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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 16 NOVEMBRE 2023
AC
N° 2023/ 370
Rôle N° RG 23/02126 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKYOG
[Y] [H]
C/
S.A.S.U. TDF (TELEDIFFUSION DE FRANCE)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE
la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de MARSEILLE en date du 10 Janvier 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/02222.
APPELANT
Monsieur [Y] [H]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Reynald BRONZONI de l’AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
S.A.S.U. TDF (TELEDIFFUSION DE FRANCE), dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Laurence DE MONTAUZAN de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Fabien GRABETTE, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2023,
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Y] [H] est propriétaire et usufruitier de la parcelle AP n°[Cadastre 3] située au [Adresse 2] sur laquelle est présente un pylone acceuillant des antennes de radiotéléphonie appartenant à la société TDF.
Considérant que la société TDF ne dispose d’aucun droit ni titre pour installer cet ouvrage sur sa parcelle [Y] [H] a par acte d’huissier délivré le 7 mars 2022 fait assigner la société TDF devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de voir prononcer son expulsion.
Par ordonnance du 10 janvier 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire a Déclaré l’exception d’incompétence formée par la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE recevable, – Constaté la compétence du tribunal administratif de Marseille s’agissant des demandes formulées par Monsieur [Y] [H], – Renvoyé Monsieur [Y] [H] à mieux se pourvoir à l’encontre de la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE, – Condamné Monsieur [Y] [H] à verser à la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles, – Condamné Monsieur [Y] [H] aux entiers dépens.
Par acte du 6 février 2023 [Y] [H] a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance du 9 février 2023 le conseiller de la mise en état a autorisé [Y] [H] à assigner la société TDF à jour fixe.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, l’appelant demande à la cour de :
– Infirmer l’ordonnance d’incident rendue le 10 janvier 2023 par le Tribunal judiciaire de Marseille,
Et, statuant à nouveau : – déclarer l’exception d’incompétence formée par la société TELEDIFFUSION DE FRANCE irrecevable, en toute hypothèse mal fondée,
– débouter la société TELEDIFFUSION DE FRANCE de toutes demandes, fins et conclusions,
– déclarer en conséquence le Tribunal judiciaire de Marseille compétent pour statuer sur la demande de Monsieur [Y] [H]
– condamner la société TELEDIFFUSION DE FRANCE à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la société TELEDIFFUSION DE FRANCE en tous les dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIXEN-PROVENCE, Avocat associé, aux offres de droit.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir:
sur la recevabilité de l’appel
– que si l’ordonnance querellée a été rendue le 10 janvier 2023, la décision a été notifiée aux parties le 17 janvier 2023
– que le délai d’appel n’a pas expiré le 1er février 2023 ;
– que la date du 17 janvier 2023 correspond à la date de délivrance de la grosse et non à la date de notification prévue par l’article 84 du code de procédure civile ;
– que le message transmis par le greffe du tribunal judiciaire de Marseille ne fait qu’indiquer la date de délivrance de la copie aux parties le 17 janvier 2023 et non pas la date de notification ;
sur la recevabilité de la demande :
– qu’il est admis qu’une station radioélectrique n’a pas la qualification d’ouvrage public, ni le support qui l’accueille ;
– que l’installation du pylône chez Monsieur [H] n’a fait l’objet d’aucune autorisation délivrée au titre d’une police administrative ;
– que les dispositions de l’article L 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques sur lequel s’est fondé le premier juge ne peut être appliqué au cas d’espèce ;
– que si les contrats comportant occupation du domaine public, conclus avec une personne publique, sont qualifiés d’administratifs par la loi et la juridiction administrative a compétence exclusive pour connaître des contentieux contractuels ou extracontractuels ayant trait à ces contrats la convention d’occupation des sols invoquée par l’intimé doit etre qualifiée de convention de droit privé conclue sur le terrain d’un tiers par erreur
Par conclusions d’intimée n°2 notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023 l’intimé demande à la cour de :
– REJETER comme irrecevable l’appel de Monsieur [H] ;
A titre subsidiaire,
– CONFIRMER l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER Monsieur [H] à verser la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Monsieur [H] aux entiers dépens de l’instance, directement recouvrés par Me [O] [N] sur son affirmation de droit d’y avoir pourvu.
L’intimé réplique :
– que l’ordonnance a été notifiée le 17 janvier 2023 ;
– qu’en l’espèce le délai d’appel expirait le 1er février 2023 alors que l’appelant a interjeté appel le 06 février 2023.
sur le fond :
– que la société TDF occupe la parcelle AP n°[Cadastre 3] depuis 1980 en vertu d’un titre consenti par la Commune de [Localité 4] en date du 26 juin 1980,
– qu’elle dispose d’un titre sur un emplacement appartenant à la collectivité ou loué par elle dépendant du domaine public ;
– que la commune de [Localité 4] est possesseur de bonne foi de cette parcelle depuis 41 ans ;
– qu’il appartient à l’appelant de trancher la question de la propriété en présence de la commune de [Localité 4] ;
– qu’il appartient au juge administratif de se prononcer sur la légalité du contrat administratif;
MOTIFS DE LA DECISION
sur la recevabilité de l’appel
L’article 84 du code de procédure civile énonce que « le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire. En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire ».
En l’espèce aucune partie ne produit les éléments relatifs à la notification de la décision querellée adressée par le greffe. La mention portée sur la décision revêtue de la force exécutoire indiquant que les copies ont été adressées aux parties le 17 janvier 2023 ainsi que le message électronique communiqué par le greffe reprenant ces éléments ne peuvent en aucun cas être assimilés à la notification prescrite par les dispositions ci dessus.
En conséquence, à défaut de notification effective de l’ordonnance querellée, la cour retient que le délai de 15 jours fixé pour interjeter appel n’a pas commencé à courir, de sorte que [Y] [H] est recevable dans l’appel formé le 6 février 2023.
sur la compétence du juge judiciaire
L’article L.2331-1 du code général de la propriété publique des personnes publiques dispose notamment que «sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires».
Il est admis que l’action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière.
Le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que le juge judiciaire, auquel il serait ainsi demandé de contrôler les conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d’éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique et, partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que, le cas échéant, de priver d’effet les autorisations que celle-ci a délivrées, soit compétent pour connaître d’une telle action.
En revanche, le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d’une part, aux fins d’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le fonctionnement d’une station radioélectrique qui n’a pas le caractère d’un ouvrage public, d’autre part, aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables.
Enfin, il est établi que les contrats comportant occupation du domaine public conclus par une personne publique sont qualifiés d’administratifs par la loi, de sorte que la juridiction administrative a compétence exclusive pour connaître des contentieux contractuels ou extra – contractuels ayant trait à ces contrats.
En l’espèce, l’objet du litige soumis à la juridiction judiciaire ne concerne pas les modalités de formation ou d’exécution de la convention d’occupation du domaine public du 26 juin 1980 conclue entre la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE et la commune de [Localité 4], mais les dommages allégués sur le fondement du trouble anormal du voisinage par [Y] [H] à raison de la présence sur sa parcelle AP n°[Cadastre 3] d’un pylône accueillant des antennes de radiotéléphonie et son expulsion.
L’interdiction d’une immixtion par le juge judiciaire dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en matière de communication et de santé publique conduit à exclure de sa compétence les demandes d’enlèvement ou du déplacement d’une station radioélectrique aux motifs que le fonctionnement de la station radioélectrique serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages.
En revanche celui ci est compétent pour statuer sur les demandes aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière, à des inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables, ce qui est le cas en l’espèce compte tenu de l’objet du litige.
En conséquence le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes formulées par [Y] [H] au titre de la présence du pylône litigieux sur sa parcelle.
Il en résulte que l’ordonnance du juge de la mise en état doit être infirmée en ce qu’elle a constaté la compétence du tribunal administratif de Marseille et renvoyé [Y] [H] à mieux se pourvoir.
Sur les demandes accessoires
En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de condamner la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE qui succombe aux dépens distraits au profit de Maître Romain CHERFILS qui en fait la demande et aux frais irrépétibles qu’il est inéquitable de laisser à la charge de [Y] [H] .
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare [Y] [H] recevable en son appel ;
Infirme l’ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille ;
Statuant à nouveau ;
Rejette l’exception d’incompétence soutenue par la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE ;
Déclare le tribunal judiciaire de Marseille compétent pour connaître des demandes présentées par [Y] [H] ;
Condamne la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE aux dépens et autorise leurs distrations au profit de Maître Romain CHERFILS ;
Condamne la SASU TELEDIFFUSION DE FRANCE à verser à [Y] [H] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le greffier Le président