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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 8
ARRÊT DU 14 JUIN 2023
(n° 2023/ 99 , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/20029 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JVY
Décision déférée à la Cour :
Sur renvoi après cassation, selon arrêt du 14 juin 2018, rendu par la 2ème chambre civile de la cour de cassation (pourvoi n°F 17-230.474) qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 9 mars 2017 (RG 14/09164) par la cour d’appel de PARIS (Pôle 2- chambre 2) sur appel d’un jugement rendu le 20 mars 2014 par le tribunal et renvoyé les parties devant la cour d’appel de PARIS autrement composée.
APPELANT
Monsieur [X] [C]
[Adresse 4]
[Localité 14]
[Adresse 2]
Né le 21 juillet 1952 à [Localité 19]
De nationalité française, retraité
Représenté par Me Virginie LANGLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0207 substituée à l’audience par Me Frédéric GERVAIS, avocat au barreau de Paris, toque E 2137
INTIMÉE
[16] HUMANIS AGIRC ARRCO (venant aux droits de [17] RETRAITE ARRCO),
[Adresse 3]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : [N° SIREN/SIRET 6]
Représentée et assistée de Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [J] [S], dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [X] [C], né le 21 juillet 1952, a travaillé en qualité de tourneur ajusteur pour différentes sociétés au cours de la période du 1er juin 1969 au 31 juillet 2012 ainsi qu’il suit :
– la société [13] du 1er juin 1969 au 30 juin 1973,
– la société [13] du 1er juillet 1973 au 31 décembre 1988,
– la société [21] du 1er février 1988 au 18 août 1991,
– la société [8] du 19 août 1991 au 31 décembre 1994,
– la société [10] du 1er décembre 1994 au 24 novembre 1995,
– la société [18] du 6 novembre 1995 au 1er mai 1996,
– la société [11] du 2 mai 1996 au 25 décembre 2002,
– la société [22] du 6 novembre 2000 au 31 juillet 2007.
Du 1er août 2007 au 31 juillet 2012, M. [C] a relevé du dispositif des travailleurs de l’amiante au titre duquel il a bénéficié d’une allocation de cessation anticipée d’activité des
travailleurs de l’amiante, versée par la Caisse régionale d’assurance maladie du Sud Est. (CARSAT).
Dans le cadre de ses nombreux contrats de travail, il a cotisé à différentes caisses de retraite complémentaire du régime ARRCO et, parfois, du régime AGIRC.
L’institution [16] MEDERIC RETRAITE ARRCO (ci-après dénommée l’institution [16]) a été l’institution liquidatrice de ses droits à retraite complémentaire.
En prévision du déclenchement de ses droits à la retraite au 1er août 2012, soit après son 60ème anniversaire, cette institution lui a fait parvenir un relevé de ses points de retraite. Ce relevé mentionnant l’année 1973 comme première année travaillée, M. [C] a fait part à l’institution de son étonnement quant à l’absence de mention dans ce relevé de ces trois premières années travaillées, soit 1969 à 1973, ayant entraîné l’absence de prise de points de retraite afférents à cette période. Cette omission s’expliquait par le fait que pour la période antérieure au 1er juillet 1973, le régime de retraite complémentaire n’était pas obligatoire pour les personnes âgées de moins de 21 ans, de sorte qu’aucun point de retraite ne lui avait été attribué. Suite à la réception des documents sollicités afférents à ses trois premières années travaillées, l’institution a fait parvenir à M. [C] un nouveau relevé, édité le 15 avril 2010, faisant mention de la période du 1er juin 1969 au 30 juin 1973 et d’un nombre de points de retraite à hauteur de 1.046,66 points pour cette même période.
M. [C] a pris sa retraite le 1er août 2012 et l’institution [16] lui a alors adressé, le 22 août 2012, un relevé de points pour toute la période durant laquelle il a travaillé.
Ayant constaté lors de la liquidation qu’elle avait commis une erreur dans l’application du taux de cotisation ayant servi au calcul des points de retraite de M [C] pour la période du 1er juin 1969 au 30 juin 1973, elle a rectifié sur ce dernier relevé le nombre de points attribués pour cette période.
Estimant alors que ce calcul était erroné et que d’autres erreurs avaient été commises par l’institution [16], M. [C] a saisi le tribunal d’instance du 9ème arrondissement de PARIS pour contester le nombre de points retenu réclamant la somme de 3.130 euros au titre d’un rappel de retraite, outre une somme de 717,60 euros au titre de frais.
Par jugement en date du 20 mars 2014, le tribunal d’instance a considéré que M. [C] ne rapportait pas la preuve que la retraite qu’il percevait était fondée sur des calculs irréguliers et l’a débouté de toutes ses demandes.
Le 25 avril 2014, M. [C] a interjeté appel de cette décision et a sollicité que soit ordonnée une expertise.
Par un arrêt avant dire droit du 2 janvier 2016, la cour d’appel de Paris a « ordonné la production par l’institution [16] des justificatifs établissant les taux de cotisations appliqués à chaque entreprise pour le calcul des points de retraite de M. [C] en explicitant les valeurs de référence retenues». Elle a également ordonné la production par M. [C] des « copies intégrales et lisibles des bulletins de salaire déjà produits». La cour a enfin demandé à l’institution [16] « de justifier de l’envoi d’un nouveau décompte prenant acte de la prise en compte de la majoration de 5 % pour enfant handicapé ».
