Clause de non-sollicitation : 3 juillet 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 19/00491

·

·

Clause de non-sollicitation : 3 juillet 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 19/00491
Ce point juridique est utile ?

Copies

exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRÊT DU 03 JUILLET 2019

(n° 305 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00491 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BSH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/09005

APPELANTE

SAS ALIXPARTNERS SASU prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 484 440 144

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée par Me Didier MALKA du LLP WEIL GOTSHAL & MANGES (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132

INTIMES

Monsieur [N] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2]

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté par Me Louis-Marie ABSIL et Me Rebecca GUILLOUX de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

SARL THE BOSTON CONSULTING GROUP AND CIE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 722 055 738

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée par Me Michel PONSARD de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie GRALL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère

Mme Sophie GRALL, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie GRALL, Conseillère, pour la Présidente empêchée et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

Les sociétés américaines concurrentes, Boston Consulting Group (BCG) et AlixPartners, exercent une partie de leur activité de conseil dans le domaine de la restructuration et du redressement d’entreprises.

MM. [C] et [E], ‘managing directors’ spécialistes du redressement d’entreprises au sein de la société AlixPartners depuis 2006, ont rejoint la société BCG en avril 2017 en qualité d’associés et ‘managing directors’.

M. [R], embauché en 2006 et également managing director de la société AlixPartners à compter de 2013, s’est vu notifier son licenciement le 25 juillet 2017.

Un protocole transactionnel a finalement été signé entre les parties le 11 août 2017 fixant notamment le terme du contrat le 25 octobre 2017.

M. [R] a intégré le bureau parisien de BCG à cette même période, en qualité de Partner et Managing Director.

Craignant que des données confidentielles aient été transférées chez son concurrent depuis l’ordinateur de M. [R], la société AlixPartners a présenté respectivement les 6 et 9 avril 2018 deux requêtes, l’une au président du tribunal de commerce de Paris et l’autre au président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir désigner un huissier de justice sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnances sur requête des 9 et 12 avril 2018, il a été fait droit aux demandes de la société AlixPartners.

Par exploit d’huissier du 19 septembre 2018, la société BCG a sollicité la rétractation de l’ordonnance du 9 avril 2018 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018.

Par ordonnance du 9 janvier 2019, le juge de référés du tribunal de grande instance de Paris a :

– reçu la société BCG en son intervention volontaire ;

– ordonné la rétractation de l’ordonnance en date du 9 avril ‘2017″ ;

– declaré nuls les actes subséquents notamment le procès-verbal de constat établi par Me [A] [Y] et Me [W] [O] les 14 et 18 mai 2018 pour les opérations et le 30 mai 2018 pour la rédaction, en exécution de l’ordonnance du 9 avril 2018 ;

– condamné la société AlixPartners à payer à M [R] la somme de 10.000 euros et à

la société BCG la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné la société AlixPartners aux dépens ;

Suivant déclaration du 10 janvier 2019, la société AlixPartners a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’ordonnance du 9 avril 2018, déclaré nuls les actes subséquents et l’a condamné au paiement de sommes au titre des frais irrépétibles.

Par ses conclusions transmises le 13 mai 2019, la société AlixPartners demande à la cour de :

à titre principal

– infirmer l’ordonnance entreprise, rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris le 9 janvier 2019 ;

statuant à nouveau,

– rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 ;

– confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 ;

à titre subsidiaire

– infirmer l’ordonnance entreprise, rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris le 9 janvier 2019 ;

statuant à nouveau,

– rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 ;

– modifier l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 comme suit :

« [‘] – rechercher et prendre copie :

o sur tout ordinateur professionnel, fixe ou portable, utilisé par M. [R] et sur tout ordinateur personnel, fixe ou portable, lui appartenant ;

o dans toute boîte e-mail de M. [R] , tant professionnelle que personnelle,

o sur tout téléphone portable professionnel utilisé par M. [R] et sur tout téléphone portable personnel lui appartenant, sur tout support professionnel de données informatiques, externe ou interne, utilisé par M. [R] et sur tout support personnel de données informatiques, externe ou interne, appartenant à M. [R] ,

o et plus généralement sur toute plate-forme et/ou serveur, hébergé(e) à l’intérieur et/ou à l’extérieur des locaux de BCG Paris ou du domicile de M. [R] , mais accessible depuis les terminaux mentionnés ci-avant, de tous dossiers, fichiers et/ou correspondances électroniques (en ce compris les messages échangés depuis un téléphone portable), rédigés, créés, enregistrés, copiés, modifiés, ouverts, reçus, transférés ou émis depuis le 1er mars 2017 jusqu’au jour d’exécution de la présente ordonnance (ou dont la date est comprise entre le 1er mars 2017 et le jour d’exécution de la présente ordonnance), en rapport avec les faits litigieux tels qu’exposés dans la requête, mentionnant les mots-clés suivants (dans l’objet, dans les coordonnées de l’émetteur ou du destinataire, dans le corps du message ou dans la/les pièces jointes pour ce qui concerne les correspondances électroniques), en majuscules ou en minuscules, seuls ou combinés les uns aux autres : [‘] » ;

à titre très subsidiaire

– infirmer l’ordonnance entreprise, rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris le 9 janvier 2019 ;

statuant à nouveau,

– rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 ;

– modifier l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018 comme suit :

« [‘] – rechercher et prendre copie :

o sur tout ordinateur personnel, fixe ou portable, appartenant à M. [R] ;

o dans toute boîte e-mail personnelle de M. [R] ;

o sur tout téléphone portable personnel appartenant à M. [R] ;

o sur tout support personnel de données informatiques, externe ou interne, appartenant à M. [R] , et plus généralement sur toute plate-forme et/ou serveur, hébergé(e) à l’intérieur et/ou à l’extérieur des locaux de BCG Paris ou du domicile de M. [R] , mais accessible depuis les terminaux mentionnés ci-avant, de tous dossiers, fichiers et/ou correspondances électroniques (en ce compris les messages échangés depuis un téléphone portable), rédigés, créés, enregistrés, copiés, modifiés, ouverts, reçus, transférés ou émis depuis le 1er mars 2017 jusqu’au jour d’exécution de la présente ordonnance (ou dont la date est comprise entre le 1er mars 2017 et le jour d’exécution de la présente ordonnance), en rapport avec les faits litigieux tels qu’exposés dans la requête, mentionnant les mots-clés suivants (dans l’objet, dans les coordonnées de l’émetteur ou du destinataire, dans le corps du message ou dans la/les pièces jointes pour ce qui concerne les correspondances électroniques), en majuscules ou en minuscules, seuls ou combinés les uns aux autres : [‘]» ;

en tout état de cause

– débouter M. [R] et BCG Paris de l’ensemble de leurs demandes ;

– condamner M. [R] à verser entre les mains d’AlixPartners la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner BCG Paris à verser entre les mains d’AlixPartners la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [R] et BCG Paris aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître François Teytaud, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– il était nécessaire de déroger au principe du contradictoire car les transferts de dossiers de la société AlixPartners vers la société BCG ont été réalisés par M. [R] à l’insu de l’appelante ; de nombreux fichiers transférés concernent des clients d’AlixPartners que M. [R] avait l’interdiction de solliciter après son départ ; M. [R] exerce désormais en qualité d’associé d’un concurrent direct de l’appelante ; des fichiers informatiques sont par nature volatiles et aisément détruits (CA Paris, 5 juillet 2018, n° 17/03602) ; les circonstances précises qui nécessitent de déroger au contradictoire ont été longuement développées par l’appelante dans sa requête ;

– le motif légitime résulte des circonstances du départ de M. [R], parti en même temps que deux de ses collègues pour une société directement concurrente ; la société AlixPartners a des raisons de penser que M. [R] a copié plus de 2.000 fichiers appartenant à l’appelante à son insu en méconnaissance de ses engagements et déclarations ; les agissements litigieux ont eu lieu le 8 mars 2017, pendant le processus de recrutement de M. [R] par la société BCG et le 28 juillet 2017, dernier jour de présence effective de M. [R] dans les locaux d’AlixPartners ; le rapport de l’expert informatique agréé par la Cour de cassation indique que les données analysées proviennent du disque dur de M. [R] et que sa copie a été réalisée à l’aide d’un progiciel qui permet de réaliser une image fidèle du disque ;

