Clause pénale : 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00475

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Clause pénale : 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00475
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 19 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/00475 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O27B

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 DECEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F19/00034

APPELANTE :

Madame [K] [V] [R]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. GENERATIONS APPLICATIONS INFORMATIQUES (GENAPI)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me MASSEBEUF avocat pour Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 01 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport et devant Madame Magali VENET, Conseillère.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l’absence du Président empêché

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, faisant fonction de Président en l’absence du Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Générations Applications Informatiques (Genapi) Genapi est spécialisée dans l’édition de logiciels informatiques dédiés aux notaires.

Elle relève de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987(SYNTEC-IDCC 1486)

Mme [R] a été engagée par la société Genapi par contrat de travail à durée déterminée à temps complet en qualité de rédactrice juridique, statut employée, coefficient 275, position 2.1 pour la période du 23 février 2005 au 22 août 2005.

A compter du 23 août 2005, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée aux mêmes conditions.

Le 2 mai 2014, elle a été promue au poste de chargée de validation technique du pôle formulaire rédacteur, statut cadre, position 2.2, coefficient 130.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [R] percevait un salaire moyen mensuel brut de 3115,53€

A compter du 24 août 2018, Mme [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.

Le 9 janvier 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier d’une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 9 avril 2019, la société Genapi a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Le même jour, au terme d’une visite de reprise, elle a été définitivement déclarée inapte à son poste.

Le 25 avril 2019, la société Genapi a notifié à Mme [R] son licenciement pour faute grave.

Le 04 juillet 2019, Mme [R] a déposé une nouvelle requête devant le conseil de prud’hommes concernant des demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 14 décembre 2020 le conseil de prud’hommes a

– prononcé la jonction des deux instances

– débouté Mme [R] de toutes ses demandes

– débouté la société Genapi de ses demandes reconventionnelles

– laissé les dépens à la charge des parties

Par déclaration en date du 22 janvier 2021, Mme [R] a relevé appel de la décision en ce qu’elle l’a déboutée de toutes ses demandes et laissé les dépens à la charge des parties.

Vu les dernières conclusions de Mme [R] en date du 23 janvier 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

Vu les dernières conclusions de la SAS Genapi en date du 16 juin 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture est en date du 01 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail:

Sur le retard de paiement des indemnités journalières du 28 décembre 2018 au 25 avril 2019:

L’employeur, qui avait demandé la subrogation de salaire auprès de la CPAM, n’a plus versé le maintien de salaire à Mme [R] à compter du 28 décembre 2018 et n’a régularisé la situation que le 6 mai 2019, lors du versement du solde de tout compte à l’occasion duquel il a payé les indemnités journalières de la CPAM et le complément de la prévoyance.

Par ailleurs, si l’employeur a reçu une notification de la CPAM le 3 janvier 2019 l’informant de la suspension des IJSS à compter du 28 décembre 2018, l’organisme a repris le versement des indemnités journalières auprès de la Société Genapi dès le 12 mars 2019 , de sorte que la société a indûment retenu les sommes perçues jusqu’au 6 mais 2019.

Au regard du préjudice subi lié au retard de versement des indemnités journalières qui a laissé la salariée sans ressources, et dont la mère atteste qu’elle a dû lui apporter une aide alimentaire, il convient de condamner l’employeur à verser à Mme [R] la somme de 500€. La décision sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande.

Sur le non paiement de indemnités journalières du 26 avril au 9 mai 2019:

Mme [R] fait valoir que postérieurement au licenciement, pour la période du 26 avril au 9 mai 2019 soit durant 14 jours, l’employeur n’a pas accompli les démarches auprès de la CPAM afin de faire cesser la subrogation , et qu’il a indûment perçu les indemnités journalière versées par la CPAM pour un montant total de 620,76€ ainsi que le complément de la prévoyance qui assure un maintien de salaire à 100%, sans les lui reverser, soit la somme totale de 1434€.

Le décompte délivré par la CPAM atteste que ces indemnités journalières ont bien été réglées à l’employeur .

Il appartient à l’employeur de prouver qu’il a effectivement payé le salaire, alors qu’en l’espèce, la société Genapi ne justifie pas avoir versé à la salariée les indemnités journalières pour la période du 26 avril au 09 mai 2019 ainsi que le complément prévoyance.

Il convient en conséquence de condamner la société Genapi à verser à Mme [R]

la somme de 1434€ à ce titre. La décision sera infirmée en ce sens.

Sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité:

Sur le harcèlement moral:

L’article L 1152-1 du code du travail dispose que ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.

L’article L1154-1 du code du travail précise qu’il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, dans un courrier adressé au directeur des ressources humaines de la SAS Genapi le 20 septembre 2018, ainsi qu’en copie au comité social et économique et au médecin du travail, Mme [R] a fait état du harcèlement moral dont elle était l’objet depuis plusieurs mois en raison agissements répétés de son supérieur M. [I]: atteinte à sa vie privée, non respect du secret médical lié à son arrêt de travail par ce dernier, volonté de l’impliquer dans les propos racistes qu’il tenait. Elle a également fait grief à M. [I] et M. [Z] d’avoir tenus à son égard des propos désobligeants, contradictoires et dévalorisants et d’avoir exercé des pressions .

A l’appui de ses allégations, elle invoque:

– le compte rendu de l’entretien annuel 2013 mentionnant que Mme [R] avait fait de ‘gros efforts de maîtrise de soi.’

– un mail de M. [Z] en date du 6 avril 201 par lequel il lui fait part de tâches à accomplir, ne contenant aucun propos méprisant ou dédaigneux

– un mail très bref de M. [I] du 1er août 2017 lui indiquant qu’un point travaux se déroulerait’chez moi’, (soit dans son bureau.)

– un échange de mails avec M. [I] en date du 17 octobre 2017, concernant la transmission de documents sans que l’existence d’ordre/contre-ordre n’apparaisse au vu des informations échangées.

– un SMS de Mme [W] du 13 avril 2018 mentionnant en ces termes: ‘à ce qu’il paraît vous lui faites pas de cadeau. Et il peut pas se fier à vos retours me concernant parce que vous m’appréciez’

– des échanges de mails entre M. [I], Mme [N] [S], M. [C] [G], relatifs à déménagement des services en date des 1er , 12 juin 2018 et une demande relative aux fournitures nécessaires au déménagement auquel il a été répondu ‘je passe vous voir ce matin’ par M. [C] [G] , suite aux interrogations de Mme [R]

– un mail de M. [Y] [I] adressé le vendredi 6 juillet 2018 à 09h06 à ‘Genapi-Juridique’concernant la possibilité pour ses collaborateurs d’assister à la retransmission d’un match de foot sans qu’il n’apparaisse que ce mail ait été envoyé plus tardivement à Mme [R] qu’au reste des salariés.

Ces mails et SMS, échangés dans le cadre de la relation de travail ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement exercé par l’employeur à l’égard de Mme [R].

En revanche, Mme [R] verse également aux débats:

– une attestation de Mme [N] [S] rédigée en ces termes:

‘Durant sept années(de 2011 à 2018) j’ai travaillé au sein du service bible de la société Genapi en tant que rédactrice juridique aux côtés de [K] [R]. J’ai pu constater au fil de semaines et à de multiples reprises son anxiété grandissante et son mal être au travail, et ce à chaque fois qu’elle allait se retrouver en réunion seule avec [Y] [I], notre supérieur hiérarchique.

Au point qu’à deux reprises(le 05 mai 2017 et le 27 octobre 2017) j’ai été obligée , alors que ce n’était que le début de la journée, de la faire rentrer chez elle et à voir rapidement un médecin car elle était épuisée, tremblante et en pleurs rien qu’à l’idée d’être en tête à tête avec lui.

Son angoisse grandissait au fil des jours de la semaine jusqu’à atteindre son paroxysme le vendredi après-midi à l’approche de la réunion hebdomadaire, réunion de laquelle elle sortait généralement abattue, au point de s’enfermer dans les toilettes pour pleurer. Lors de ces réunions hebdomadaires, [Y] [I] en profitait pour ‘se défouler’ sur [K], sur des sujets divers et variés(sujets qui n’avaient souvent aucun rapport avec la qualité de son travail ou les projets de service). Il pouvait lors de ces réunions lui reprocher son ‘fort’ caractère(je tiens à souligner que pour lui toute personne non soumise est une personne à fort caractère…)ou lui poser des questions intrusives sur sa vie privée.

– une attestation de sa soeur, Mme [U] [D], également salariée dans l’entreprise GENAPI rédigée en ces termes:

‘le 29 août 2018, lors de la soirée du séminaire d’été au golf de Massane. Suite au discours d’inauguration , Monsieur [I] est venu m’interpeller devant mes collègues de travail pour connaître le motif de l’arrêt de travail de ma soeur, [K] [R] et pour savoir pourquoi elle ne répondait pas aux appels téléphoniques . Questions auxquelles je n’ai pas répondu.’

– un témoignage de M. [T] [A] [X], rédacteur juridique au sein de la Société Genapi rédigée ainsi: ‘par la présente, j’atteste solennellement avoir assisté à des propos dévalorisants à l’égard de Mme [R], [S] et [F]. Toutes les trois ont fait l’objet de moqueries et de dénigrement de la part de M. [I] qui, à l’occasion de ses passages au sein du service formulaires juridiques ne manquait pas de placer de mauvaises blagues à leur encontre en s’adressant à la dernière personne faisant encore partie (physiquement) de ce service à savoir M. [P]. …Force st de constater que les propos de M. [I] étaient relayés par M. [Z] lors d’une réunion et communément admis par le chef du service, la pratique du dénigrement émise par M. [I] ayant fini par gravement entacher la réputation de Mme [R] au sein de la société.

Il ressort en outre de son dossier médical de la médecine du travail que dès 2014 Mme [R] faisait état d’une souffrance morale au travail ainsi que de stress, et dévalorisation: ‘ dit se plaindre de SMT(souffrance morale au travail) qui évolue depuis 4 ans après que son responsable se soit rendu compte que la salariée avait un cadre de vie confortable d’après la salariée : dit subir beaucoup de pression depuis plusieurs mois liés à son supérieur direct ( M. [Y] [I]). Dit que son chef interfère dans sa vie privée . La menace de l’isoler seule dans un bureau.’

Le 29 juin 2018 il est également mentionné , concernant le vécu au travail: ‘dit subir beaucoup de pression depuis plusieurs mois liée à son supérieur hiérarchique direct(M. [Y] [I]) . Dit que son chef interfère dans sa vie privée . La menace de l’isoler seule dans un bureau.’…

Concernant la visite du 17 septembre 2018 il est précisé: ‘dit se plaindre de SMT(souffrance morale au travail): pas d’évolution de la situation depuis juin 2018….

Il ressort en outre des attestations médicales et certificats médicaux produits que dès le mois de mais 2017, Mme [R] a été placée en arrêt de travail en raison d’une dépression réactionnelle qu’elle a bénéficié d’un suivi psychologique entre le mois de mai 2017 et le mois de janvier 2018 , faisant état auprès de sa psychologue d’angoisses liées au travail.

Son médecin traitant le Docteur [O] atteste également le 19 novembre 2018 en ces termes: ‘…certifie que ma patiente m’a consulté à plusieurs reprises depuis mai 2017, elle m’a exprimé très clairement une souffrance au travail. Les symptômes(crises angoisses, insomnies) ont nécessité la prescription de traitement anxiolytique et plusieurs arrêts de travail(en mai et octobre 2017 puis août 2018).Malgré mes traitements et des consultations d’accompagnement psychologique la dégradation de son état m’a conduit à l’adresser à un médecin psychiatre’.

Son psychiatre le Docteur [H] a constaté dans un certificat médical du 04 mars 2019 qu’elle souffrait ‘d’un état dépressif caractérisé’et la salariée justifie avoir bénéficié d’un traitement médical à compter de 2017 et jusqu’en 2020.

Hormis l’attestation de Mme [S] qui ne saurait être prise en considération dans la mesure où elle même a engagé une action prud’homale à l’encontre de la société Genapi pour des faits de harcèlements, il n’y a pas lieu d’écarter celle de M. [X], qui a été licencié postérieurement à son témoignage pour inaptitude, ni celle de Mme [D], au seul motif qu’il s’agit de la soeur de Mme [R] , alors même que les faits relatés dans son témoignage ne sont pas contestés.

Les attestations produites laissent en conséquence apparaître l’existence d’un comportement dénigrant et moqueur exercé par M. [I] à l’égard de Mme [R] et relayé par d’autres salariés, ainsi qu’une attitude intrusive de ce même M. [I] dans se questionnements relatifs aux causes de l’arrêt maladie de la salariée.

Les éléments médicaux versés aux débats établissent par ailleurs la souffrance au travail exprimée par la salarié pendant plusieurs années en raison de ses conditions de travail, et de la dépression réactionnelle qui en a découlée, nécessitant la prise d’un traitement médicamenteux et d’un suivi psychiatrique à l’origine de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail.

Ces éléments de faits, pris dans leur ensemble, sont susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Pour contester ces éléments, l’employeur fait valoir que l’enquête interne diligentée suite aux faits dénoncés par la salariée n’a pas permis d’établir la réalité des faits allégués, aucun élément factuel ne venant corroborer les accusations portées par Mme [R] à l’entre de M. [I].

Il apparaît cependant que cette enquête n’a pas été diligentée avec objectivité dans la mesure ou la plupart des salariés cités par Mme [R] dans son courrier du 20 septembre 2018 comme témoins des faits de harcèlement dénoncés n’ont pas été entendus, que 10 salariés ont été auditionnés alors que seuls sept compte rendus sont produits, et que plusieurs d’entre eux entretiennent des liens d’amitié avec M. [I], au regard de l’agenda de ce dernier laissant apparaître l’organisation d’événements privés avec eux.

Dès lors, l’employeur qui s’est abstenu d’entendre la plupart des salariés cités par Mme [R] comme témoins des faits de harcèlement alors qu’elle fait état d’éléments datés, circonstanciés et contextualisés, n’apporte aucune preuve contraire aux faits dénoncés par cette dernière.

Il en découle que l’employeur ne prouve pas que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement , de sorte que les faits de harcèlement sont caractérisés.

Sur le non respect de l’obligation de sécurité:

Certains des comptes rendus établis dans le cadre de l’enquête interne diligentée font états de difficultés relationnelles qui existaient dans le service dirigé par M. [I] . Ainsi, les propos recueillis auprès de Mme [E] sont rapportés en ces termes: ‘Mme [E] qualifie l’ambiance de travail du bureau du service ‘Bible’ ‘pesante’ avec un sentiment de ‘malaise’ d”aigreur ‘ de ‘contrariété permanente’. Elle précise avoir déjà été témoin de critique sur tout et n’importe quoi. Aussi à mesure du temps les interactions se sont limités au strict nécessaire et les relations personnelles se sont trouvées réduites de fait…’

Il apparaît ainsi que suite à ce compte rendu laissant apparaître l’existence d’un important sentiment de mal-être dans le cadre de la relation de travail, l’employeur qui ne justifie d’aucune mesure adéquate prise pour y remédier, n’a pas respecté son obligation de sécurité, et ce alors même que cette abstention a entraîné la dégradation de l’état de santé de Mme [R].

Il est ainsi justifié d’une absence de respect par l’employeur de son obligation de sécurité.

Au regard de la dégradation de son état de santé à l’origine de son inaptitude, Mme [R] justifie d’un préjudice important consécutif au harcèlement dont elle a été victime ainsi qu’à l’irrespect de l’obligation de sécurité par l’employeur qu’il convient d’indemniser en condamnant l’employeur à lui verser la somme de

10 000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail:

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail:

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat était justifiée, puis se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur dans le cas ou la demande de résiliation n’est pas justifiée.

Il incombe au salarié de caractériser des manquements suffisamment graves de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc justifier la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, il ressort des éléments ci- dessus développés que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et le harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude de Mme [R] sont des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaires du contrat de travail, sachant que cette résiliation prononcée pour des faits de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

Il convient de fixer la date de la résiliation judiciaire à la date du licenciement, soit le 25 avril 2019.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail:

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul:

Le salaire moyen de Mme [R] s’élevait à 3115,53€ au moment du licenciement.

Par application de l’article L.1235-3 du code du travail, le montant de son indemnisation est comprise entre 3 et 12 mois de salaire.

Postérieurement à la rupture du contrat de travail elle a perçu des indemnités chômage à hauteur de 1553,10€ par mois , sachant que son activité d’auto-entrepreneur ne lui a procuré aucune ressources en 2019 et 2020, et que le chiffre d’affaires reste quasiment nul en 2021 et 2022.

Au regard de ces éléments du préjudice subi, il convient de condamne l’employeur à lui verser 37 386,36€ de dommages et intérêts, correspondants 12 mois de salaire.

Sur l’indemnité légale de licenciement:

En application de l’article R. 1234-2 du code du travail, Mme [R] a droit à la somme de 12 379,03€ au titre de l’indemnité légale de licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis:

En application de l’article 15 de la convention collective applicable en l’espèce, Mme [R] a droit à la somme de 9346,59€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’à la somme de 934,65€ au titre de l’indemnité de congés payés afférents.

Sur la clause de non concurrence:

Lorsque les intérêts de l’entreprise le justifient, le contrat de travail d’un salarié peut prévoir une clause de non concurrence par laquelle le salarié s’oblige à ne pas entrer au service d’un concurrent , pendant une durée limitée et sur un espace géographique déterminé, en contrepartie d’une indemnisation.

En l’espèce, L’article 12 du contrat de travail de Mme [R] stipule une clause de non concurrence par laquelle la salariée s’engage : ‘ à ne pas exercer de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société Genapi. Il s’engage donc à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la Société Genapi, c’est dire la création, édition et la distribution de progiciels destinés à des Notaires ou Avocats. Cette engagement est limité au territoire français et à une durée de un an.’

Le contrat prévoit qu’en contrepartie de son obligation de non concurrence, ‘Mme [K] [R] recevra 30% du salaire mensuel moyen de ses 12 derniers mois d’activité, et ce , pendant un an’.

Mme [R] fait valoir qu’elle n’a exercé aucune activité concurrente à la société Genapi postérieurement à la rupture de son contrat de travail et sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 11 215,91€ au titre de la contrepartie financière à l’engagement de non-concurrence , ainsi que la somme de 1000€ au titre des dommages et intérêts dus pour absence de paiement de cette contrepartie.

L’employeur soutient que l’entreprise de Mme [R] fait directement concurrence à Genapi et à ses clients et que la salariée pouvait se servir des modèles de documents appartenant à Genapi pour exercer sa nouvelle activité. Il sollicite le paiement de l’indemnisation prévue dans la clause pénale d’un montant de 37 380€. Il fait valoir

L’activité de la société Genapi consistait à créer des logiciels de trames d’actes dédiés aux notaires.

Le 07 juillet 2018 , alors qu’elle était encore employée par la société Genapi, Mme [R] a créé une micro entreprise de secrétariat juridique et administratif.

Il ressort de la présentation de l’entreprise que ses activités étaient principalement les suivantes:

– secrétariat juridique des sociétés: collecte des informations, préparation des dossiers pour les particuliers

– préparation et suivi des différents dossiers qui jalonnent la vie d’une société(création/dissolution, mise à jour des statuts, cession des titres sociaux, procès verbaux d’assemblées générales, approbation des comptes..;

– mandataire formaliste: externalisation pour délégation partielle ou complète de l’activité juridique: suivi de l’ agenda juridique, détermination et rédaction à la place du client des documents à fournir aux instances administrative, approbation des comptes, dépôt a greffe

– secrétariat administratif: retranscription audio, relecture, rédaction de courriers

– service aux particuliers: saisie de rapports, mémoire, thèses , romans ou autres, location d’habitation, location saisonnière, recours auprès des différents organismes ou administrations…

Il ressort de ces éléments que la micro entreprise créée par Mme [R], dont le chiffre d’affaire était nul de juillet 2018 mars 2020,en qui avait pour activité le secrétariat juridique et administratif des entreprises et des particuliers n’exerçait pas une activité concurrente à celle de la société Genapi consistant à élaborer des trames d’actes dédiés aux notaires, ni à celle de ces derniers, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté son obligation de non concurrence et que la contrepartie financière à la clause de non concurrence lui est due.

La société Genapi sera en conséquence condamnée à lui verser 11 215,91€ au titre de la contrepartie financière à l’engagement de non-concurrence , ainsi que la somme de 500€ au titre des dommages et intérêts dus pour absence de paiement de cette contrepartie.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il convient de condamner la société Genapi à verser à Mme [R] la somme de 1500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montpellier du 14 décembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [R] de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau :

– Dit que le licenciement est nul

Condamne la Société Genapi à verser à Mme [R] les sommes suivantes:

– 10 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement et irrespect de l’obligation de sécurité

– 500€ de dommages et intérêts pour retard de paiement des indemnités journalières et prévoyance

– 1434€ au titre des indemnités journalières non payées

– 37 386,36€ de dommages et intérêts pour licenciement nul

– 12 379,03€ au titre de l’indemnité légale de licenciement.

– 9346,59€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 934,65€ au titre de l’indemnité de congés payés y afférent.

– 11 215,91€ au titre de la contrepartie financière à l’engagement de non- concurrence

– 500€ pour non paiement de la contrepartie financière à l’engagement de non concurrence.

Dit que les sommes à caractère salarial et l’indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions fixées à l’article 1343-2 du code civil, dès lors qu’ils auront couru au moins pour une année entière.

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Genapi.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société Genapi à verser à Mme [R] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Genapi aux dépens de la procédure.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPÊCHE

 


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