Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
D’ANGERS
1ERE CHAMBRE SECTION B
MCC/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 23/00170 – N° Portalis DBVP-V-B7H-FDQ6
Ordonnance du 19 Janvier 2023
Cour d’Appel d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance : 21/605
ARRET DU 10 JUILLET 2023
DEMANDERESSE AU DEFERE :
Mme [S] [I]
née le 21 Juillet 1983 à [Localité 9] (LA REUNION)
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DEFENDERESSES AU DEFERE :
S.A.R.L. LVL 2 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 5]
S.A.S. […], prise en la personne de Me [T] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de l’EURL […]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentées par Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 1] prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS, substitué à l’audience par Me Julia BRULAY,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 11 Mai 2023, Mme COURTADE, présidente de chambre, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme COURTADE, présidente de chambre
Mme BUJACOUX, conseillère
Mme PARINGAUX, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme BOUNABI
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 10 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCEDURE
Par requête en date du 22 mai 2019, Mme [S] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Laval d’une contestation de son licenciement économique survenu le 23 mai 2018 de ses fonctions d’employée de magasin au service de la société […], et a sollicité diverses indemnités.
Par jugement en date du 16 novembre 2021, le conseil de prud’hommes saisi a :
– donné acte à l’AGS de son intervention par le CGEA de [Localité 1] ;
– débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes tant à titre principal que subsidiaire ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– laissé les dépens à la charge de chacune des parties pour ceux par elles exposés.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel d’Angers en date du 26 novembre 2021, Mme [I] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
La SNC […] a constitué avocat le 16 décembre 2021.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] a constitué avocat le 16 décembre 2021.
La SAS […], prise en la personne de maître [N] ès qualités de liquidateur de la société […], a constitué avocat le 8 février 2022.
Par avis du 9 février 2022, le dossier a été orienté en circuit long, devant le conseiller de la mise en état.
Par conclusions déposées le 16 mai 2022, l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 1] a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident tendant à la caducité de l’appel interjeté par Mme [I].
Par conclusions d’incident déposées le 21 juin 2022, la SNC […] et la SAS […] ont saisi le conseiller de la mise en état aux mêmes fins.
Par ordonnance en date du 19 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a :
– rejeté les moyens présentés par Mme [I] tendant à faire déclarer irrecevables les conclusions des intimés ;
– rejeté le moyen présenté par Mme [I] tendant à faire reconnaître l’incompétence du conseiller de la mise en état à prononcer la caducité de la déclaration d’appel ;
– prononcé la caducité de la déclaration d’appel du 26 novembre 2021 de Mme [I] sauf le droit de déférer la présente ordonnance à la cour par application de l’article 916 du Code de procédure civile ;
– rejeté la demande présentée par Mme [I] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné Mme [I] au paiement des dépens d’appel.
Par requête du 31 janvier 2023, Mme [I] a déféré l’ordonnance du 19 janvier 2023 à la cour.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 11 mai 2023.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 31 janvier 2023, Mme [I] demande à la cour :
– ordonner le défèrement devant la cour de l’ordonnance du conseiller de la mise en état de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers en date du 19 janvier 2023 ;
– débouter l’UNEDIC, la société […] et la SAS […] de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
– déclarer irrecevables les conclusions d’incident de l’UNEDIC ;
– déclarer irrecevables les conclusions et pièces de l’UNEDIC qui auraient du être signifiées au fond ;
Vu l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
Vu l’arrêt Dos Santos et autres c. Portugal,
Vu les conclusions rectificatives du 22 juin 2022,
– déclarer recevables les conclusions et l’appel de Mme [I] ;
A titre subsidiaire,
– juger que le conseiller de la mise en état était incompétent pour statuer sur l’incident relatif aux conclusions au fond de Mme [I] au profit de la cour d’appel ;
En toutes hypothèses,
– condamner l’UNEDIC, la société […] et la SAS […] à verser à Mme [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner l’UNEDIC, la société […] et la SAS […] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 10 mai 2023, la société […] demande à la cour de :
– déclarer infondée la requête en déféré présentée par Mme [I] ;
– confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 janvier 2023 qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel du 26 novembre 2021 de Mme [I] ;
– prononcer la caducité de la déclaration d’appel de Mme [I] ;
– condamner Mme [I] à verser à la société […] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Mme [I] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 10 mai 2023, la SAS […] demande à la cour de :
– déclarer infondée la requête en déféré présentée par Mme [I] ;
– confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 janvier 2023 qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel du 26 novembre 2021 de Mme [I] ;
– prononcer la caducité de la déclaration d’appel de Mme [I] ;
– condamner Mme [I] à verser à la société […] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Mme [I] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 3 mai 2023, l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 janvier 2023 ;
– en conséquence, prononcer la caducité de la déclaration d’appel de Mme [I] ;
– condamner Mme [I] aux entiers dépens et à verser à l’AGS CGEA de [Localité 1] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des conclusions de l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] saisissant le conseiller de la mise en état
Mme [I] soutient que l’UNEDIC ne lui a jamais signifié ses conclusions d’incident ; qu’elles doivent donc être déclarées irrecevables.
