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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°403/2022
N° RG 19/04941 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P63P
Mme [Y] [B]
C/
SA CIC OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, Faisant fonction de Président
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Juin 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l’audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame RICHEFOU, médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [Y] [B]
née le 02 Septembre 1973 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence LE GAGNE de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉE :
SA CIC OUEST
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Stéphane JEGOU de la SELARL PARTHEMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [Y] [B] a été embauchée par le CIO, devenu la SA CIC OUEST, qui applique la convention collective nationale de la banque, selon un contrat à durée indéterminée en date du 11 mars 2003, en qualité de conseillère clientèle. Elle a évolué vers les fonctions de chargée d’affaires professionnelles à l’agence de [Localité 13], puis de responsable commerciale à [Localité 10].
Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait, depuis le 21 mai 2015, les fonctions de directrice d’agence à [Localité 8].
Le 23 novembre 2016, Mme [B] a été placée en arrêt de travail, arrêt qui a fait l’objet d’un renouvellement jusqu’au 21 juillet 2017. Elle a demandé la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et en a informé l’employeur, qui justifie n’avoir réceptionné son courrier que le lendemain de la notification du licenciement.
Le 26 février 2019, la CPAM des Côtes d’Armor lui a notifié, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), une prise en charge de la maladie, hors tableau, au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Par courrier recommandé en date du 13 février 2017, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement prévu le 03 mars 2017.
Par courrier recommandé en date du 23 mars 2017, l’employeur a notifié à Mme [B] un licenciement pour faute, en lui reprochant d’avoir manqué aux règles déontologiques relatives à la gestion des comptes des personnes proches et à la prévention des conflits d’intérêt.
La lettre de licenciement a pris effet au 20 avril 2017, en raison de l’effet suspensif de la saisine de la commission paritaire, laquelle , le 19 avril 2017 a, sur interprétation des échanges entre les parties intervenus lors de sa réunion, pris acte de la volonté des parties de trouver une solution transactionnelle et ne s’est pas prononcée.
Le contrat de travail a pris fin le 13 juillet 2017.
***
Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc le 13 décembre 2017 et a formé à l’audience les demandes suivantes :
– Juger que le licenciement intervenu le 23 mars 2017 est sans cause réelle et sérieuse
– En conséquence, condamner le CIC OUEST au paiement des sommes et indemnités suivantes :
– 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par son licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,
– 20.000,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la société CIC OUEST à son obligation de sécurité en matière de santé au travail,
– 15.000,00 € en réparation du préjudice occasionné par le caractère illicite de la clause de portefeuille contenue dans son contrat de travail,
– 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir
– Entiers dépens.
La SA CIC OUEST a demandé au conseil de :
– Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires.
– Déclarer Madame [Y] [B] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l’en débouter
– Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 Euros
– Entiers dépens.
Par jugement en date du 20 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a :
– Dit que les griefs liés à Monsieur [S] sont prescrits et ne peuvent être retenus à l’encontre de Madame [B].
– Dit que le CIC OUEST a manqué à son obligation de sécurité envers Madame [B] [Y].
– Condamné le CIC OUEST à payer à Madame [B] [Y] un montant de 12.000€ en réparation de son préjudice subi pour manquement à son obligation de sécurité.
– Débouté Madame [B] [Y] de ses autres demandes
– Condamné le CIC OUEST à payer à Madame [B] [Y] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement en totalité des sommes allouées.
– Reçu le CIC OUEST dans sa demande reconventionnelle et l’en a débouté.
– Condamné le CIC OUEST aux dépens, y compris les frais d’exécution.
***
Mme [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 23 juillet 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 30 mai 2022, Mme [B] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Saint Brieuc en ce qu’il a :
‘ Débouté Madame [B] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts de 50.000 €,
‘ Débouté Madame [B] de sa demande de requalification de la clause de portefeuille en une clause de non-concurrence illicite, et de sa demande de dommages et intérêts de 15.000 € corrélative,
‘ Débouté Madame [B] de sa demande relative à l’atteinte portée par le CIC OUEST à sa vie privée, et de sa demande de dommages et intérêts de 15.000 € corrélative,
Statuant à nouveau
– Juger que les faits reprochés à Madame [B] par courrier du 23 mars 2017 sont prescrits.
– Juger que les faits reprochés à Madame [B] par courrier du 23 mars 2017 sont infondés
– Juger le licenciement pour faute notifié à Madame [B] le 23 mars 2017 sans cause réelle et sérieuse
– Condamner le CIC OUEST à verser à Madame [B] 50.000 € à titre de dommages et intérêts.
