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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/00349 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HUB5
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
19 décembre 2019
RG:2018J234
S.A.S. BOUYGUES CONSTRUCTION SERVICES NUCLEAIRES
C/
S.A.S. SYNERGIE ENGINEERING [Localité 5]
Grosses envoyées le 30 novembre 2022 à :
– Me VAJOU
– Me PERICCHI
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 19 Décembre 2019, N°2018J234
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
Mme Corinne STRUNK, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
SAS BOUYGUES CONSTRUCTION SERVICES NUCLEAIRES, Société par actions simplifiée au capital de 1.001.478,75 euros, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 509 447 892, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me LAPLACE-TREYTURE Lina, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pierre LUBET de la SELARL ALTANA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS SYNERGIE ENGINEERING [Localité 5], SAS capital de 148.000 €
immatriculée au RCS Lyon n° 414 294 322 , société absorbante,
INTERVENANTE VOLONTAIRE venant aux droits de la SAS SYNERGIE ENGINEERING LYON, (RCS Lyon n° 824860522), société absorbée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis,
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Hassan KAIS, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 28 janvier 2020 par la SAS Bouygues Construction Services Nucléaires (BCSN) à l’encontre du jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2018J234,
Vu l’ordonnance rendue le 9 mars 2022 par le conseiller de la mise en état qui a notamment déclaré recevable l’intervention volontaire de la SAS Synergie Engineering [Localité 5], anciennement société Altika, enregistrée sous le numéro 414294322, société absorbante, venant aux droits de la société absorbée, la SAS Synergie Engineering [Localité 5] dont le numéro SIRET est le 824860522,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 septembre 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 août 2022 par la SAS Synergie Engineering [Localité 5], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 12 septembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 22 septembre 2022,
A la suite d’une proposition technique et commerciale du 26 janvier 2017, un contrat n°2000464783 de sous-traitance de prestations d’études HVAC (chauffage, ventilation, climatisation) pour un projet Entité d’Intérêt Public (EIP) a été conclu le 22 février 2017 entre la SAS Synergie Engineering [Localité 5] (le bureau d’études) et la SAS Bouygues Construction Services Nucléaires, actuellement dénommée Bouygues Construction Expertises Nucléaires (L’entrepreneur principal). Le contrat contenait une clause n°22 intitulée ‘Divers’ qui stipulait que :’ Le présent contrat annule et remplace tous accords et documents antérieurs relatifs aux prestations à effectuer par le Bureau d’Etudes. Il ne pourra se prévaloir d’aucun document, conditions générales de vente ou d’études, devis descriptifs on quantitatifs même acceptés ou autres échanges écrits ou oraux qui seront considérés de nul effet, les seules pièces contractuelles étant les documents versés au contrat…’
Par avenant du 19 mai 2017, le contrat, qui devait prendre fin le 16 mai 2017, a été prolongé jusqu’au 16 juin 2017.
Un deuxième contrat n°2000488919 de sous-traitance de prestation d’étude HVAC pour un projet Astel a été signé le 17 juin 2017 par les deux sociétés. Par avenants des 1er et 27 septembre 2017, il a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2017.
Un troisième contrat n°2000521006 de sous-traitance de prestation d’étude HVAC pour un projet Melox a été signé le 4 janvier 2018 par les deux sociétés. Sa durée a été fixée du 3 janvier au 31 janvier 2018.
Monsieur [M] [C], ingénieur employé par le bureau d’études, depuis le 27 février 2017, a été affecté à l’exécution de ces contrats.
Au cours du second semestre 2017, des discussions ont eu lieu entre les parties ayant pour objet le recrutement de Monsieur [C] par l’entrepreneur principal.
Le bureau d’études, prestataire de services, a indiqué le 4 janvier 2018 qu’il
accepterait de lever la clause de non sollicitation qui cadrait ses prestations dès la mise en place d’une autre prestation de six mois minimum ou équivalent ‘pour garantir la rentabilité’.
Le 16 janvier 2018, le bureau d’études a présenté à l’entrepreneur principal un profil d’ingénieur. Le 26 janvier 2018, le bureau d’études a adressé à l’entrepreneur principal, une offre commerciale pour la prestation d’une collaboratrice ayant le profil d’ingénieur HVAC, expérience nucléaire.
Par mail du même jour, l’entrepreneur principal a proposé au bureau d’études la passation d’une commande de prestation de six mois par sa collaboratrice, dont la prise d’effet était reportée au 2 mai 2018, pour prendre fin au 31 octobre 2018. Il était précisé que la commande serait établie, dès accord de Monsieur [R], responsable de site.
Le 2 février 2018, Monsieur [C] a présenté sa démission au bureau d’études, en précisant que c’était dans le cadre de son embauche par l’entrepreneur principal.
Le 12 février 2018, le bureau d’études lui a indiqué que sa période de préavis de trois mois ne pourrait pas être réduite et qu’elle prendrait fin le 30 avril 2018. À ce sujet, le bureau d’études a d’ailleurs saisi ultérieurement, le 6 avril 2018, le conseil de prud’hommes de Lyon qui a rendu le 5 décembre 2019 une décision condamnant Monsieur [C] à lui verser une indemnité compensatrice de préavis de 9 910,95 euros.
Par lettre recommandée du 9 mars 2018, le bureau d’études s’est prévalu auprès de l’entrepreneur principal de la clause contenue dans ses conditions générales de vente, emportant une interdiction de sollicitation et d’embauche sur une période de douze mois, après la fin de la mission, et réservant son droit de demander un dédommagement de deux cent dix-sept jours de prestation, soit de 112 840 euros hors taxes.
Par lettre recommandée du 21 mars 2018, l’entrepreneur principal a indiqué au bureau d’études qu’il avait recruté son salarié, conformément à l’accord conclu au début du mois de janvier 2018 prévoyant la mise en place d’une commande d’une prestation de six mois, conforme à son souhait.
Par lettre du 26 mars 2018, le bureau d’études a réitéré sa demande d’indemnisation du préjudice subi du fait de l’embauche de Monsieur [C] ainsi qu’une commande pour la mission devant être exécutée par sa collaboratrice, à compter du 2 mai 2018, ou, à défaut, le versement d’une somme de 24 000 euros HT en compensation de l’annulation de son engagement.
Par lettre recommandée du 24 mai 2018, le conseil du bureau d’études a indiqué à l’entrepreneur principal qu’il avait renoncé à la clause de non-sollicitation, à condition que ce dernier accepte de conclure une nouvelle prestation et que Monsieur [C] effectue le préavis de trois mois prévu dans le contrat de travail.
Par acte d’huissier du 19 juin 2018, le bureau d’études a assigné l’entrepreneur principal devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de la voir notamment condamner à lui payer la somme de 112 840 euros, à titre d’indemnisation du fait de la violation de la clause de non-sollicitation, et la somme de 64 189,68 euros, au titre de factures impayées.
Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Nîmes a :
-Condamné l’entrepreneur principal à payer au bureau d’études la somme de 112 840 euros au titre de l’indemnisation de la violation de la clause de non-sollicitation
-Débouté le bureau d’études de sa demande au titre des factures impayées
-Ordonné l’exécution provisoire
-Condamné l’entrepreneur principal à payer au bureau d’études la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
-Condamné l’entrepreneur principal aux dépens de l’instance, liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Le 28 janvier 2020, l’entrepreneur principal a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, excepté celle déboutant le bureau d’études de sa demande au titre des factures impayées.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société appelante (l’entrepreneur principal) demande à la cour, au visa de l’article 1231-5 du code civil, de:
-la Déclarer recevable et bien fondée en son appel
-Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
-Constater que l’entrepreneur principal n’était tenu par aucun engagement de non-sollicitation
-Constater qu’un accord était intervenu entre la société Synergie Engineering [Localité 5] et l’entrepreneur principal
-Débouter la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS Lyon n°414 294 322) venant aux droits et obligation de la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS n°824 860 522) de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident
A tout le moins, à titre subsidiaire,
Constatant le caractère excessif de la clause pénale de l’indemnité réclamée par la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS Lyon n°414 294 322) venant aux droits et obligation de la Société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS n°824 860 522),
-Réduire le montant de celle-ci
-Condamner la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS Lyon n°414 294 322) venant aux droits et obligation de la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS n°824 860 522) à payer à l’entrepreneur principal la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-Condamner la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS Lyon n°414 294 322), venant aux droits et obligation de la société Synergie Engineering [Localité 5] (RCS n°824 860 522), à payer à l’entrepreneur principal la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Condamner la société Synergie Engineering [Localité 5] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’appelante fait grief au tribunal de commerce d’avoir considéré que le contrat qu’elle avait élaboré présentait les caractéristiques d’un contrat d’adhésion et d’avoir déclaré abusif l’article 22 du dit contrat, sur le fondement de l’article 1171 du code civil. Elle lui reproche également d’avoir jugé que l’accord intervenu pour permettre à monsieur [C] de rejoindre l’entrepreneur principal contre des ordres de mission n’était pas parfait, la condition suspensive de l’accord de Monsieur [R] n’étant pas réalisée.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir :
-qu’elle n’a jamais été liée par un quelconque engagement de non-sollicitation inventé par l’intimée
-que le contrat du 22 février 2017 ne contient aucune clause de non-sollicitation
-que l’entrepreneur principal n’a pas été liée contractuellement par le prétendu envoi unilatéral des conditions générales de vente
-que la réalité d’une transmission des conditions générales de vente n’est pas établie
-que le contrat signé ultérieurement contient des conditions générales de vente et d’achat, différentes de l’offre, et signées par les deux parties
-que l’entrepreneur principal n’a, à aucun moment, accepté l’offre du bureau d’études en l’état
-que le contrat du 22 février 2017 ne peut être qualifié de contrat d’adhésion
-qu’il a fait l’objet de négociations entre les deux parties
-qu’il n’est pas composé d’un ensemble de clauses non négociables, déterminées unilatéralement par l’entrepreneur principal mais d’un ensemble d’engagements réciproques
-que le tribunal n’a pas procédé à une analyse globale et concrète du contrat afin d’apprécier l’existence d’un déséquilibre significatif entre les parties
-que l’article 22 du dit contrat qui annule et remplace tous accords et documents antérieurs est on ne peut plus classique
-que si par extraordinaire, la cour venait à considérer qu’un engagement de non-sollicitation aurait pu engager l’entrepreneur principal, elle ne pourrait que constater que cet engagement est annulé par application de l’article 22 du contrat du 22 février 2017
-qu’un accord sur les conditions de l’embauche de Monsieur [C] par l’entrepreneur principal, à compter du mois de février 2018, était intervenu être les parties
-que par email du 4 janvier 2018, le bureau d’études a fait part de son acceptation à l’embauche par l’entrepreneur principal de Monsieur [C], en contrepartie d’un « engagement de commande de votre part sur une nouvelle prestation de six mois minimum ou équivalent pour garantir la rentabilité
-que par email du 26 janvier 2018, le bureau d’études a présenté une offre commerciale à l’entrepreneur principal concernant une collaboratrice
-que par email du 26 janvier 2018, l’entrepreneur principal a confirmé au bureau d’études une commande pour une prestation de six mois, prenant effet du 2 mai 2018 jusqu’à fin octobre 2018
-que cette prestation ne pouvait commencer que le 2 mai 2018, malgré les besoins de l’entrepreneur principal, au regard de l’absence de disponibilité de la collaboratrice avant le 2 mai, telle que présentée par le bureau d’études
-que les échanges entre les parties établissent que l’accord de Monsieur [R] A bien été donné
-que ce n’est que pour des raisons internes au bureau d’études que la mission n’a pas débuté
-que le bureau d’études a voulu revenir sur l’accord qu’il avait donné en prétendant qu’il aurait été convenu entre les parties que Monsieur [C] ne pourrait entrer au service de l’entrepreneur principal que le 2 mai 2018 (date à laquelle la collaboratrice du bureau d’études aurait été disponible pour entamer la mission convenue) et que les prestations qu’il effectuerait entre le 2 février et ladite date seraient facturées à cette dernière
-qu’il appartient au bureau d’études d’établir son préjudice.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour de :
-Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 19 décembre 2019,
-Condamner l’entrepreneur principal à lui payer la somme de 112 840 euros au titre de l’indemnisation de la violation de la clause de non sollicitation, outre intérêts à compter de la mise en demeure du 24 mai 2018
-Condamner l’entrepreneur principal à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’instance.
L’intimée réplique :
-que l’entrepreneur principal a signé un contrat basé sur la proposition commerciale du 26 janvier 2017, soumise à des conditions générales de vente
-par l’acceptation de la proposition commerciale et donc des conditions générales de vente, l’entrepreneur principal s’est trouvée liée au bureau d’études par une clause de non-sollicitation
-qu’en embauchant le salarié du bureau d’études, l’entrepreneur principal a violé son obligation contractuelle de non-sollicitation
-que le contrat du 22 février 2017 n’a pas fait l’objet de négociations entre les deux parties
-qu’il est composé d’un ensemble de clauses non négociables déterminées unilatéralement par l’entrepreneur principal
-que la clause prévue à l’article 22 du contrat du 22 février 2017 qui écarte l’application des conditions générales de vente du partenaire, sans rééquilibrage, ni contrepartie, institue un déséquilibre significatif au détriment du bureau d’études
-qu’une clause l’empêchant de se prémunir contre le comportement déloyal de son partenaire, permettant donc un débauchage des salariés, créé inévitablement un déséquilibre significatif
-que dans le souci de poursuivre ses relations contractuelles avec l’entrepreneur principal, le bureau d’études avait proposé de renoncer à la clause de non-sollicitation en contrepartie d’un engagement de commande sur une nouvelle prestation de six mois minimum
-que l’entrepreneur principal a feint de proposer une commande
-que la mission de la collaboratrice, indisponible aux dates demandées, n’a jamais été validée et qu’aucune commande n’a été reçue
-que le coût de l’embauche de cette collaboratrice est resté à la charge du bureau d’études
-que le bureau d’études n’a, à aucun moment, donné son consentement à une levée de la clause
-qu’aucun protocole d’accord n’a été signé
-qu’il a tenté, à l’amiable, de mettre fin au litige découlant de l’inexécution des obligations de l’entrepreneur principal.
MOTIFS
1) Sur l’opposabilité des conditions générales de vente
L’article L. 441-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur applicable au litige, impose à tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle.
Aux termes de l’article 1119, alinéa 1 du code civil, les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
La clause de non-sollicitation invoquée par le bureau d’études est contenue dans ses conditions générales de vente.
Il n’est pas avéré que les parties étaient en relations d’affaires suivies, avant la conclusion de la convention du 22 février 2017, et que l’entrepreneur principal ait accepté tacitement les conditions générales de vente du bureau d’études, lors de la signature d’autres contrats ou à l’occasion de facturations antérieures les faisant apparaître.
Le bureau d’études verse au débat deux courriers électroniques datés des 20 et 26 janvier 2017, accompagnant l’envoi de plusieurs propositions commerciales, figurant en pièces jointes sous les références ATLY17-BOU-PRJ333, ATLY17-BOU-PRJ333 -2 et ATLY17-BOU-PRJ338. Ces courriers électroniques, plutôt succincts, font uniquement état de la date de démarrage possible de l’intervention des collaborateurs du prestataire de services et du tarif journalier de cette intervention, sans faire aucunement référence aux conditions générales de vente de ce dernier.
