Communication électronique : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01685

·

·

Communication électronique : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/01685
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2023

N° 2023/114

Rôle N° RG 20/01685 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRRF

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT

C/

SAS MARLIT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Martine GUERINI

Me Nadine SOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019F00230.

APPELANTE

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Martine GUERINI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS MARLIT, représentée par son président Monsieur [M] [W], dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Nadine SOULAN, avocat au barreau de MARSEILLE assistée de Me Albert TREVES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Nadine SOULAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 05 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 18 février 2016, la SAS Marlit a souscrit auprès de la SAS Société Commerciale de Télécommunication un contrat de prestations installation/accès Web et un contrat de services de téléphonie fixe.

Par courrier daté du 16 mars 2016, la SAS Marlit a sollicité de la SAS Société Commerciale de Télécommunication l’annulation du contrat.

Le 23 mars 2016, la SAS Société Commerciale de Télécommunication a répondu avoir enregistré la résiliation des lignes concernées, et notamment indiqué à la SAS Marlit qu’elle restait redevable de la somme de 9.577 euros hors-taxes au titre de l’indemnité de résiliation anticipée.

Suivant courrier recommandé du 9 juillet 2018, la SAS Société Commerciale de Télécommunication a mis en demeure la SAS Marlit de lui régler la somme totale de 11.828,88 euros.

Selon exploit du 8 février 2019, la SAS Société Commerciale de Télécommunication a fait assigner la SAS Marlit en paiement devant le tribunal de commerce de Marseille.

Par jugement du 11 décembre 2019, ce tribunal a :

‘ pris acte de ce que la société SCT Télécom s’est désistée de sa demande en paiement de la facture de téléphonie fixe du 31 mars 2019 d’un montant de 336,38 euros TTC,

vu les dispositions de l’article L. 34-2 du code des postes et télécommunications,

‘ déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la Société Commerciale de Télécommunication,

‘ condamné la SAS Société Commerciale de Télécommunication (SCT) à payer à la SAS Marlit la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles occasionnés par la procédure,

‘ laissé à la charge de la SAS Société Commerciale de Télécommunication (SCT) les dépens de l’instance,

‘ ordonné pour le tout l’exécution provisoire.

Suivant déclaration du 4 février 2020, la SAS Société Commerciale de Télécommunication SCT a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 5 mai 2023, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

‘ la recevoir en son appel,

‘ le déclarer recevable et bien fondé,

‘ réformer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 11 décembre 2019 en ce qu’il :

‘ a déclaré irrecevables comme prescrites ses demandes,

‘ l’a condamnée à payer à la SAS Marlit la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles occasionnés par la procédure,

‘ a laissé à sa charge les dépens,

‘ a ordonné pour le tout l’exécution provisoire,

en conséquence,

‘ débouter la société Marlit de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ juger que l’action diligentée par elle n’est pas prescrite et la déclarer en conséquence recevable,

‘ condamner la société Marlit à lui payer la somme de 11.492,40 euros TTC au titre de la résiliation du service de téléphonie fixe, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation,

‘ condamner la société Marlit à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la société Marlit aux entiers dépens de la présente instance, ceux d’appel distraits au profit de Me Martine Guerini, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 8 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Marlit demande à la cour de :

‘ déclarer irrecevable, car prescrite, l’action engagée par la société SCT à son encontre,

‘ en conséquence, débouter la société SCT de ses demandes de condamnation au titre de l’indemnité de résiliation, de l’article 700 du code de procédure civile, des dépens et confirmer le jugement du tribunal de commerce du 11 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

‘ à titre subsidiaire, prononcer la nullité du contrat pour dol,

‘ en conséquence, débouter la société SCT de ses demandes de condamnation au titre de l’indemnité de résiliation, de l’article 700 du code de procédure civile, des dépens,

‘ à titre subsidiaire, prononcer la nullité du contrat sur la base de la violation des articles L.33-1 du code des postes et télécommunications, L.121-83 et L.121-83-1 du code de la consommation et débouter la société SCT de ses demandes,

‘ à titre infiniment subsidiaire, modérer le montant de l’indemnité de résiliation qui ne saurait excéder la somme TTC de 1.500 euros,

‘ condamner la société SCT au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

‘ confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 11 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la société SCT à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS

Sur la prescription :

L’appelante conteste la décision du tribunal qui, au visa des dispositions de l’article L.34-2 du code des postes et communications électroniques, a considéré que sa demande en paiement de l’indemnité de résiliation était irrecevable comme prescrite.

Elle fait valoir qu’en effet, s’agissant d’un texte spécial, il est d’interprétation stricte, que son application ne saurait être étendue à des situations que le législateur n’a pas expressément prévues, que, de ce fait, la prescription visée ne peut concerner une indemnité de résiliation, laquelle ne correspond en rien à des prestations de communications électroniques, mais est destinée à aménager les conditions de la rupture d’un contrat de téléphonie.

L’intimée réplique qu’elle est bien fondée à soulever la fin de non-recevoir tirée de la prescription, qu’en effet, la facture d’indemnité de résiliation trouve son origine dans le prix des prestations des communications électroniques, et la demande tendant à son règlement relève, comme l’ont retenu à bon droit les premiers juges, de la prescription annale de l’article précité.

Mais, étant rappelé qu’aux termes de l’article L.34-2 du code des postes et communications électroniques « La prescription est acquise, au profit de l’usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d’un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d’un an courant à compter de la date de leur exigibilité », et que, selon l’article 32 du même code, «’On entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par câble, par la voie hertzienne, par moyen optique ou par d’autres moyens électromagnétiques’», l’indemnité de résiliation ne peut être assimilée à une somme due en paiement de prestations de communications électroniques, et la prescription annale de l’article L34-2 précité, texte spécial d’interprétation stricte, n’a pas lieu de s’appliquer.

N’étant pas même prétendu que la prescription quinquennale de droit commun serait acquise, l’action en paiement de la SAS Société Commerciale de Télécommunication est recevable.

Sur la nullité du contrat :

Pour s’opposer à la demande de l’appelante, la SAS Marlit sollicite que soit prononcée la nullité du contrat pour dol.

Elle invoque l’inopposabilité des conditions de vente, faisant valoir que les deux clauses sur la base desquelles la SAS Société Commerciale de Télécommunication réclame la somme de 11.492,40 euros au titre d’une indemnité de résiliation sont respectivement incluses sur deux et quatre lignes, mentionnées à des endroits différents des conditions particulières, lesquelles comportent un total de mille cent soixante dix lignes écrites en caractères minuscules, et donc illisibles sans appareil grossissant, qu’en outre, la page sur laquelle figurent ces deux clauses n’est, ni signée, ni tamponnée.

L’intimée soutient ensuite que le discours commercial tenu par l’appelante est faux et l’a induite en erreur, elle qui n’avait d’autre intention que de conclure un contrat avec Orange en application de l’accord-cadre conclu par le groupement des Mousquetaires, que, si elle a parfaitement lu qu’elle contractait avec la Société Commerciale de Télécommunication et non pas directement avec Orange, elle a été abusée par le fait que l’appelante s’est présentée comme mandataire de cette dernière, appliquant donc la politique commerciale et les engagements de celle-ci.

Elle expose enfin que, s’agissant du «’forfait illimité’», le contrat comprend une imprécision d’un niveau tel qu’elle relève d’une pratique délibérée du commercial pour tromper l’usager sur le prix qu’il aura à acquitter.

Cependant, au vu des pièces versées aux débats, étant observé que seule la SAS Société Commerciale de Télécommunication produit le contrat liant les parties, il est tout d’abord constaté que les stipulations contractuelles des conditions générales et particulières des services composant les conventions litigieuses sont, contrairement à ce qui est prétendu, parfaitement lisibles, et apparaissent, eu égard à la typographie utilisée, tout à fait claires, les différentes clauses faisant l’objet de paragraphes distincts dont le titre est précisé en caractères gras et majuscules.

Et, des dits documents, il résulte que la SAS Marlit a notamment apposé sa signature, qu’elle ne conteste aucunement, et son cachet commercial :

– après la mention «’Le Client déclare avoir pris connaissance et accepté les Conditions Générales de Location et de Services ainsi que les Conditions Particulières relatives à chaque service fourni par SCT TELECOM, ainsi que leurs annexes. (…)’», sur la page intitulée «’contrat de prestations installation/accès web’»,

– après la mention, dans le cadre du mandat alors donné, de, notamment, «'(‘) Le Client certifie que les informations portées au Contrat de services sont exactes et reconnaît avoir reçu un exemplaire, avoir pris connaissance et accepté dans toute leur teneur les Conditions Générales, Particulières et Spécifiques de SCT TELECOM, intégrant les obligations du Client ainsi que les descriptifs et les tarifs des offres. (…)’», sur la page intitulée «’contrat de services téléphonie fixe’».

Ainsi, l’intimée n’est pas fondée à contester l’opposabilité des conditions particulières de téléphonie fixe, dont notamment les articles «’9. DUREE’» et «’14. RESILIATION DU SERVICE’».

Par ailleurs, la SAS Marlit, à laquelle incombe la charge de la preuve, ne justifie nullement des man’uvres dolosives dont elle soutient avoir été victime de la part de la SAS Société Commerciale de Télécommunication.

En effet, comme elle le reconnaît elle-même, elle ne saurait, au regard des documents qu’elle a signés, prétendre avoir cru contracter avec une autre société que l’appelante, aucune confusion avec, notamment, la société Orange ne pouvant résulter des mentions et sigles y figurant.

Et, en l’absence d’un quelconque élément objectif, ses seules allégations selon lesquelles le commercial de la SAS Société Commerciale de Télécommunication se serait présenté comme celui de la société Orange ne peuvent démontrer la réalité d’un tel fait.

L’attestation établie par Mme [T] [I] épouse [W], laquelle a signé le contrat litigieux en qualité de représentante de l’intimée, n’a à cet égard aucun caractère probant.

S’agissant du «’forfait illimité’», ne sont pas davantage démontrées les man’uvres dont aurait usé le commercial de l’appelante pour convaincre la SAS Marlit d’apposer sa signature et son cachet sur le contrat de services téléphonie fixe du 18 février 2006 où figure son montant.

Aussi, étant rappelé qu’aux termes de l’ancien article 1116 du code civil applicable en l’espèce, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté, et qu’il ne se présume pas et doit être prouvé, l’intimée ne peut, en l’état des pièces versées aux débats, qu’être déboutée de sa demande tendant à voir annuler ledit contrat pour dol.

Subsidiairement, la SAS Marlit demande que soit prononcée la nullité du contrat sur la base de la violation des articles L.33-1 du code des postes et télécommunications, L.121-83 et L.121-83-1 du code de la consommation.

Elle expose que force est de constater que, ni les frais de résiliation, ni la durée du contrat, ni les conditions de son renouvellement ou de son interruption, n’ont été fournies de manière claire et facilement accessible par la SAS Société Commerciale de Télécommunication.

Mais, si, contrairement à ce que soutient cette dernière qui indique que l’article L.121-83-1 du code de la consommation ne bénéficiant qu’au seul consommateur personne physique n’est pas applicable en l’espèce, les textes invoqués, dans leur rédaction alors en vigueur, sont susceptibles d’application dès lors que l’article L.33-1 du code des postes et télécommunications, lequel opère un renvoi à la liste de l’article précité du code de la consommation, vise les utilisateurs professionnels, l’intimée doit être déboutée de sa demande de nullité sur ce fondement.

En effet, les différents éléments dont elle fait état ont été portés à la connaissance de la SAS Marlit aux termes de la convention du 18 février 2006, et plus précisément des conditions particulières de téléphonie fixe, où ils figurent notamment aux articles «’9. DUREE’» et «’14. RESILIATION DU SERVICE’», dont il a précédemment été retenu que, lisibles et claires, elles lui étaient parfaitement opposables.

Enfin, la demande de nullité qu’entend également former l’intimée sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits est irrecevable devant la présente cour, qui, au regard des dispositions mêmes de ce texte et de l’article D.442-3 du code précité, n’a pas compétence pour statuer sur les litiges relatifs à l’application de l’article ainsi visé.

Sur l’indemnité de résiliation :

Invoquant l’article 14.3.1 des conditions particulières de téléphonie fixe, la SAS Société Commerciale de Télécommunication sollicite le paiement de la somme de 11.492,40 euros à titre d’indemnité de résiliation.

Elle précise qu’il ne s’agit pas d’une clause pénale, mais d’une simple clause de dédit qui n’est pas susceptible de révision, et qu’en tout état de cause, le montant réclamé n’est pas excessif.

La SAS Marlit, faisant valoir que la résiliation a été immédiate, que l’appelante n’a supporté aucun frais et ne justifie d’aucun investissement susceptible de fonder le montant de son préjudice allégué, demande que, s’agissant d’une clause pénale manifestement excessive, l’indemnité soit réduite à une somme qui ne saurait excéder 1.500 euros.

Sur ce, dans la mesure où la clause litigieuse ne tend pas à assurer l’exécution du contrat mais permet au client de dénoncer celui-ci et de se libérer unilatéralement de ses engagements avant le terme fixé, moyennant le règlement d’une indemnité conventionnellement prévue, elle doit s’analyser, non en une clause pénale, mais en une faculté de dédit, laquelle échappe au pouvoir du juge de réduire l’indemnité convenue.

S’agissant du montant de ladite indemnité, au vu des pièces produites, la SAS Société Commerciale de Télécommunication est, par application de l’article 14.3.2 des conditions particulières de téléphonie fixe, fondée à solliciter à ce titre la somme de 11.492,40 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Marlit à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication, au titre de l’indemnité de résiliation du contrat de services téléphonie fixe, la somme de 11.492,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019,

La condamne à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SAS Marlit aux dépens, ceux d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x