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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00672 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7FW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2021 – Tribunal de proximité d’AUBERVILLIERS – RG n° 11-21-000562
APPELANT
Monsieur [M] [R]
né le 5 septembre 1968 à [Localité 5] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Arnault GROGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1281
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/053731 du 28/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
substitué à l’audience par Me Shahena SYAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1281
INTIMÉE
La société BOUYGUES TELECOM, société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 397 480 930 03498
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873
substitué à l’audience par Me Charlène DUBOIS de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Ophanie KERLOC’H, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 7 juin 2017, M. [M] [R] a souscrit une offre Bbox portant sur des services internet, de télévision et de téléphonie fixe, au tarif mensuel de 7,99 euros durant 12 mois puis de 22,99 euros.
Le 8 juin 2017, la société Bouygues télécom a expédié le matériel.
Le 24 juillet 2017, M. [R] a adressé un courrier à la société Bouygues télécom se plaignant de n’avoir pas réceptionné le matériel Bbox.
Le 13 septembre 2017, la société Bouygues télécom a de nouveau expédié le matériel.
Le 25 octobre 2017, M. [R] a par courriel indiqué avoir refusé le colis car il était ouvert.
Le 24 janvier 2018, M. [R] a par courriel sollicité le remboursement de l’ensemble des factures émises depuis le mois de juin 2017 en indiquant qu’il n’avait jamais réceptionné son équipement Bbox.
Le 7 février 2018, la société Bouygues télécom répondait ne pas pouvoir répondre favorablement à cette demande car elle considérait qu’il avait reçu le matériel et que celui-ci était d’ailleurs utilisé.
Le 31 juillet 2018, M. [R] a fait opposition à tous les prélèvements de la société Bouygues télécom et le 25 octobre 2018, cette dernière a résilié le contrat.
Le 6 novembre 2018, le matériel était noté comme restitué par la société Bouygues télécom.
M. [R] a alors saisi le tribunal de proximité d’Aubervilliers par déclaration au greffe lequel, par jugement du 18 avril 2019, a constaté que les demandes dépassaient le taux de premier ressort.
Par assignation du 29 avril 2021, il a de nouveau saisi le tribunal de proximité d’Aubervilliers d’une demande en remboursement des frais de résiliation de l’ancien opérateur Free pour 100 euros, des factures juillet 2017 à août 2018 pour 435 euros et en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2021 auquel il convient de se reporter, le tribunal a débouté M. [R] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens, et déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société Bouygues télécom en paiement des factures mensuelles du 23 juin 2018 au 23 novembre 2018. Il a rejeté toutes les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il a considéré que la prescription était d’un an en application de l’article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques, que le jugement du 19 avril 2018 avait certes interrompu la prescription mais qu’un nouveau délai de plus d’un an s’était écoulé avant l’assignation du 29 avril 2021 si bien que la demande en paiement des factures de juillet 2017 à août 2018 était prescrite.
Pour rejeter la demande de dommages et intérêts, il a relevé que M. [R] n’apportait pas la preuve de ce que la Bbox n’avait pas été livrée et que l’activation de la ligne fixe et les nombreuses communications passées entre le 23 novembre 217 et le 22 août 2018 démontraient qu’elle avait été mise en service. Il a souligné l’importance des sommes réclamées à ce titre.
Il a considéré que la preuve du caractère abusif du refus de la société Bouygues télécom d’accéder à ses demandes n’était pas apportée.
Il a enfin relevé que M. [R] ne démontrait pas avoir payé une indemnité de résiliation à la société Free.
Pour déclarer irrecevable la demande en paiement de la société Bouygues télécom, il a considéré qu’elle était prescrite en application de l’article L. 34-2 du code des postes et communications électroniques.
Par déclaration enregistrée au greffe le 4 janvier 2022, M. [R] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2023, M. [R] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement et statuant à nouveau,
– de condamner la société Bouygues télécom à lui payer la somme de 5 000 euros pour le préjudice moral et financier subi,
– de condamner la société Bouygues télécom à verser à Maître Arnault Grognard, avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,
– de condamner la société Bouygues télécom aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il fait valoir qu’il a multiplié les démarches auprès de la société Bouygues télécom pour indiquer qu’il n’avait jamais reçu sa Bbox, que la première n’est jamais arrivée au point relais, comme le démontre les échanges entre les parties, qu’une seconde lui a été envoyée au mois de septembre 2017 mais qu’il a dû le 29 septembre 2017 refuser le colis la boîte ayant été ouverte, qu’il a transmis le 25 octobre 2019 à la société Bouygues télécom des photographies du colis endommagé. Il indique que la société Bouygues télécom n’a jamais pris en compte son refus de recevoir le matériel du 29 septembre 2017, que ses documents ne mentionnent pas ce refus, qu’elle n’a pas fait de troisième expédition, et que si elle a enregistré en interne le retour des équipements le 6 novembre 2018 en considérant qu’il était en possession de ce matériel ce qui n’était pas le cas. Il soutient que la société Bouygues télécom ne prouve pas la livraison, qu’il est victime d’une arnaque, qu’il semble qu’un tiers ait récupéré et utilisé l’équipement qui lui était destiné et que la société Bouygues télécom informée a laissé faire. Il indique qu’il a fini par mettre fin aux prélèvements.
Il soutient n’avoir jamais pu bénéficier des services de la Bbox, que les procédures qui en ont résulté, les problèmes financiers que cela a entraîné, l’ont fortement stressé et qu’il souffre désormais d’une forte anxiété et que ceci a contribué à sa dépression, qu’il prend régulièrement depuis lors des anxiolytiques et est diabétique, cette dépression ayant aggravé son état de santé, qu’il a l’impression de ne pas être entendu et de passer pour un escroc, alors qu’il a clairement été victime d’une escroquerie d’un tiers ou à tout le moins d’un dysfonctionnement des services client de Bouygues télécom.
En réponse aux conclusions de la société Bouygues télécom, il indique qu’il ne conteste pas qu’un tiers ait pu prendre pris possession de la Bbox qui ne lui a jamais été remise, que celle-ci ait dès lors pu servir et que des communications aient pu être passées mais que ce n’est pas lui qui en est à l’origine et que d’ailleurs, il n’a pas pu passer les 3 heures de communications mentionnées entre le 23 novembre au 22 décembre 2017 ni celles du 23 février 2018 au 22 mars 2018 car il était en Algérie. Il précise vivre seul et ajoute que les factures ne constituent pas une preuve.
Par conclusions notifiées le 25 avril 2022, la société Bouygues télécom demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. [R] de ses demandes, fins et conclusions et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Elle fait valoir qu’elle prouve avoir envoyé les Bbox, que suite à l’expédition de la première Bbox, M. [R] a adressé son courriel à une adresse invalide ([Courriel 6]) si bien qu’elle ne l’a jamais reçu, que ceci figurait d’ailleurs sur le mail auquel il a répondu et qu’une réponse automatique lui a été envoyée, que ce n’est donc qu’à la suite du courrier du 24 juillet 2017 de M. [R] qu’elle a été informée de la non-réception du premier envoi.
Elle soutient avoir envoyé une seconde Bbox le 13 septembre 2017, que pour lui faire savoir qu’il avait refusé le colis, M. [R] a de nouveau utilisé une adresse mail invalide ([Courriel 7]), qui a fait l’objet d’une nouvelle réponse automatique, qu’elle n’a donc pas eu connaissance de ce courriel. Elle souligne que les pièces jointes audit courriel sont en outre parfaitement illisibles et ne permettent pas de déterminer la nature du colis qui aurait été refusé et que rien ne permet de le rattacher à M. [R]. Elle soutient qu’il a bien récupéré son matériel Bbox, ce qui lui a permis d’utiliser ses services fixes de manière active et régulière. Elle précise qu’eu égard à l’ancienneté des faits, elle n’est pas en mesure de verser aux débats les communications passées antérieurement au mois de novembre 2017.
Elle ajoute que M. [R] est le demandeur et qu’en cette qualité et conformément aux dispositions de l’article 1353 alinéa 1 du code civil, il doit prouver ce qu’il avance alors qu’elle-même prouve s’être libérée de son obligation et rapporte la preuve matérielle qu’elle a dûment exécuté le contrat qui la lie à M. [R]. Elle fait enfin valoir que M. [R] a lui-même restitué le matériel ce qui prouve qu’il l’avait bien en sa possession.
Elle conteste les préjudices invoqués alors même que les créances ont été déclarées prescrites, que M. [R] a contribué selon elle à son propre préjudice et que les sommes demandées ne sont pas justifiées.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève que bien que M. [R] demande l’infirmation du jugement, il ne redemande pas le remboursement des factures ni le coût de la résiliation de son ancien opérateur Free. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de ces chefs. De même la société Bouygues télécom ne remet pas en cause l’irrecevabilité de ses demandes de paiement.
S’agissant de la demande de dommages et intérêts présentée par M. [R], elle est fondée sur le fait qu’il n’aurait jamais eu de Bbox, qu’il aurait été prélevé de sommes indues de ce fait et que cette situation aurait dégradé son état de santé.
S’agissant des prélèvements indus, ceci a été définitivement rejeté par le premier juge et la cour ne peut donc réexaminer cette situation.
Sur la privation des services de la Bbox, la société Bouygues télécom ne conteste pas que M. [R] n’a jamais reçu sa première expédition mais fait seulement valoir qu’elle n’a pas pu réagir avant le 13 septembre 2017, M. [R] ayant signalé le problème à une adresse mail invalide.
Il résulte en effet des pièces produites qu’elle a expédié la Bbox le 8 juin 2017 et que ce n’est que le 16 juillet 2017 que M. [R] qui écrivait toujours à partir de son adresse Gmail a indiqué qu’il ne l’avait pas reçue. Il est toutefois établi qu’il a pour ce faire répondu au mail envoyé par “[Courriel 6]” alors qu’il était indiqué à la fin “Merci de ne pas répondre à ce courrier électronique : il est émis depuis une adresse technique”. Un message automatique de rejet lui a été envoyé et il a donc envoyé un courrier le 24 juillet 2017.
Ce n’est que le 13 septembre 2017 que la société Bouygues télécom a de nouveau expédié une Bbox. Elle n’explique pas l’importance de ce délai. M. [R] produit un sms par lequel la société Bouygues télécom l’informe de l’envoi par colissimo avec une réception d’ici le 25 septembre [Adresse 1] à [Localité 4].
M. [R] soutient ne jamais avoir accepté la Bbox et a écrit le 25 octobre 2017 “bonjour suite à notre entretien téléphonique de ce jour, vous trouverez ci-joint les photos du colis reçu le 29 septembre 2017 à la poste et les motifs du refus en présence des agents de la poste”. Ce mail n’a pas été rejeté. Il lui a été apporté la réponse suivante “Bonjour cette adresse mail est exclusivement réservée à la réception de documents relatifs à un dossier en cours. S’il vous a été demandé d’envoyer des pièces justificatives à cette adresse par un conseiller ou un technicien votre demande sera bien prise en compte. Dans le cas contraire merci de nous contacter via la page Contact Bouygues Telecom”. Dès lors il apparaît que M. [R] avait bien un dossier en cours et la teneur de son courriel démontre qu’il lui avait été demandé d’envoyer des documents. La société Bouygues télécom ne peut donc soutenir qu’il s’agissait d’une adresse erronée et aurait dû répondre, ce qu’elle n’a pas fait.
La cour observe que s’agissant d’un envoi par colissimo, la société Bouygues télécom qui soutient que la Bbox a bien été remise à M. [R] devrait être en mesure de prouver cette remise par les services postaux ce qu’elle ne fait pas. Le seul fait que la Bbox ait été utilisée ne démontre pas que l’utilisateur est M. [R]. Elle ne démontre pas davantage que c’est M. [R] qui l’a restituée. Elle se borne à produire à cet effet des copies d’écran qui montrent bien une utilisation mais pas l’auteur de cette utilisation et enregistrent une restitution mais pas le nom de son auteur ni ses modalités.
Dès lors il doit être admis que M. [R] n’a jamais été en possession de la Bbox, qu’il a donc été privé de services internet à domicile et qu’il lui a été demandé des factures et qu’il a été l’objet de multiples relances sans qu’il soit tenu compte de ses objections ni que la société Bouygues télécom ait la preuve de la remise de la Bbox par la poste.
Ceci a incontestablement causé un préjudice à M. [R]. Toutefois il n’est en rien démontré que ses problèmes de santé soient en lien avec ce litige qui portait sur des sommes minimes et alors qu’il disposait manifestement d’une adresse mail sans lien avec la Bbox. Une grande partie des factures a été déclarée prescrite et n’a donc pas été recouvrée par la société Bouygues télécom.
Dès lors le préjudice de M. [R] doit être estimé à la somme de 800 euros que la société Bouygues télécom doit être condamnée à lui payer.
La société Bouygues télécom qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et il apparaît équitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes de dommages et intérêts et l’a condamné aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bouygues télécom à payer à M. [M] [R] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société Bouygues télécom aux dépens de première instance et d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 en appel ;
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente