Communication électronique : 18 octobre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.220

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Communication électronique : 18 octobre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.220
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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 octobre 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 678 F-D

Pourvoi n° Y 21-23.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 OCTOBRE 2023

La Société française de radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-23.220 contre l’arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l’opposant à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société française de radiotéléphone, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Orange, après débats en l’audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 16 septembre 2020, pourvoi n° 18-26.615), en 2006, la société Orange, opérateur historique de télécommunications en France, a publié une offre de vente en gros d’accès au service téléphonique dite « offre VGAST », à laquelle la Société française de radiotéléphone (la société SFR) a souscrit. Cette dernière, devenue le premier opérateur alternatif en téléphonie fixe, a envisagé de lancer une offre concurrente de l’offre dite « offre Résidence secondaire » (l’offre RS), proposée par la société Orange, qui permet à l’occupant d’une résidence secondaire de bénéficier d’un abonnement à une ligne téléphonique fixe et d’obtenir la suspension de sa ligne lorsque la résidence est inoccupée, moyennant le paiement d’une somme minime.

2. Soutenant que la mise en oeuvre, par la société Orange, de modalités tarifaires qui ne permettaient pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre parallèlement le paiement des redevances mensuelles de l’offre VGAST, l’empêchant ainsi de lancer une telle offre dans des conditions économiques viables, constituait une pratique de « ciseaux tarifaires » constitutive d’un abus de position dominante, la société SFR a assigné cette société en réparation du préjudice subi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. La société SFR fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que l’auteur d’une faute délictuelle est tenu d’en réparer l’ensemble des conséquences dommageables, sans que la victime n’ait à limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ; qu’en l’espèce la société SFR avait saisi le juge d’une demande de réparation du préjudice subi du fait de l’abus de position dominante, commis par la société Orange sur le marché de la téléphonie résidentielle à destination des occupants de résidence secondaire, qui ne permettait pas à un opérateur alternatif aussi efficient de répliquer les offres RS sans perte ; qu’en énonçant, pour débouter la société SFR de ses demandes, que “la société SFR est mal fondée à rechercher la réparation d’un préjudice qui est résulté de son propre refus d’obtenir du régulateur qu’elle avait saisi les solutions de nature à y remédier, au besoin par l’exercice des voies de recours ouvertes contre les décisions de celui-ci”, quand la société SFR, victime de l’abus de position dominante invoqué, n’était pas tenue de poursuivre la modification des règles de concurrence existantes, telles que définies ex ante par le régulateur sectoriel afin de minimiser son préjudice, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 1240 du même code, dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016, tous deux applicables au litige ;

3°/ que le compte-rendu du Comité de suivi VGAST en date du 16 septembre 2010 mentionne, quant à la réplicabilité de l’offre Résidence Secondaire de France Télécom, que “les conditions de fourniture sont identiques pour France Télécom et un opérateur alternatif. En effet, par protocole de cession interne, France Télécom s’appuie pour fournir l’offre Résidence Secondaire de détail sur l’offre VGA, comme le ferait n’importe quel opérateur alternatif”, que “SFR considère l’offre non réplicable. SFR avance que la marge de France Télécom sur une telle offre ne saurait être positive, sinon très faiblement, si bien qu’un opérateur alternatif n’a aucun intérêt à la répliquer effectivement” et que “l’ARCEP indique que le faible espace économique spécifique à l’offre d’abonnement Résidence Secondaire résulte des principes comptables actuellement en vigueur dans la comptabilité analytique de France Télécom” ; qu’en affirmant cependant, pour débouter la société SFR de sa demande en réparation, que “dans son compte-rendu du 27 septembre 2010, l’ARCEP a constaté que l’offre RS de la société Orange était réplicable mais ne permettait qu’une marge faiblement positive”, quand il résultait des termes clairs et précis du compte-rendu que l’ARCEP ne s’était pas prononcée sur la faculté, pour un opérateur de répliquer, sur le marché aval, sans perte de l’offre RS, ni même sur la rentabilité pour la société France Télécom des offres RS, se bornant à constater que ces offres étaient, en amont, fondées, comme pour les opérateurs alternatifs, sur l’offre VGAST, la cour d’appel a dénaturé le compte-rendu du 16 septembre 2010, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

4°/ que ni la circonstance tirée de ce que le marché est régulé, ni celle tirée de ce que le tarif de l’offre de gros, sur le marché amont, est contrôlé, n’est de nature à exclure l’existence d’un abus de position dominante sur le marché aval de la distribution au détail de services de téléphonie résidentielle à destination des occupants de résidence secondaire ; que la cour d’appel a constaté l’existence d’un marché pertinent des offres à destination des occupants de résidence secondaire ; qu’en déboutant cependant la société SFR de sa demande en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de position dominante de la société Orange sur ce marché, aux motifs inopérants que “l’ARCEP est seule compétente pour apprécier, décider et contrôler d’office ou à la demande des opérateurs, des règles ou des moyens permettant d’atteindre les objectifs de régulation des marchés des télécommunications électroniques et d’imposer des obligations aux opérateurs puissants sur ces marchés”, qu’elle “a fixé dans le cadre des articles D. 311 et D. 312 du CPCE les modalités techniques et tarifaires de l’offre de vente en gros de l’accès au service téléphonique réglementées pour tous les opérateurs du marché” et que l’offre RS “est liée à la régulation de l’offre VGAST de la société Orange à tous les opérateurs alternatifs du marché” sans rechercher, comme il lui était demandé, si les offres RS de la société Orange sur le marché aval étaient réplicables, sans perte, par un opérateur alternatif aussi efficient, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1240 du même code, dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016, tous deux applicables au litige, ensemble l’article L. 420-2 du code de commerce. »

 


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