Le bureau d’études échoue à démontrer qu’un extrait de ses conditions générales de vente, contenant la clause de non-sollicitation, figurait en pièce jointe à la suite de l’offre proprement dite, les pages de la proposition commerciale retenue n’ayant été ni signées, ni même paraphées par l’entrepreneur principal de sorte qu’il n’est possible de vérifier le contenu exact des documents envoyés à ce dernier.
Le contrat n°2000464783 de sous-traitance de prestations d’études HVAC signé le 22 février 2017 vise, dans son sommaire en page 3, une annexe n°10 intitulée ‘proposition technique et commerciale ATLY17-BOU-PRJ333″. A cet égard, le bureau d’études produit une page vierge n°39 comportant uniquement le titre ‘ANNEXE10-ANNEXE PROPOSITION TECHNIQUE ET COMMERCIALE SYNERGIE ENGINEERING ATLY17-BOUPRJ333″, sans que le contenu de cette proposition ne soit reproduit ; de plus, en bas de la page n°39, figure la mention ‘PRESTATION ESSAIS ET MISE AU POINT-NUMERO DE CONTRAT 2000409440″ alors que le contrat signé porte le 2000464783.
Le contrat conclu le 22 février 2017 contient une clause selon laquelle il annule et remplace tous accords et documents antérieurs relatifs aux prestations à effectuer par le bureau d’études qui ne pourra se prévaloir d’aucun document, conditions générales de vente ou d’études, devis descriptifs on quantitatifs même acceptés ou autres échanges écrits ou oraux qui seront considérés de nul effet. Cette clause de style, qui ne fait pas référence à des stipulations précises, ne permet pas non plus d’établir que l’entrepreneur principal ait eu connaissance de conditions générales de vente de son partenaire commercial et encore moins, qu’il les ait acceptées.
Par conséquence, il n’est pas rapporté la preuve que l’entrepreneur principal soit lié par la clause de non-sollicitation qui ne saurait lui être opposée. Faute de démonstration de l’inexécution par l’entrepreneur principal de ses obligations contractuelles, le bureau d’études n’est donc pas fondé en sa demande en paiement de la somme de 112 840 euros.
Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu’il a condamné l’entrepreneur principal à payer au bureau d’études la somme de 112 840 euros au titre de l’indemnisation de la violation de la clause de non-sollicitation, condamné l’entrepreneur principal à payer au bureau d’études la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’entrepreneur principal aux dépens de l’instance.
2) sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’occurrence, il n’est pas établi que le bureau d’études avait déjà obtenu le règlement des factures litigieuses, antérieurement à la saisine du tribunal de commerce. Le seul rejet de sa demande, considérée comme infondée, d’application de la clause de non-sollicitation ne caractérise pas sa mauvaise foi et son intention de nuire à l’entrepreneur principal.
Par conséquent, c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté l’entrepreneur principal de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.
3) Sur les frais du procès
L’appelante ayant obtenu gain de cause, l’intimée sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne commande toutefois pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’appelante.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté la SAS Bouygues Construction Expertises Nucléaires de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS Synergie Engineering [Localité 5], anciennement société Altika, enregistrée sous le numéro 414294322, société absorbante, venant aux droits de la société absorbée, la SAS Synergie Engineering [Localité 5] dont le numéro SIRET est le 824860522, de sa demande en paiement de la somme de 112 840 euros
Déboute la SAS Synergie Engineering [Localité 5], anciennement société Altika, enregistrée sous le numéro 414294322, société absorbante, venant aux droits de la société absorbée, la SAS Synergie Engineering [Localité 5] dont le numéro SIRET est le 824860522, de sa demande en paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Y ajoutant
Condamne la SAS Synergie Engineering [Localité 5], anciennement société Altika, enregistrée sous le numéro 414294322, société absorbante, venant aux droits de la société absorbée, la SAS Synergie Engineering [Localité 5] dont le numéro SIRET est le 824860522, aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Déboute la SAS Bouygues Construction Expertises Nucléaires de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente de Chambre, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE