
A compter de 2014, la société CUNY CONSTRUCTIONS a été rachetée par la société CAPDIS et la société BATICLO, l’exploitant toujours sous la dénomination sociale CUNY CONSTRUCTIONS.
Par courrier du 02 septembre 2016, la société a informé les salariés de sa volonté de renégocier l’accord collectif, les conviant à une réunion fixée le 29 septembre 2016, suite à laquelle un procès-verbal d’échec des négociations a été établi.
Par requête du 15 mars 2021, Monsieur [W] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges, aux fins :
– d’ordonner la communication, sur le fondement de l’article R.1454-14 du code du travail, les résultats de la société afin de déterminer les sommes exactes que les salariés de la société auraient dû percevoir au titre de l’intéressement,
– de condamner, à défaut de production desdits documents, la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] la somme de 1 000,00 euros à titre de prime d’intéressement par année de retard pour les années 2016, 2017, 2018, et 2019,
– de condamner la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] les sommes suivantes :
– 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts par année de retard de versement de la prime d’intéressement au titre des années 2016, 2017, 2018, et 2019,
– 3 750,00 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’accord,
– de condamner la SAS CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] la somme de 700,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 25 avril 2022, lequel a :
– condamné la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] les sommes suivantes :
– 500,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour retard de paiement,
– 700,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS :
– de produire les documents portant sur les années 2016 à 2020 servant de base de calcul de la prime d’intéressement sous le délai d’un mois à compter de la notification de la décision à Monsieur [W] [N], délégué syndical de l’entreprise,
– de verser à Monsieur [W] [N] lesdites primes d’intéressement de 2016 à 2020 suivant le résultat des éléments comptables,
– débouté Monsieur [W] [N] du surplus de ses demandes,
– débouté la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société S.AS. CUNY CONTRUCTIONS aux entiers dépens d’instance et d’exécution éventuelles.
Vu l’appel formé par la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS le 27 mai 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS déposées sur le RPVA le 22 novembre 2022, et celles de Monsieur [W] [N] reçues au greffe de la chambre sociale le 10 janvier 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 25 janvier 2023,
La société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS demande :
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges du 25 avril 2022 en ce qu’il a :
– condamné la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] les sommes suivantes :
– 500,00 euros net au titre de dommages et intérêts pour retard de paiement,
– 700,00 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS de produire les documents portant sur les années 2016 à 2020 servant de base de calcul de la prime d’intéressement sous le délai d’un mois à compter de la notification de la décision à Monsieur [W] [N] délégué syndical de l’entreprise,
– ordonné à la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS de verser à Monsieur [W] [N] lesdites primes d’intéressement de 2016 à 2020 suivant le résultat des éléments comptables,
– débouté la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS de sa demande reconventionnelle,
-condamné la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS aux entiers frais et dépens,
– de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié du 25 avril 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [N] du surplus de ses demandes,
*
Statuant à nouveau :
– d’écarter des débats les pièces adverses n° 15 à 32, et n° 34 à 42,
– de constater l’absence de renouvellement tacite de l’accord au-delà de l’année 2016,
– de constater l’échec de la renégociation de l’accord d’intéressement,
– de dire et juger que l’échec de la renégociation de l’accord d’intéressement a fait obstacle à sa tacite reconduction,
– en conséquence, de débouter Monsieur [W] [N] de sa demande de production des éléments comptables pour 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022,
– de débouter Monsieur [W] [N] de sa demande de versement des primes d’intéressement de 2016 à 2022 suivant le résultat des éléments comptables,
– de débouter Monsieur [W] [N] de toute demande de dommages et intérêts formulée au titre d’un retard de paiement des primes d’intéressement, quel que soit le montant de sa demande et l’issue de la décision de la Cour quant à la reconnaissance de l’échec de la tacite reconduction de l’accord,
– de débouter Monsieur [W] [N] de toute demande de dommages et intérêts formulée au titre d’un non-respect de l’accord d’intéressement signé en 2010,
*
En tout état de cause :
– de débouter Monsieur [W] [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– de condamner Monsieur [W] [N] à verser à la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS :
– la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés lors de la procédure prud’homale,
– la somme de 3 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés à l’occasion de la procédure d’appel,
– de condamner Monsieur [W] [N] aux entiers frais et dépens.
Monsieur [W] [N] demande :
– de constater que la tacite reconduction de l’accord d’intéressement est bien valable,
– de constater que l’accord d’intéressement n’a jamais été dénoncé ou renégocié,
– d’ordonner la communication, sur le fondement de l’article R.1454-14 du code du travail, les résultats de la société afin de déterminer les sommes exactes que les salariés de la société auraient dû percevoir au titre de l’intéressement,
– de condamner, à défaut de production desdits documents, la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] la somme de 1 000,00 euros à titre de prime d’intéressement par année de retard, soit 4 000,00 euros pour les années 2016, 2017, 2018, et 2019,
– de condamner la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à appliquer l’accord d’intéressement pour les années suivantes (2020, 2021 et 2022),
– de condamner la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS à verser à Monsieur [W] [N] les sommes suivantes :
– 3 750,00 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’accord,
– 800,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
– 800,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
– de constater que les sommes ainsi définies seront productives d’intérêts légaux à compter du jugement, conformément à l’article 1153-1 du code civil,
– de condamner la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS aux entiers dépens de l’instance.
Vu l’arrêt avant-dire droit de la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy rendu le 14 avril 2023, lequel a :
– sursis à statuer sur l’ensemble des demandes,
– invité les parties à présenter leurs observations sur les points suivants :
– les écritures de l’intimé déposées le 11 janvier 2023 doivent-elles être considérées comme étant ses dernières écritures au sens de l’alinéa 4 de l’article 954 du code de procédure civile ‘
– les pièces n° 43 à 45 jointes aux écritures du 11 janvier 2023 ont-elles été communiquées à l’appelant avant l’ordonnance de clôture et sont-elles recevables ‘
– renvoyé à l’audience du 25 mai 2023 à 09h30,
– réservé les dépens.
Vu les conclusions additionnelles de Monsieur [W] [N] reçues au greffe de la chambre sociale le 04 mai 2023,
La société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS n’ayant pas déposées de conclusions additionnelles.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de la société S.A.S CUNY CONSTRUCTIONS déposées sur le RPVA le 22 novembre 2022, et de celles de Monsieur [W] [N] reçues au greffe de la chambre sociale le 10 janvier 2023.
La société CUNY CONSTRUCTIONS n’a pas formulé d’observations écrites à la suite de l’arrêt avant-dire droit du 14 avril 2023.
Monsieur [W] [N] ne formule aucune observation écrite sur les questions posées par l’arrêt avant-dire droit.
Sur la recevabilité des conclusions déposées le 11 janvier 2023 par Monsieur [W] [N].
L’alinéa 4 de l’article 954 du code de procédure civile prévoit :
« Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».
L’alinéa 1 de l’article 954 du code de procédure civile prévoit :
« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé ».
La cour constate que postérieurement à ses conclusions du 19 décembre 2021, l’intimé a déposé au greffe le 11 janvier 2023, des écritures intitulées « conclusions – complément de conclusions » auxquelles sont jointes trois pièces numérotées 43, 44 et 45, qui n’apparaissent dans aucun bordereau.
Il y a lieu de considérer que ces conclusions doivent être considérées comme étant les dernières écritures de l’intimé au sens de l’alinéa 4 de l’article 954 du code de procédure civile.
Ces conclusions ne formulant pas expressément les moyens de fait et de droit présentés par Monsieur [W] [N] à l’appui de ses prétentions, elles seront écartées ainsi que les pièces numérotées 43 à 45.
La cour ne statuera en conséquence que sur les conclusions déposées par le salarié le 19 décembre 2021.
Sur la validité de l’accord d’intéressement du 17 décembre 2010 :
Monsieur [W] [N] expose que l’employeur ne lui a pas versé les sommes qui lui étaient dues en application de l’accord d’intéressement du 17 décembre 2010, pour les années 2016 à 2019 (pièce n° 1 de l’intimé).
Il expose que son article 9 prévoit que « La dénonciation unilatérale du présent accord n’est pas possible » et qu’il « pourra être révisé, ou dénoncé, pendant sa période d’application par entente entre les parties au cas où ses modalités de mise en oeuvre n’apparaîtraient plus conformes aux principes ayant servi de base de son élaboration ».
Et que son article 10 prévoit que l’accord est « renouvelé par tacite reconduction si aucune des deux parties ne demande de renégociation dans les 3 mois qui précèdent la date d’échéance de l’accord (‘) ».
Monsieur [W] [N] indique que le personnel a reçu une convocation à une réunion le 29 septembre 2016, ayant pour objet une « demande de renégociation et dénonciation accord d’intéressement » et dont le contenu indique « que la société souhaite renégocier l’accord d’intéressement signé avec les salariés le 10 décembre 2014, en vue de sa dénonciation » (pièce n° 2 de l’intimé) et vise l’article 10 de l’accord.
Il fait valoir que c’est lui, en tant que délégué syndical et signataire de l’accord de 2010, qui aurait dû être invité à renégocier l’accord et que son défaut de convocation constitue un délit d’entrave.
Monsieur [W] [N] fait également valoir que la convocation a été faite à une date « en dehors des 3 mois de l’échéance de l’accord, ne respectant pas l’article 10 » et qu’au cours de la réunion du 29 septembre, l’employeur n’a jamais indiqué vouloir dénoncer l’accord d’intéressement ». Monsieur [W] [N] indique qu’il y a demandé que soit versée la prime d’intéressement pour l’exercice 2015, non encore payée et fait valoir que le personnel a été invité à signer une feuille de présence, ce que la plupart a refusé (pièce n° 8 et 9 de l’intimé).
Monsieur [W] [N] affirme qu’il « n’y a jamais eu de renégociation et de dénonciation et encore moins de procès-verbal de cette réunion » (pièces n° 15 à 32) et fait état des nombreuses pressions que lui et de nombreux autres salariés ont subi de la part de la direction.
L’employeur indique avoir adressé à tous les salariés de l’entreprise un courrier daté du 12 septembre, par lequel il « manifestait sans le moindre doute sa volonté de renégocier l’accord d’intéressement en application de l’article 10 » de l’accord d’intéressement de 2010 (pièces n° 12 et 13 de l’appelante).
Il fait valoir qu’au cours de la réunion du 29 septembre 2016, il a fait part de son intention de renégocier l’accord d’intéressement, compte-tenu des difficultés financières de l’entreprise et que devant l’opposition de Monsieur [W] [N], aucune négociation n’a pu avoir lieu et qu’elle a en conséquence établi un procès-verbal constatant l’échec des négociations, entraînant l’absence de tacite reconduction de l’accord (pièce n° 14 de l’appelante) et donc la cessation de ses effets à compter de la fin de l’année 2015.
L’employeur fait valoir à titre principal qu’il résulte de l’article L. 3312-5 du code du travail en vigueur au moment de la conclusion de l’accord de 2010, que le renouvellement tacite des accords d’intéressement ne pouvait se faire qu’une seule fois et que dès lors, l’accord du 16 décembre 2010, avec une durée initiale de 3 ans n’a pu être tacitement reconduit que jusqu’en 2016.
A titre subsidiaire, il fait valoir que l’échec de la renégociation demandée en 2016, l’accord d’intéressement n’a pas été tacitement reconduit.
Il expose que la circonstance que Monsieur [W] [N] n’ait pas été invité en tant que délégué syndical à renégocier l’accord est sans effet, l’accord de 2010 ayant été conclu par ratification de 2/3 du personnel, en application de l’article L. 3312-5 du code du travail, en vigueur au moment des faits, qui ne fait pas obligation à l’employeur de négocier avec le délégué syndical.
Motivation :
Sur le contenu du courrier de convocation à la réunion du 29 septembre 2019 :
Le courrier a été adressé aux salariés de l’entreprise, ce qui résulte des accusés de réception signés par ces derniers (pièce n° 13 de l’appelante).
Il indique expressément qu’ils sont invités à une réunion le 29 septembre 2019 en application de l’article 10 de l’accord d’intéressement en vigueur et que l’employeur « souhaite renégocier l’accord d’intéressement signé avec les salariés le 19 décembre 2014, en vue de sa dénonciation ».
La circonstance que l’employeur emploie le mot « dénonciation » n’a aucun effet sur la validité de la convocation ; la dénonciation unilatérale de l’accord n’étant pas prévue par l’accord, elle ne peut éventuellement intervenir que par une nouvelle négociation.
Sur le délai de convocation des salariés à la réunion du 29 septembre 2019 :
L’article L 3312-5 du code du travail dispose que si aucune des parties habilitées à négocier ou à ratifier un accord d’intéressement ne demande de renégociation dans les trois mois précédant la date d’échéance de l’accord, ce dernier est renouvelé par tacite reconduction, si l’accord d’origine en prévoit la possibilité.
En l’espèce, l’employeur reconnaît lui-même dans ses conclusions que la réunion de renégociation prévue pour le 29 septembre 2016, aurait dû intervenir dans les 3 mois précédant
l’échéance de l’accord, soit entre le 1er octobre et le 31 décembre 2016.
Cependant, cet article vise à permettre aux salariés ou à leurs représentant d’être convoqués suffisamment à l’avance pour se préparer aux discussions de renégociations ; la circonstance d’avoir bénéficié d’un délai de plus de 3 mois ne leur est donc pas préjudiciable et, de ce fait, ne peut avoir pour effet de rendre illégale la réunion du 29 septembre 2016.
Sur l’absence de convocation de Monsieur [W] [N], es qualité de délégué syndical, pour renégocier l’accord d’intéressement :
L’article L. 3312-5 du code du travail prévoit que les accords d’intéressement peuvent être conclus à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur.
En l’espèce, c’est cette procédure de ratification qui a été utilisée pour la négociation de l’accord initial de 2010. La circonstance qu’il ait été signé par Monsieur [W] [N] «pour les collaborateurs » ne signifie pas qu’il a été conclu entre un représentant syndical et l’employeur, mais simplement, comme précisé dans l’accord lui-même que les salariés lui ont donné mandat de signer l’accord en leur nom.
La cour relève par ailleurs qu’à la date de l’accord, Monsieur [W] [N], n’était pas représentant syndical, mais délégué du personnel suppléant.
Il est à noter que le procès-verbal de cet accord indique que deux questions ont été posées au personnel : la première étant « approuvez-vous l’avenant de l’accord d’intéressement tel qu’il a été affiché en date du 1er décembre 2010 » et la seconde étant « donnés-vous mandat à Monsieur [W] [N], délégué du personnel suppléant de signer en votre nom l’accord d’intéressement ».
Il résulte des courriers adressés aux salariés par l’employeur pour les convier à la réunion du 29 septembre 2016, que ce dernier a eu l’intention d’utiliser la même méthode d’accord par ratification, étant rappelé que l’accord d’intéressement ne peut être dénoncé ou modifié que par l’ensemble des signataires et dans la même forme que sa conclusion.
Sur l’objet de la réunion de négociation du 29 septembre 2019 :
L’employeur produit un « procès-verbal de réunion avec le personnel », lequel mentionne que l’objet de la réunion est la renégociation de l’accord d’intéressement du 16 décembre 2010 et mentionne les noms des personnes présentes et mentionne également « Suite à l’échec de cette renégociation, la tacite reconduction de cet accord d’intéressement n’est pas maintenu ».
Il indique que la circonstance que la majorité des salariés n’a pas signé ce procès-verbal est sans effet sur le constat de l’échec de la demande de renégociation.
Monsieur [W] [N] produit les attestations de plusieurs salariés indiquant que la question de la renégociation de l’accord n’avait pas été abordée (pièces n° 31, 30, 26, 25, 24, 23, 22, 21, 19, 18, 17, 15,14 de l’intimé).
Cependant, monsieur [K] [C], dont l’attestation est également versée par Monsieur [W] [N], indique : « l’ensemble du personnel était convié à une réunion le 29 septembre 2016 (‘) pour débattre de l’accord d’intéressement qu’il est en cours. Monsieur [Y] nous a précisé vouloir mettre fin à cet accord en échange d’un hypothétique autre système de primes, s’en est suivi une discussion entre Monsieur [N] et Monsieur [Y] pour le règlement de l’intéressement dû par la société » (pièce n° 29 de l’intimé).
La teneur de ses propos est confirmée par Madame [L] [B] (pièce n° 28 de l’intimé).
Monsieur [S] [D] fait état de ce que le personnel a été réuni sur la question de la suppression de la prime d’intéressement et précise « la réunion fut assez mouvementée » (pièce n° 16 de l’intimé).
L’employeur produit également plusieurs attestations de salariés indiquant que durant la réunion du 29 septembre la question de la renégociation de la prime d’intéressement avait été posée mais que Monsieur [W] [N] s’était immédiatement opposé, suivi par une majorité de salariés (pièces n° 26, 27, 28, 29, 30, 31).
Les attestations produites par les parties, contradictoires entre elles, ne permettent pas de démontrer que la question de la renégociation de l’accord d’intéressement n’a pas été soumise au salarié, comme indiqué dans la lettre de convocation qui leur a été adressée.
Sur les conséquences de la réunion du 29 septembre 2021 :
L’employeur indique qu’en tout état de cause, qu’en application de l’article L. 3312-5 du code du travail en vigueur à l’époque, le renouvellement tacite de l’accord du 16 décembre 2010 pour trois ans ne pouvait se faire qu’une seule fois et était donc caduc en 2016.
Cependant, cet article prévoyait que « Si aucune des parties habilitées à négocier ou à ratifier un accord d’intéressement dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° ne demande de renégociation dans les trois mois précédant la date d’échéance de l’accord, ce dernier est renouvelé par tacite reconduction, si l’accord d’origine en prévoit la possibilité. »
Il en résulte qu’aucune limitation au renouvellement par tacite reconduction n’était prévue.
La circonstance que l’article tel que modifié en 2022 prévoit explicitement que « Le renouvellement par tacite reconduction peut intervenir plusieurs fois » apparaît comme une clarification et non comme une modification de l’ancienne rédaction.
Cependant, il n’est pas contesté que l’article 10 de l’accord du 16 septembre prévoit :
« Au terme du présent accord, il sera renouvelé par tacite reconduction si aucune des 2 parties ne demande de renégociation dans les 3 mois qui précèdent la date d’échéance de l’accord (‘) ».
Or, il résulte du procès-verbal de réunion avec le personnel du 29 septembre 2016 que l’objet de la réunion qui s’est tenue à cette date était la renégociation de l’accord d’intéressement et que cette renégociation a échoué.
La demande de renégociation interdisant la tacite reconduction, l’échec de cette renégociation implique l’absence d’accord d’intéressement, aucun nouvel accord étant intervenu depuis le 29 septembre 2016.
En conséquence, Monsieur [W] [N] sera débouté de sa demande de rappel de primes d’intéressement pour les années 2016, 2017, 2018, 2019, pour un total de 4000 euros, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.
Sur les demandes de condamner la société CUNY CONSTRUCTIONS (SAS) « à appliquer l’accord d’intéressement pour les années suivantes (2020 et 2021) » et à la condamner à verser la somme de 3750 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l’accord d’intéressement signé en 2010 :
En l’absence d’accord d’intéressement depuis le 29 septembre 2016, Monsieur [W] [N] sera débouté de ces demandes.
Sur la demande d’une « ordonnance d’application sur les résultats officiels de l’entreprise, afin de déterminer les sommes exactes que les salariés auraient dû avoir comme prime d’intéressement :
Compte-tenu de l’absence d’accord d’intéressement en vigueur, elle est sans objet.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.
Monsieur [W] [N] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DECLARE irrecevables les conclusions de Monsieur [W] [N] déposées au greffe de la cour le 11 janvier 2023, ainsi que les pièces n° 43 à 45 les accompagnant ;
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Saint Die des Vosges en ses dispositions soumises à la cour ;
STATUANT A NOUVEAU
Déboute Monsieur [W] [N] de toutes ses demandes.
Condamne Monsieur [W] [N] aux dépens de première instance ;
Y AJOUTANT
Déboute Monsieur [W] [N] et la société CUNY CONSTRUCTIONS (SAS) de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne Monsieur [W] [N] aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en onze pages