Par arrêt du 9 mars 2017, la cour d’appel de PARIS, après avoir constaté que les documents sollicités avaient été communiqués par l’ensemble des parties, a confirmé le jugement et débouté M. [C] de l’ensemble de ses demandes, relevant que l’institution [16] justifiait des informations du relevé de carrière de ce retraité.
M. [C] a formé un pourvoi en cassation.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 14 juin 2018, cassé et annulé l’arrêt en toutes ses dispositions et a remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de PARIS, autrement composée. Elle a également condamné l’institution de retraite complémentaire [16] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans son arrêt, la Cour de cassation a notamment considéré que M. [C] étant bénéficiaire de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, les cotisations afférentes à sa retraite complémentaire devaient, pendant la durée de service de ces allocations, être versées par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).
Par déclaration du 10 août 2018, M. [C] a saisi la cour d’appel de renvoi de PARIS autrement composée afin qu’il soit ordonné à l’institution [16] de procéder à une revalorisation de ses droits à retraite complémentaire, au regard du nombre de points qu’il a réellement acquis au titre de sa carrière professionnelle allant du 1er juin 1969 au 1er juillet 2012 et qu’elle en justifie.
Par arrêt du 14 mai 2019, la cour d’appel de PARIS autrement composée, a :
Avant dire droit réservé toutes les demandes des parties :
– ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder :
M. [O] [F],
[Adresse 15]
[Localité 7],
Tél [XXXXXXXX01], [Courriel 12]
avec pour mission, les parties préalablement convoquées, de :
– se faire remettre tous documents et pièces utiles;
– fournir à la cour tous les éléments techniques permettant de servir de base au calcul de la retraite complémentaire de M. [C] au cours de la période allant du 1er juin 1969 au 31 juillet 2012 et notamment au regard des éléments suivants :
– assiette des cotisations, taux des cotisations, calcul des points de retraite ,
– prendre en compte le fait que M. [C] étant bénéficiaire de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, les cotisations afférentes à sa retraite complémentaire devaient pendant la durée du service de cette allocation être versées par le Fonds,
– dresser à cette fin un tableau reprenant pour chaque année les indications concernant les périodes visées, les entreprises, les caisses, le taux salarial, le taux patronal, le total appelé, le taux contractuel, le salaire brut, le salaire de référence et le nombre de points,
– donner un avis sur le calcul et le montant de cette retraite complémentaire et de ses déterminants (assiette des cotisations, taux des cotisations, calcul des points de retraite déterminants),
– dit que, pour exécuter la mission, l’expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;
– enjoint aux parties de remettre à l’expert :
* pour l’appelant, immédiatement toutes pièces utiles à l’accomplissement de la mission, en particulier les bulletins de salaire, pièces comptables, dispositions législatives, réglementaires et contractuelles, notes et attestations concernant sa carrière et les cotisations de retraite complémentaire,
* pour l’intimé aussitôt que possible, et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, observations indispensables au bon déroulement des opérations, à l’exclusion des documents protégés par le secret professionnel, sauf à établir leur origine et à obtenir l’accord de la personne concernée,
– dit qu’à défaut d’obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l’expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l’état ;
– que toutefois il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de l’appelant ou de tiers, toutes pièces en relation avec sa mission qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire ;
– dit que l’expert s’assurera, à chaque réunion d’expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction, que les tableaux pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d’expertise ; que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d’un bordereau récapitulatif ;
– dit que l’expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple ;
– dit que l’expert pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes susceptibles de l’éclairer et prendre des renseignements auprès de tout sachant ;
– dit que l’expert devra :
– en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise et l’actualiser ensuite dans le meilleur délai,
.1) en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées,
.2) en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport ,
– adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu’il actualisera s’il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires,
– adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception (par exemple : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), dont il s’expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations
des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d’un délai de 4 à 5semaines à compter de la transmission du rapport, rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu’il fixe,
– dit que l’expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :
– la liste exhaustive des pièces par lui consultées,
– le nom des personnes convoquées aux opérations d’expertise en précisant pour chacune d’elle, la date d’envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,
– le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise,
– la date de chacune des réunions tenues,
– les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties,
– le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que le document qu’il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport),
– que l’expert déposera un rapport définitif en double exemplaire au greffe de la chambre civile 2-5 de la cour d’appel de PARIS tandis qu’il en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, avant le 1er décembre 2019, sauf prorogation expresse,
– fixé à la somme de 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par M. [C] à la régie d’avances et de recettes de la cour d’appel avant le 2 juillet 2019;
– dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet;
– désigné tout magistrat de la chambre civile 2-5 comme chargé de contrôler les opérations d’expertise;
– renvoyé l’affaire à la mise en état du lundi 2 septembre 2019 à 13h, pour contrôle du dépôt de la consignation ordonnée;
– sursis à statuer au fond;
– dit n’y avoir lieu en l’état à statuer sur les demandes au titre des frais irrépétibles et dit que les dépens suivront le sort de l’instance principale.