– Juger que la clause de portefeuille doit être requalifiée en clause de non-concurrence
– La juger nulle et de nul effet.
– Condamner le CIC OUEST à verser à Madame [B] 15.000 € à titre de dommages et intérêts.
– Juger que le CIC OUEST a porté atteinte à la vie privée de Madame [B].
– Condamner le CIC OUEST à verser à Madame [B] 15.000 € de dommages et intérêt
– Confirmer le jugement entrepris pour le surplus
En tout état de cause,
– Condamner le CIC OUEST à verser 5.000 € sur l’article 700 du Code de procédure civile
– Débouter le CIC OUEST de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 09 juin 2022, la SA CIC OUEST demande à la cour de :
– Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Saint-Brieuc du 20 juin 2019 en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [Y] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– L’infirmer en ce qu’il a jugé prescrits les griefs liés à Monsieur [S] et juger de plus fort que le licenciement de Madame [Y] [B], repose également pour ce motif, sur une cause réelle et sérieuse,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [Y] [B] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant selon elle du respect d’une clause de non-sollicitation de clientèle dont elle estime qu’elle est nulle,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [Y] [B] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle dit avoir subi du fait de l’atteinte à la vie privée dont elle soutient avoir été l’objet,
– Infirmer, en revanche, le jugement du Conseil de Prud’hommes de Saint-Brieuc du 20 juin 2019 en ce qu’il a jugé que la société CIC OUEST avait manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Madame [Y] [B] et en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 12.000,00 € à titre de dommages et intérêt,
– L’infirmer, en tout état de cause, en ce qu’il a jugé que Madame [Y] [B] établissait l’existence d’un préjudice et, en tout cas, l’infirmer en ce qu’il a évalué le montant des dommages et intérêts à la somme de 12.000,00 € et réduire à plus juste mesure ce montant,
– Infirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Saint-Brieuc en ce qu’il a alloué à Madame [Y] [B] une indemnité de 3.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Déclarer Madame [Y] [B] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l’en débouter,
– Condamner Madame [Y] [B] à payer à la société CIC OUEST la somme de 5.0000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– La condamner aux entiers dépens.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 31 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
«’En application des dispositions légales et conventionnelles en vigueur, il vous a été adressé le 13 février 2017 -en courrier recommandé avec accusé de réception – une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement envisagé à votre encontre pour faute.
Cet entretien était fixé au vendredi 3 mars 2017 à 14 h 00 à l’agence de [Localité 12]. Vous vous y êtes présentée accompagnée de [F] [J], Délégué du Personnel SNB.
Il avait pour but de recueillir vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.
Le rapport du 5 janvier 2017 suite au contrôle périodique effectué à l’agence de [Localité 8] établit les faits suivants vous concernant :
Dossier relation client M. [H] [W]
Alors que vous entretenez des relations personnelles avec notre client M. [H] [W] depuis le 1er trimestre 2016, ce n’est que le 29 septembre 2016 que vous transférez la partie privée de la relation dans le portefeuille de votre collaboratrice CDC. Néanmoins, vous avez conservé dans votre portefeuille la relation PRO.
Pour le Groupe de ce chef d’entreprise qui comporte plusieurs structures, vous avez instruit les dossiers suivants
Un crédit-bail pour Celtique Logistique en septembre 2016 sans indication de votre lien avec le client alors que fin août vous avez informé officiellement vos collaborateurs entretenir des relations personnelles avec ce client.
En mars 2016, une demande de financement en crédit-bail immobilier concernant la SCI Invictus, pour la construction de locaux destinés à être loués à la société Celtique Logistique.
Ce dossier ayant été refusé par les engagements de la Région et un appel rejeté, le client a demandé, au début du mois de juillet 2016, une première réunion des différentes parties (client, avocat et Banques). Dans un échange avec le Chargé d’affaires CMCIC LEASE, vous avez décliné l’invitation au motif que le refus était définitif.
Vous n’avez pas participé à la seconde table ronde qui a été organisée le 6 septembre 2016 en prétextant une indisponibilité.
Vous avez ensuite refusé d’être présente à la réunion du 2 novembre 2016 organisée sous l’égide du médiateur du Crédit de la Banque de France suite au maintien de la décision de refus de financement, au prétexte que les autres établissements sont représentés par des collaborateurs des engagements. Vous avez néanmoins participé à cette réunion sur demande expresse de votre Responsable de Secteur.
Enfin, le 16 novembre 2016, vous avez instruit une nouvelle demande avec avis favorable qui a été refusée par la Direction de Région. Là encore vous ne faisiez pas état de votre relation avec le client dans vos commentaires sur ce dossier.
