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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 39H
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 5 DECEMBRE 2017
R.G. N° 16/04923
AFFAIRE :
SAS VEBIO
C/
SASU CERBA HEALTHCARE
…
Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral (SNVEL) (intervenant volontaire)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2016F00205
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Patricia MINAULT
Me Bertrand ROL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS VEBIO
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1656176
Représentant : Me Oun-tat TIEU de l’AARPI SOLFERINO ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0201 – substitué par Me PLANTIN
APPELANTE
****************
SASU CERBA HEALTHCARE
N° SIRET : 522 94 2 1 922
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20160285
Représentant : Me Catherine PALEY-VINCENT de l’AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R138
SA CEFID
N° SIRET : 319 89 1 1 077
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20160285
Représentant : Me Catherine PALEY-VINCENT de l’AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R138
SAS CERBA VET
N° SIRET : 814 72 9 4 222
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20160285
Représentant : Me Catherine PALEY-VINCENT de l’AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R138
INTIMEES
****************
Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral (SNVEL) (intervenant volontaire)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20170581
Représentant : Me Jean DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: E1155
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Octobre 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François LEPLAT, Conseiller FF de Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société par actions simplifiée Vebio est un laboratoire de biologie vétérinaire dont l’activité consiste notamment à assister et orienter les vétérinaires praticiens confrontés à une difficulté de diagnostic.
Le 30 septembre 2014 les sociétés Vebio et Cerba Healthcare, – alors dénommée Cerba European Lab (CEL) – se sont rapprochées dans la perspective d’une éventuelle acquisition de la première par la seconde. Dans ce cadre, elles ont signé un accord de confidentialité pour une durée de 18 mois, devant ainsi expirer le 30 mars 2016.
En novembre 2015, le groupe Cerba a créé une nouvelle société, dénommée Cerba Vet, qui est un laboratoire de biologie vétérinaire qui a débuté son activité – concurrente de celle de la société Vebio – en janvier 2016.
Considérant que le maintien de l’activité de la société Cerba Vet caractérisait une faute contractuelle de la société Cerba Healthcare à son encontre, la société Vebio lui a adressé, en janvier 2016, une mise en demeure l’invitant à faire cesser l’activité de la société Cerba Vet, celle-ci étant toutefois restée vaine.
Par actes du 29 février 2016, la société Vebio a fait assigner les sociétés Cerba Healthcare, Cefid et Cerba Vet devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins d’obtenir réparation des préjudices subis du fait, d’une part de la violation de l’accord de confidentialité, d’autre part d’actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 8 juin 2016, le tribunal de commerce de Pontoise a débouté la société Vebio de l’intégralité de ses demandes, et l’a condamnée à payer à chacune des sociétés Cerba Healthcare, Cefid et Cerba Vet la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 29 juin 2016 par la société Vebio.
Vu les dernières écritures signifiées le 12 juin 2017 par lesquelles la société Vebio demande, pour l’essentiel, à la cour de :
– Infirmer le jugement du Tribunal de commerce en toutes ses dispositions ;
– Dire que Cerba HealthCare a violé la “promesse de porte-fort” stipulée à l’accord de confidentialité du 30 septembre 2014, avec la complicité de Cefid et Cerba Vet ;
– Condamner Cerba HealthCare in solidum avec Cefid et Cerba Vet au paiement de 248,52 euros HT par jour d’activité de Cerba Vet à compter du 1°janvier 2016 et jusqu’au 30 mars 2016, soit 19.384,56 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 22 janvier 2016 ;
– Dire que Cerba Vet exerce une concurrence illicite et déloyale ;
– Condamner Cerba Vet in solidum avec CEFID au paiement à Vebio à titre de dommages-intérêts de la somme de 248,52 euros HT par jour d’activité (soit 6 jours d’activité par semaine, sur 52 semaines par an) de Cerba Vet du 1er janvier 2016 au 3 avril 2017, soit 96.922,80 euros HT (248,52 euros x (6 jours x 52 semaines 2016 + 6 jours x 13 semaines 2017)), déduction faite des dommages-intérêts qui seront alloués à Vebio au titre de la violation de la “promesse de porte-fort” ;
– Ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais de Cerba Vet et CEFID, dans les revues spécialisées suivantes : La Gazette du Laboratoire, L’Essentiel Vétérinaire, La Semaine Vétérinaire, La Dépêche Vétérinaire, Abstract Vet, Le Bulletin de l’Académie Vétérinaire.