Le 25 janvier 2022, M. [O] [F], expert-comptable et commissaire aux comptes, a déposé son rapport d’expertise.
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, l’appelant, demande à la cour au visa de l’accord national interprofessionnel du 8 décembre 1961, du décret du 29 mars 1999, notamment ses articles 5 et 6, de la loi du 23 décembre 1998 (loi n°98-l 194), notamment son article 41-IV, de la réponse ministérielle du 24 juillet 2012, de l’article 1231-1 du code civil, de l’article 700 du code de procédure civile, des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de:
– déclarer M. [X] [C] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
A titre principal :
– prononcer la nullité du rapport communiqué le 28 janvier 2022 par M. [O] [F] ;
A titre subsidiaire :
– ordonner à l’institution [16] de recalculer les droits à retraite complémentaire de M. [C] au regard de l’intégralité de ses périodes d’emploi, de chômage, de maladie et de tout autre événement ouvrant droit à des points de retraite complémentaire, sur l’ensemble de sa carrière, soit du 1er juin 1969 à 31 juillet 2012, et ce en particulier du 1er juin 1969 au 31 juillet 2007;
– ordonner à l’institution [16] de produire tout élément permettant de justifier du bien-fondé et du bon calcul de cette réévaluation, en produisant tout élément permettant d’apprécier, au titre de chaque période d’emploi, c’est-à-dire de chaque exercice, le nombre de points acquis par M. [C] au titre de ses droits à retraite complémentaire, le montant du salaire retenu pour le calcul desdits droits, en ordonnant que ledit salaire retenu corresponde au salaire brut perçu par ce dernier, les taux de cotisation appliqués, en ordonnant que soient indiqués le taux de cotisation salariale et le taux de cotisation patronale, la valeur des points et le salaire de référence ;
– ordonner à l’institution [16] de procéder à la réévaluation des droits à retraite complémentaire de M. [C] sur la base des tableaux produits par celui-ci sur la période du 1er juin 1969 à 31 juillet 2007, en y ajoutant les droits à retraite complémentaire acquis par celui-ci sur la période du 1er juillet 2007 au 31 juillet 2012 au titre du régime des travailleurs de l’amiante ;
– ordonner à l’institution [16] de procéder à la régularisation rétroactive de la majoration familiale à février 2016 en faveur de M. [C] ;
En tout état de cause :
– condamner l’institution [16] à payer à M. [C] la somme de 15.000 euros au titre du manquement à son obligation résultant de l’article 1231-1 du code civil et en réparation du préjudice subi par ce dernier à ce titre ;
– condamner l’institution [16] à payer à M. [C] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner l’institution [16] aux entiers dépens.
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 5 décembre 2022, l’intimée demande à la cour, de :
– débouter M. [C] de sa demande principale visant à l’annulation du rapport d’expertise du 28 janvier 2022 ;
– débouter M. [C] de ses demandes subsidiaires, mal fondées ;
– CONFIRMER en conséquence en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d’instance du 9ème arrondissement de Paris du 20 mars 2014 ;
– condamner M. [C] au paiement de la somme de 7.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est précisé que l’institution [17] RETRAITE ARRCO qui a été assignée par M. [C] devant le tribunal d’instance du 9ème arrondissement de Paris le 10 juin 2013 est désormais (c’est-à-dire depuis le 1er janvier 2020 suite à la fusion des groupes [16] MEDERIC et HUMANIS et également de la fusion des régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO) dénommée [17] AGIRC ARRCO, institution régie par les dispositions des articles L.931-1 et suivants du code de la Sécurité sociale, inscrite au répertoire SIRENE sous le n°877 849 265. (ci-après dénommée institution [16]).
Sur la régularité de la saisine de la cour d’appel de renvoi autrement composée
Sur demande d’explications de la cour, le conseil de M. [C] a adressé un message notifié par voie électronique, contradictoirement communiqué à son confrère, expliquant que s’agisssant de la régularité de la saisine de la cour d’appel de renvoi, c’est la déclaration d’appel du 25 avril 2014 visant l’infirmation du jugement du tribunal d’instance du 20 mars 2014 qui doit être prise en compte. Le conseil de l’institution [16] n’a pas fait d’observations sur ce point.
L’article 954 du code de procédure civile dispose que :
‘ Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961; Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation’.
Cet article est issu de la rédaction du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 qui a modifié la procédure d’appel et est entré en vigueur le 1er septembre 2017. Les dispositions de l’article 34 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, c’est à dire, le nouvel article 954 du code de procédure civile, s’appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017.
La cour approuve le conseil de M. [C] en ce qu’il considère à juste titre que ces dispositions ne s’appliquent pas à la présente instance dans la mesure où la déclaration d’appel est antérieure audit décret et à son entrée en vigueur, que c’est la déclaration d’appel du 25 avril 2014 de M. [C] qui a bien saisi la cour aux fins d’infirmation du jugement et que son appel est en conséquence recevable en dépit du fait que la déclaration de saisine du 10 août 2018 ne sollicite pas l’infirmation du jugement. La saisine est donc régulière.
Sur le fond
M. [C] considère que l’expert a failli dans l’accomplissement de sa mission, tant sur la forme que sur le fond, ce que l’institution [16] conteste formellement.
Sur la demande de nullité du rapport déposé le 28 janvier 2022 par M. [O] [F]
A titre principal, M. [C] sollicite la nullité du rapport d’expertise déposé par M. [O] [F]. Il fait essentiellement valoir que l’expert a commis des manquements graves dans la tenue de sa mission ; que son attitude a été déloyale et qu’il a violé le principe du contradictoire; que notamment il a refusé d’organiser une nouvelle réunion de synthèse avant le dépôt de son rapport afin de s’assurer d’une parfaite compréhension de certains points essentiels ; que de ce fait, il n’a pas obtenu toutes les explications nécessaires de sa part et n’a pas compris le dossier.
La société MALAKOF s’oppose à la demande de nullité du rapport. Elle considère que l’expert a effectué sa mission dans les règles de l’art et dans le respect du principe du contradictoire ; que le seul fait que l’appelant est insatisfait du résultat n’est pas suffisant pour remettre en cause le rapport d’expertise en tant que tel et en obtenir la nullité.
Sur ce,
M. [C] reproche essentiellement à l’expert de ne pas avoir fait droit à sa demande du 16 novembre 2021 visant à obtenir un (nouveau) délai supplémentaire, et ce, pour répondre à la note de synthèse du 18 octobre 2021 de cet expert ainsi qu’à sa demande d’organiser une nouvelle réunion d’expertise.
Vu les dispositions des articles 263 à 284 du code de procédure civile qui permetttent au juge de confier à un expert de son choix le soin de rechercher des faits ou de donner un avis technique.
Le principe du contradictoire doit être respecté dans le cadre des opérations d’expertise. L’expert judiciaire doit notamment convoquer les parties à chaque réunion et leur communiquer contradictoirement les pièces qu’il détient.
En l’espèce, le 25 janvier 2022, soit près de trois ans après sa désignation, une réunion d’expertise et de très nombreux échanges entre les parties et dires adressés à l’expert, celui-ci a rendu un rapport, particulièrement exhaustif, de 210 pages. Au terme de ses travaux, recherches et investigations, l’expert a retenu un écart de 88,2 points retraite ARRCO au bénéfice de M. [C].
En l’occurrence, la cour constate que le principe du contradictoire a été parfaitement respecté dans le cadre de l’expertise qu’elle a ordonnée dans son arrêt du 14 mai 2019.
M. [C] n’allègue pas qu’il n’aurait pas été convoqué à une réunion d’expertise, ni que les dires et pièces de l’institution [16], notes, note de synthèse et rapport de l’expert ne lui auraient pas été communiqués.
Le refus d’organisation d’une nouvelle réunion d’expertise ou d’accorder à une partie un délai de réponse supplémentaire à celui initialement fixé ne constituent pas en soi un cas de violation du principe du contradictoire, d’autant que l’expertise avait déjà duré 2 ans et demi et que M. [C] n’avait pas soulevé, tout au long de la procédure d’expertise jusqu’au 16 novembre 2021, la moindre difficulté concernant les délais qui lui étaient impartis pour réagir aux dires de l’intimée et/ou aux demandes de l’expert.
Il apparaît qu’au cours de la période du 14 mai 2019 (date de début de l’expertise) à novembre 2021, les parties ont produit 33 dires, dont 22 pour M. [C].
L’expertise menée par M. [F] et les délais de communication impartis par ce dernier aux parties sont parfaitement conformes à la mission confiée aux termes de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris du 14 mai 2019.
Il convient également d’observer que :
– une demande de délai supplémentaire de 4 mois avait déjà été sollicitée par le conseil de M. [C] à M. [F] par courriel du 16 juin 2020, suite à son changement d’avocat (annexe A-9 du volume 2 du rapport d’expertise) et M. [F] avait fait droit à une telle demande ;
– M. [F] avait également déjà sollicité auprès de la cour un délai complémentaire pour diligenter sa mission d’expertise, par courrier du 16 août 2021 ; dans une ordonnance de prorogation de délai de dépôt du rapport d’expertise du 21 septembre 2021, la cour avait fait droit à sa demande et accordé un délai à M. [F] pour qu’il dépose son rapport jusqu’au 31 janvier 2022.
L’expert a répondu régulièrement et contradictoirement à tous les dires de M. [C].
Ensuite, dans son rapport définitif, il a répondu aux dires reçus en réponse à sa note de synthèse du 18 octobre 2021 dans le corps de son rapport et notamment celui de M. [C] du 16 novembre 2021 (cf. pages 19, 27, 35 à 38, 48, 60, 63 à 69, 76, 83, 98, 99, 120, 141, 150, 170, 186 à 188, 191 et 192 du rapport d’expertise) lequel reprenait d’ailleurs en grande partie les prétentions déjà avancées dans ses précédents dires.
L’expert a pu légitimement considérer que les parties étaient suffisamment éclairées sur les arguments échangés par l’une et l’autre au cours de la procédure d’expertise à la date du 16 novembre 2021, qu’il disposait de tous les éléments nécessaires pour accomplir sa mission, et que l’expertise avait suffisamment duré, étant rappelé que la procédure judiciaire engagée par M [C] avait débuté en 2013.