Les intimés ne concluent pas sur ce point
Sur ce,
En application de l’article 671 du code de procédure civile, la notification des actes entre avocats se fait par signification ou par notification directe, cette dernière s’opérant, selon l’article 673 du même code, par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé, ceci sous réserve des dispositions relatives à la communication par voie électronique prévue aux articles 748-1 et suivants du même code.
Cet article dispose que ‘Les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l’usage de ce mode de communication’.
L’article 930-1 du Code de procédure civile, réglementant les dispositions générales en matière de procédure d’appel, prévoit que ‘à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.’
Enfin, de l’article 748-2 , il résulte que ‘Le destinataire des envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 doit consentir expressément à l’utilisation de la voie électronique, à moins que des dispositions spéciales n’imposent l’usage de ce mode de communication.
Vaut consentement au sens de l’alinéa précédent l’adhésion par un auxiliaire de justice, assistant ou représentant une partie, à un réseau de communication électronique tel que défini par un arrêté pris en application de l’article 748-6″.
Il résulte de la lecture des conclusions d’incident déposées par l’UNEDIC le 16 mai 2022 qui ont saisi le conseiller de la mise en état, comme des conclusions déposées devant la cour le 3 mai 2023, mais aussi du réseau privé virtuel des avocats que l’association UNEDIC a notifié les conclusions susvisées à maître Breger, régulièrement constituée pour représenter la SAS […] et la société […], d’une part, et à maître Dominique Machelon, avocat au barreau de Clermont Ferrand pour représenter Mme [I].
Or, il est constant que Mme [I] a pour avocat devant la cour maître Sophie Giraud de la SCP Giraud-Nury, avocats au barreau de Clermont Ferrand.
Il résulte de l’application combinée des articles 651 et 652 du code de procédure civile que les actes sont notifiés à la partie intéressée elle-même, à moins qu’elle ait chargé une personne de la représenter en justice, auquel cas ces actes sont notifiés à ce représentant.
L’avocat qui n’a pas été chargé de représenter une partie n’a donc pas qualité pour recevoir un acte de procédure et cette irrégularité entre dans les prévisions de l’article 117 du code de procédure civile, s’agissant d’un défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
L’article 121 dispose qu’une régularisation est possible lorsque la nullité est susceptible d’être couverte et que sa cause a disparu au moment où le juge statue.
En l’espèce, l’irrégularité n’a pas été couverte au jour où le conseiller de la mise en état a statué.
La notification des conclusions de l’UNEDIC, nulle de plein droit, sera donc tenue pour non avenue.
Le conseiller de la mise en état n’est donc pas saisi de ces conclusions étant toutefois constaté que la société […] et la SAS […] ont, le 21 juin 2022, saisi ce magistrat de la même demande de caducité de la déclaration d’appel formée par Mme [I], reprenant les mêmes moyens que l’association UNEDIC.
Sur la caducité de la déclaration d’appel de Mme [I]
Mme [I] expose que les dispositions de l’article 6 § 1 de la CEDH consacrent un droit à l’accès au juge ; qu’un formalisme excessif peut y porter atteinte ; que l’arrêt de la cour de cassation du 17 novembre 2020 servant de fondement à l’incident a opéré une interprétation nouvelle des textes ; qu’elle aurait dû donner des raisons substantielles justifiant ce revirement sauf à violer les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH ; que le conseiller de la mise en état ne s’est pas prononcé sur ce moyen.
Elle ajoute que si une partie interjette appel et formule des prétentions plus amples ou contraires à celles accueillies par le premier juge, c’est pour demander l’annulation ou l’infirmation du jugement ; que c’est son cas dans le cadre des conclusions avant rectification ; qu’en outre, la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions éclairées par les moyens développés dans le corps de celles-ci ; que, dans le corps de ses conclusions, il était clairement précisé à deux reprises qu’elle sollicitait l’infirmation du jugement ; que les prétentions longues et détaillées ne souffraient aucune ambiguïté ; qu’elle se trouve privée d’une issue au fond de son procès du seul fait d’un oubli matériel ; que cela revient à lui faire supporter une charge disproportionnée rompant le juste équilibre entre d’une part le souci légitime d’assurer le respect des conditions formelles pour saisir la juridiction et d’autre part le droit d’accès au juge ; qu’il doit être fait application de la jurisprudence de la CEDH (Dos Santos Calado et autres c/ Portugal 2020), qui a considéré qu’en cas d’omission rédactionnelle et d’exigence procédurale au niveau de la rédaction justifiée pour assurer une clarification et une bonne administration de la justice, si la rédaction du corps du mémoire permettait d’identifier la demande du justiciable, la sanction d’une omission avait pour effet de priver le justiciable d’une voie de recours par un formalisme excessif.
Enfin, Mme [I] cite un arrêt de la cour de cassation du 11 octobre 2022 qui considère que l’examen des prétentions contenues dans les conclusions et l’examen des fins de non recevoir tirées des articles 564 et 910 du Code de procédure civile relèvent de l’appel – et donc de la cour – et non de la procédure d’appel – et donc du conseiller de la mise en état – ; qu’il existe en l’état une discussion sur le contenu des prétentions soumises à la cour dans les conclusions du 17 février 2022 ultérieurement rectifiées ; que ce débat échappe au conseiller de la mise en état et relève de la compétence de la cour.
L’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] soutient, au visa des dispositions des articles 908, 954 du Code de procédure civile et de l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 9 septembre 2021 (n°20-17.263) que ‘le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908 doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel … que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue ; que Mme [I] ne sollicite dans son dispositif ni la réformation ni l’annulation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Laval le 16 novembre 2021 ; qu’elle n’a déposé aucune conclusion de régularisation afin de solliciter l’infirmation, l’annulation ou la réformation du jugement dans le délai de trois mois de l’article 908 du Code de procédure civile ; que la cour doit confirmer l’ordonnance déférée et prononcer la caducité de la déclaration d’appel régularisée par Mme [I] le 26 novembre 2021.
La SAS […] expose que :
A titre principal sur le fond,
au visa des dispositions des articles 908, 910-4 alinéa 1, 542 et 954 du Code de procédure civile et de la jurisprudence de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (17 sept. 2020, n° 18-23.626) que ‘lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement… lorsque la déclaration d’appel est postérieure au 17 septembre 2020.’ ; que cet arrêt a été rendu au visa de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne présente donc pas de formalisme excessif.
Elle dit qu’à défaut pour les conclusions remises dans le délai de l’article 908 du Code de procédure civile de comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel, deux sanctions sont applicables : d’abord, en application de l’article 908 du Code de procédure civile, lorsque l’incident est soulevé par une partie ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies (Cass. 2e civ., 4 nov. 2021, n° 20-15.766) ; ensuite, conformément à l’article 954, alinéa 3, la cour d’appel, ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.
Elle expose encore que la caducité prononcée par le conseiller de la mise en état est la règle lorsque la représentation est obligatoire, la confirmation du jugement par la cour n’étant que subsidiaire .
Elle rappelle qu’en l’espèce l’arrêt de la Cour de Cassation du 17 septembre 2020 est antérieur à la déclaration d’appel de Mme [I] en date du 26 novembre 2021 ; que les conclusions au fond de Mme [I] ont été reçues au greffe le 17 février 2022 ; que l’appelante ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement ; qu’aucune conclusion de régularisation n’a été signifiée dans le délai de trois mois visé à l’article 908 du Code de procédure civile ; que la déclaration d’appel de Mme [I] est caduque.
A titre subsidiaire, sur la compétence du conseiller de la mise en état, que le débat ne porte pas sur le fond des prétentions de Mme [I] ; que l’article 914 du Code de procédure civile confère au conseiller de la mise en état le pouvoir exclusif, dès sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, pour ‘prononcer la caducité de l’appel’ ; que la jurisprudence est très claire à ce sujet. (Cass. 2e civ., 4 nov. 2021, n° 20-15.766) ; que l’ordonnance du 19 janvier 2023 doit être confirmée.
La société […] soutient des conclusions parfaitement identiques à celles de la SAS […].
Sur ce,
Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la caducité de l’appel
‘Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d’appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d’une partie, la caducité de la déclaration d’appel fondée sur l’absence de mention de l’infirmation ou de l’annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l’appelant’. (2e Civ., 4 novembre 2021, n°20-15-766).
En l’espèce, il résulte des conclusions d’incident déposées par la société […] et la SAS […] le 21 juin 2022 qu’elles ont saisi le conseiller de la mise en état de la même demande de caducité de la déclaration d’appel formée par Mme [I], reprenant les mêmes moyens que l’association UNEDIC. Peu importe qu’elles aient précédemment conclu au fond, la caducité étant un incident d’instance, qui n’est pas assujetti à l’application de l’article 74 du code de procédure civile (2e Civ., 5 septembre 2019, pourvoi n° 18-21.717 ).
Dès lors, le conseiller de la mise en état était justement saisi de l’incident de caducité de la déclaration d’appel formée par Mme [I].
Sur la caducité de la déclaration d’appel
Il résulte des dispositions des articles 542 et 954 du Code de procédure civile que ‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel’ et ‘Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs’.
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile susvisés que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626). Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15.766).
Cette règle est applicable aux instances introduites par une déclaration d’appel postérieure au 17 septembre 2020. En l’espèce, Mme [I] a interjeté appel de la décision du Conseil des prud’hommes le 26 novembre 2021, soit postérieurement au 17 septembre 2020.
Il résulte des conclusions qu’elle a déposées le 17 février 2022, dans le délai fixé par l’article 908 du Code de procédure civile, qu’elle a sollicité de la cour :
‘déclarer Mme [I] bien fondée en son appel ; débouter les parties intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires’ avant d’exposer ses demandes. Elle n’a ainsi sollicité ni l’infirmation ni l’annulation du jugement.
Si elle a notifié de nouvelles conclusions, celles-ci ont été déposées le 22 juin 2022, soit postérieurement au délai de 3 mois, de sorte qu’elles n’ont pu régulariser les premières conclusions.
La caducité de la déclaration d’appel formée le 16 novembre 2021 est donc bien encourue.
*
L’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit un procès équitable et dispose notamment que ‘toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera… des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil…’
Les règles de procédure internes doivent être indispensables à la bonne administration de la justice et appliquées de façon efficiente, le droit positif européen des droits de l’homme exigeant que ces règles soient précises, intelligibles donc prévisibles, qu’elles soient mises en oeuvre dans le respect de l’égalité des justiciables et qu’elles le soient sans formalisme excessif, pour ne pas porter une atteinte substantielle au droit d’accès effectif au juge.
Cette balance doit être faite non au regard des intérêts particuliers en présence, mais de l’atteinte au droit invoqué au regard de l’objectif poursuivi par la loi de procédure.
Dans la situation où un acte de procédure doit être accompli par un avocat, sa qualité de professionnel du droit permet de considérer qu’il est avisé de la réglementation en vigueur, pourvu que celle-ci soit dénuée d’ambiguïté.
En l’espèce, les dispositions de l’article 542 du Code de procédure civile qui définit la finalité de la saisine de la cour ont été jugées conformes aux stipulations de l’article 6§1 susvisé.
L’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 – qui reçoit application en la présente procédure -, interprétant une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 qui n’avait jamais été affirmée par ladite Cour dans un arrêt publié, a expressément prévu que la règle ne s’applique pas dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à sa date pour ne pas priver les appelants du droit à un procès équitable.
Elle a statué au visa de l’article 6§1 susvisé.
Ensuite, les conclusions affectées du vice pouvaient être régularisées dans les délais de l’article 908 du Code de procédure civile, protégeant ainsi l’accès au juge.
Ainsi les règles de procédure appliquées étaient dénuées d’ambiguïté et parfaitement prévisibles.
La sanction de la caducité de la déclaration d’appel qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur poursuit un but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
Le dispositif des conclusions de l’appelante ne comportant pas la finalité de la saisine de la cour, c’est à bon droit, et sans faire preuve d’un formalisme excessif comme l’a dit le conseiller de la mise en état, que ce magistrat a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
Il y aura donc lieu de confirmer l’ordonnance critiquée.
Sur la recevabilité des conclusions déposées au fond par l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1]
L’ordonnance prononçant la caducité de la déclaration d’appel, cette demande est sans objet.
Sur les frais et dépens
Mme [I] qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.
Les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile par l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1], la SAS […] et la société […] seront, en équité, rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DIT nulle la notification des conclusions d’incident par l’association UNEDIC le 16 mai 2022 et CONSTATE qu’elles ne saisissent donc pas le conseiller de la mise en état ;
CONFIRME l’ordonnance du conseiller de la mise en état de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers rendue le 19 janvier 2023 en toutes ses dispositions contestées ;
DIT sans objet la critique des conclusions déposées au fond par l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] ;
DEBOUTE l’association UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1], la SAS […] et la société […] prises en leurs représentants légaux de leurs demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [S] [I] aux dépens de la présente procédure de déféré.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
F. BOUNABI M.C. COURTADE