Clause de non-sollicitation : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04103

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Clause de non-sollicitation : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04103
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT SUR LA COMPÉTENCE

DU 06 OCTOBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04103 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQFN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/06195

APPELANTES

S.A. LA SOCIÉTÉ L’AIR LIQUIDE pour l’ÉTUDE ET L’EXPLOITATION DES PROCÉDÉS GEORGES CLAUDE

[Adresse 5]

[Localité 6]

Société SINGAPORE EMPLOYMENT COMPANY AIR LIQUIDE PTE LTD

[Adresse 3]

[Localité 4]

Tous deux eprésentées par Me Anne MURGIER, avocat au barreau de PARIS, toque: K0020

INTIMÉ

Monsieur [T] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Août 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente

Madame LAGARDE Christine, conseillère

Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La Société L’Air Liquide Société Anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude (ci-après la société Air Liquide SA ou la société ‘ALSA’) est la société mère du groupe Air Liquide qui intervient dans différentes branches d’activité, à savoir les gaz, technologies et services pour l’industrie et la santé.

Elle applique la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

M. [T] [V] de nationalité italienne a été embauché le 7 janvier 2004 par la société Air Liquide Italia Produzione (ci-après la société AL Italia ou ‘ALIP’), filiale du groupe localisée en Italie, en qualité de ‘Chef de l’usine de production’ de [Localité 10] en Italie et, selon avenant du 26 juin 2007, il a été transféré à Milan en qualité de ‘responsable programme’.

Le 1er septembre 2008, son contrat avec la société AL Italia a été suspendu et il a été « assigned to Shuaiba Oxygen (SO) » et expatrié en tant que ‘Directeur Général’ de cette dernière pour la société ALIP, à [Localité 9] City (Koweit).

Le 1er août 2010, M. [V] s’est installé à Dubai, toujours dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

Par avenant du 4 juillet 2011, M. [V] a été transféré en France pour une durée de trois ans au sein de la société Air Liquide Large Industries European Platform (AL LI-EPS), établissement secondaire de la Société Air Liquide SA, le lieu d’exercice étant [Localité 7].

Il y est précisé que son contrat de travail avec la société Shuaiba Oxygen a pris fin et que son contrat avec la société AL Italia restera suspendu.

Selon attestation du 5 août 2011, la direction des ressources humaines internationales de la société Air Liquide SA dont le siège social est implanté à [Localité 11], a confirmé la nomination de M. [V] en tant que ‘European Maintenance and reliability Manager’ basé dans les bureaux de [Localité 7] et qu’il serait par conséquent domicilié en France.

La mission de M. [V] à ce poste a été prolongée d’un an par avenant, du 29 avril 2014, puis d’un an supplémentaire par avenant en date du 29 juin 2015, sans changement du lieu d’exercice de ses fonctions.

Le 8 avril 2016 il a fait l’objet d’une mutation au siège à [Localité 11], en tant que ‘Directeur industriel’ pour une durée de un an chez « Air Liquide SA ».

Selon contrat de travail signé les 28 et 29 mars 2017, il a été mis fin à son contrat de travail avec la société AL Italia remplacé par un contrat avec la filiale Air Liquide de Singapour, la société Singapore Employment Company Air Liquide Pte Ltd, (ci après la société ‘SECAL’), le contrat contenant une clause attributive de compétence au profit des juridictions singapouriennes.

Les missions assignées en tant que ‘Industrial Excellence Director’ s’exécutent en France, à [Localité 11].

Il a continué à exercer ses fonctions en France au sein du siège du groupe Air Liquide.

Par courrier du 14 janvier 2019, la société Air Liquide SA a écrit à M. [V] : « dans l’attente d’une décision concernant la poursuite de votre contrat de travail conclu avec la société SECAL, nous vous dispensons d’activité à compter de la remise du présent courrier.

Aucune retenue de salaire ne sera effectuée à ce titre et vous êtes dispensé de vous présenter à votre poste dès mardi 15 janvier 2019 ».

Le 21 janvier 2019, la société SECAL a notifié à M. [V] son licenciement.

M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de nullité de la rupture pour discrimination et à défaut, afin de voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans tous les cas, obtenir une indemnisation correspondante.

Il a attrait tant la société SECAL que la société ALSA (ci après ‘les Sociétés’) et sollicite de voir reconnaître une situation de co-emploi et la condamnation solidaire des Sociétés.

In limine litis, les sociétés défenderesses ont soulevé l’incompétence territoriale du conseil de prud’hommes de Paris au motif de la clause de compétence territoriale insérée dans le contrat liant M. [V] à la société SECAL.

Par jugement en date du 21 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Paris :

« DIT que la loi française est applicable au litige et que le Conseil de prud’hommes de Paris est compétent ;

RENVOIE à une audience de jugement du 29 juin 2022, à 13 heures, sauf en cas d’exercice de la voie de recours ;

DIT qu’en cas d’exercice de la voie de recours, l’instance sera suspendue jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision conformément à l’article 80 du code de procédure civile ;

RÉSERVE les dépens ».

Les société SECAL et la société Air Liquide SA ont interjeté appel de la décision le 1er avril 2022.

Par décision du 11 avril 2022, les appelantes ont été autorisées à assigner à jour fixe l’intimé.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 23 août 2022, la société SECAL et la société Air Liquide SA demandent à la cour de :

« Vu les dispositions du règlement européen du 17 juin 2008 ;

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 21 janvier 2022 ;

– Juger valable la clause attributive de juridiction et relative à la loi applicable, contenue dans le contrat de travail de Monsieur [V] avec SECAL ;

EN CONSÉQUENCE,

– Se déclarer incompétent au profit de la juridiction singapourienne ;

– Condamner Monsieur [V] à verser 5.000 euros à la Société SECAL et à la Société ALSA au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner Monsieur [V] aux entiers dépens ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 13 juillet 2022, M. [V] demande à la cour de :

« Vu les dispositions du règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 ; Vu les dispositions du Code du travail ; Vu les dispositions du Code de procédure civile ; Vu les a4 pièces versées aux débats ; vu la jurisprudence

Déclarer l’appel, les moyens de fait et de droit et l’exception d’incompétence des sociétés SECAL et AIR LIQUIDE SA mal fondés

Débouter les sociétés AIR LIQUIDE SA et SECAL de leurs demandes tendant à voir Monsieur  [V] condamné à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Par voie de conséquence, confirmer le jugement du 21 janvier 2022 du Conseil de prud’hommes de Paris statuant sur la compétence

Y ajoutant,

Condamner in solidum la société SECAL et la société AIR LIQUIDE à payer à Monsieur [T]  [V] une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamner les sociétés AIR LIQUIDE SA et SECAL aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE [Localité 12]-[Localité 13] agissant par Maître Audrey HINOUX, Avocat, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ».

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’appel compétence

Les appelantes font valoir que :

– le contrat de travail conclu avec la société SECAL, société de droit singapourien, contenait une clause attributive de compétence au profit des juridictions singapouriennes ;

– il doit être fait application de l’article 25 du règlement européen numéro 1215/2012 (dit Bruxelles I bis) qui prévoit que la « compétence exclusive d’une juridiction spécifique peut être décidée par les parties en vertu d’une clause attributive de juridiction » ;

– l’exercice temporaire de l’activité en France de l’intimé dans le cadre d’un détachement ne peut suffire à écarter l’application de la clause attributive de compétence, la France ne pouvant être considérée comme son lieu habituel de travail au sens du règlement.

L’intimé oppose que :

– l’article 19 du contrat SECAL se trouve être sans effet dans le cas d’espèce puisqu’il est contraire à l’article 23 du Règlement Bruxelles I bis qui se trouve dans le section 5 « Compétence en matière de contrats individuels de travail » et dispose qu’il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions postérieures à la naissance du différend ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

– la compétence des juridictions françaises doit, de plus fort, être retenue au vu des articles 4,19, 20 et 21 du Règlement Bruxelles I Bis, auxquelles l’article 19 du contrat SECAL ne peut en aucune manière faire échec.

Sur ce,

Aux termes de l’article R. 1412-1 du code du travail, « l’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent.

Ce conseil est :

1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ;

2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi ».

L’article 25 du règlement du 12 décembre 2012 dit Bruxelles I Bis relatif aux règles applicables aux confits de juridicition dans les litiges internationaux dispose notamment que :

« 1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties (…).

4. Les conventions attributives de juridiction ainsi que les stipulations similaires d’actes constitutifs de trust sont sans effet si elles sont contraires aux dispositions des articles 15, 19 ou 23 ou si les juridictions à la compétence desquelles elles dérogent sont exclusivement compétentes en vertu de l’article 24 (…).

L’article 23 du Règlement Bruxelles I bis qui se trouve dans le section 5 « Compétence en matière de contrats individuels de travail » dispose qu’ « il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions : 1) postérieures à la naissance du différend (‘) ».

Les parties ont convenu aux termes de l’article 19 du contrat de travail liant la société SECAL et M. [V] signé en mars 2017 :

« Ce contrat compris dans son intégralité, y compris ces termes standards et conditions d’emploi, l’annexe relative aux missions, l’annexe relative à la non-sollicitation et la non-concurrence relative à la rupture et le guide salarié SECAL, sont soumis et interprétés conformément aux lois de Singapour et vous donnez votre accord pour être soumis aux juridictions non-exclusives des tribunaux de Singapour ».

Il en résulte que la clause attributive de compétence ayant été signée en mars 2017, soit antérieurement au différend né entre les parties, elle n’aurait pu être invoquée que dans l’intérêt du salarié demandeur ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et ce en application de l’article 23 précité.

L’article 20 du Règlement I bis dispose que :

« 1. En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6, de l’article 7, point 5), et, dans le cas d’une action intentée à l’encontre d’un employeur, de l’article 8, point 1). » ;

2. Lorsqu’un travailleur conclut un contrat individuel de travail avec un employeur qui n’est pas domicilié dans un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, l’employeur est considéré, pour les contestations relatives à leur exploitation, comme ayant son domicile dans cet État membre ».

L’article 21 de ce Règlement ajoute :

« 1. Un employeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement

son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur ».

En l’espèce, Monsieur [V] a été embauché en 2004 par la société italienne du groupe Air Liquide et a exercé son activité successivement en Italie, au Koweït puis à Dubaï.

Il n’a jamais exercé d’activité à Singapour.

S’il n’est pas contesté que M. [V] a exercé son activité en France de manière temporaire, dans le cadre d’un détachement, – dans un premier temps, dans le cadre de son contrat de travail conclu avec la société italienne Air Liquide Italie Produzione (ALIP) et dans un second temps, dans le cadre de son contrat de travail conclu avec la société singapourienne SECAL, force est de constater cependant que depuis le mois d’août 2011, M. [V] travaillait en région parisienne, dans un premier temps à [Localité 7] et ensuite à [Localité 11] et qu’il y résidait avec sa famille. La société Air Liquide SA a signé un contrat de location pour l’usage d’une maison à [Localité 8] pour l’usage de M. [V] et de sa famille en 2013 et a pris en charge les frais de scolarité des enfants.

Le 21 avril 2017, la société Air Liquide SA a informé M. [V] du montant de sa part variable pour l’année 2016.

Il a été destinataire de bulletins de paye sur l’ensemble de la période faisant état du rattachement à la convention collective de la Chimie et du solde de tout compte émanant de la société Air Liquide SA à [Localité 11], et ce en application de la réglementation française.

M. [V] a été dispensé d’activité et de se présenter à son poste de travail aux termes d’un courrier du 14 janvier 2019 de la société Air Liquide SA qui a continué à lui adresser des bulletins de paye après la lettre de licenciement qui lui a été adressée sur papier à en-tête SECAL avec cependant l’indication de ce que le courrier est adressé de [Localité 11] « [Localité 11], le 21 janvier 2019 », et lui a adressé aussi une attestation Pôle emploi.

Il s’évince de cette analyse que l’activité exercée par M. [V] ne peut être qualifiée de temporaire au sens de l’article 8 du règlement de Rome I, alors que depuis l’année 2011 il accomplissait habituellement son travail en France.

Dès lors, c’est par de justes motifs que le premier juge a jugé que la validité de la clause 19 du contrat produit pour l’employeur apparaît destinée à introduire un élément extérieur à la relation des parties, hors toute considération de la réalité de leur collaboration, étant relevé en outre que la clause soumettait M. [V] aux « juridictions ‘non-exclusives’ des tribunaux de Singapour ».

C’est en conséquence à juste titre que le premier juge a écarté la compétence de l’article 19 du contrat SECAL et a déclaré le conseil de prud’hommes de Paris compétent pour connaître du litige, le lieu d’exercice de l’activité de M. [V] étant Paris lors de la fin de la collaboration et l’une des sociétés défenderesses assignées ayant son siège social à Paris.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la loi applicable

Les appelantes font valoir qu’en application des règles de droit international, il doit être fait application de la loi singapourienne pour trancher le litige, le contrat étant régi par la loi choisie par les parties en vertu du règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008, Rome I, en son article 8.

L’intimé oppose qu’il doit être fait application de la loi française et que le premier juge a considéré que cette dernière est applicable au litige à partir des éléments qu’il a relevés dans le jugement, examen de la loi applicable qu’il a examinée dans le cadre de l’exception d’incompétence qui lui était soumise.

Sur ce,

L’article 8 du Règlement Rome I dispose s’agissant des contrats individuels de travail que :

« A défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur (‘) ».

S’il n’est pas contesté qu’en vertu du Règlement Rome I et de son article 3 applicable aux obligations contractuelles, « le contrat est régi par la loi choisi par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat », en application de l’article 8 de ce règlement, ce choix des parties ne peut en effet avoir « pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2,3 et 4 du présent article ».

Les paragraphes 2 et 3 précisent que :

« 2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat,

accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement

accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon

temporaire dans un autre pays.

3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur

Il a été retenu plus haut que l’accord ayant été signé avant la naissance du litige, il ne pouvait être dérogé aux dispositions des articles 20 et 21 du Règlement Bruxelles I bis.

4. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique ».

Il ressort en outre de l’article 3.3 du Règlement Rome I « lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l’application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord ».

Il a été suffisamment démontré au développement précédant que M. [V] exerçait son activité habituelle en France lors de la signature du contrat avec la société SECAL, et ce, alors même qu’il est relevé que depuis la signature avec la société SECAL, la loi singapourienne n’a jamais été appliquée au contrat, son salaire est réglé en euros, en respectant la réglementation française, et lors de la cessation de son contrat de travail l’attestation Pôle emploi lui a été adressée, autant d’éléments démontrant que la loi française régissait les relations entre les parties non seulement lorsque le contrat a pris fin, mais aussi lors de la signature du contrat avec la société SECAL.

Enfin, il ressort des conclusions signifiées en première instance par les sociétés appelantes que les règles de procédure sur le licenciement sont moins protectrices que la loi française, « le droit positif singapourien ne prévoyant aucun formalisme particulier relatif au licenciement pour insuffisance professionnelle, si ce n’est le respect des dispositions contractuelles éventuellement prévues à ce sujet », de sorte que la loi française comporte des dispositions plus favorables que celles du droit singapourien.

Il résulte ainsi « de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec » la France, de sorte que la loi de cet Etat s’applique.

Il en résulte que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les Sociétés, qui succombent, supporteront les dépens d’appel et seront condamnées à payer à M. [V] une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’ensemble de la procédure, et déboutées des demandes présentées à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en date du 21 janvier 2022, du conseil de prud’hommes de Paris, en toutes ses dispositions ;

Et ajoutant :

Condamne la société Singapore Employment Company Air Liquide Pte Ltd et la société l’Air Liquide Société Anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude, unis d’intérêt, aux dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue [Localité 11]-[Localité 13] agissant par Maître Audrey HINOUX, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Singapore Employment Company Air Liquide Pte Ltd et la société l’Air Liquide Société Anonyme pour l’étude et l’exploitation des procédés Georges Claude, unis d’intérêt, à payer à M. [T] [V] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Ordonne le renvoi de la procédure au greffe du conseil de prud’hommes de Paris pour fixation de l’affaire à la plus prochaine audience.

La Greffière, Le Président,

 


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