– pour conclure au défaut de motif légitime, le premier juge a considéré que s’il avait eu connaissance de l’ordonnance du 12 avril 2018 rendue par le juge des référés du tribunal de commerce, le juge aurait rejeté la requête au moins sur les aspects professionnels de la recherche et que la requête devant le juge consulaire aurait également pu inclure les aspects personnels de la recherche concernant M. [R] ; or les mesures d’instruction sollicitées ne concernaient ni les mêmes personnes, les mêmes lieux, les mêmes supports, les mêmes mots clés ou les mêmes bornes temporelles ; la société AlixPartners n’était pas tenue de révéler au président du tribunal de grande instance de Paris une autre procédure sur requête qui devait rester secrète ; le juge doit statuer sur l’existence du motif légitime sans avoir à rechercher si le requérant a omis de faire état de certains faits (Cass, 20 mars 2014, n° 12-29.568) ; l’existence du motif légitime s’apprécie au jour du dépôt de la requête et la loyauté n’est pas une condition requise par l’article 145 du code de procédure civile (CA Paris, 28 mars 2018, n° 17/06509) ; le fait que la requête portait sur des supports situés dans les locaux de la société BCG est sans incidence sur la légitimité du motif car les documents concernés par la procédure devant le tribunal de grande instance portaient sur l’obligation de non-sollicitation souscrite par M. [R] et les mots clés ‘alix’ ; ‘alixpartners’ et ‘AP’, ce que ne prévoit pas l’ordonnance rendue par le tribunal de commerce ; les supports pouvant être déplacés, le domicile de M. [R] était concerné ;

– pour conclure au défaut de motif légitime, la société BCG se prévaut des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile alors qu’il est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l’article 145 ; la condition ‘d’indispensabilité’ de la mesure d’instruction ordonnée est inopérante car le droit positif ne connaît aucun principe de concentration des demandes et a fortiori des demandes de mesure d’instruction ;

– les mesures ordonnées sont légalement admissibles car à supposer même que la mesure d’investigation ait pu porter sur des appareils appartenant à ses proches et ponctuellement utilisés par lui, il n’en demeure pas moins que la société AlixPartners conserve un droit à la preuve ; le caractère trop vaste et disproportionné de la mesure souligné par M. [R] est un moyen inopérant car il est censé n’avoir conservé aucun courriel appartenant à la société AlixPartners et que la mesure de séquestre permet de préserver les droits de la société BCG et M. [R] ;

– la société AlixPartners est recevable à solliciter la modification de l’ordonnance en vertu de l’article 497 du code de procédure civile ; l’appelante ne forme une demande subsidiaire de modification de l’ordonnance qu’en réaction à la demande de rétractation totale formée à titre principal par M. [R] et la société BCG ; cette demande de modification n’est pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile car elle tend aux mêmes fins que la demande principale.

Par ses conclusions transmises le 14 mai 2019, M. [R], demande à la cour de :

sur la demande principale de la société AlixPartners

– dire qu’il n’est pas justifié in concreto de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;

– dire que la société AlixPartners ne justifie pas d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que :

(i) les mesures d’instruction sollicitées par la société AlixPartners devant le président du tribunal de grande instance de Paris ne sont pas utiles,

(ii) la société AlixPartners n’a présenté aucun indice sérieux justifiant l’octroi d’une mesure d’instruction à l’encontre de M. [R] ,

– dire que les mesures d’instruction sollicitées par la société AlixPartners et ordonnées le 9 avril 2018 ne sont ni proportionnées, ni légalement admissibles, et portent une atteinte

disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. [R] ,

en conséquence,

– confirmer l’ordonnance rendue le 9 avril 2019 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a ordonné la rétractation intégrale de l’ordonnance du 9 avril 2018 et déclaré nuls les actes subséquents, notamment le procès-verbal de constat établi par Maître [A] [Y] et Maître [W] [O] les 14 et 18 mai 2018 pour les opérations et le 30 mai 2018 pour la rédaction, en exécution de l’ordonnance du 9 avril 2018,

– ordonner la restitution immédiate de l’intégralité des éléments appréhendés à M. [R]

sur la demande subsidiaire de la société AlixPartners

à titre principal,

– déclarer irrecevable la demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris pour défaut d’intérêt à agir de la société AlixPartners sur le fondement de l’article 497 du code de procédure civile dès lors que ladite ordonnance ne lui cause aucun grief,

à titre subsidiaire,

– déclarer irrecevable la demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris dès lors qu’il s’agit d’une prétention nouvelle formulée pour la première fois en appel,

en tout état de cause,

– dire que l’ajout de la phrase « en rapport avec les faits litigieux » dans l’ordonnance du 9 avril 2018 sollicité par la société AlixPartners reviendrait à conférer à l’huissier de justice une mission et un pouvoir d’enquête qui excèderait son rôle de constatant,

– dire que la délimitation du champ d’application de la mesure d’instruction « à la messagerie (tant personnelle que professionnelle) de M. [R] , aux appareils informatiques personnels lui appartenant, ainsi qu’aux appareils professionnels utilisés par celui-ci » sollicitée par la société AlixPartners n’aura aucune conséquence sur le caractère illégitime et manifestement disproportionné de la mesure d’instruction ainsi modifiée,

en conséquence,

– débouter la société AlixPartners de sa demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris.

sur la demande infiniment subsidiaire de la société AlixPartners

à titre principal,

– déclarer irrecevable la demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris pour défaut d’intérêt à agir de la société AlixPartners sur le fondement de l’article 497 du code de procédure civile dès lors que ladite ordonnance ne lui cause aucun grief,

à titre subsidiaire,

– déclarer irrecevable la demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris dès lors qu’il s’agit d’une prétention nouvelle formulée pour la première fois en appel,

en tout état de cause,

– dire que la délimitation du champ d’application de la mesure d’instruction « à la messagerie personnelle de M. [R] ainsi qu’aux appareils informatiques personnels lui appartenant » sollicitée par la société AlixPartners n’aura aucune conséquence sur le caractère illégitime et manifestement disproportionné de la mesure d’instruction ainsi modifiée,

en conséquence,

– débouter la société AlixPartners de sa demande de modification de l’ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris ;

en tout état de cause

– débouter la société AlixPartners de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société AlixPartners à verser à M. [R] , la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société AlixPartners aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

– aucune circonstance ne justifie de déroger au principe du contradictoire car le fait que les éléments recherchés dans le cadre des mesures d’instruction in futurum concernent des dossiers issus de matériels informatiques pouvant être facilement supprimés n’est pas suffisant pour justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ; les mention de ‘effet de surprise’ et ‘risque de dépérissement des éléments probatoires’ n’est pas davantage suffisant (CA Paris, 20 février 2019, n° 18/17333) ; les lacunes de la requête introduite par la société AlixPartners ne peuvent être corrigées a posteriori (CA Versailles, 31 janvier 2019, n° 18/01747) ;

– il n’est pas fait état d’un motif légitime :

– la mesure autorisée par le président du tribunal de commerce de Paris retirait, pour les aspects professionnels, tout intérêt à la mesure sollicitée devant le président du tribunal de grande instance de Paris ; le critère que le juge doit prendre en considération est de savoir si la mesure d’instruction in futurum améliore la situation probatoire du requérant, ce qui n’est pas le cas lorsque celui-ci est déjà en possession d’éléments de preuve suffisants et a déjà sollicité une mesure identique devant une autre juridiction (Civ, 2ème, 22 avril 1992, n°90-19.727) ; le vice-président du tribunal de grande instance de Paris était parfaitement en droit de se fonder sur des éléments existants au jour du dépôt de la requête qui lui a été présentée le 9 avril 2018 par AlixPartners, tels que le précédent dépôt de la requête présentée le 6 avril 2018, car contrairement à ce qui est soutenu, le juge de la rétractation peut également se fonder sur des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et ceux produits ultérieurement devant lui (Civ 2ème, 7 juillet 2016, n0 15-21579) ; la requête présentée au président du tribunal de commerce aurait pu inclure les aspects personnels de la recherche concernant M. [R] ;

– la société AlixPartners n’a présenté aucun indice sérieux justifiant l’octroi de mesures d’instruction in futurum, le seul élément versé au débat étant un rapport établi de manière non-contradictoire au sujet du disque dur de l’ordinateur restitué le 25 octobre 2017, soit 5 mois avant la réalisation de l’expertise, par M. [R], lequel pouvait effectuer des sauvegardes de documents de travail, jusqu’au 11 août 2017, jour auquel il a déclaré ne plus être en possession de documents ; aucun indice ne permet de démontrer que les données sauvegardées ont été communiquées à la société BCG ou que M. [R] a violé sa clause de non-sollicitation ;

– les mesures sollicitées ne sont pas légalement admissibles car le champ matériel est trop vaste, la liste de mots clés étant excessivement longue et certains mots clés sont susceptibles de renvoyer à des documents sans rapport avec le litige ; le champ d’application temporel est trop vaste alors que les engagement contractuels de M. [R] n’ont pris effet qu’à compter du 11 août 2017 s’agissant de la non-conservation des documents et le 25 octobre 2017 s’agissant de son engagement de confidentialité ;

– les mesures portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. [R] car la recherche à son domicile sur des appareils ou des messageries

personnels ne permet pas d’exclure que cette recherche s’applique à des appareils ou des messageries appartenant à ses proches et ponctuellement utilisés par lui ;

– la demande subsidiaire de modification de l’ordonnance formulée est irrecevable car une lecture combinée des articles 496, 497, 17 et 31 du code de procédure civile permet d’établir que la voie de la modification d’une ordonnance sur requête est uniquement ouverte à la partie à laquelle fait grief l’ordonnance (Civ 1ère, 13 juillet 2005, n° 05-10.519);

– à titre subsidiaire, la demande de modification de l’ordonnance du 9 avril 2018 est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile ;

– en tout état de cause la demande de modification de l’ordonnance du 9 avril 2018 doit être rejetée car elle confère à l’huissier de justice une mission qui le conduirait à apprécier sur le fond la pertinence des élément saisis (CA Paris, 14 novembre 2001, n° 2001/16057).

Par ses conclusions transmises le 7 mai 2019, la société BCG demande à la cour de :

– constater le caractère identique des deux requêtés présentées par AlixPartners devant le tribunal de grande instance de Paris et devant le tribunal de commerce de Paris ;

– constater l’absence d’utilité, d’indispensabilité, de nécessité et de proportion des mesures sollicitées par AlixPartners dans sa requête en date du 9 avril 2018 ;

– constater l’absence de motif exprès de nature à justifier la dérogation au principe du contradictoire dans la requête d’AlixPartners en date du 9 avril 2018 ;

en conséquence,

– confirmer l’ordonnance rendue par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris le 9 janvier 2019 ;

– condamner la société AlixPartners aux entiers dépens ;

– condamner la société AlixPartners au paiement de la somme de 25.000 euros au profit de la société Boston Consulting Group au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– aucune circonstance ne justifie de déroger au principe du contradictoire car les circonstances et motifs propres à le permettre visent en réalité à caractériser le motif légitime (CA Paris, 18 mai 2018, n° 16/23383) ; la motivation doit se trouver dans la requête et sa carence ne peut être palliée devant le juge de la rétractation ; la société AlixPartners fonde la motivation de sa requête sur un simple exposé des faits sans articuler de démonstration et ne se fonde sur aucune pièce ; la seule tentative d’explication tient à la nature informatique des fichiers ;

– il n’est pas fait état d’un motif légitime dans la mesure où la société AlixPartners procède par affirmations mensongères pour suppléer la carence de la preuve ; les mesures doivent être utiles pour caractériser un motif légitime (Com, 18 février 1986, n° 84-10620 ; consultation du professeur [W]) ; selon la doctrine, les mesures doivent être indispensables ; alors que les requêtes du 6 et 9 avril 2018 sont identiques, la société AlixPartners n’a pas estimé nécessaire d’aviser le juge des référés du tribunal de grande instance de l’introduction d’une procédure similaire devant le tribunal de commerce ;

– les mesures ordonnées ne sont pas strictement nécessaires et proportionnées car la deuxième requête concernant uniquement M. [R] vise différents supports professionnels mais également sa messagerie personnelle, portant atteinte à la fois au secret des affaires et à sa vie privée ; la deuxième requête permet de consulter une nouvelle fois les supports professionnels et les messages personnels de M. [R] alors que la première aurait dû suffire à réunir l’ensemble des éléments de preuve.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens respectifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; que l’article 493 prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci .

Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire.

Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

Aux termes de la requête présentée au président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018, la société AlixPartners expose que le départ de la société de M. [R], est concomitant à celui de deux autres Managing Directors, qui ont tous rejoint la société BCG, afin de participer au lancement d’une activité de conseil en redressement et en restructuration d’entreprises sous la dénomination ‘BCG Turns’, dont la presse s’est fait l’écho en novembre 2017 ; que ce départ ne pouvait être le fruit du hasard ; que dans ces circonstances, elle a été amenée à rappeler à M. [R] par lettre du 10 novembre 2017 les engagements contractés aux termes du protocole transactionnel du 11 août 2017 destiné au règlement de leur différend relatif à la rupture de son contrat de travail, de loyauté et de non-sollicitation ; qu’en parallèle, elle a pris directement attache avec BCG afin de protester du choix délibéré de ce concurrent de cibler ses personnels de manière parfaitement déloyale et de lui demander de lui retourner toute donnée confidentielle qui aurait été emportée par ses anciens salariés ; que devant les dénégations de BCG comme de M. [R], elle a fait procéder à une expertise non contradictoire du disque dur de l’ordinateur personnel de M. [R] qui conclut qu’il existe de fortes probabilités pour que les répertoires figurant sur le disque dur analysé, correspondant à des dossiers professionnels appartenant à la société, aient été placés par l’utilisateur ‘dbencichou’ sur le disque dur externe connecté le 8 mars 2017 à l’ordinateur professionnel du salarié.

Afin de motiver la nécessité de recourir à une mesure d’investigation non contradictoire destinée à rechercher les preuves de ce que les dossiers et fichiers transférés sur des supports externes à partir de l’ordinateur professionnel de M. [R] auraient été stockés sur les ordinateurs, serveurs, ou autres supports utilisés par celui-ci que ce soit à son domicile ou sur son lieu de travail actuel au sein de BCG Paris, la société AlixPartners

indique :

‘Le recours à la procédure non contradictoire de l’ordonnance sur requête est ainsi justifié lorsque ‘la mission de l’huissier a plus de chance de succès si elle est exécutée lorsque la partie adverse n’en est pas avertie’.

Tel est le cas lorsque les mesures sollicitées portent sur des documents, en particulier sur des documents stockés sur des supports informatiques, qui sont exposés au risque d’une destruction facile et rapide.

(…)Il résulte des faits précédemment exposés que la mesure d’instruction sollicitée vise à déterminer si M. [N] [R] a, comme le craint la requérante :

(i) copié et conservé de très nombreux fichiers et dossiers professionnels appartenant à la requérante ;

(ii) communiqué ou utilisé ces données, alors que M. [N] [R], ainsi que deux anciens Managers Directors de la requérante exercent désormais leurs activités chez son principal concurrent.

La mesure d’instruction sollicitée vise par conséquent à appréhender, notamment, des dossiers et fichiers issus de matériels informatiques de la requérante, transférés et stockés sur des supports informatiques externes aux matériels AlixPartners.

La préservation de ces éléments qui peuvent être facilement supprimés, effacés, parfois de manière irréversible, à l’insu de la requérante, si la mesure d’instruction est annoncée à l’avance au requis, est donc essentielle à l’efficacité de la mesure et à l’utilité même de la mesure.

Or cette préservation ne peut être assurée que si la mesure d’instruction est mise en oeuvre par surprise.’

L’éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète, les motifs pour lesquels, dans le cas d’espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise, le seul fait que les documents recherchés se trouvent sur des supports volatiles étant insuffisant à les caractériser.

Or, les considérations figurant dans la requête sont d’ordre général. L’effet de surprise recherché, sans démonstration ni prise en compte d’éléments propres au cas d’espèce caractérisant des circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, est insuffisant pour satisfaire aux exigences posées par l’article 493 du code de procédure civile.

Faute de motivation contenue dans la requête, comme dans l’ordonnance dont la motivation est tout aussi générale, de circonstances particulières de nature à autoriser une dérogation au principe du contradictoire, l’ordonnance sur requête du 9 avril 2018 doit être rétractée, et l’ordonnance de référé sur rétractation confirmée de ce chef.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

A hauteur de cour, il convient d’accorder aux intimés, contraints d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après.

Partie perdante, la société AlixPartners ne peut prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise,

Y ajoutant

Condamne la société AlixPartners à verser à M. [H] [R] et à la société BCG la somme de 5 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société AlixPartners aux dépens.

La Greffière, Pour la Présidente empêchée,

.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x