– Condamner Cerba Vet et CEFID à verser à Vebio la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice moral.
– Condamner Cerba HealthCare, CEFID et Cerba Vet à la somme de 7.500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 26 juin 2017 au terme desquelles les sociétés Cerba Healthcare, Cefid et Cerba Vet demandent, pour l’essentiel, à la cour de :
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 8 juin 2016, en ce qu’il a débouté la société Vebio de l’ensemble de ses demandes.
– Débouter le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
– Condamner la société Vebio à payer à chacune des sociétés Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– Condamner la société Vebio à payer à chacune des sociétés Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner le syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral à payer à chacune des sociétés Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamner la société Vebio et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral aux entiers dépens de l’instance conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 10 juillet 2017 par lesquelles le syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral, intervenant volontaire, demande à la cour de :
– Infirmant le jugement entrepris,
– Dire et juger la Société Vebio recevable et bien fondée en ses demandes,
– Condamner “conjointement et solidairement” Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet à payer au syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouter les sociétés Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet de toutes leurs demandes à l’encontre du syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral,
– Condamner “conjointement et solidairement” Cerba HealthCare, Cefid et Cerba Vet aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– sur la procédure et l’intervention volontaire du syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral
Le syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral demande à être reçu dans son intervention volontaire, indiquant que la défense de l’acte vétérinaire et de sa protection entre dans sa mission de défense des intérêts des vétérinaires.
Les sociétés Cerba Healthcare, Cefid et Cerba Vet ne contestent pas le principe même de cette intervention, de sorte qu’il convient de déclarer recevable l’intervention volontaire du syndicat.
– sur le fond
La société Vebio agit à l’encontre des sociétés Cerba Healthcare, Cerba Vet et Cefid sur deux fondements distincts, d’une part sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour violation de l’accord de confidentialité (sur la période du 1° janvier au 30 mars 2016), d’autre part sur le fondement délictuel pour concurrence illicite et déloyale (sur la période du 1° janvier 2016 au 3 avril 2017, et subsidiairement sur la période du 1° avril 2016 au 3 avril 2017).
1 – Sur la responsabilité contractuelle, du fait de la violation de l’accord de confidentialité
1-1- sur les manquements allégués
Il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable à l’espèce, que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution de l’obligation, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
Dans le cadre de leur rapprochement, et de l’éventuelle acquisition de titres de la société Vebio par la société Cerba Healthcare, ces deux sociétés ont conclu, le 30 septembre 2014, un accord de confidentialité qui avait pour but d’empêcher les deux sociétés de divulguer les informations confidentielles qu’elles seraient amenées à échanger dans le cadre de leurs discussions préliminaires en vue de ce rapprochement. Il convient de rappeler que cet accord était conclu pour une période de 18 mois, soit jusqu’au 30 mars 2016.
Au terme de cet accord, et plus précisément de son article 5 intitulé « non-sollicitation » ( qui ne constitue pas une promesse de porte-fort, contrairement à ce qui est soutenu) il est prévu que : « CEL (devenue Cerba Healthcare) et la Société s’interdisent mutuellement pendant toute la durée du présent engagement : d’engager….un dirigeant ou un salarié de la Société ou du groupe CEL, d’inciter tout dirigeant ou salarié de la Société ou du groupe CEL à quitter la Société ou le groupe CEL, ou d’accomplir des actes pouvant porter préjudice à la Société ou à toute société du groupe CEL sous quelque forme que ce soit, auprès de tout tiers, de leurs clients et fournisseurs respectifs, ou plus généralement, de leurs relations d’affaires respectives. »
La société Vebio soutient qu’en application de cette clause, les deux sociétés s’interdisaient, durant 18 mois, de se causer réciproquement tout préjudice, et notamment de créer une société concurrente, comme l’a cependant fait la société Cerba en créant la société Cerba Vet. Elle fait valoir que si ‘ comme cela est soutenu ‘ cette clause peut s’analyser en une clause de non-concurrence, elle n’en reste pas moins valable dès lors qu’elle était nécessaire à la protection des intérêts des deux parties, qu’elle était proportionnée (18 mois) et qu’elle n’avait pas à être assortie d’une contrepartie financière, dès lors que les deux parties y étaient soumises. La société Vebio reproche au premier juge d’avoir interprété et dénaturé la clause en estimant qu’elle ne comportait pas d’engagement de limitation du champ d’activité de chaque société.
La société Cerba soutient pour sa part que la clause litigieuse avait pour objet de s’interdire mutuellement d’accomplir ‘ au moyen des informations confidentielles échangées durant 18 mois ‘ des actes contraires à la loyauté et aux usages du commerce susceptibles de leur porter préjudice, ajoutant que cette clause n’avait pour objet, ni de s’interdire mutuellement le développement ou la poursuite de leurs activités dans le domaine de la biologie vétérinaire, ni de s’obliger mutuellement à un engagement de non-concurrence. La société Cerba soutient, à titre subsidiaire, que si la clause devait s’interpréter en une clause de non-concurrence, elle serait nulle pour défaut de limitation géographique, et disproportion manifeste.
La cour rappelle en premier lieu que la clause litigieuse prend place dans un « accord de confidentialité » dont l’objet, défini en préambule, est de déterminer les conditions s’appliquant à l’échange d’informations confidentielles entre les deux sociétés, et d’éviter la divulgation de ces informations. Il n’a donc, a priori, pas pour objet de restreindre la liberté de chacune des sociétés de poursuivre, voire de développer, son activité.
Toutefois, l’article 5 a pour objet, d’interdire mutuellement aux deux sociétés – outre le fait d’engager un dirigeant ou un salarié, ce qui s’assimile à une clause de non-débauchage – de leur interdire : « d’accomplir des actes (pouvant porter préjudice)…… auprès de tout tiers, de leurs clients et fournisseurs respectifs ou plus généralement de leurs relations d’affaires respectives ».
Le fait, pour les deux sociétés, de s’interdire mutuellement l’accomplissement de tous actes auprès de diverses personnes (dont tout tiers) – s’il n’empêche pas directement la création d’une société concurrente (il n’est pas démontré que cette création puisse être considérée comme un acte accompli auprès de relations d’affaires de l’une ou l’autre des sociétés) – les empêche à tout le moins d’accomplir des actes auprès de ces tiers et relations d’affaires, ce qui caractérise clairement une interdiction de démarchage.
Ainsi, l’article 5 intitulé « non sollicitation » comprend d’une part une interdiction de débauchage du personnel, d’autre part une interdiction de démarchage (accomplissement d’actes pouvant porter préjudice) à l’égard de tout tiers, clients ou relations d’affaires.
Le débauchage et le démarchage constituant des formes de concurrence, la clause interdisant ces pratiques constitue bien une forme de clause de non-concurrence ‘ toutefois limitée au débauchage et au démarchage – comme cela est soutenu subsidiairement par la société Cerba Healthcare.
Ainsi que le fait observer à juste titre la société Vebio, le caractère réciproque de cette clause, interdisant à chacune des sociétés le démarchage dans le domaine spécifique de l’autre (biologie médicale d’une part, et biologie vétérinaire d’autre part) empêche de considérer qu’elle puisse avoir un caractère disproportionné, notamment du fait de l’absence de limitation géographique. Force est en effet de constater que cette absence de limitation s’imposait aux deux parties et que celles-ci, également intéressées à cette clause de non-concurrence, ont librement accepté sa conclusion, étant ici précisé que le groupe Cerba se trouvait même en position dominante, d’une part par sa taille ‘ puisqu’il se présente comme un des leaders européens de la biologie médicale disposant d’un important réseau de laboratoires – d’autre part par le fait qu’il se présentait comme acquéreur potentiel de la société Vebio. Si elle avait considéré que la clause litigieuse était disproportionnée par rapport à l’objet du contrat qui n’était que de protéger des informations confidentielles échangées dans le cadre de l’éventuel rachat, la société Cerba Healthcare n’aurait pas manqué de refuser de signer cette clause.
Au regard de ces éléments, la validité de cette clause de non-concurrence ne peut être remise en cause.
Il convient d’observer que la seule création d’une société concurrente, à savoir la société Cerba Vet, en ce qu’elle ne constitue pas en elle-même un acte de démarchage, ne constitue pas une violation de l’accord de confidentialité. Seuls les actes positifs de démarchage caractérisent de telles violations.
La société Vebio justifie – par la production d’un courriel adressé le 25 janvier 2016 par la société Cerba Health Care à ses commerciaux – du fait que celle-ci leur a demandé de prendre contact avec toutes les cliniques vétérinaires de la région et à proximité de ses sites, et de consacrer 30% de leur temps à la prospection et mise en place de nouvelles collaborations, ce qui caractérise des actes de démarcharge en contradiction avec l’article 5 précité, et donc un
manquement de la société Cerba Healthcare à son obligation contractuelle de non-démarchage, de sorte que le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
La société Vebio recherche également la responsabilité des sociétés CEFID et Cerba Vet, sur le fondement délictuel, au motif que celles-ci auraient sciemment aidé la société Cerba Health Care à violer son obligation de non-démarchage. Le seul fait que Mme [Q], dirigeante des deux sociétés CEFID et Cerba Health Care, ait signé l’accord de confidentialité de septembre 2014, ne permet pas de caractériser une aide de la société CEFID à la société Cerba Healthcare pour l’organisation du démarchage. Aucune faute ne peut ainsi être reprochée à la société CEFID.
La société Vebio reproche en outre à la société Cerbat Vet d’avoir poursuivi ses actes de démarchage malgré deux mises en demeure qui lui ont été adressées le 22 janvier et le 10 février 2016. Force est toutefois de constater que le seul acte de démarcharge qui est démontré est celui réalisé le 25 février 2016 (courriel adressé par la société Cerba Health Care uniquement), de sorte qu’aucun acte de démarchage, ni aide au démarchage, n’est caractérisé à l’encontre de la société Cerba Vet. Les demandes formées à son encontre seront donc rejetées.
1-2- Sur la réparation du préjudice subi par la société Vebio du fait de la violation de l’accord de confidentialité
* sur le préjudice matériel de la société Vebio
La société Vebio fait valoir que son préjudice consiste en une perte de chance de pouvoir conserver et augmenter ses parts de marché, faisant valoir que l’arrivée d’un nouveau concurrent a nécessairement des conséquences sur la clientèle. Elle indique avoir connu une baisse de son résultat en 2016. Elle évalue sa perte de chance à 20 analyses par jour (sur une moyenne de 190 analyses par jour), ce qui représenterait 248,52 euros de marge brute par jour, soit pour la période du 1° janvier au 30 mars 2016, une somme globale de 19.384,56 euros.
La société Cerba Healthcare soutient que la perte de chance alléguée n’est ni établie ni crédible, ajoutant que l’évaluation proposée est contraire aux principes d’indemnisation de la perte de chance.
La société Vebio n’a produit aux débats qu’une attestation de son expert-comptable retraçant le chiffre d’affaires sur les années 2013 à 2016, sans précisions quant au chiffre d’affaires mensuel.
Ainsi que le fait observer la société Cerba Vet, la baisse annuelle de chiffre d’affaires n’est que de 32.736 euros entre les années 2015 et 2016. En l’absence de chiffres mensuels, la cour ignore toutefois si cette perte affecte plus l’une ou l’autre période de l’année. En tout état de cause, il n’est pas établi que cette perte ait pu affecter la période du 1° janvier au 30 mars 2016.
La société Vebio ne produit en outre aucun élément qui permettrait d’attribuer cette perte de chiffre d’affaires à la création de la société Cerba Vet, plutôt qu’à d’autres facteurs.
Au regard de ces éléments, la cour dira que la société Vebio ne rapporte pas la preuve d’un préjudice en lien de causalité avec le manquement contractuel allégué.
* sur le préjudice moral de la société Vebio
La société Vebio invoque un préjudice moral en lien avec les seuls actes de concurrence déloyale qu’elle allègue, sans qu’il soit fait référence au manquement contractuel, de sorte qu’aucune demande n’est en réalité formée à ce titre.
* sur la demande de publication du “jugement” à intervenir
La société Vebio sollicite la publication du “jugement” à intervenir dans différentes revues spécialisées, sans toutefois motiver cette demande. Il n’y a pas lieu dès lors de faire droit à cette demande.
2 – Sur la responsabilité délictuelle, du fait d’actes de concurrence illicite ou déloyale
Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, même commis par négligence ou imprudence, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, le premier juge a estimé qu’en l’absence de réglementation précise et contraignante quant à la nécessité d’inscrire les sociétés exploitant des laboratoires vétérinaires à l’ordre des vétérinaires, la société Cerba Vet exerçait son activité de manière régulière.
La société Vebio critique le jugement déféré, au motif d’une part qu’il n’a pas répondu sur la question de la violation du secret professionnel et de la publicité trompeuse, d’autre part que les actes de biologie vétérinaire doivent être considérés comme des actes de médecine des animaux qui ne peuvent être exercés que par des vétérinaires inscrit à l’ordre des vétérinaires. Elle soutient dès lors qu’en pratiquant des actes de biologie vétérinaire durant 16 mois, de janvier 2016 jusqu’au 3 avril 2017, sans être inscrite à l’ordre des vétérinaires, la société Cerba Vet a bénéficié d’un avantage illicite constituant un acte de concurrence déloyale.
* sur la concurrence illicite du fait de l’absence d’inscription à l’ordre des vétérinaires
Les différents avis des conseils, supérieur et national, de l’ordre des vétérinaires produits aux débats démontrent que la situation des laboratoires de biologie vétérinaire a évolué au cours des dernières années, ces institutions ayant peu à peu considéré que les actes de biologie vétérinaire devaient être considérés comme des actes de médecine des animaux ne pouvant être réalisés que par des vétérinaires inscrits.
Ce n’est toutefois qu’en mars 2016 que le conseil national, sans exiger l’inscription des sociétés de biologie vétérinaires, a indiqué qu’il allait établir un état des lieux pour recenser les laboratoires, et les vétérinaires y exerçant. Il précisait : “le conseil national va prendre en charge sans délai la vérification de la forme sociétale des laboratoires vétérinaires. Le conseil national va entreprendre toutes actions utiles, y compris s’il le faut en justice, pour clarifier et régulariser la situation des laboratoires privés d’analyses vétérinaires.”
Dans un avis du conseil national de l’ordre des vétérinaires du 7 novembre 2016, son président indique : “après son travail de recensement, l’Ordre va obtenir par tous moyens l’inscription au tableau des vétérinaires exerçant une activité en laboratoire d’analyses…il va exiger de la même manière l’inscription au tableau de l’ordre des sociétés qui exercent cette activité….”.
Il résulte de ces éléments que l’inscription des sociétés de biologie vétérinaire, à l’ordre des vétérinaires, ne s’est mise en place qu’au cours de l’année 2016, et qu’elle n’était pas encore effective pour l’ensemble des sociétés en novembre 2016.
La société Cerba Vet a formé une demande d’inscription à l’ordre des vétérinaires le 2 mai 2016. Celle-ci a fait l’objet d’un refus le 2 novembre 2016, qui a toutefois été infirmé par une décision du conseil national de l’ordre des vétérinaires du 21 mars 2017 (notifié le 3 avril 2017). Il apparaît ainsi que la décision de refus d’inscription du 2 novembre 2016 n’était pas fondée, de sorte que la société Cerba Vet aurait dû obtenir son inscription dès cette date – et donc avant même que le conseil national de l’ordre n’exige cette inscription – de sorte que la pratique, par la société Cerba Vet, d’actes vétérinaires avant l’inscription à l’ordre autorisée le 21 mars 2017, ne peut être considérée comme illicite.
C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré qu’il n’existait pas d’actes de concurrence illicite du fait de la pratique – durant la seule période de janvier 2016 à avril 2017- d’actes vétérinaires sans inscription à l’ordre.
* sur la concurrence déloyale du fait de la réception d’informations couvertes par le secret professionnel
La société Vebio soutient que la société Cerba Vet a également commis des actes de concurrence déloyale en ce que – n’étant pas inscrite à l’ordre des vétérinaires – elle a contraint ses clients vétérinaires à violer le secret professionnel dès lors qu’ils lui ont remis des informations confidentielles qu’elle n’était pas en droit de recevoir, faute d’être elle-même astreinte au secret professionnel.
Ainsi que le fait justement observer la société Cerba Vet, ce grief est lié au précédent dès lors que la soumission au secret professionnel résulte de l’inscription à l’ordre des vétérinaires. Dès lors que l’inscription à l’ordre aurait dû intervenir en novembre 2016, à une date où elle n’était pas encore exigée par le conseil de l’ordre, le fait pour la société Cerbat Vet d’avoir reçu des informations confidentielles ne peut être considéré comme un acte de concurrence déloyale.
* sur la concurrence déloyale du fait de pratiques commerciales trompeuses
La société Vebio soutient enfin que la société Cerba Vet a fait usage de pratiques commerciales trompeuses du fait de sa communication révélant l’inadéquation de son statut de société non vétérinaire avec son activité, rappelant que seule une société vétérinaire inscrite à l’ordre peut diagnostiquer des maladies.
Ici encore, ce grief est directement lié au défaut d’inscription de la société Cerba Vet à l’ordre des vétérinaires, dont on a vu qu’il n’était pas répréhensible pour la période concernée. En effet, il est reproché à la société Cerba Vet d’avoir communiqué sur ses compétences, voire son expertise, dans le domaine vétérinaire alors même qu’elle n’était pas inscrite à l’ordre des vétérinaires. Dès lors que le défaut d’inscription à l’ordre des vétérinaires n’était pas répréhensible pour la période concernée, le fait que la société Cerba Vet a communiqué sur ses compétences en biologie ou diagnostic vétérinaire ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse, et il n’est donc justifié d’aucun acte de concurrence déloyale en lien avec ces prétendues pratiques.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit qu’il n’était justifié d’aucun acte de concurrence déloyale.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive
Les sociétés Cerba Healthcare, Cerba Vet et Cefid reprennent devant la cour la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive dont elles ont été déboutées en première instance. Compte tenu de la solution donnée au présent litige, du fait que la cour retient un manquement de la société Cerba Healthcare à ses obligations contractuelles et que les sociétés Cerba Vet et Cefid ne justifient d’aucun préjudice, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté les intimées de leur demande.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Dès lors qu’il est établi que la société Cerba Healthcare a manqué à ses obligations contractuelles, la société Vebio était fondée à agir à son encontre, de sorte que les dépens, tant de première instance que d’appel, seront mis à la charge de la société Cerba Healthcare.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a mis à la charge de la société Vebio le paiement des dépens et des frais irrépétibles.
Il est équitable d’allouer à la société Vebio une indemnité de procédure de 5.000 euros, cette somme étant mise à la charge de la société Cerba Healthcare.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral les frais irrépétibles qu’il a dû engager pour faire valoir son droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Reçoit le syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral en son intervention volontaire,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que la société Cerba Healthcare n’avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, et en ce qu’il a condamné la société Vebio aux dépens et au paiement de frais irrépétibles,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Cerba Healthcare à payer à la société Vebio la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cerba Healthcare aux dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,