M. [C] ne peut donc pas sérieusement considérer qu’il n’aurait pas bénéficié d’un délai suffisant pour faire connaître ses arguments et répondre à ceux de son adversaire et que l’expert ‘n’a de ce fait rien compris au dossier’.
La cour ne fera pas droit à la demande de nullité du rapport d’expertise formée par M. [C] qui sera débouté de cette demande.
Sur le bien fondé des demandes de M. [C]
La Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé par M. [X] [C] contre l’arrêt rendu le 9 mars 2017 par la cour d’appel de Paris dans le litige l’opposant à l’institution [16], a ainsi statué :
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l’article 41, IV, de la loi n 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction alors applicable, ensemble les articles 5 et 6 du décret n° 99-247 du 29 mars 1999 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le Fonds des travailleurs de l’amiante (le Fonds) assure, pendant la durée du versement de l’allocation de cessation anticipée d’activité, le versement de l’ensemble des cotisations aux régimes de retraite complémentaire mentionnés à l’article L. 921-1 du même code ; que suivant le second, la caisse régionale d’assurance maladie calcule les cotisations ou contributions dues aux régimes de retraite complémentaire sur la base des taux ou contributions minimales obligatoires et d’une assiette mensuelle égale à la moyenne des rémunérations des douze derniers mois d’activité salariée, revalorisée dans les conditions fixées par l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que M. [C], né le 21 juillet 1952, a travaillé en qualité de tourneur ajusteur pour différentes sociétés entre le 1 juin 1969 et le 31 juillet 2007; qu’à compter du 1 août 2007, il a bénéficié de l’allocation de cessation anticipée er d’activité des travailleurs de l’amiante ; qu’ayant fait valoir ses droits à la retraite le 1 août 2012, l’institution de retraite complémentaire [17] retraite Arrco (l’institution [16] Médéric), à laquelle il était affilié, lui a notifié le relevé de ses points de retraite complémentaire ainsi que le montant de sa pension ; que contestant le calcul de l’institution [17], M. [C] l’a assignée afin d’obtenir la réévaluation de ses droits et le paiement de la somme de 3 130 euros au titre d’un rappel de retraite ;
Attendu que pour le débouter de ses demandes, l’arrêt retient que l’institution [17] indique qu’aucun bulletin de paie n’a été produit pour la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 ; qu’il ressort des explications de M. [C] que pour cette dernière période, il a perçu de la [9] une allocation des travailleurs de l’amiante jusqu’à sa retraite ; qu’il ne justifie pas cependant avoir cotisé au titre de sa retraite complémentaire pour cette période;
Qu’en statuant ainsi, alors que M. [C] étant bénéficiaire de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante, les cotisations afférentes à sa retraite complémentaire devaient, pendant la durée du service de cette allocation, être versées par le Fonds, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de PARIS, autrement composée ;
Condamne l’institution de retraite complémentaire [16] Médéric retraite Arrco aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’institution de retraite complémentaire [17] retraite Arrco ; la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
A titre subsidiaire, M. [C] sollicite l’infirmation du jugement considérant que les montants retenus par l’expert ne correspondent pas à son dommage.
M. [C] considère que la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 ne pose aucune difficulté. Pour la quote-part de salaire perçue au-delà de la Tranche 1/Tranche A, ce sont des cotisations AGIRC sur lesquelles, il ne présente pas de réclamation.
Il soutient avoir pointé des erreurs lors de la réunion d’expertise du 11septembre 2019, période par période. Sur la période allant de juin 1969 à juillet 2007, il considère avoir justement comptabilisé 13.360,21 points en sa faveur.
Il critique les termes du rapport, fait état de nombreuses lacunes, erreurs, et minorations excessives dans le calcul de ses droits à retraite complémentaire, pour la période du 1er juin 1969 au 31 juillet 2007 qui ressortent d’une part, du relevé de carrière prétendument définitif établi le 22 août 2012 par l’institution [16] (pièce 31) et du relevé du 14 janvier 2016, d’autre part, des tableaux récapitulatifs du calcul des droits à retraite complémentaire établis par l’institution dans le cadre des débats contentieux (pièces 30 et 33).
Il conteste formellement le tableau récapitulatif du calcul des droits à retraite complémentaire versé aux débats par l’institution [16] destiné, selon lui, à tromper l’analyse de la cour.
Il sollicite qu’il soit procédé à la rectification du relevé de carrière et à la revalorisation des points de retraite complémentaire acquis et que l’institution [16] justifie du calcul de ses droits à retraite complémentaire, et procède à une revalorisation à la hausse, outre une régularisation des pensions retraite.
L’institution [16] considère que les conclusions du rapport de l’expert doivent être retenues à l’exception d’une petite erreur commise s’agissant du taux de cotisation précompté retenu tel que mentionné sur les bulletins de salaire de M. [C] de 1999 et 2000, et non celui applicable. Elle indique que M. [C] ,qui est le demandeur, persiste à contester le nombre de points retenus, tant par l’expert judiciaire que par l’institution [16], et qu’il lui appartient d’apporter à la cour les éléments de preuve à l’appui de ses allégations.
Elle estime avoir parfaitement respecté les droits de M. [C] et s’oppose à toutes ses demande visant notamment à ce que la cour ordonne à l’institution [16] de recalculer ses droits à retraite complémentaire, les tableaux produits par M. [C] étant inexacts ainsi que l’expert l’a relevé.
Sur ce,
Tous les salariés relevant du régime général de la Sécurité sociale sont obligatoirement affiliés à un régime de retraite complémentaire destiné à compléter les prestations du régime général ; il existait, avant leur fusion, deux régimes de retraite complémentaire, à savoir d’une part le régime ARRCO, instauré par l’Accord National Interprofessionnel du 8 décembre 1961 (pour les non cadres), et d’autre part, le régime AGIRC instauré par la Convention Collective Nationale de Retraite et de Prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (pour les cadres).
Ces régimes sont financés par des cotisations de retraite sur lesquelles sont calculés les droits des salariés. En contrepartie des cotisations acquittées, sont versées des pensions de retraite.
Le montant des pensions de retraite complémentaire est calculé en multipliant le nombre de points acquis par le participant salarié par la valeur du point du régime étant précisé que le nombre de points acquis s’obtient en divisant le montant des cotisations versées pour l’exercice par le salaire de référence de cet exercice.
Le régime ARRCO s’appliquait aux salariés non-cadres. Il a connu, au cours des dernières années, une évolution importante.
Tout d’abord, a été mis en place en 1999 un régime unique ARRCO. Avant cette date,chaque caisse ARRCO appliquait son propre règlement qui déterminait notamment la valeur du point de retraite, son prix d’achat ou salaire de référence, les majorations de pension, les conditions d’octroi de la pension de réversion, etc…
Ces règles ont été unifiées par un Accord Interprofessionnel du 25 avril 1996 entré en vigueur le 1er janvier 1999 complétant l’Accord National Interprofessionnel du 8 décembre 1961.
Au 1er janvier 1999 , l’ARRCO est donc passé d’une organisation en 44 régimes et 107 institutions adhérentes à un régime unique et 83 institutions directement adhérentes. Un régime, tel que l’UNIRS, a ainsi disparu au sein d’un régime unique.
Ce régime unique ARRCO se caractérisait donc, après cette date, par :
– une seule valeur du point,
– un seul prix d’achat du point (salaire de référence),
– une seule réglementation à savoir l’Accord National Interprofessionnel du 8 décembre 1961.
Les droits à retraite acquis antérieurement au 1er janvier 1999 ont été validés au titre du régime unique ARRCO par application d’un coefficient de conversion des points de retraite acquis avant l’instauration du régime unique ARRCO.
En l’espèce, les conclusions de l’expert, auxquelles il est expressément renvoyé, sont essentiellement les suivantes :
Il a expliqué dans la partie III.2 les composantes techniques du calcul des points de retraite ARRCO et/ou AGIRC et il en est ressorti essentiellement :
Les régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC sont des régimes fondés sur l’accumulation de points retraite.
Les salaires bruts pour calculer des points retraite ARRCO sont retenus dans la limite de trois plafonds de la Sécurité Sociale avec T1 (une fois le plafond) et T2 ( de 1 à 3 fois). Si le salarié est cadre, la partie des salaires donnant lieu à points retraite ARRCO est retenue dans la limite d’une fois le plafond de Sécurité Sociale (dite tranche A) et la partie supérieure donne lieu à des points retraite AGIRC.
Ces salaires bruts sont conservés pour leur montant historique pour le calcul des points retraite ARRCO et /ou AGIRC.
Le nombre de points retraite est calculé à partir de ces salaires historiques, des taux contractuels et des salaires de référence.
Le taux contractuel est le taux de cotisation retenu par une entreprise qui peut être supérieur au taux obligatoire minimum (par exemple 4% en 1995). Son taux peut se retrouver à partir du total des taux de cotisation du salarié et de l’employeur figurant sur les bulletins de paye du salarié.
Mais comme ces derniers sont majorés d’un taux d’appel (par exemple 125% à partir de 1993 jusqu’à la dernière période de calcul des points retraite objet de la présente expertise) ce dernier doit être neutralisé pour obtenir ce taux contractuel.
Les salaires de référence correspondent au prix d’achat du point retraite. Ils sont fixés par chaque caisse de retraite.
Le nombre annuel de points retraite ARRCO est obtenu alors par le produit du salaire brut (tel que limité ci-dessus) par le taux contractuel divisé par le salaire de référence.
Alors que le salaire brut est conservé pour son montant historique, ce sont les salaires de référence et la valeur du point retraite qui sont normalement revalorisés au fil du temps.
Il en résulte que le nombre de points retraite ARRCO peut rester identique d’une année à l’autre si le salaire du cotisant évolue au rythme du salaire de référence. Autrement dit, l’augmentation des points retraite n’est pas corrélée avec celle des salaires du cotisant.
C’est pourquoi, l’appelant a commis l’erreur fondamentale dans ses écritures de prétendre que le pourcentage d’augmentation de salaire par rapport à l’année précédente devait entraîner une augmentation d’autant du nombre de ses points retraite.
Les caisses de retraite ont été réunies au 1er janvier 1999 au sein de l’ARRCO. Il en est résulté que leurs points antérieurs dits points caisse ont été convertis pour obtenir des points retraite ARRCO.
Enfin, il existe un régime dit des services passés donnant lieu à l’attribution des points dits gratuits, à l’époque où il n’y avait pas l’obligation de cotiser aux caisses de retraite complémentaire. Il a trouvé à s’appliquer pour les emplois occupés par l’appelant au début de sa carrrière entre le 1er juin 1969 et le 30 juin 1973. Dans ce régime de points gratuits, un coefficient d’abattement de 25% est appliqué et il n’y a pas de points caisse à convertir, faute de cotisations, pour entrer le 1er janvier 1999 dans le régime unifié de L’ARRCO.
Il en est résulté que l’expert a appliqué les formules suivantes de calcul des points retraite ARRCO dans ses travaux d’expertise :
Avant le 1er janvier 1999 :
Points retraite ARRCO T1 = salaire brut T1 x (taux contractuel T1/ salaire de référence) x (valeur du point caisse appliqué au 31/12/1998/6,5596)
Depuis le 1er janvier 1999 :
Points retraite ARRCO T1 = salaire brut T1 x (taux contractuel T1/ salaire de référence).
Services passés dits des points gratuits
Formule de calcul des points retraite ARRCO T1 des services passés
salaire brut T1 x (taux contractuel T1 / salaire de référence ARRCO) x 0,75.
Il est pécisé que :
– les tranches T2 ou TB (AGIRC) donnent lieu au même formule ;
– le début de la formule : salaire brut T1 x (taux contractuel T1/ salaire de référence) correspond au nombre de points caisse comme cela a été expliqué plus haut ;
– tous mes tableaux de calculs des points retraite de M; [C] rappellent ces formules.
L’ expert attire l’attention de la cour sur le fait que l’appelant a attesté le 13 janvier 2021 aux opérations d’expertise qu’il avait perdu ses bulletins de paye entre le 1er juin 1969 et le 31 décembre 1988 et qu’il était donc dans l’impossibilité de les communiquer. Il a indiqué à l’expert qu’il pouvait s’appuyer sur les relevés de salaires suivants : inscrits sur le relevé du 3 septembre 2013 que l’institution [16] a produit pour la période de juillet 1973 à décembre 1982 ainsi que sur les salaires portant sur la période de janvier 1983 à décembre 1988 conformément au fichier CNAV versé aux débats par M. [C] (pièce 32).
S’agissant de ses rémunérations figurant sur ce fichier CNAV l’appelant a commis l’erreur fondamentale de les retenir tels quels dans ses prétentions de recalcul des points retraite ARRCO; En effet, les rémunérations du fichier CNAV avaient été revalorisées avec les coefficients d’érosion monétaire pour retenir les 25 meilleurs années. Il convenait donc de neutraliser l’impact de ces coefficients pour retrouver les salaires historiques retenus dans le calcul des points retraite ARRCO.
Il s’ensuit que l’expert s’est appuyé pour la période n’ayant pas donné lieu à communication de bulletins de paye sur les salaires retenus par [16] dans le fichier susvisé et sur les salaires retenus par la CNAV retraités de l’érosion monétaire. Il est apparu que durant cette période au cours de laquelle M. [C] pouvait faire beaucoup d’heures supplémentaires , les salaires de M. [C] retenus pour calculer ses points retraite ARRCO ont été le plus souvent supérieurs au plafond de la Sécurité Sociale. Dans ces conditions, ses points retraite ARRCO n’ont pas été limités à la tranche T1.
L’expert a par ailleurs analysé l’ensemble de la période allant du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 durant laquelle M. [C] est bénéficiaire du dispositif des travailleurs bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante.
L’expert a à la fois :
* dressé des tableaux de calculs décomposant l’ensemble des paramètres de calcul des points retraite ARRCO et AGIRC,
* choisi de documenter dans le corps du rapport les paramètres ainsi retenus afin de les justifier. Il en est résulté un rapport (et une note de synthèse) plus long à rédiger, mais offrant en contrepartie une justification renforcée,
* répondu aux prétentions de l’appelant et à celles reçues par les parties en réponse à ma note de synthèse du 18 octobre 2021.
Ces travaux figurent dans mon rapport :
* pour la période du 1er juin 1969 au 30 juin 1973 en III.3
* pour la période du 1er juillet 1973 au 31 décembre 1988 en III.4
* pour la période du 1er juillet 1989 au 31 décembre 1991 en III.5
* pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995 en III.6
* pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2001 en III.7
* pour la période du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2007 en III.8
* pour la période du 1er août 2007 au 31 juillet 2012 en III.9
* pour la période du 1er janvier 1989 au 18 août 1991 ayant donné’ lieu à des points AGIRC en III.10 de son rapport
Il s’y est ajouté en III.11 l’analyse de l’application de la majoration de 5% pour enfant à charge en situation de handicap.
L’expert attire l’attention de la cour sur le fait que lors de l’analyse des paramètres des points retraite ARRCO du 1er juillet 1973 au 31 décembre 1988, période n’ayant pas donné lieu à communication de bulletins de paye aux opérations d’expertise, l’appelant a consacré de longues écritures pour prétendre à l’attribution d’un taux contractuel supplémentaire auprès de la caisse retraite de l’époque, à savoir la CIPS. Après qu’il ait été constaté qu’un taux supplémentaire de 1,5% ,soit 5,5 %, avait été pris en compte dans le calcul des points retraite ARRCO de M. [C] , ce dernier a porté à la fin des opérations d’expertise ses revendications à 7% et même au taux maximum à 8%.
