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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 16 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/05623 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PTIB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 NOVEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2022F00611
APPELANTES :
S.A.S.U. HVFM immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 900 133 679 représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Alain SCHEUER, avocat au barreau d’AVEYRON
S.A.R.L. LOGISTRI MEDITERRANEE immatriculée au RCS DE PERPIGNAN sous le n° 523 186 989 représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
TECHNOSUD
[Localité 4]
Représentée par Me Alain SCHEUER, avocat au barreau d’AVEYRON
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. MJSA prise en la personne de Me [B] ès qualités de mandataire de la SARL LOGISTRI MEDITERRANEE et de la SASU HVFM désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de PERPIGNAN en date du 13 avril 2022, domiciliée ès qualités au siège social sis
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.E.L.A.R.L. FHB prise en la personne de Me [F] ès qualités d’administrateur judiciaire de la SARL LOGISTRI MEDITERRANEE et de la SASU HVFM désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de PERPIGNAN en date du 13 avril 2022, domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 07 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 FEVRIER 2023, en chambre du conseil, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, désignée selon ordonnance du Premier président de la cour d’appel de Montpellier en date du 14 février 2023, en remplacement de Monsieur Thibault GRAFFIN, conseiller empêché
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
Ministère public :
L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 18 avril 2023 et prorogée au 16 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de président en remplacement de Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre régulièrement empêché, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
La SARL Logistri Méditerranée, qui a été constituée en juillet 2010, exerce une activité de tri, conditionnement et contrôle qualité d’emballages de fruits et légumes pour le compte de négociants au pôle d’activités Saint-Charles à [Localité 4].
Le 18 juillet 2019, [A] [U] a fait l’acquisition de l’intégralité des parts composant le capital social de la SASU HSF, laquelle détenait 50 % du capital social de la société Logistri Méditerranée, pour le prix de 27 200 euros.
Par acte du 26 août 2019, la société HSF a cédé l’intégralité des parts qu’elle détenait dans la société Logistri Méditerranée, soit 50% du capital de cette société, à Mme [U], moyennant un prix total de 3000 euros.
Après avoir fait l’acquisition des 300 parts détenues par la société HSF dans le capital de la société Logistri Méditerranée, Mme [U] a fait apport de ces dernières à la SASU HVFM, apport évalué à la somme de 1 000 000 euros.
Par deux actes en date du 24 juin 2021, la société HVFM, dont Mme [U] est la présidente, a cédé à la société Logistri Méditerranée, représentée par [J] [X], les parts sociales numérotées de 1 à 150 et les parts sociales numérotées 151 à 200, 201 à 250 et 401 à 450, qu’elle détenait dans cette société, moyennant le prix global de 650 000 euros.
Saisi par ses dirigeants, M. [X] et Mme [U], le tribunal de commerce de Perpignan a notamment, par jugement en date du 13 avril 2022: – ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Logistri Méditerranée,
– désigné Mme [H] en qualité de juge-commissaire et M. [L] en qualité de juge-commissaire suppléant,
– nommé la Selarl FHB, prise en la personne de M. [F], en qualité d’administrateur judiciaire, et la Selarl MJSA, prise en la personne de M. [B], en qualité de mandataire judiciaire.
Peu après l’ouverture de la procédure de sauvegarde, la Selarl FHB a établi, le 8 juin 2022, un rapport de diagnostic sommaire faisant notamment état des éléments suivants :
« Enfin, et si la gouvernance de la société Logistri Méditerranée a régulièrement évolué depuis sa création, il convient de relever que par deux actes séparés du 24 juin 2021, la société Logistri Méditerranée a racheté 300 des 600 parts qui forment son propre capital social à la SAS HVFM, représentée par sa présidente, Mme [A] [U] (née [O]).
La vente est intervenue pour le prix global de 650 000 euros, lequel semble avoir été effectivement décaissé le même jour.
Ce type d’opération, qui n’a vraisemblablement pas eu lieu dans le cadre d’une réduction de capital non motivé par des pertes, est en principe interdit par les dispositions de l’article L. 223-24, alinéa 4, du code de commerce.
Le gérant de la SARL Logistri Méditerranée, M. [X], a été invité à s’expliquer ».
Estimant nuls, au visa notamment de l’article L. 223-24, alinéa 4, du code de commerce, les actes de cession de droits sociaux intervenus le 24 juin 2021, la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités ont fait assigner à bref délai, par exploits délivrés les 12 et 13 juillet 2022, la société Logistri Méditerranée et la société HVFM devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement en date du 5 septembre 2022, s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé celui-ci devant le tribunal de commerce de Toulouse ; pour statuer comme il l’a fait, faisant droit à la demande de renvoi fondée sur les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile, le tribunal a retenu que [N] [U], avocat au barreau de Montpellier, est l’ancien gérant de la société Logistri Méditerranée et a été juge consulaire au tribunal de commerce de Perpignan.
Le 19 septembre 2022, la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités ont relevé appel de ce jugement ; cette procédure d’appel, enrôlée sous le n° RG 22/04800, est pendante devant la cour.
Parallèlement, par exploits des 8 et 19 août 2022, la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités ont fait assigner la société Logistri Méditerranée et la société HVFM devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d’obtenir l’extension à la seconde de la procédure de sauvegarde ouverte à l’égard de la première, tenant l’existence de relations financières anormales entre ces deux sociétés, constitutives d’une confusion de leurs patrimoines au sens des dispositions de l’article L. 621-2 du code de commerce.
Par jugement du 2 novembre 2022, le tribunal de commerce :
– s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande relative à l’extension de la procédure de sauvegarde,
– a débouté la société Logistri Méditerranée et la société HVFM de leur demande de jonction de cette instance avec celle relative à l’annulation des cessions de titres et de remboursement de prix,
– a débouté la société Logistri Méditerranée et la société HVFM de leur demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Montpellier sur la compétence du tribunal de commerce de Perpignan dans l’instance relative à l’annulation de cession de titres et de remboursement du prix,
– a constaté que l’achat de ses propres parts par la société Logistri Méditerranée, en date du 24 juin 2021, n’était pas destiné à une réduction de capital non motivée par des pertes, et, qu’ainsi, l’achat de ses propres parts par la société Logistri Méditerranée était interdit,
– a constaté qu’il existait des relations financières anormales constitutives de confusion des patrimoines des sociétés Logistri Méditerranée et HVFM,
– a prononcé l’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM.
La société Logistri Méditerranée et la société HVFM ont relevé appel, le 8 novembre 2022, de ce jugement et ont obtenu, par une ordonnance de référé rendue le 11 janvier 2023 par le délégataire du premier président, l’arrêt de l’exécution provisoire attachée audit jugement.
Elles demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions déposées le 25 janvier 2023 via le RPVA, de :
Vu les décisions rendues par le tribunal de commerce de Perpignan les 5 septembre 2022 et 2 novembre 2022,
Vu l’article L. 622-1 du code de commerce et le jugement rendu le 13 avril 2022 par ce même tribunal,
Vu le défaut de qualité pour agir des organes de la procédure collective dans une procédure de sauvegarde au visa de l’article L. 622-4 du code de commerce,
Vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 12 octobre 2021,
Vu les articles 6 § 1 de la Convention EDH, 7.1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, 47, 75, 339 et 340 du code de procédure civile et L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire,
Vu les articles 31, 32, 74, 118 et 122 du code de procédure civile,
(…)
– annuler le jugement rendu le 2 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Perpignan au visa de l’article 6 § 1 de la Convention EDH et de l’article 4 du code civil et statuant à nouveau,
– infirmer la décision déférée en date du 2 novembre 2022,
– juger connexes et indivisibles les demandes régularisées par assignation en date des 12 et 13 juillet 2022 et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Toulouse conformément au jugement rendu par le tribunal de commerce de Perpignan le 5 septembre 2022,
– débouter en conséquence les Selarl MJSA et FHB de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions qui seront formulées devant la cour d’appel de Montpellier,
– juger que les actes portant cession de parts sociales en date du 24 juin 2021 ne permettent pas d’établir une confusion des patrimoines de la société Logistri Méditerranée et de la société HVFM au visa de l’article L. 223-34, alinéa 4, du code de commerce,
– débouter les Selarl MJSA et FHB ès qualités de leurs demandes totalement frauduleuses d’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM,
– condamner les Selarl MJSA et FHB aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à une amende civile de 10 000 euros par application de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Au soutien de leur appel, elles font valoir pour l’essentiel que :
– le jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 2 novembre 2022 dissimule une série d’actions et d’interventions à connotations pénales, dans le but de favoriser la société Disma International, principal client de la société Logistri Méditerranée, ayant ainsi amené celle-ci à régulariser une plainte auprès du procureur de la République de Perpignan le 4 novembre 2022 visant le président du tribunal de commerce, les organes de la procédure collective et leur avocat,
– pour tenter de contourner les règles de droit applicables, le conseil des mandataires a régularisé, notamment auprès du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier, plusieurs saisines déontologiques mettant en cause [N] [U], avocat à Montpellier, et par ailleurs directeur général de la société HVFM,
– l’exigence d’impartialité résultant de l’article 6 § 1 de la Convention EDH et l’application de l’article 47 du code de procédure civile auquel les règles de compétence territoriale propres aux procédures collectives ne permettent pas de déroger, commandent le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce de Toulouse afin de préserver l’impartialité, l’indépendance et indirectement l’honneur de M. [U] qui, après avoir été le gérant de la société Logistri Méditerranée de septembre 2015 au 18 septembre 2019, est aujourd’hui avocat inscrit au barreau de Montpellier et directeur général de la société HVFM,
– il existe d’ailleurs un lien d’indivisibilité entre la présente procédure et celle visant à l’annulation des deux actes de cession de parts sociales du 24 juin 2021,
– les demandes en nullité de ces deux actes de cession sont irrecevables dès lors que les organes de la procédure collective n’ont pas demandé l’annulation des deux décisions d’assemblée générale extraordinaire de la société Logistri Méditerranée du 24 juin 2021, ayant autorisé les cessions conformément aux statuts et à la loi, et qu’ils sont des tiers à ces actes, ne pouvant se prévaloir que d’une nullité d’ordre public,
– or, l’article L. 223-34, alinéa 4, du code de commerce n’est pas défini par la loi comme étant d’ordre public, en sorte que les mandataires, qui n’ont pas qualité à agir au visa de l’article L. 622-1 du code de commerce et qui ne sont pas parties aux actes de cession, n’apparaissent pas recevables à en solliciter la nullité,
– l’article L. 223-34 alinéa 4, permet à un associé, ayant atteint l’âge de la retraite, de pouvoir se retirer partiellement ou totalement d’une SARL par le biais d’une réduction du capital non motivée par des pertes, ce qui a été le cas en l’espèce puisque Mme [U], associée unique de la société HVFM, est âgée de 77 ans,
– aucun créancier de la société Logistri Méditerranée n’a subi de préjudice puisque le procès-verbal d’assemblée générale du 1er juillet 2021 autorisant la réduction du capital n’a pas été publié, cette publication faisant courir le délai d’opposition d’un mois,
– la valeur d’apport des parts sociales a fait l’objet d’un rapport établi le 10 mai 2021 par le commissaire aux comptes, M. [R], sachant qu’une réduction de capital non précédée d’un rapport d’un commissaire aux comptes n’est pas sanctionnée par la nullité,
– le tribunal ne pouvait considérer que la décision du 1er juillet 2021, non publié, pouvait être le support d’un acte anormal de gestion justifiant l’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM, alors même que les nullités peuvent être couvertes à l’exception de celles fondées sur l’illicéité de l’objet social et que le délai de deux mois prévu par l’article L. 235-4 n’avait pas été respecté,
– il a été communiqué au tribunal des informations fausses, alors notamment que la trésorerie de la société était supérieure à 1 000 000 euros, que l’administration fiscale avait reconnu l’existence de créances pour 1 095 389 euros en matière d’impôt sur les sociétés et de CICE, que son résultat pour l’exercice 2022 était supérieur à 140 000 euros et qu’une nouvelle tarification, en augmentation de 30 %, avait été mise en place avec la société Disma International en décembre 2020 comportant également une suppression des RFA.
La Selarl MJSA et la Selarl FHB, prises respectivement leurs qualités de mandataire et d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée, dont les dernières conclusions ont été déposées le 16 janvier 2023 par le RPVA, sollicitent, au visa des dispositions de l’article R. 661-1 du code de commerce, de voir :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 2 novembre 2022,
– constater que les appelants ne sollicitent pas que la cour les déboute de leur demande d’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Perpignan date du 2 novembre 2022 en ce qu’il a prononcé l’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM,
– débouter les sociétés Logistri Méditerranée et HVFM de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Vu les deux actes de cession de titres de la société Logistri Méditerranée en date du 24 juin 2021 au prix de 650 000 euros,
– dire et juger que seul le tribunal de la procédure collective de la société Logistri Méditerranée est compétent pour statuer sur une demande d’extension conformément aux dispositions de l’article L. 621-2 du code de commerce,
– dire et juger, en outre, que la société Logistri Méditerranée est irrecevable à contester la compétence de la juridiction qu’elle a elle-même saisie,
– dire et juger qu’il existe des relations financières anormales constitutives d’une confusion des patrimoines entre la société Logistri Méditerranée et la société HVFM,
– prononcer l’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée à la société HVFM avec toutes conséquences de droit,
– débouter les sociétés Logistri Méditerranée et HVFM de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Elles soutiennent en substance que :
– il résulte des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile que le dispositif des conclusions de l’appelant doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le fond de la demande ayant été tranchée par le jugement, sans lesquelles la cour ne peut que confirmer celui-ci,
– or, les sociétés Logistri Méditerranée et HVLM n’ont pas saisi la cour d’une prétention tendant au rejet de la demande d’extension de la procédure collective,
– Mme [U], qui avait acquis les titres de la société Logistri Méditerranée le 26 août 2019 au prix de 3000 euros, a cédé ces mêmes titres à la société Logistri Méditerranée au prix de 650 000 euros par deux actes de cession datées du 24 juin 2021 mais ayant fait l’objet de deux procès-verbaux d’assemblée générale du même jour et de deux dépôts au greffe du tribunal de commerce de Perpignan les 30 juin 2021 et 2 juillet 2021,
– la cession des 300 parts sociales émises par la société Logistri Méditerranée au prix cumulé de 650 000 euros contrevient à l’interdiction de l’alinéa 4 de l’article L. 223-34 du code de commerce et doit être regardée comme une relation financière anormale constitutive d’une confusion des patrimoines justifiant ainsi l’extension de la procédure collective de la société Logistri Méditerranée à la société HVLM,
– cette cession est d’ailleurs contraire à l’intérêt social et à l’intérêt collectif des créanciers en réduisant leur gage,
– elle recèle également des distributions de revenus et de dividendes occultes, puisque dans un courrier daté du 29 juillet 2022, adressée à M. [F], Mme [U] a expliqué que le prix de cession correspondait à la rémunération non perçue par la gérante et à des bénéfices non distribués,
– les faits rapportés dans la plainte pénale sont sans lien avec l’objet du litige,
– seul le tribunal de la procédure collective est compétent pour connaître d’une action en extension fondée sur les dispositions de l’article L. 621-2 du code de commerce et la société Logistri Méditerranée, qui a demandé au tribunal de commerce de Perpignan l’ouverture à son bénéfice d’une procédure de sauvegarde, a acquiescé à la compétence judiciaire de ce tribunal,
– devant le tribunal, il n’a pas été fait état de la désignation de M. [U] en qualité de directeur général de la société HVFM par décision de l’associé unique en date du 20 septembre 2022 et les fonctions de directeur général sont incompatibles avec la profession d’avocat qu’exerce l’intéressé, en vertu de l’article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat,
– la demande de renvoi est d’ailleurs irrecevable puisque la nomination de M. [U] en qualité de directeur général de la société HVFM est intervenue antérieurement à l’audience de plaidoiries du 5 octobre 2022 devant le tribunal,
– le prononcé de la nullité des actes de cession est sans influence sur l’action en extension de la procédure collective, les deux actions relevant de fondements juridiques distincts, et il importe peu que l’annulation des assemblées générales extraordinaires du 24 juin 2021 n’ait pas été demandée,
– le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 2021 présente tous les stigmates d’un faux puisqu’il n’a jamais été communiqué aux organes de la procédure collective, que Mme [U] n’en fait pas état dans son courrier du 29 juillet 2022, qu’il n’a jamais été publié au greffe et que la réduction de capital n’a jamais été effectuée,
– le rapport du commissaire aux comptes se prononçant sur l’opération de réduction du capital n’est pas communiqué et la prétendue assemblée générale extraordinaire du 1er juillet 2021 n’est pas de nature à régulariser les cessions, lesquelles ne pouvaient être réalisées qu’après que l’assemblée générale eut décidé de la réduction du capital,
– le prétendu projet de réduction du capital était, en outre, impossible puisque le prix de cession a été fixé à 650 000 euros, tandis que le montant des capitaux propres de la société Logistri Méditerranée s’élevait, au 31 décembre 2020, à 637 378 euros.
Le dossier de l’affaire a été communiqué au ministère public qui a émis un avis consistant à s’en rapporter.
Instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.
MOTIFS de la DÉCISION :
Pour solliciter l’annulation ou l’infirmation du jugement qui s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande d’extension de la procédure de sauvegarde et a donc rejeté la demande de renvoi devant le tribunal de commerce de Toulouse, la société Logistri Méditerranée et la société HVFM, se fondant notamment sur l’article 6 § 1 de la Convention EDH, les articles 47, 339 et 340 du code de procédure civile et l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire, excipent d’un manque plausible d’impartialité (sic) de certains juges du tribunal de commerce de Perpignan, dont son président (M. [L]), en raison de relations d’affaires passées ou présentes avec le groupe Disma international et du fait que M. [U], avocat inscrit au barreau de Montpellier, est le directeur général de la société HVFM.
L’article L. 621-2 du code de commerce dispose que le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent pour statuer sur une demande d’extension à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ; une telle disposition ne peut cependant avoir pour objet ou pour effet de déroger à l’application des règles applicables à une demande de renvoi fondée sur l’article 47 du code de procédure civile ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ou d’impartialité de la juridiction saisie de l’affaire.
De même, si l’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée l’a été à l’initiative des dirigeants de cette société, ayant saisi le tribunal de commerce de Perpignan à cette fin, il ne peut être considéré que la société Logistri Méditerranée est désormais irrecevable à dénier la compétence de la juridiction qu’elle a elle-même saisie et à solliciter le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction en raison de circonstances ou de faits apparus ou découverts postérieurement au jugement du 13 avril 2022 ouvrant la procédure de sauvegarde.
Les sociétés appelantes font état d’une plainte, qu’elles ont déposée entre les mains du procureur de la république près le tribunal judiciaire de Perpignan le 4 novembre 2022, visant notamment, pour des faits de prise illégale d’intérêts, M. [L], président du tribunal de commerce de Perpignan, désigné comme juge-commissaire suppléant dans le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde du 13 avril 2022 et ancien commissaire aux comptes de la société Disma international, société du groupe Azura, principal client de la société Logistri Méditerranée ; cette plainte évoque en particulier un jugement favorable à la société Disma international prononcé le 10 avril 2018 par le tribunal de commerce de Perpignan présidé par M. [L], suspecté de vouloir « favoriser » cette société au détriment de la société Logistri Méditerranée, ainsi que l’ordonnance rendue le 13 juillet 2022, toujours par M. [L], autorisant la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités à les assigner à bref délai devant le tribunal en vue de l’annulation des actes de cession des parts sociales du 24 juin 2021 ; elle incrimine également les organes de la procédure de sauvegarde et leur avocat pour des faits constitutifs du délit d’escroquerie au jugement.
Pour autant, ainsi que le relève à juste titre la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités, la société Logistri Méditerranée et la société HVFM n’ont pas présenté une requête tendant à la récusation des juges consulaires appelés à statuer sur la demande d’extension de la procédure de sauvegarde ou au renvoi de l’affaire devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ou d’impartialité conformément aux articles 341 et suivants du code de procédure civile, requête qui aurait dû être portée devant le premier président de la cour d’appel.
En outre, le tribunal composé de M. [D], président, et de MM. [Y] et [G], juges, a justement relevé que M. [L], actuel président du tribunal de commerce de Perpignan, avait été commissaire aux comptes de la société Disma jusqu’en 2009, date de cessation de ses activités de commissaire aux comptes, et que la société Logistri Méditerranée avait été créée postérieurement, en 2010, ce qui excluait toute interférence de sa part dans les relations commerciales entretenues depuis par les deux sociétés ; en se bornant à autoriser la délivrance d’une assignation à bref délai dans le cadre d’un litige distinct portant sur l’annulation des actes de cession, l’intéressé n’a pas porté d’appréciation sur le bien-fondé de l’action engagée devant le tribunal et n’a d’ailleurs pas siégé à l’audience du tribunal de commerce appelé à statuer sur la procédure d’extension ayant abouti au jugement du 2 novembre 2022.
Rien ne permet donc d’affirmer que le tribunal, notamment dans sa composition lors des débats à l’audience du 5 octobre 2022, n’a pas offert des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité à raison de faits susceptibles de rendre compte d’un éventuel parti pris contre la société Logistri Méditerranée conduisant à favoriser une autre société avec laquelle elle était en relation d’affaires, au point de discréditer le tribunal dans son ensemble et de justifier le renvoi de l’affaire a une autre juridiction.
Il résulte, par ailleurs, de l’article 47 du code de procédure civile que si une demande de renvoi peut être formée à tous les stades de la procédure et notamment en cause d’appel, elle doit cependant à peine d’irrecevabilité, être présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi ; en l’occurrence, M. [U], avocat au barreau de Montpellier, a été nommé directeur général de la société HVFM suivant procès-verbal des décisions de l’associé unique du 20 septembre 2022, mais n’a pas fait état de cet élément lors de l’audience du tribunal du 5 octobre 2022 en vue du renvoi de l’affaire devant une juridiction limitrophe, alors qu’il avait nécessairement connaissance à cette date de la cause de renvoi qu’il invoque aujourd’hui devant la cour ; sa demande de renvoi ne peut dès lors qu’être déclarée irrecevable, sachant que ni ses fonctions d’ancien juge consulaire, de janvier 2020 à juin 2021, ni sa qualité d’ancien gérant de la société Logistri Méditerranée, de septembre 2015 à septembre 2019, ne peuvent justifier l’application des dispositions de l’article 47 susvisé.
Il existe un lien entre la procédure en annulation des actes de cession du 24 juin 2021, renvoyée devant le tribunal de commerce de Toulouse en vertu du jugement du 5 septembre 2022, et la procédure visant à l’extension à la société HVFM de la procédure de sauvegarde ouverte à l’égard de la société Logistri Méditerranée ayant abouti au jugement du 2 novembre 2022 frappé d’appel ; en effet, les parties aux deux procès sont les mêmes et le rachat par la société Logistri Méditerranée, en vertu des actes de cession litigieux, de 300 parts sociales détenues par la société HVFM, pour un montant cumulé de 650 000 euros, est considéré par les organes de la procédure collective comme une relation financière anormale constitutive d’une confusion des patrimoines, justifiant leur demande d’extension sur le fondement de l’article L. 621-2 du code de commerce ; cependant, s’il existe un lien entre les deux procédures, rien ne justifie qu’elles soient jugées ensemble en raison de leur indivisibilité, alors qu’elles reposent sur des fondements juridiques distincts et que l’une relève de la juridiction commerciale de droit commun, l’autre du tribunal de la procédure collective conformément à l’article R. 662-3 du code de commerce soumis à des règles de procédure différentes (rapport du juge-commissaire, publicité des débats, notification du jugement, délai d’appel…); en outre, force est de constater que la demande de sursis à statuer, pourtant formalisée en première instance par la société Logistri Méditerranée et la société HVFM, n’a pas été maintenue en cause d’appel.
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : « L’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ; l’article 954 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, énonce : «Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ses prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion (‘) ».
Enfin, l’article 910-4 du même code dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2, et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.
Il résulte de la combinaison de ces textes que la partie qui entend voir infirmer le chef d’un jugement l’ayant déboutée d’une contestation et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses premières conclusions d’appel, la cour n’ayant vocation qu’à statuer sur les prétentions énoncées au dispositif ; la demande d’infirmation d’un jugement ne suffit pas, en effet, à émettre une prétention sur le fond de la demande ayant été tranchée par le jugement critiqué, la prétention s’analysant en la finalité que la partie recherche en soulevant une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un moyen de fond.
En l’occurrence, dans les conclusions, qu’elles ont déposées le 14 décembre 2022 via le RPVA, dans le délai d’un mois suivant l’avis de fixation de l’affaire à bref délai reçu le 15 novembre 2022, la société Logistri Méditerranée et la société HVFM se sont bornées à demander à la cour, dans le dispositif de ces conclusions, de débouter les sociétés MJSA et FHB de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions qui seront formulées devant la cour d’appel de Montpellier et de juger que les actes portant cession de parts sociales en date du 24 juin 2021 ne permettent pas d’établir une confusion des patrimoines (‘) au visa de l’article L. 223-34, alinéa 4, du code de commerce ; l’énonciation contenue dans le dispositif des conclusions du 14 décembre 2022 selon laquelle les actes de cession du 24 juin 2021 ne permettent pas de caractériser une confusion de patrimoines de la société Logistri Méditerranée et de la société HVLM, ne constitue qu’un moyen de défense au fond qui ne pouvait conduire qu’à la formulation d’une demande de rejet de la demande d’extension de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée, laquelle ne se trouve donc pas explicitement formulée dans le dispositif, les sociétés appelantes n’ayant sollicité que le rejet des demandes qui seront formulées devant la cour d’appel par la Selarl FHB et la Selarl MJSA ès qualités ; il ne peut d’ailleurs être admis qu’une demande d’infirmation du jugement contient implicitement, de la part des sociétés appelantes, une prétention tendant au rejet de la demande adverse.
La cour, qui n’a pas été saisie d’une prétention tendant au rejet de la demande d’extension à la société HVFM de la procédure de sauvegarde de la société Logistri Méditerranée, faute pour celle-ci de figurer dans le dispositif des conclusions d’appel déposées dans le délai de l’article 910-4, ne peut en conséquence que confirmer le jugement ayant prononcé l’extension de la procédure de sauvegarde.
Les dépens d’appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, après débats en chambre du conseil,
Déclare irrecevable la demande de renvoi fondée sur l’article 47 du code de procédure civile, présentée en cause d’appel,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan date du 2 novembre 2022,
Dit que les dépens d’appel doivent être employés en frais privilégiés de procédure collective,
le greffier, la conseillère faisant fonction de président,