Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 66A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2023
N° RG 21/07352
N° Portalis DBV3-V-B7F-U4H4
AFFAIRE :
S.A.S. XP FIBRE (anciennement dénommée SFR FTTH)
C/
COMMUNE D'[Localité 4], prise en la personne de son Maire en exercice Monsieur [X] [Y]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Novembre 2021 par le Juge de la mise en état du TJ de NANTERRE
N° Chambre : 7
N° RG : 20/04320
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Danielle ABITAN-BESSIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. XP FIBRE (anciennement dénommée SFR FTTH)
RCS 844 717 587
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2167651
Représentant : Me Pierre-olivier CHARTIER de l’AARPI CBR & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R139
Représentant : Me Pierre LE BOUEDEC de la SELARL SYMCHOWICZ-WEISSBERG & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R254
APPELANTE
****************
COMMUNE D'[Localité 4], prise en la personne de son Maire en exercice Monsieur [X] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Danielle ABITAN-BESSIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 01
Représentant : Me Laurent BEAULAC de l’AARPI GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D0323
INTIMEE
***************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCEDURE :
L’opérateur Société française du radiotéléphone (ci-après, la société SFR) s’est vu confier le déploiement du réseau de fibre optique sur la commune d'[Localité 4]. Une filiale de la société SFR, la société SFR Ftth, devenue par la suite la société Xp Fibre, l’a installé et le gère désormais.
Invoquant des défaillances dans le fonctionnement du réseau, la commune d'[Localité 4] a, par acte du 8 juin 2020, fait assigner la société SFR Ftth devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin que soit reconnue sa responsabilité dans le déficit de sécurisation des points de mutualisation en tant qu’opérateur d’infrastructures et qu’il lui soit enjoint de prendre de nouvelles mesures permettant une meilleure sécurisation des points de mutualisation sur l’ensemble du territoire de la commune d’Argenteuil et une meilleure contractualisation des sous-traitants.
Par conclusions d’incident du 27 janvier 2021, la société SFR Ftth a saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la commune d'[Localité 4].
Par ordonnance du 25 novembre 2021 et par ordonnance rectificative du même jour, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– dit que la commune d'[Localité 4] avait intérêt à agir,
– débouté la société SFR Ftth de sa fin de non-recevoir,
– renvoyé l’affaire à la mise en état.
Le juge de la mise en état a retenu que l’action de la commune d'[Localité 4] était recevable dès lors qu’elle concernait le déploiement et le bon fonctionnement d’un réseau de fibre optique dans le cadre du plan d’intérêt national « France Très Haut Débit », ce plan répondant à l’intérêt public local au nom duquel la collectivité territoriale est fondée à agir.
Par acte du 10 décembre 2021, la société Xp Fibre (anciennement « SFR Ftth ») a interjeté appel, l’affaire ayant été fixée à bref délai.
Par dernières écritures du 2 septembre 2022, la société Xp Fibre prie la cour de :
– infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit que la commune d'[Localité 4] avait intérêt à agir, en ce qu’elle a débouté la société Xp Fibre de sa fin de non-recevoir et renvoyé à la mise en état du 17 mars 2022 pour conclusions au fond,
Statuant à nouveau,
– déclarer la commune d'[Localité 4] irrecevable en son action et ses demandes faute d’intérêt à agir,
Y ajoutant,
– condamner la commune d'[Localité 4] à verser à la société Xp Fibre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la commune d'[Localité 4] aux entiers dépens de l’instance.
La société Xp Fibre fait valoir que le juge de la mise en état a opéré une confusion entre la notion d’intérêt public local, fondant la compétence d’intervention en propre d’une commune et condition de la légalité de son action, et celle d’intérêt à agir, condition de recevabilité de l’action en justice prévue à l’article 31 du code de procédure civile. Elle considère qu’en tout état de cause, l’action ne relevait pas d’un intérêt public local, dès lors qu’elle concernait un intérêt public national et que la commune avait transféré sa compétence en matière de réseaux de communications électroniques au syndicat intercommunal de la périphérie de [Localité 5] pour les énergies et les réseaux de communication. Elle soutient par ailleurs que la commune ne justifie pas d’un intérêt personnel, au sens de l’article 31 du code de procédure civile, dans la mesure où son action vise exclusivement à défendre l’intérêt de tiers, ses habitants, les interruptions de services alléguées étant exclusivement subies par les abonnés des opérateurs résidant sur le territoire de la commune. Elle ajoute que la commune ne démontre pas davantage disposer d’un intérêt personnel à l’action, laquelle vise à ce que soient ordonnées des mesures pour des infrastructures dont le déploiement, qui n’a pas été décidé par la commune, l’exploitation et l’entretien sont exclusivement financés par la société Xp Fibre, dont la commune n’est ni propriétaire ni exploitante et sur lesquelles elle ne dispose d’aucune prérogative de régulation ou de contrôle.
Par dernières écritures du 14 avril 2022, la commune d'[Localité 4] prie la cour de :
– rejeter les conclusions d’appel de la société Xp Fibre et en conséquence,
– confirmer l’ordonnance déférée,
– condamner la société Xp Fibre à verser à la commune d'[Localité 4] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Xp Fibre aux entiers dépens avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La commune d'[Localité 4] soutient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile, compte tenu du rôle qu’elle doit tenir envers ses administrés. Elle considère qu’elle justifie d’un intérêt à agir en défense d’intérêts pluri-individuels, compte tenu de la mise en place par son conseil municipal d’une commission de suivi sur le déploiement et l’exploitation de la fibre sur le territoire communal afin d’assurer la mise en ‘uvre d’une qualité suffisante de service pour les usagers. Elle estime par ailleurs que l’intérêt public local est caractérisé, compte tenu du rôle des collectivités territoriales dans le déploiement de la fibre sur leur territoire afin de participer au désenclavement numérique local et de la mise en place de la commission de suivi susmentionnée.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022.
SUR QUOI :
L’article 122 du code de procédure civile énonce que ” Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfx, la chose jugée. ”
En l’espèce, la société Xp Fibre invoque le défaut d’intérêt à agir de la commune d'[Localité 4].
Celui-ci est défini par l’article 31 du code de procédure civile en ces termes : ‘ L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’
Il n’est pas contesté que dans le cadre d’un apport partiel d’actifs, la société SFR a transféré à Xp Fibre ses activités de déploiement de fibre optique. Le cadre légal d’intervention de la société Xp Fibre est celui de l’appel à manifestation d’intention d’investissement (AMII) dans lequel elle a pris des engagements vis-à-vis de l’Etat et déployé sur ses fonds propres un réseau de fibre optique dont elle est propriétaire. Cet engagement a donné lieu à un avis favorable rendu par l’Arcep et à un arrêté du gouvernement du 26 juillet 2018.
La commune n’est ni maître de l’ouvrage ni autorité organisatrice du déploiement.
Pour reconnaître à la commune d'[Localité 4] le droit d’introduire une action contentieuse devant une juridiction de l’ordre judiciaire, le tribunal s’est fondé sur la notion d’intérêt public local, soit sur le rôle et la participation de la commune d'[Localité 4] au déploiement du réseau de fibre optique sur son territoire dans le cadre du plan d’intérêt national ‘France Très haut débit’.
Pour fonder son intérêt direct et personnel à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile, la commune invoque les coupures intempestives du réseau qui sont dommageables pour l’ensemble des habitants de la commune.
Le code des Postes et communications électroniques , notamment ses articles L32-1 I 3e, L33-13 et L36-11, donne compétence à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour contrôler et éventuellement sanctionner les manquements constatés dans la bonne application de ces engagements.
La commune d'[Localité 4] dans sa tentative de définition de l’intérêt public local fondant son action est amenée à dire que ‘l’intérêt légitime des collectivités territoriales à engager une action civile résulte ni plus ni moins de la compétence générale dont elles disposent pour les affaires de leur territoire.’ Dès lors, elle fait de la reconnaissance de l’intérêt à engager une action contentieuse une notion automatique dès lors qu’il s’agit d’un domaine dont elle a droit de connaître au plan local en vue de satisfaire un besoin communal ou qui a une simple incidence sur ses habitants.
Seule l’Arcep et le ministre chargé des communications électroniques sont habilités à réguler, contrôler et sanctionner les opérateurs au titre de l’exploitation de leur réseau de fibre optique.
Si la notion d’intérêt public local permet effectivement à la commune de donner son avis par le biais de son conseil municipal, conformément aux dispositions de l’article L2121-29 du code général des collectivités territoriales (CGCT), et de créer une commission de suivi pour émettre des voeux sur un tel sujet d’intérêt local, toutes latitudes légitimement revendiquées par l’intimée, cela ne lui permet pas de se constituer un intérêt à agir direct et personnel pour exercer en justice une action dont la visée est réservée à d’autres organes.
Il est d’ailleurs relevé par la cour de ce point de vue que la commune d'[Localité 4] a saisi l’Arcep au sujet des dysfonctionnements qu’elle déplore.
La présence d’intérêts collectifs des habitants, caractérisant un intérêt public local, ne peut être assimilé à un intérêt personnel de la commune à agir au contentieux car les intérêts de la commune ne se confondent pas avec ceux de ses habitants (CE, 22 mai 2012, n° 326367, Commune de Vauxcéré).
Sans même examiner la question de savoir si le transfert de sa compétence au Sipperec, établissement public intercommunal, ne rend pas également sa demande irrecevable, la cour infirme l’ordonnance entreprise.
Succombant, la commune d'[Localité 4] sera condamnée à supporter les dépens .
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Xp Fibre la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant contradictoirement :
Infirme l’ordonnance du 25 novembre 2021, telle que rectifiée par une seconde ordonnance datée du même jour, rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu’elle a dit que la commune d'[Localité 4] a intérêt à agir, en ce qu’elle a débouté XP Fibre (anciennement SFR FTTH) de sa fin de non- recevoir et renvoyé à la mise en état du 17 mars 2022 pour conclusions au fond,
Statuant à nouveau :
– déclare la commune d'[Localité 4] irrecevable en son action et ses demandes faute d’intérêt à agir,
Y ajoutant,
Déboute la société Xp Fibre de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la commune d'[Localité 4] aux entiers dépens de l’instance.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,