Dossier relation client M. [R] [S]
Selon les renseignements de la base tiers et les documents numérisés à l’agence du personnel, vous êtes toujours pacsée avec M. [R] [S].
Vous n’avez effectué aucune démarche pour informer la DRH du changement de votre situation personnelle.
M. [S] est d’ailleurs toujours client de l’agence du personnel et ceci depuis 2011 en tant que co-titulaire d’un de vos comptes courants.
Au cours du dernier trimestre de l’année 2016, deux dossiers ont été instruits dans votre agence en faveur de M. [S] ‘
En octobre 2016, après l’ouverture d’une racine et d’un compte chèque le concernant, vous avez demandé à l’une de vos collaboratrices d’instruire un Crédit en réserve. La validation de ce dossier, demandée pendant votre absence, a été accordée pour votre compte par les engagements de la Région car les commentaires ne font pas état des liens de proximité entre vous et ce client.
Pendant votre arrêt de travail, en novembre 2016, vous avez également demandé à votre collaboratrice CDC, d’instruire un dossier immobilier visant à procéder à un rachat de prêt immobilier vous concernant ainsi que Monsieur [S]. Le Directeur de l’agence de [Localité 13] qui assure l’intérim de l’agence de [Localité 8] pendant votre, absence a refusé de statuer en précisant que le demandeur était votre conjoint
Lors de l’entretien préalable, vous avez affirmé ne pas avoir de relations personnelles avec Monsieur [H] [W] et avoir agi sur instruction de l’agence du personnel concernant les deux dossiers instruits dans votre agence en faveur de Monsieur [R] [S]. Cela étant, vous auriez dû mentionner dans ces dossiers vos liens avec ce client.
Pour autant, vous ne nous avez pas fourni d’éléments concrets pouvant étayer vos affirmations et qui auraient pu nous amener à revoir notre position.
Par ces agissements, vous avez enfreint aux règles en vigueur dans notre entreprise sur la déontologie, plus précisément sur la gestion des comptes des proches et sur la prévention des conflits d’intérêt.
En conséquence, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute. Cette mesure prendra effet au lendemain de la première présentation de cette lettre, date à laquelle débutera votre préavis de 3 mois que nous vous dispensons d’effectuer mais qui, néanmoins, vous sera rémunéré. La rupture de votre contrat de travail interviendra à l’issue de votre préavis.’»
Mme [B] soutient que l’ensemble des faits qui lui sont imputés à faute sont anciens, et prescrits en application de l’article L. 1332-4 du code du travail, y compris, contrairement ce qu’a retenu le conseil, ceux relatifs à la relation client avec M. [W], en raison de l’illicéité du rapport de contrôle périodique qui n’a pu de ce fait interrompre la prescription ; qu’en tout état de cause, les fautes prétendues sont inexistantes et non réelles et qu’aucun grief ne résiste à l’analyse ; que, s’agissant notamment du dossier [W], c’est à tort que le conseil lui a reproché de ne pas avoir informé sa hiérarchie de l’existence de cette liaison, alors même que le CIC ne rapporte pas la preuve tangible de cette allégation ; que, ayant retenu seulement un faisceau d’indices, le premier juge aurait dû la faire bénéficier du doute en application de l’article L1235-1 du code du travail ; qu’il ne pouvait non plus, pour considérer fondé le licenciement, lui faire grief d’avoir conservé la gestion des comptes de M. [W] dans son portefeuille clients professionnels alors même que cette situation est imputable au CIC, qui n’a pas été en capacité de remplacer Mme [A], chargée de clientèle pro.
Elle soutient qu’en réalité, la véritable cause du licenciement est économique, motivé par la suppression de son poste de direction de l’agence de [Localité 8], dans le cadre d’un plan de réorganisation impliquant en Bretagne la fermeture de 2 points de vente et la disparition de 22 postes.
Le CIC réplique qu’aucun des faits reprochés n’est prescrit, qu’en effet le rapport de contrôle est parfaitement valide et que c’est à tort que le conseil a écarté, au motif de la date de leur connaissance par l’employeur, les faits concernant le dossier [S], dès lors que l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif procédant d’un comportement identique est constaté ; que l’instruction par Mme [B] elle-même de 2 dossiers de prêt pour M. [S] et les instructions données à sa collaboratrice pour un autre prêt (à la consommation), dans les deux cas sans faire apparaître qu’elle était encore liée avec lui par un PACS, établissent la faute ; que, s’agissant du dossier [W], le conseil a très justement donné aux attestations de Mme [L] et de Mme [U], salariées de l’agence au moment des faits, toute la valeur probante qui leur est due, nonobstant les allégations sans fondement de Mme [B] visant à la remettre en cause au motif de soit-disant pressions de l’employeur pour les obtenir ; qu’en effet ces deux attestations sont confirmées par la concomittance du déménagement de Mme [B] et de M. [W] à la même adresse et que ces deux éléments de preuve réunis suffisent à eux seuls pour établir la réalité du motif du licenciement ; que c’est de manière tout aussi infondée que Mme [B] allègue que la véritable cause de son licenciement serait économique, dès lors que, s’il existait effectivement un plan de réorganisation, motivé non par des difficultés économiques ou des réductions de poste mais par la création d’autres postes pour répondre à d’autres besoins, elle aurait été affectée à un poste de responsable d’exploitation gestion à St Brieuc, lequel n’emportait aucune modification de son contrat de travail.
***
En l’état des textes produits aux débats, plus particulièrement :
-l’article 11 de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, duquel il ressort que le contrôle interne (modification issue de l’arrêté du 25 février 2021) a notamment pour objet de vérifier la conformité des opérations réalisées par l’entreprise, de l’organisation et des procédures internes, aux dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, ou qu’il s’agisse de normes professionnelles et déontologiques,
-le recueil de déontologie, qui prévoit que la surveillance de la bonne application des règles qu’il pose est assurée, notamment, par le service du contrôle périodique, il y a lieu d’écarter le moyen tiré de l’illicéité du contrôle interne, et de retenir la validité du rapport de contrôle, le contrôle effectué par le service qui l’a diligenté ne constituant pas en soi, même en l’absence d’information préalable de la salariée, mise en mesure ensuite de le discuter contradictoirement, un mode de preuve illicite.
Il doit donc être admis que, les comportements reprochés ayant été examinés par le contrôle interne à la lumière de ces règles, l’employeur n’a eu de connaissance exacte de la réalité des faits qu’à la date de dépôt du rapport, étant observé au surplus qu’il n’est pas contesté que l’employeur, en la personne de M. [M], supérieur hiérarchique de Mme [B], n’a eu connaissance de la liaison invoquée avec M. [W] que le 14 décembre 2017, soit à l’intérieur du délai de 2 mois imparti à l’employeur pour déclencher une procédure disciplinaire, en application de l’article L 1332-1 du code du travail. Les faits relatifs au dossier client [W] ne sont donc pas prescrits.
Les attestations produites aux débats par les deux parties, qu’il s’agisse de l’attestation de Mme [L],et de Mme [U], conseillers de clientèle, produites par l’employeur, ou de celles de la fille et de l’ex épouse de M. [W], produites par Mme [B], ont été délivrées dans le respect des garanties de l’article 202 du code de procédure civile.
La seule qualité de salariées de Mme [L] et de Mme [U] n’entache pas en soi leur valeur probante, non plus que la démission postérieure de la première, en l’absence de lien établi entre cette démission et les incidences morales d’une éventuelle fausse attestation établie sur pressions de l’employeur, ou l’existence d’un avertissement antérieur pour la seconde, pour des manquements soulevés par Mme [B] suite à des plaintes de clients, en l’absence de preuve que cet avertissement l’aurait induite plus facilement à consentir une fausse attestation, ou du moins une attestation biaisée, Mme [B] n’étayant pas son affirmation selon laquelle elle a bénéficié peu après d’une augmentation.
La seule qualité d’ex épouse et de fille de M. [W], personnes dont Mme [B] produit les attestations, ne discrédite pas davantage leur témoignage, en l’absence d’intérêt personnel démontré à délivrer une attestation de complaisance à cette dernière. La banque CIC affirme que ces attestations n’ont été délivrées que pour suppléer l’impossibilité pour Mme [B] de produire directement une attestation de M. [W] qui démentirait leur liaison, sauf à s’exposer à délivrer une attestation mensongère, mais cette explication ne vaut que dans le cas de figure de la réalité de cette liaison. Par contre, si, comme le soutient Mme [B], elle n’avait aucune relation particulière avec M. [W], si ce n’est qu’il était un de ses clients de l’agence et connu localement, d’autant que [Localité 8] est une petite ville, il n’est pas illogique qu’elle ait eu plus de facilité à solliciter les attestations de Mme [N] ex épouse [W] et de [O] [W], qu’elle connait un peu, la première pour être, toutes deux, parents d’élèves fréquentant le même établissement, la seconde, voisine épisodique lorsqu’elle venait voir son père, pour être la s’ur d’un condisciple et ami de sa fille au collège [D] [K], que celle d’un client auprès duquel elle aurait été amenée à exposer des allégations embarrassantes pour elle au plan professionnel.
S’agissant de l’adresse identique de Mme [B] et de M. [W], au [Adresse 4], il est établi par les pièces versées par Mme [B] qu’il s’agit d’une longère abritant deux logements séparés, M. [W] s’y étant établi le 8 octobre 2016 et Mme [B] le 20 octobre 2016. Si cette dernière, exposant qu’il s’agissait pour elle d’un logement provisoire et que le propriétaire et elle se sont fait confiance, ne produit pas de contrat de bail, elle produit des quittances de loyer compatibles avec le bail meublé qu’elle a indiqué au conseil avoir occupé, et qu’elle a quitté en avril 2017, ainsi qu’un justificatif de la taxe d’habitation, à son nom, afférente à ce logement.
Mme [B] expose que, alors qu’elle venait de se séparer de M. [S] (sans toutefois avoir fait encore, et ce sur conseil du notaire, dissoudre le PACS) et cherchait un logement dans le quartier de [Adresse 4], elle a su que le client M. [W] s’était établi dans ce quartier et que c’est par ce biais qu’elle a eu connaissance que son propriétaire y avait un autre logement à louer.
Le partenaire de PACS de Mme [B], M. [S], confirme que leur enfant commun était en résidence alternée chez chacun d’eux et que Mme [B] cherchait à rester dans le même quartier pour favoriser cette organisation ; les adresses figurant sur divers documents produits aux débats permettent de vérifier que leur domicile antérieur commun était bien à [Adresse 4].
La version des évènements telle qu’exposée par Mme [B] ne présente aucune faille et est parfaitement compatible avec les éléments justificatifs évoqués plus haut qu’elle produit aux débats.
L’employeur fait valoir que, si les déclarations de l’ex épouse et de la fille de M. [W] ne sont pas nécessairement mensongères, ces dernières ne peuvent attester que de ce qu’elles ont constaté, et que leur ex mari et père, et Mme [B], ont très bien pu entretenir, à leur insu, une liaison passagère et dissimulée à leurs proches.
Mme [B] établit qu’elle ne cohabitait pas avec M. [W], même s’ils occupaient deux logements situés à la même adresse. Si cette situation n’exclut certes pas la possibilité d’une liaison dissimulée, l’absence de vie commune et le caractère clandestin d’une telle liaison apparaissent quelque peu contradictoires avec les propos prêtés à Mme [B] par Mme [U] qui indique que celle-ci a « officialisé »sa liaison avec M. [W], entretenue depuis plusieurs mois. Ce, d’autant que l’ex épouse et la fille de celui-ci confirment que ce dernier était, et est toujours, engagé dans une relation de couple avec une autre personne.
La coincidence de l’installation, à 12 jours d’intervalle, de M. [W], puis de Mme [B], au [Adresse 3], est effectivement troublante, si on la rapproche des attestations produites par l’employeur.
Mais il existe une coincidence de fait entre la recherche d’un logement dans le même quartier par Mme [B], pour des motifs personnels avérés, et, en l’état des pièces produites, rien ne permet d’établir que la séparation d’avec M. [S] serait en lien avec un projet de vie avec M. [W], ni que celui-ci aurait déménagé dans la même perspective, alors que, selon ses proches, il entretenait, et entretient toujours, une relation de couple stable avec Mme [X].
En outre, Mme [B] a détaillé, lorsqu’elle a été entendue dans le cadre de l’enquête de la CPAM, son audition étant soumise au débat contradictoire dans le cadre de la présente instance, les circonstances précises dans lesquelles elle a été amenée à avoir connaissance de l’installation de M. [W] dans le quartier de [Adresse 4], juste au moment où elle-même était à la recherche d’un logement dans ce même quartier, à savoir que ce client, dont elle gérait le compte, est venu à l’agence, disant qu’il souhaitait souscrire un contrat d’assurance pour son nouveau logement, situé à [Adresse 4].
Or, Mme [B] a justifié le transfert du dossier client personnel de M. [W] à la chargée de clientèle Mme [L] le 29 septembre 2016 pour permettre à celle-ci de comptabiliser dans sa production un contrat d’assurance à souscrire, ce qui est concordant avec ces explications.
L’auteur du rapport de contrôle périodique ne justifie pas d’investigations spécifiques sur ce point et il n’établit donc pas que le transfert n’était pas justifié pour ce motif. Il ne retient en conclusion, au titre du non-respect des règles déontologiques, que le fait d’avoir conservé le dossier client professionnel dans son portefeuille.
Or, ce reproche ne tient que si l’on considère comme établi l’existence d’une relation personnelle entre Mme [B] et le client.
L’employeur, et avec lui le rédacteur du rapport de contrôle périodique, part de la considération que la relation est établie, le rapport énonçant qu’il est « probable »que Mme [B] entretenait déjà des relations avec le client lors du montage du CBI en mars, que c’est l’existence de cette relation qui explique que la salariée, pour ne pas se trouver gênée, ait refusé de participer à des réunions organisées entre juillet et novembre 2016 pour ce dossier réunissant différentes parties intéressées, alors qu’elle-même explique qu’elle était surchargée, en l’absence de Mme [A], et que sa présence n’était pas justifiée.
Pourtant, sur l’établissement de la preuve de la liaison, il y a lieu de retenir que les attestations de Mme [L] et de Mme [U], en contradiction avec celles produites par Mme [B], ne sont pas utilement appuyées par l’examen des circonstances du changement d’adresse de cette dernière, de sorte que la réalité d’une relation personnelle particulière entre Mme [B] et M. [W] n’est pas établie. Par ailleurs, il n’est pas établi que la simple relation de voisinage aurait dû conduire la salariée à confier le dossier client professionnel de M. [W] à une autre salariée, et ce n’est d’ailleurs pas ce qui est soutenu au titre de la faute reprochée.
En considération de l’ensemble de ces éléments, le grief relatif au dossier [W] n’est pas établi et doit être écarté.
S’agissant des griefs relatifs au dossier client [S], le rapport du contrôle périodique a également reporté la connaissance exacte des faits par l’employeur à la date à laquelle il a été déposé, soit au 4 janvier 2017. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a retenu la prescription.
Le rapport conclut que l’ouverture du compte de [R] [S] à l’agence de [Localité 8] en substitution de celui ouvert à l’agence du personnel ne peut être reproché à la directrice d’agence.
Sur l’instruction des crédits en réserve et habitat en octobre et novembre 2016, il conclut qu’ils « ne répondent pas aux exigences du code de déontologie » en ce que, même s’ils n’ont pas été instruits ni validés directement par la directrice d’agence, elle est intervenue auprès de la conseillère de vente pour les initier, alors qu’ « un comportement transparent » aurait nécessité d’indiquer clairement ses liens avec le client dans les commentaires, afin que le décideur se positionne en pleine connaissance de cause. Il y a lieu d’observer la nuance de formulation par rapport aux conclusions relatives au dossier [W], pour lequel le contrôleur conclut que le maintien de la relation professionnelle [H] [W] dans le portefeuille de [Y] [B] « contrevient aux dispositions déontologiques ».
De fait, Mme [B] a pris soin de prendre attache avec l’agence du personnel de [Localité 11] pour l’informer de sa séparation de fait avec M. [S] (avec lequel elle était toujours Pacsée) et demander conseil sur la gestion de ses comptes et dossiers de prêt, séparation de fait dont elle a informé également ses collègues de l’agence. Le refus du directeur de l’agence de St Brieuc, intervenant en interim, de statuer sur des deux dossiers intéressant le couple, au motif que le demandeur était le conjoint de Mme [B], confirme que sa situation personnelle était connue des différents services. De ce fait, et alors que le PACS non encore rompu complexifiait la situation, l’omission de report dans les commentaires des demandes d’instruction de crédit en réserve et habitat en septembre et octobre 2016 (étant observé que c’est non Mme [B] mais la conseillère de vente qui a rédigé les commentaires) des liens avec Mme [B], apparaît, si l’on admet que Mme [B] n’aurait pas dû du tout prendre en charge les demandes pour M. [S] et que cette intervention, formellement perturbatrice, est à l’origine des commentaires insuffisants,
constituer une simple maladresse, ou méconnaissance d’une exigence déontologique, et non une volonté délibérée de dissimulation de sa situation par la salariée.
Ce manquement, qui n’a en outre eu aucune conséquence pour la banque, n’est pas d’une gravité telle qu’il puisse justifier, à soi seul, la sanction du licenciement, or il n’est pas établi que la salariée ait réitéré un manquement déontologique dans le cadre du dossier [W], le grief ayant été écarté.
En conséquence, le licenciement notifié pour faute à Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse.
Mme [B] devait être reçue par la direction au sujet de l’évolution de son poste et les pièces qu’elle produit sur la réorganisation ne sont relatives qu’à un projet d’entreprise, non à un plan de réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, de sorte qu’il n’est pas établi que la cause réelle de son licenciement repose sur un motif économique, le jugement devant en conséquence être confirmé en ce qu’il l’a déboutée sur ce chef, dont elle ne tire d’ailleurs aucune conséquence particulière, sa seule demande indemnitaire se trouvant fondée en application de l’article 1335-3 du code du travail.
Au vu de l’ancienneté de 14 ans, de l’âge (née en 1973) de Mme [B] au moment de la rupture, et des éléments qu’elle produit pour justifier du préjudice qu’elle lui a occasionné, dont la perte d’un salaire moyen mensuel de 3748,82 €, il convient de condamner l’employeur à lui payer en réparation la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les conditions d’application de l’article 1235-4 du code du travail étant réunies, il y a lieu de condamner la banque à rembourser à Pole Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois.
Le jugement sera en conséquence infirmé sur ces chefs.
Sur la demande indemnitaire pour atteinte à la vie privée
Au soutien de son appel, Mme [B] fait valoir que la banque n’a pas hésité à utiliser des moyens déloyaux portant une atteinte injustifiée à sa vie privée : existence d’une fausse liaison avec un client, examen de ses comptes bancaires pour tenter de le prouver, examen des comptes bancaires de M. [W] ; que son préjudice à ce titre est important.
Cependant, aucune pièce relative aux comptes bancaires n’est produite aux débats et, comme l’a retenu le conseil, la banque limite l’utilisation des attestations versées à la connaissance d’une relation entre Mme [B] et un client, dans la perspective de la démonstration d’un non-respect des obligations déontologiques.
La preuve de la mauvaise foi dans la production et l’utilisation de ces pièces, non considérées au surplus comme décisives dans l’examen contradictoire, n’étant pas rapportée, Mme [B], qui ne caractérise ni la faute ni le préjudice invoqués, doit être déboutée de sa demande indemnitaire, en confirmation du jugement.
Sur la demande au titre de la clause de portefeuille
Le contrat de travail de Mme [B] conclu avec le CIC Ouest contient une clause de portefeuille lui interdisant, en cas de départ de la banque pour quelque cause que ce soit, de démarcher la clientèle de la banque CIO, cette interdiction commençant à s’appliquer le jour de son départ et s’appliquant cumulativement : pour une durée d’un an, sur le territoire d’influence (50 km) de l’unité d’affectation antérieure à celle qu’elle vient de quitter, pour une durée de 2 années, sur le territoire d’influence (50 km) de l’unité qu’elle vient de quitter.
Cette clause, qui crée une limitation à la liberté de la salariée d’exercer un emploi conforme à sa compétence et à son expérience, s’analyse en une clause de non concurrence, nulle car dépourvue de contrepartie financière, ce que ne conteste pas vraiment le CIC, qui fait valoir qu’elle ne démontre pas avoir subi un préjudice, notamment car le seul fait qu’un salarié d’une banque soit interdit de démarchage de ses anciens clients ne constitue pas un obstacle rédhibitoire à son embauche par une autre banque qui bénéficie en général déjà d’un portefeuille de clients à lui confier.
De fait, les échanges de courriels avec un cabinet de recrutement en date du 4 octobre 2018 qu’elle produit, relatifs à une proposition de poste en 2014, s’ils confirment qu’elle avait eu à l’époque un entretien au sujet d’un poste à la BPO de St Brieuc alors qu’elle était responsable d’agence au CIC ouest à [Localité 10], ne confirment pas que l’absence de suite donnée ait été en lien avec une clause de non concurrence. Elle soutient ensuite que, ayant retrouvé un emploi à [Localité 6] en 2018 au CMB, la période d’essai a été interrompue à cause de M. [V], du CIC, mais n’en rapporte pas la preuve.
Elle établit par contre souffrir d’une pathologie de longue durée pour laquelle elle est toujours suivie, et soutient que son état l’empêche de se reconstruire au plan professionnel.
Elle n’établit en conséquence pas s’être abstenue de rechercher, ou n’avoir pu exercer, un emploi dans la zone visée par la clause en raison de celle-ci, et ne justifie en conséquence pas du préjudice invoqué, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande indemnitaire au titre de la clause de portefeuille.
Sur la demande indemnitaire au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité
Le conseil a retenu que Mme [B] avait averti à plusieurs reprises l’employeur de la dégradation de ses conditions de travail et que la banque n’établissait pas avoir mis en oeuvre de manière pérenne les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de sa salariée.
Le CIC fait valoir, en critique de cette motivation, que l’évocation par Mme [B] d’une souffrance liée à une dégradation de ses conditions de travail est très opportunément contemporaine de l’engagement de la procédure de licenciement ; que ce sujet a été évoqué pour la première fois lors de l’entretien préalable à l’éventuel licenciement de la salariée, alors qu’il n’avait au demeurant aucun rapport avec l’objet de l’entretien et qu’il ne pouvait en être tiré aucune justification des faits reprochés ; que ce n’est que le 2 mars encore que Mme [B], jusqu’alors en arrêt maladie à caractère non professionnel, s’est vu prescrire un arrêt de travail pour une maladie qualifiée d’origine professionnelle et que le médecin du travail n’a pas procédé à des vérifications des dires de la salariée ; que quelques semaines avant son arrêt de travail du 23 novembre 2016, elle s’était certes, plainte d’une surcharge de travail auprès de son responsable de secteur, sans évoquer de difficulté de santé, mais sans qu’il puisse constater que cette surcharge corresponde à une réalité, comparé notamment au directeur d’agence de [Localité 7] ; que des mesures ont été mises en place et que le CHSCT qui a notamment effectué une visite à [Localité 8] à la même période que le début de son arrêt de travail n’a pas fait état de difficultés liées à une surcharge de travail.
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Si Mme [B] ne produit pas de courriers d’alerte adressés à l’employeur, elle établit néanmoins qu’un salarié avait été embauché pour remplacer Mme [A], en absence prolongée liée à son état de grossesse, mais que l’embauche n’a pas prospéré et qu’aucun autre recrutement n’a été effectué en substitution, que seules des vacations d’autres salariés suppléaient, en partie, l’absence de Mme [A].
Elle produit également le compte rendu d’entretien préalable rédigé par le conseiller du salarié, délégué syndical, qui l’a assisté, lequel relate que la direction a été plusieurs fois alertée, tant en réunion de DP que du CHSCT, sur cette situation intenable pour l’agence de [Localité 8].
Elle justifie avoir été elle-même en arrêt de travail pour motif médical une semaine, du 29 avril au 5 mai 2016.
M. [M], responsable de secteur, entendu dans le cadre de l’enquête de la CPAM sur sa connaissance ou non d’un état de souffrance psychologique de Mme [B] et sur sa charge de travail, a admis que Mme [B] rencontrait des difficultés d’organisation dans son agence suite à l’absence de l’une de ses collaboratrices, qu’il a été tenté d’y remédier, en concertation avec son responsable de secteur, lequel a fait appel à des collaborateurs d’agences périphériques, et en recrutant un collaborateur en CDD, qu’elle a évoqué cette difficulté de gestion mais sans aborder de mal-être, que compte tenu de la structure de l’agence elle était en capacité de gérer l’agence.
Le CIC fait valoir, sur ce dernier point, pour estimer que l’absence de remplacement par un CDD pendant le congé de Mme [A] ne posait pas de difficulté, que le directeur de l’agence de [Localité 7] avait en charge 133 clients actifs, tout seul et sans le moindre problème. Mais l’addition des clients actifs de Mme [A] et de Mme [B], professionnels et privés, représentent une somme de 180 clients actifs, étant précisé que le nombre de clients dits inactifs, qu’il faut aussi gérer, de [Localité 7], n’est pas justifié et ne peut être comparé au nombre de ceux de [Localité 8]. Il n’établit pas que l’intervention de renforts ponctuels de personnel dans l’agence ait été suffisant. Quant à la visite du CHSCT, elle s’est déroulée alors que Mme [B] était déjà en arrêt de travail et n’a pu constater qu’était mise en place, depuis une semaine, une organisation pour suppléer l’absence de Mme [A] et de la directrice d’agence.
L’employeur ne justifie donc pas avoir pris toutes les mesures propres à assurer la garantie de la santé et de la sécurité au travail de Mme [B], dont il connaissait les conditions d’exercice. Il ne critique donc pas utilement le premier juge qui a retenu que ce faisant il avait manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement justifiait en réparation sa condamnation à payer à Mme [B] des dommages et intérêts qu’il a justement évalués à la somme de 12 000 €, tenant compte des éléments qu’elle produit pour justifier du préjudice que ce manquement lui a occasionné. Il convient donc de confirmer le jugement sur ce chef.
Il est inéquitable de laisser à Mme [B] ses frais irrépétibles d’appel, qui seront mis, à hauteur de 2000 €, à la charge de la partie intimée, en sus de la somme allouée par le premier juge sur le même fondement.
Le CIC, qui succombe principalement, sera débouté de sa propre demande au titre des frais irrépétibles et condamné aux dépens d’appel, comme il l’a été aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit prescrits les griefs relatifs à M. [S], a dit le licenciement de Mme [Y] [B] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
LE CONFIRME en ses autres dispositions,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
REJETTE le moyen tiré de la prescription et dit non prescrits les griefs relatifs au dossier client [S], et au dossier client [W],
DIT le licenciement de Mme [Y] [B] sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société CIC Ouest à payer à Mme [Y] [B] les sommes de :
50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE la société CIC Ouest à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [Y] [B] dans la limite de 6 mois,
DEBOUTE les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,
CONDAMNE la société CIC Ouest aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Conseiller
Faisant fonction de Président