L’expert a retenu un taux contractuel de 5,5% après :
– avoir constaté que les documents de points retraite CIPS de l’appelant communiqués aux opérations d’expertise ne portaient plus la trace du taux contractuel de base de ce régime dès lors que ce taux avait été biffé sur chacune de ces pièces et seule l’existence d’un taux contractuel supplémentaire de 1,5% était lisible,
– avoir constaté que les taux de cotisations figurant sur ses bulletins de paye du premier trimestre 1989 portaient, eux, encore la trace de son régime de retraite précédent à la CIPS et permettaient en conséquence de retrouver le taux contractuel de ce régime.
Au terme de ses travaux, recherches et investigations, l’expert a retenu un écart de 88,2 points retraite ARRCO au bénéfice de M. [C] après prise en compte de la majoration de 5% pour enfant en situation de handicap. Sur la base d’un versement en capital à M. [C] du manque à gagner en résultant, la valorisation au 31 janvier 2022 de cet écart de points retraite ARRCO s’élève à 2.775 euros au bénéfice de M. [C].’
L’expert a bien dressé des tableaux de calculs décomposant l’ensemble des paramètres de calcul des points retraite ARRCO et AGIRC et documenté, dans le corps de son rapport, les paramètres retenus afin de les justifier.
Les droits à retraite complémentaire acquis par M. [C] sur la période du 1er juillet 2007 au 31 juillet 2012 au titre du régime des travailleurs de l’amiante (cf. rapport d’expertise page 150), ont bien été pris en compte ainsi que la majoration familiale de 5% pour enfant en situation de handicap.
Il n’est démontré aucune fraude, le relevé de carrière ayant été établi conformément aux informations transmises par les différents employeurs concernant les salaires et cotisations afférentes.
Aucun élément produit aux débats par les parties, et plus particulièrement par M. [C], ne permet de remettre en cause le travail complet et détaillé exposé par l’expert.
Il en résulte un écart très minime entre le nombre de points retenu par l’institution [16] pour calculer le montant de la pension de retraite complémentaire versé à M. [C]
Les conclusions de l’expert seront ainsi retenues et M. [C] sera en conséquence débouté de toutes ses demandes tendant à obtenir de nouveaux calculs et la réévaluation par l’institution [16] de ses droits à retraite complémentaire.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [C]
M. [C] sollicite la condamnation de l’institution [16] à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, ce à quoi l’institution [16] s’oppose.
L’article 1231-1 du code civil dispose que :
« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. ».
Au regard de l’ensemble des éléments ci-dessus évoqués, et notamment des conclusions du rapport d’expertise déposé par M. [F] le 25 janvier 2022 qui ne relève qu’un écart infime entre les droits effectifs de M. [C] et ceux qui ont été calculés par l’institution [16], aucune résistance abusive de cette dernière n’est établie.
Dans ces conditions, il convient de débouter M. [C] de cette demande.
Sur les autres demandes
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Compte tenu des circonstances de l’espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles. Elles seront chacune déboutée de cette demande.
Les dépens seront partagés par moitié.
M. [C] reconnaissant dans ses écritures que c’est la [20], son assureur protection juridique, non appelé dans la cause, qui a pris en charge l’intégralité des honoraires de l’expert judiciaire, il n’y a pas lieu de condamner l’institution [16] à paiement de cette somme à M. [C].
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, dans les limites de la saisine de la Cour de cassation,
Vu l’arrêt avant-dire droit rendu par cette cour le 14 mai 2019 ayant désigné M. [F] en qualité d’expert judiciaire,
Vu le dépôt du rapport d’expertise le 28 janvier 2022,
Dit que l’institution [17] RETRAITE ARRCO qui a été assignée par M. [C] devant le tribunal d’instance du 9ème arrondissement de PARIS le 10 juin 2013 est désormais (c’est-à-dire depuis le 1er janvier 2020 suite à la fusion des groupes [17] et HUMANIS et également de la fusion des régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO) dénommée [17] AGIRC ARRCO, institution régie par les dispositions des articles L.931-1 et suivants du code de la Sécurité sociale, inscrite au répertoire SIRENE sous le n°877 849 265 ;
Dit régulière la saisine par M. [X] [C] de la cour d’appel de renvoi autrement composée ;
INFIRME le jugement rendu le 20 mars 2014 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [X] [C] de sa demande de nullité du rapport d’expertise de M. [O] [F] déposé le 28 janvier 2022 ;
Dit qu’il existe un écart de 88,2 points retraite ARRCO au bénéfice de M. [C] après prise en compte de la majoration de 5% pour enfant en situation de handicap et que sur la base d’un versement en capital à M. [X] [C] du manque à gagner en résultant, la valorisation au 31 janvier 2022 de cet écart de points retraite ARRCO s’élève à 2.775 euros au bénéfice de M. [X] [C] ;
Déboute M. [X] [C] de sa demande de dommages-intérêts ;
Déboute M. [X] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Déboute M. [X] [C] de sa demande au titre des frais d’expertise ;
Déboute l’institution [16] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Dit que les dépens seront partagés par moitié.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE