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N° RG 22/02074
N° Portalis DBVX-V-B7G-OF54
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT ETIENNE
Référé
du 10 mars 2022
RG : 22/00034
S.A. ORANGE
C/
[U]
[W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 04 JANVIER 2023
APPELANTE :
S.A. ORANGE représentée par son dirigeant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Florence AMSLER de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781
Assistée de Me Marie-Gabrielle BAILLET, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
M. [C] [U]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Mme [M] [W] épouse [U]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentés par Me Eric DE BERAIL de la SELARL KAIROS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 916
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 23 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 04 Janvier 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistées pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
[C] et [M] [U] (ci-après les époux [U]) sont propriétaires dans la commune [Localité 6], au [Adresse 7] (département de la Loire), d’une parcelle cadastrée D [Cadastre 4] sur laquelle est édifiée une maison qui constitue leur domicile.
Le 25 juin 2021, [M] [U] a souscrit auprès de la société Orange un contrat internet, offre Livebox Up, lui permettant de bénéficier d’un accès internet et d’une ligne fixe.
Le câble permettant l’acheminement des communications vers son domicile s’appuyait sur des poteaux situés sur la parcelle voisine, cadastrée D [Cadastre 3], appartenant à [B] [W].
Au motif que ce câble avait été coupé au niveau du poteau érigé sur la parcelle voisine, qu’ils ne pouvaient plus de ce fait bénéficier des services délivrés par la société Orange et que celle-ci n’avait pas remédié à cette situation alors qu’il lui appartenait de le faire au regard des dispositions contractuelles, les époux [U], arguant d’un trouble manifestement illicite et au visa de l’article 835 alinéa 1 du Code de procédure civile, ont assigné la société Orange devant le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Saint Etienne par exploit du 11 janvier 2022, aux fins, au principal, qu’il lui soit fait injonction sous astreinte de rétablir l’accès au service.
Par ordonnance du 10 mars 2022, le juge des référés a :
Ordonné à la société Orange de rétablir l’accès aux services, objet du contrat Livebox UP souscrit le 25 juin 2021, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance puis, passé ce délai, sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant deux mois, dont il s’est réservé la liquidation,
Condamné la société Orange au paiement de la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Le juge des référés a retenu en substance :
qu’il existe un trouble manifestement illicite au regard de l’obligation de continuité du service prévue à l’article D 98-4 du Code des postes et des télécommunications à la charge de la société Orange, d’autant que l’état de santé des époux [U] requiert l’accès à un téléphone fixe de manière permanente ;
qu’aux termes du contrat liant les parties, la société Orange est responsable de la mise en place des moyens techniques nécessaires au bon fonctionnement du réseau jusqu’au point de terminaison ;
que les clauses d’exclusions du contrat ne concernent pas le litige en cause, le fait que le voisin refuse de laisser intervenir la société Orange sur le câble et les poteaux implantés dans sa propriété, ne dispensant pas la société Orange de ses obligations, alors que le câble et les poteaux lui appartiennent ;
que la société Orange doit solliciter au besoin une autorisation judiciaire pour accéder à la propriété du tiers sur laquelle sont implantés les équipements.
Par acte régularisé par RPVA le 16 mars 2022, la société Orange a interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif de l’ordonnance de référé du 10 mars 2022, dont elle repris les termes dans sa déclaration d’appel.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 22 novembre 2022, la société Orange demande à la Cour de :
Infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 10 mars 2022 ;
Et statuant à nouveau :
Constater le refus des époux [U] de procéder à une adduction privée de leur propriété privée et à tout le moins d’accepter toute solution de raccordement temporaire pour bénéficier d’un acheminement immédiat ;
Constater l’absence d’urgence, de dommage imminent et de trouble manifestement illicite, et la caractérisation de nombreuses contestations sérieuses au titre de la demande de rétablissement du service ;
Dire n’y avoir lieu à référé ;
Rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions des époux [U] à l’encontre de la société Orange ;
Condamner les époux [U] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Florence Amsler, Avocat.
La société Orange expose :
que son intervention nécessitait l’autorisation de pénétrer dans la propriété voisine, qui lui a été refusée, et qu’elle n’était donc pas en mesure d’intervenir pour réparer la ligne ;
que des solutions temporaires ont été proposées aux époux [U] qui leur permettaient de bénéficier immédiatement dès le 14 septembre 2021, des accès téléphoniques dans l’attente de trouver une solution pérenne, solutions qu’ils ont rejetées, de même que le prêt d’une Airbox ;
que corrélativement deux solutions définitives étaient proposées aux époux [U], la première consistant à établir un raccordement en passant par leur propre parcelle, la seconde en faisant un raccordement passant par la parcelle cadastrée D[Cadastre 2] et le chemin communal, ces solutions étant également refusées par les époux [U] ;
que compte tenu de l’astreinte prononcée et de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé, elle a introduit une instance à l’encontre de [B] [W] afin d’obtenir l’accès à la ligne sur sa propriété, demande à laquelle il a été fait droit ;
qu’elle a pu intervenir le 23 Août 2022 et a constaté à cette occasion que l’installation était désuète et que les barrières électrifiées utilisées par [B] [W] pour parquer ses chevaux risquaient de compromettre la qualité du service.
L’appelante soutient en premier lieu qu’il n’existe aucun trouble manifestement illicite, au sens de l’article 835 alinéa 1er du Code de procédure civile, en ce que :
au regard des dispositions législatives, réglementaires et contractuelles, notamment de l’article D 407-2 du Code des postes et des communications et l’article 4-2 des dispositions contractuelles, elle n’est tenue d’effectuer le raccordement au réseau que s’il existe, à l’intérieur de la propriété desservie, des gaines techniques et des passages horizontaux permettant la pose des câbles jusqu’au point de terminaison ;
les difficultés ne relèvent aucunement d’une défaillance du réseau, mais d’une difficulté de raccordement en partie privative à laquelle la société Orange demeure parfaitement étrangère ;
l’absence de service provient exclusivement d’un raccordement désuet et d’une adduction non conforme en partie privative ;
la société Orange est bien intervenue et a proposé dès le 14 septembre 2021, alors qu’elle était confrontée au refus du propriétaire voisin, une solution temporaire visant à immédiatement raccorder les époux [U] via le chemin communal dans l’attente d’un raccordement définitif, ce qu’ils ont refusé, alors que cela leur permettait de bénéficier immédiatement d’un acheminement de ses communications téléphonique ;
la société Orange a également, dès sa première intervention, proposé aux époux [U] deux solutions alternatives définitives leur permettant de bénéficier de leur ligne sans passer par le fonds voisin, la première par une adduction réalisée sur leur propriété, sur la parcelle D [Cadastre 4], la seconde en passant par la parcelle cadastrée D [Cadastre 2] et le chemin communal, solutions qu’ils ont également refusées ;
après avoir obtenu l’autorisation d’accéder à la propriété du voisin, elle a constaté que l’installation était désuète et que toute intervention était extrêmement difficile à réaliser et que son efficacité ne serait pas garantie, compte tenu des barrières électrifiées présentes sur la propriété susceptibles de perturber le réseau et qu’il est nécessaire en tout état de cause de procéder à la reconstruction intégrale de l’adduction privée, ce à la charge des époux [U] ;
au surplus, il est indiqué à l’article 14.1 des conditions générales du contrat que la société Orange reste étrangère à tous litiges qui peuvent opposer le Client à des tiers, sa responsabilité ne pouvant dès lors être envisagée, du fait du conflit qui oppose les époux [U] à leur voisin.
L’appelante soutient en second lieu que l’absence d’évidence de l’illicéité du trouble peut justifier un refus d’intervenir et observe à ce titre :
que [M] [U] a refusé d’attraire [B] [W] à la procédure, dissimulant un conflit familial perdurant depuis plusieurs années ;
que dans la procédure qui l’a opposée à [B] [W], la société Orange a appris de celui-ci que l’installation n’était plus fonctionnelle depuis plusieurs années, [M] [U] ayant recours à des services satellitaires et qu’il s’opposait à l’implantation d’une ligne sur sa propriété dès lors qu’il n’existait aucune servitude permettant d’autoriser le passage sur sa propriété, s’agissant d’un raccordement privé, et en raison des possibilités de raccordement directement par la propriété des époux [U] qui n’était aucunement enclavée ;
que lors de son intervention le 23 août 2022 sur la propriété de [B] [W], elle a pu constater la désuétude de l’installation, qui n’était plus utilisée depuis plusieurs années et qu’une intervention sur sa propriété exigerait une reconstruction complète de l’installation, un élagage de toute la prairie pour permettre le passage de lignes, une mise en accessibilité du terrain avec labour profond, le tout à la diligence des époux [U] puisqu’il s’agit d’une adduction privée ;
que rien ne permet d’imposer à la société Orange de contraindre [B] [W] à un nouveau raccordement privé sur sa propriété privée, d’exiger de sa part un élagage de ses arbres sur toute sa prairie et une mise en accès de sa prairie avec labour profond, ce, alors qu’il n’est justifié d’aucune servitude.
La société Orange ajoute qu’en tout état de cause, il ne lui appartenait pas de mettre en conformité l’accès, l’existence ou l’entretien de l’adduction sur le domaine privé puisque cela relève de la responsabilité du bénéficiaire du service.
Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 21 novembre 2022, les époux [U] demandent à la Cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 10 mars 2022 et rejeter comme mal-fondé l’appel relevé par la société Orange à l’encontre de cette décision ;
Débouter la société Orange de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et la condamner à leur payer la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel, avec distraction au profit de la Selarl Kairos Avocats.
Les intimés exposent :
qu’aux termes de l’article D98-4 du Code des postes et des communications électroniques, dont les dispositions sont reprises dans les conditions générales du contrat, l’opérateur doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l’exploitation du réseau et des services de communications électroniques et pour qu’il soit remédié aux effets de la défaillance du système dégradant la qualité du service pour l’ensemble ou une partie des clients, dans les délais les plus brefs ;
qu’il en résulte que, d’une part, la rupture du câble téléphonique desservant leur parcelle ne peut caractériser un quelconque manquement de leur part aux obligations contractuelles dès lorsqu’elle est survenue au droit d’un poteau implanté en dehors de leur propriété, que, d’autre part, la société Orange a manqué à son obligation légale d’assurer un service permanent, et à son obligation contractuelle de délivrance d’une desserte téléphonique ;
qu’il ne peut sérieusement être soutenu par la société Orange qu’il n’existerait pas de défaillance du réseau, motif pris qu’il procéderait d’une section du câble de desserte, dès lors que le réseau téléphonique filaire est composé d’ouvrages de support et de câbles propres à transmettre un signal numérisé et que la rupture du câble desservant l’habitation des époux [U] constitue donc à l’évidence une défaillance du réseau ;
qu’au cas présent, le réseau téléphonique devant assurer la desserte du fonds appartenant aux époux [U] comporte un embranchement sur la propriété de [B] [W], qui supporte 4 poteaux, édifiés de très longue date et par application de l’article 690 du Code civil, l’implantation de ces poteaux depuis beaucoup plus que trente ans, ce dont ils justifient, a généré au profit de la société Orange une servitude du fait de l’homme qu’il lui appartient de faire respecter ;
qu’en conséquence, le refus opposé par [B] [W] d’un accès à sa propriété ne peut constituer une quelconque cause étrangère exonératoire ;
que la seule lecture de l’article 14-1 du contrat démontre que le refus de donner accès à sa propriété par [B] [W] ne relève aucunement de la clause exclusive de responsabilité du contrat, un tel refus n’étant pas irrésistible ;
que les solutions alternatives proposées par la société Orange sont dépourvues de toute crédibilité, notamment l’implantation d’un poteau sur la parcelle [Cadastre 4] qui n’est pas pertinente dès lors notamment que cette parcelle n’appartient plus aux époux [U], qui en ont fait la donation à leur fils et que cette parcelle se situe à plus de 120 mètres de la voie publique, et également le prêt d’une Airbox 4G qui n’est pas de nature à dispenser la société Orange de ses obligations.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, les demandes de la société Orange tendant à voir la Cour “constater” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
1) Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite
L’article 835 du Code de procédure civile dispose :
‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Au sens de l’alinéa 1er ce texte, le trouble manifestement illicite consiste en toute perturbation qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
En l’espèce, il est constant :
qu’il existait initialement une desserte téléphonique du fonds appartenant aux époux [U] (parcelle [Cadastre 4]), le câble assurant cette desserte téléphonique étant supporté par plusieurs poteaux implantés sur le fonds appartenant à [B] [W] (parcelle [Cadastre 3], qui jouxte la parcelle [Cadastre 4]) ;
que le 25 juin 2021, les époux [U] ont souscrit auprès de la société Orange une offre live Box, qui leur permettait de bénéficier d’un accès internet et d’une ligne fixe ;
que le câble téléphonique ayant été coupé au niveau d’un poteau érigé sur la parcelle [Cadastre 4], les services délivrés par la société Orange n’ont pu être mis en activité ;
qu’un technicien est intervenu sur les lieux pour remédier à cette interruption de service, mais n’a pu y procéder, [B] [W] s’opposant à ce qu’il pénètre sur sa propriété pour intervenir.
La société Orange ne conteste pas par ailleurs que le câble et les poteaux implantés sur la propriété de [B] [W] sont sa propriété.
