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En matière de complicité de diffamation publique, il appartient à la chambre de l’instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d’un arrêt statuant sur le règlement d’une procédure, d’examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l’acte qui en est entaché et, s’il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.
La nullité découlant de son inobservation qui est absolue et d’ordre public, peut être invoquée d’office à tout moment de la procédure.
Pour rejeter une demande de constater la nullité d’une plainte, l’arrêt attaqué énonce qu’il n’appartient pas à la chambre de l’instruction, saisie d’un appel après cassation, d’examiner la question d’une éventuelle nullité de la plainte déposée, question qui est de la compétence de la juridiction de fond.
La régularité de la plainte est une condition nécessaire de la validité du renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel.
La Cour de cassation juge (Crim., 22 novembre 2005, pourvoi n° 05-82.807, Bull. n° 304) a déjà jugé qu’il résulte de la combinaison des articles 82-1 et 89 du code de procédure pénale que la faculté de présenter une demande d’acte au juge d’instruction n’est offerte à la partie civile qu’après l’ouverture de l’information.
Celle-ci ne dispose d’aucun moyen de droit pour obliger le juge d’instruction à accomplir un acte interruptif de prescription tant que le procureur de la République n’a pas pris ses réquisitions après communication de la plainte en application de l’article 86 dudit code de sorte qu’entre temps, la prescription est nécessairement suspendue.
Si une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu’il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d’accomplir les diligences utiles, c’est à la condition qu’elle puisse juridiquement le faire et qu’elle ne rencontre pas d’obstacle dirimant, ce qui est le cas avant l’ouverture d’une information judiciaire.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ N° N 22-84.417 F- B N° 01380 GM 11 OCTOBRE 2022 CASSATION M. BONNAL président, ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 11 OCTOBRE 2022 M. [X] [I] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 22 juin 2021, n° 21-82.364), a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 19 avril 2019, M. [T] [Y] a porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire contre M. [H] [E], directeur de publication du Journal de l’Ile, en tant qu’auteur, M. [L] [D], journaliste, et M. [X] [I], en qualité de complices, à raison d’un article de presse publié le 19 janvier 2019. 3. Le 20 juin 2019, le doyen des juges d’instruction a rendu une ordonnance de non-informer, invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe. 4. M. [Y] a interjeté appel de cette ordonnance. Par arrêt du 8 octobre 2019, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a infirmé cette ordonnance et « fait retour de la procédure au juge d’instruction saisi ». Un juge d’instruction a été désigné le 11 février 2020. 5. Le 25 février suivant, le procureur de la République a pris un réquisitoire introductif. Le 29 septembre 2020, M. [I] a été mis en examen du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire. 6. Le magistrat instructeur a rendu un avis de fin d’information le 2 novembre 2020. Le 5 novembre suivant, M. [I] l’a saisi d’une requête aux fins de constatation de la prescription de l’action publique. 7. Par ordonnance du 9 décembre 2020, le juge d’instruction a rejeté cette requête et ordonné le renvoi de M. [I] devant le tribunal correctionnel. 8. L’intéressé a relevé appel de cette ordonnance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction ayant rejeté la requête de M. [I] aux fins de constatation de la prescription de l’action publique, alors « qu’à compter de l’ouverture de l’information, la partie civile tient des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156 et 173, alinéa 3, du code de procédure pénale la faculté de demander à la juridiction d’instruction l’accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition ; qu’en retenant que la partie civile ne disposait d’aucun moyen de droit pour forcer le juge d’instruction à accomplir un acte afin d’interrompre la courte prescription de l’article 65 de la loi sur la presse entre l’arrêt de la chambre de l’instruction du 8 octobre 2019 et la saisine du parquet par le juge d’instruction désigné le 11 février 2020, tout en constatant que cet arrêt infirmait l’ordonnance de refus d’informer et faisait retour de la procédure au juge d’instruction saisi, auquel la partie civile pouvait donc demander l’accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 9-3, 81, alinéa 9, 82-1, 86, 156, 173, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. La Cour de cassation juge (Crim., 22 novembre 2005, pourvoi n° 05-82.807, Bull. n° 304) qu’il résulte de la combinaison des articles 82-1 et 89 du code de procédure pénale que la faculté de présenter une demande d’acte au juge d’instruction n’est offerte à la partie civile qu’après l’ouverture de l’information. Celle-ci ne dispose d’aucun moyen de droit pour obliger le juge d’instruction à accomplir un acte interruptif de prescription tant que le procureur de la République n’a pas pris ses réquisitions après communication de la plainte en application de l’article 86 dudit code de sorte qu’entre temps, la prescription est nécessairement suspendue. 11. En l’espèce, pour confirmer l’ordonnance du juge d’instruction ayant rejeté sa requête aux fins de constatation de la prescription de l’action publique, l’arrêt attaqué énonce que celle-ci ne saurait être constatée, puisqu’un obstacle de droit a interdit à la partie civile d’agir dès lors que, pour la période visée, de la décision de la chambre de l’instruction jusqu’à la saisine du ministère public par le juge d’instruction, la partie civile ne disposait d’aucun moyen de droit pour forcer le magistrat instructeur à accomplir un acte afin d’interrompre la courte prescription de l’article 65 de la loi sur la presse. 12. Les juges rappellent que si une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu’il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d’accomplir les diligences utiles, c’est à la condition qu’elle puisse juridiquement le faire et qu’elle ne rencontre pas d’obstacle dirimant, ce qui est le cas avant l’ouverture d’une information judiciaire. 13. En se déterminant ainsi et dès lors que faute d’ouverture d’une information judiciaire, la partie civile ne disposait d’aucune voie de droit pour saisir d’une demande d’acte le doyen des juges d’instruction, la chambre de l’instruction a justifié sa décision. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté la demande relative à une éventuelle nullité de la plainte, alors « que la chambre de l’instruction qui, comme en l’espèce, statue sur le règlement d’une procédure sur renvoi après cassation est compétente pour se prononcer sur le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ne répondant pas aux exigences de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’en retenant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile pour méconnaissance des exigences de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881, que « saisie d’un appel après cassation », il ne lui appartenait pas d’examiner la question d’une éventuelle nullité de la plainte, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 206 et 609-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 206 et 609-1 du code de procédure pénale et 50 de la loi du 29 juillet 1881 : 16. Il se déduit des deux premiers de ces textes qu’il appartient à la chambre de l’instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d’un arrêt statuant sur le règlement d’une procédure, d’examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l’acte qui en est entaché et, s’il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. 17. Il résulte du dernier de ces textes que la nullité découlant de son inobservation qui est absolue et d’ordre public, peut être invoquée d’office à tout moment de la procédure. 18. Pour rejeter la demande de M. [I] de constater la nullité de la plainte, l’arrêt attaqué énonce qu’il n’appartient pas à la chambre de l’instruction, saisie d’un appel après cassation, d’examiner la question d’une éventuelle nullité de la plainte déposée par M. [Y], question qui est de la compétence de la juridiction de fond. 19. En se déterminant ainsi, alors que la régularité de la plainte est une condition nécessaire de la validité du renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille vingt-deux. | |