Aux termes du contrat souscrit, versé aux débats :
la société Orange s’engage à mettre en oeuvre les moyens techniques nécessaires au bon fonctionnement du service téléphonique jusqu’au point de terminaison (article 5) ;
il appartient au client de veiller à la conservation en bon état des canalisations, gaines et passage de câbles situés à l’intérieur de la propriété desservie et mis à la disposition d’Orange pour la fourniture du service téléphonique (article 6-3) ;
Orange est responsable de la mise en place des moyens techniques nécessaires au bon fonctionnement du réseau et du service téléphonique jusqu’au point de terminaison, sa responsabilité n’étant toutefois pas engagée en cas de force majeure ou de fait d’un tiers (article 14).
Il ressort ainsi des dispositions contractuelles que, dès lors que la ligne téléphonique dont doivent bénéficier les époux [U] en vertu du contrat souscrit n’est pas en état de fonctionnement, il appartient à la société Orange de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement de la ligne, ce qui n’est que la stricte application du contrat souscrit entre les parties, et plus précisément des dispositions de l’article 5.
En ce sens, la société Orange ne pouvait arguer, pour s’affranchir de ses obligations, d’une difficulté de raccordement en partie privative du fonds [U] dès lors que le dysfonctionnement se situe en réalité au niveau des poteaux implantés sur le terrain de [B] [W] et des câbles supportés par ces poteaux, et que la ligne qui supporte le réseau est déjà en place.
Elle ne pouvait pas plus se prévaloir de ce que [B] [W] lui refusait l’accès à sa parcelle dès lors que, comme l’a retenu à raison le premier juge, les poteaux et le câble passant sur cette parcelle sont sa propriété et qu’il lui appartenait de mettre en oeuvre les moyens nécessaires, y compris par une action en justice, pour pourvoir intervenir sur la propriété [W], ce qu’elle a d’ailleurs fait après que soit intervenue l’ordonnance querellée.
Enfin, elle n’était pas fondée à opposer la clause exclusive de garantie figurant à l’article 14-1 du contrat, selon laquelle elle est étrangère à tous litiges qui peuvent opposer le client à des tiers à l’occasion du contrat, dès lors que le seul litige existant est celui qui oppose la société Orange à [B] [W], sur la parcelle duquel sont implantés les poteaux appartenant à la société Orange.
Reste que la société Orange justifie en cause d’appel qu’après avoir obtenu l’autorisation judiciaire de pénétrer sur la parcelle de [B] [W], elle a pu faire intervenir un technicien sur les lieux.
Or, il ressort du rapport établi par le technicien Orange à cette occasion, agrémenté de photographies (pièce 15 appelante) :
que sur cinq poteaux présents sur le parcours de la ligne, 4 poteaux en bois sont à remplacer impérativement, dont trois sont en mauvais état et dangereux ;
que le câble est en très mauvais état et doit être remplacé sur tout le parcours, soit environ 200 mètres, ce câble étant décroché sur une moitié du parcours et coupé sur environ 50 mètres ;
que le remplacement du câble ne peut avoir lieu que si un élagage conséquent des arbres est effectué afin d’assurer une bonne stabilité de la ligne et respecter les normes de sécurité, environ 140 mètres d’élagage étant à prévoir ;
que l’accès selon les conditions climatiques risque d’être compliqué, voire non réalisable ;
que l’accès à la ligne dépend de la présence et de l’autorisation du propriétaire du terrain, aucune intervention n’étant possible si le propriétaire est absent ;
qu’une zone de clôtures électriques à proximité du câble est susceptible de provoquer des perturbations sur la ligne, ce qui a déjà était observé précédemment notamment en avril 2016 (pièce 6 appelante).
Enfin, il est constant que [B] [W], propriétaire de la parcelle sur laquelle se trouve les poteaux et les câbles litigieux, s’oppose formellement à ce que la société Orange intervienne sur son terrain, soutenant notamment qu’il n’existe aucune servitude et que les poteaux qui sont situés sur son terrain le sont en réalité sans droit ni titre.
La Cour ne peut que constater, au regard de ces éléments :
que la remise en état de l’ancienne ligne se heurte à de nombreuses difficultés, dont il n’est pas établi qu’elles seraient surmontables, en tous cas rapidement, notamment en raison des actions en justice qu’il serait nécessaire de diligenter du fait de l’opposition de [B] [W] à ce que la société Orange intervienne sur son terrain et de l’incertitude du bien ou mal fondé de son opposition à ce jour ;
qu’il n’est en outre pas établi que le rétablissement de l’ancienne ligne permettrait un fonctionnement normal de l’installation, du fait de la présence de la clôture électrique présente sur le terrain de [B] [W] qui a déjà été à l’origine de la perturbation de la ligne querellée.
La Cour observe en outre :
que dès qu’elle a eu connaissance du dysfonctionnement de la ligne déjà en place, la société Orange a proposé des solutions de raccordement temporaires qui permettaient aux époux [U] de bénéficier immédiatement d’accès téléphoniques (notamment raccordement via le chemin communal) ;
que corrélativement, deux solutions définitives ont été proposées par la société Orange, en premier lieu un raccordement de la propriété des époux [U] en utilisant leur propre parcelle ([Cadastre 4]) pour raccorder leur domicile au réseau du domaine public, le procès verbal d’intervention du technicien attestant que cette proposition a bien été faite aux époux [U], contrairement à ce que ceux-ci soutiennent (pièce 7 et 8 appelante), étant observé, à l’examen des pièces versées aux débats, que la distance de raccordement est équivalente à celle existant actuellement et que les époux [U] ne justifient pas avoir opposer leur qualité d’usufruitier de la parcelle lorsque cette proposition leur a été faite, en seconde lieu un raccordement en passant par la parcelle [Cadastre 2] et le chemin communal, étant observé que la société Orange justifie avoir proposé aux époux [U] de supporter le coût du raccordement privé de leur propriété jusqu’au chemin communal (pièce 8 appelante) ;
que toutes ces solutions ont été refusées par les époux [U].
Or, si la société Orange est tenue en vertu du contrat souscrit avec les époux [U] de fournir un accès téléphonique, pour autant il est justifié qu’elle a mis tout en oeuvre pour permettre cet accès et que si une solution n’a pu être mise en place, c’est en raison :
de difficultés dont la société Orange n’a pas la maîtrise, dont l’ampleur a été révélée à l’occasion du transport sur les lieux par la suite opéré, outre qu’il n’est pas certain que le rétablissement de l’ancienne ligne permettrait de rétablir un accès fonctionnel ;
du refus systématique opposé par ses contractants de trouver une solution pérenne, sans réelle justification.
Enfin, il n’est aucunement certain que la société Orange bénéficie du droit d’intervenir sur le fonds [W] pour remettre en état la ligne en place, ce qui suppose que soit reconnue l’existence au profit de la société Orange d’une servitude, laquelle doit être judiciairement reconnue, y compris s’agissant d’une servitude résultant des dispositions de l’article 690 du Code civil telle qu’invoquée par les époux [U], étant observé que les pièces produites par les intimés sont bien insuffisantes pour établir une implantation des poteaux depuis plus de trente ans (attestation établie sans respecter les dispositions des articles 200 et suivants du Code de procédure civile, deux pages d’un acte de cession qui n’identifie pas les parcelles cédées, et photographies de poteaux non identifiables).
Dès lors, s’il est exact que la société Orange n’assure pas le fonctionnement de la ligne, comme elle s’y était engagée aux termes des dispositions contractuelles, il n’est pas pour autant établi que ces dispositions contractuelles peuvent être respectées en remettant en état la ligne initiale.
Il en résulte qu’aucun trouble manifestement illicite au sens de 835 alinéa 1er du Code de procédure civile ne peut être retenu.
La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu’elle a ordonné à la société Orange de rétablir l’accès aux services, objet du contrat Livebox UP souscrit le 25 juin 2021, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance puis, passé ce délai, sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant deux mois, en se réservant la liquidation de l’astreinte et, statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des époux [U].
2) Sur les demandes accessoires
Les époux [U] succombant, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné la société Orange aux dépens et à payer aux époux [U] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et statuant à nouveau :
Condamne les époux [U] aux dépens de la procédure de première instance et rejette la demande présentée par les époux [U] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance.
La Cour condamne les époux [U], parties perdantes, aux dépens à hauteur d’appel avec droit de recouvrement au profit de Maître Florence Amsler, Avocat.
Enfin, en équité, au regard de la nature de l’affaire, la Cour retient qu’il n’est pas justifié de faire droit à la demande présentée par la société Orange sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme la décision déférée dans son intégralité et, statuant à nouveau :
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de [C] et [M] [U] ;
Condamne [C] et [M] [U] aux dépens de la procédure de première instance ;
Rejette la demande présentée par [C] et [M] [U] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance ;
Condamne [C] et [M] [U] aux dépens à hauteur d’appel avec droit de recouvrement au profit de Maître Florence Amsler, Avocat ;
Rejette la demande présentée par la société Orange sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT