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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 21/03148 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UZVJ
AFFAIRE :
Société HGST EUROPE LTD
C/
[V] [R]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 08 Octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : R
N° RG : R21/00054
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Blandine DAVID
Me Sarah ANNE
le : 03 Juin 2022
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société HGST EUROPE LTD
N° SIRET : 444 188 973
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par : Me Ludovic ROCHE de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110.
APPELANTE
****************
Monsieur [V] [R]
né le 24 Janvier 1951 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par : Me Sarah ANNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 33
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Hitachi Global Storage Technologies Europe Limited (HGST Europe Ltd) est une société de droit étranger. Elle emploie moins de onze salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 3 février 2003, M. [V] [R], né le 24 janvier 1951, a été engagé par la société HGST Europe Ltd, à compter du 1er février 2003, en qualité de commercial, statut cadre, position III B, coefficient 180 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, avec reprise de l’ancienneté acquise au sein de la société IBM à compter du 15 septembre 1993.
Il occupait en dernier lieu le poste de senior client manager et percevait un salaire de base mensuel de 9 164,92 euros brut outre un bonus de performance.
Par courrier du 2 juillet 2020, la société HGST Europe Ltd a notifié au salarié sa mise à la retraite, assortie d’un préavis travaillé jusqu’au 31 janvier 2021.
Par courrier du 8 février 2021, M. [R] a sollicité de la société HGST Europe Ltd le versement de la contrepartie de l’obligation de non-concurrence stipulée à l’article 12 du contrat de travail conclu le 3 février 2003.
Par courrier en réponse du 26 février 2021, la société HGST Europe Ltd lui a répondu que cette clause n’était plus applicable depuis la signature le 16 mai 2018 d’un accord l’ayant annulée pour la remplacer uniquement par une clause de non-débauchage.
M. [R] s’est ensuite tourné vers son assureur, la société Pacifica, qui a mis en demeure la société HGST Europe Ltd de payer au salarié l’indemnité de non-concurrence par lettre du 11 mars 2021. La société HGST Europe Ltd a maintenu son refus par courrier du 17 mars 2021.
Par requête reçue au greffe le 16 avril 2021, M. [R] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de voir condamner la société HGST Europe Ltd au versement de la somme de 136 730,94 euros à titre de provision sur la compensation de sa clause de non-concurrence, ainsi que les congés payés afférents.
Par ordonnance rendue le 8 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
– fixé le salaire mensuel forfaitaire brut moyen des trois mois précédant la fin de contrat de travail à 23 150,75 euros,
– ordonné à la société Hitachi Global Storage Technologies Europe Limited de verser à M. [R] les sommes suivantes assorties des intérêts légaux à compter de la date de la saisine :
‘ 80 000 euros nets à titre de provision sur l’indemnité ‘compensatoire’ de la clause de non-concurrence,
‘ 1 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fait application de l’article R. 1454-28 du code du travail concernant l’exécution provisoire,
– dit qu’il n’y a pas lieu à référé pour le surplus des demandes,
– débouté la société Hitachi Global Storage Technologies Europe Limited de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge de la société Hitachi Global Storage Technologies Europe Limited.
La société HGST Europe Ltd a interjeté appel de la décision par déclaration du 22 octobre 2021.
Par conclusions adressées par voie électronique le 1er mars 2022, elle demande à la cour de :
– déclarer irrecevables la demande tendant à voir « condamner la société HGST à payer à M. [R] les sommes suivantes, à titre provisionnel : 136 730,94 euros à titre d’indemnité de non-concurrence, 13 673,09 euros au titre des congés payés afférents, 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 5 000 euros pour la procédure d’appel » formulée par M. [R] dans ses conclusions du 22 février 2022,
– déclarer recevable et bien fondée la société HGST Europe Ltd en son appel.
y faisant droit,
A titre liminaire, sur la forme,
– constater que l’ordonnance entreprise ne constate pas ni ne motive l’absence de contestation sérieuse sur l’obligation de paiement par la société HGST Europe Ltd d’une indemnité de non-concurrence au profit de M. [R],
– par conséquent, annuler l’ordonnance entreprise,
A défaut d’annulation de l’ordonnance,
– réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
* fixé le salaire mensuel forfaitaire brut moyen des trois derniers mois précédant la fin du contrat de travail à 23 150,75 euros,
* ordonné à la société HGST Europe Ltd de verser à M. [R] les sommes suivantes assorties des intérêts légaux à compter de la date de la saisine :
‘ 80 000 euros nets à titre de provision sur l’indemnité ‘compensatoire’ de la clause de non-concurrence,
‘ 1 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* fait application de l’article R. 1454-28 du code du travail concernant l’exécution provisoire,
* débouté la société HGST Europe Ltd de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* mis les dépens à la charge de la société HGST Europe Ltd,
statuant à nouveau dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel,
A titre principal,
– constater l’existence d’une contestation sérieuse à la demande de provision relative au paiement d’une indemnité de non-concurrence formulée par M. [R],
– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à référé,
– déclarer M. [R] irrecevable en toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
– débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que le calcul de l’indemnité de non-concurrence effectué par M. [R] est erroné,
– par conséquent, limiter le montant de la provision à verser à M. [R] à une indemnité de non-concurrence mensuelle de 9 495,20 euros bruts (soit un montant total annuel de 113 942,40 euros bruts), dont devront être déduits les cotisations salariales de sécurité sociale, l’avance réalisée au titre de l’ordonnance et l’impôt sur le revenu de M. [R],
En toute hypothèse,
– déclarer M. [R] mal fondé en son appel incident,
– déclarer M. [R] irrecevable en ses demandes tendant à voir :
* condamner la société HGST Europe Ltd à lui payer :
‘ 136 730,94 euros bruts à titre d’indemnité de non-concurrence,
‘ 13 673,09 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* ordonner à la société HGST Europe Ltd la remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme,
* prononcer l’intérêt légal à compter du 1er février 2021, à défaut à compter de la demande en justice,
* ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,
– à titre subsidiaire, débouter M. [R] de ses demandes,
– débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions en cause d’appel,
– condamner M. [R] au paiement de 3 000 euros de dommages et intérêts à la société HGST Europe Ltd pour procédure abusive au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,
– condamner M. [R] au paiement de la somme de 3 500 euros à la société HGST Europe Ltd au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [R] aux entiers dépens.
Par conclusions adressées par voie électronique le 22 février 2022, M. [R] demande à la cour de :
A titre liminaire,
– se déclarer non saisie des demandes de la société HGST Europe Ltd visant à ‘constater’ ou ‘dire et juger’,
– déclarer irrecevable la demande formulée au titre d’une procédure abusive, comme étant nouvelle en cause d’appel,
Au fond,
– débouter la société HGST Europe Ltd de l’ensemble de ses demandes,
Si par extraordinaire il était fait droit à la demande d’annulation de l’ordonnance de référé du 8 octobre 2021,
– désigner la juridiction prud’homale de renvoi,
En tout état de cause,
– confirmer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a :
* fixé le salaire brut moyen de M. [R] à la somme de 23 150,75 euros,
* ordonné à la société HGST Europe Ltd de verser à M. [R] une provision à valoir sur l’indemnité ‘compensatoire’ de la clause de non-concurrence,
– réformer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a :
* limité le montant de l’indemnité de non-concurrence à la somme de 80 000 euros nets en lieu et place de la demande formulée à hauteur de 136 730,94 euros bruts,
* omis de statuer ou refusé de faire droit à la demande formulée au titre des congés payés afférents à cette indemnité de non-concurrence,
* omis de statuer ou refusé de faire droit à la demande portant sur le point de départ de l’intérêt légal sollicité,
* limité le montant de l’article 700 sollicité en première instance à la somme de 1 000 euros,
et statuant à nouveau,
– condamner la société HGST Europe Ltd à payer à M. [R] les sommes suivantes, à titre provisionnel :
‘ 136 730,94 euros à titre d’indemnité de non-concurrence,
‘ 13 673,09 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 5 000 euros pour la procédure d’appel,
– ordonner la remise d’un bulletin de paie récapitulatif conforme,
– prononcer l’intérêt légal à compter du 1er février 2021, date d’exigibilité de l’indemnité de non-concurrence sollicitée, à défaut à compter de la demande en justice,
– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société HGST Europe Ltd aux dépens de première instance et d’appel.
Par ordonnance rendue le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 1er avril 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Il est rappelé que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes des parties tendant à ‘constater’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Sur la nullité de l’ordonnance de référé
A titre liminaire, la société HGST Europe Ltd sollicite l’annulation de l’ordonnance entreprise au motif qu’elle ne constate pas que l’obligation de payer à M. [R] une indemnité de non-concurrence n’est pas contestable, ni ne précise les éléments factuels qui lui conféreraient le caractère de l’évidence.
En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud’hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; même en présence d’une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; en outre, selon l’article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Comme le fait justement observer l’appelant, le conseil de prud’hommes a d’abord énoncé les dispositions de l’article R. 1455-5, il a ensuite rappelé que « le juge des référés n’a pas à constater l’urgence pour mettre fin à un trouble manifestement illicite, ni pour allouer une provision au créancier d’une obligation non sérieusement contestable (…) », il a constaté que le contrat de travail conclu entre les parties faisait obligation à M. [R], en son article 12, de respecter une clause de non-concurrence régie par l’article 28 de la convention collective applicable entre les parties et il a retenu, pour condamner l’employeur, que celui-ci n’avait pas respecté les termes dudit article 28.
Le défaut de motivation allégué n’est pas démontré.
Le moyen de nullité sera écarté.
Sur l’indemnité de non-concurrence
M. [R] s’estime bien fondé à solliciter le versement, à hauteur de 136 730,94 euros bruts outre congés payés afférents, de la contrepartie à l’obligation de non-concurrence inscrite à l’article 12 de son contrat de travail en date du 3 février 2003, aux motifs que l’employeur ne l’a pas libéré de cette obligation dans les conditions exigées par l’article 28 de la convention collective applicable et qu’il ne justifie d’aucune contestation sérieuse pour faire échec à cette demande.
Il fait valoir que, contrairement à ce que tente de faire croire la société HGST Europe Ltd pour se soustraire à ses obligations, la combinaison des articles 10 et 14 de l’accord signé le 16 mai 2018 n’a pas eu pour effet d’annuler la clause de non-concurrence prévue par son contrat de travail, que l’article 10 est intitulé ‘Non-sollicitation, non-concurrence et clause pénale’ mais ne contient mention ni des termes de non-concurrence ni de ceux de clause pénale, qu’il n’est nulle part inscrit qu’il a renoncé à se prévaloir de l’indemnité de non-concurrence qui est mentionnée dans son contrat de travail, que l’article 10 est inséré dans un accord portant sur ‘les inventions et la confidentialité’ afin de protéger les droits de propriété intellectuelle de l’employeur en prévoyant un certain nombre d’obligations à la charge du salarié, bien loin de le libérer de ses obligations liées à une clause de non-concurrence, de sorte que l’article 14 de cet accord n’a pas pu avoir d’effet sur le contenu des clauses du contrat de travail, que la société HGST Europe Ltd omet de préciser que l’accord signé le 16 mai 2018 est venu remplacer un autre accord relatif aux droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, que cet accord n’est pas un avenant au contrat de travail, qu’il a été adressé à l’ensemble des cadres du groupe, un simple ‘clic’ permettant de le signer électroniquement et aucune copie n’étant ensuite communiquée au salarié ni contresignée par la société, qu’il ne s’agit pas non plus d’un accord d’entreprise, aucune des conditions de validité prévues par les articles L. 2232-2 et suivants du code du travail n’étant remplies.
La société HGST Europe Ltd lui oppose l’existence d’une contestation sérieuse qui empêche de faire droit à sa demande.
Elle soutient que la demande de M. [R] excède les attributions du juge des référés, dès lors que s’impose l’analyse du contrat de travail initial et de l’accord signé le 16 mai 2018, lequel comporte un article 10 intitulé ‘Non-sollicitation, non-concurrence et clause pénale’ qui est venu, selon les dispositions des articles 14 et 15 dudit accord, annuler et remplacer toutes dispositions contractuelles antérieures entre les parties portant sur le même objet, notamment l’obligation de non-concurrence à la charge du salarié, qui a été remplacée par une simple obligation de non-débauchage ; qu’aucun des arguments avancés par M. [R] ne permet de remettre en cause la valeur juridique d’avenant au contrat de travail de l’accord signé le 16 mai 2018.
Elle invoque l’irrecevabilité des demandes du salarié de se voir verser diverses sommes ‘à titre provisionnel’, formulée pour la première fois dans ses conclusions d’intimé n°2 du 22 février 2022, alors que par application combinée des articles 910-4, 905-2 et 954 du code de procédure civile, il aurait dû présenter, dans le dispositif de ses écritures, l’ensemble de ses prétentions sur le fond dans le délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, soit au plus tard le 7 janvier 2022.
Sur ce, il résulte des explications et des pièces fournies par les parties qu’un contrat de travail a été conclu le 3 février 2003, prévoyant en son article 12 une clause de non-concurrence rédigée comme suit :
« Article 12 : Clause de non concurrence
En cas de rupture du contrat de travail et quel que soit le motif, le salarié s’engage à ne pas :
– travailler pour une entreprise concurrente durant une période d’un an renouvelable une fois et participer à la vente de produits ou services en concurrence avec les activités de l’entreprise auxquelles il aurait pris part de quelque manière que ce soit dans l’entreprise ou auprès de ses clients durant les 12 derniers mois précédant son départ ;
– travailler dans le même secteur géographique que celui dans lequel il a travaillé durant les 12 derniers mois.
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, le salarié recevra une indemnité calculée conformément aux dispositions de la convention collective applicable à ce jour comme suit :
. 5/10 du salaire moyen mensuel calculé sur les 12 derniers mois, par mois, en cas de rupture du contrat à l’initiative du salarié.
. 6/10 du salaire moyen mensuel calculé sur les 12 derniers mois, par mois, en cas de licenciement du salarié (tant que le salarié n’a pas trouvé un autre emploi). »
M. [R] a ensuite signé le 16 mai 2018 un accord en anglais et en français intitulé ‘Accord du salarié relatif aux inventions et à la confidentialité’ et comportant, outre des clauses relatives à la propriété intellectuelle et à la confidentialité de certaines informations protégées et non publiques, une clause ‘Non-sollicitation, non-concurrence et clause pénale’ ainsi rédigée :
« Au cours de ma relation de travail avec l’Employeur et pour une période d’un (1) an suivant la rupture volontaire ou involontaire de ma relation de travail pour quelque motif que ce soit, je m’engage à ne pas (soit seul ou de participation active avec un tiers) solliciter ou tenter de solliciter, directement ou indirectement, toute personne de l’Employeur avec qui j’ai travaillé ou de laquelle j’ai appris une information confidentielle dans ma relation de travail avec l’Employeur, que cette personne soit un salarié, un consultant ou un contractant indépendant, de rompre leur contrat de travail ou engagement avec l’Employeur ou d’embaucher par moi-même ou tout autre tiers. Je déclare et accepte que ce qui précède est raisonnable et nécessaire pour protéger les Informations Confidentielles, les secrets de fabrique et un effectif stable de la Société. Ce qui précède ne doit pas empêcher ou restreindre l’embauche ou l’emploi de toute personne du fait d’une réponse non sollicitée d’une telle personne d’une offre d’emploi ou d’une opportunité d’embauche qui serait diffusée de façon générale. »
Il est précisé à l’article 14 (Intégralité de l’accord) que « Le présent accord constitue l’intégralité des accords entre moi-même et l’Employeur concernant l’objet des présentes et annule et remplace l’ensemble des accords antérieurs et actuels, compréhensions et déclarations des parties. » et à l’article 15 (Indépendance des clauses) que « Dans le cas où l’une des clauses du présent accord serait déclarée invalide ou inopposable, une telle clause devra être considérée comme indépendante et n’affectera aucune autre disposition contenue dans le présent accord, l’ensemble desquelles devront rester en vigueur et continuer à produire leurs effets. »
Il ne résulte pas de ces stipulations contractuelles, avec l’évidence requise en référé, que le salarié est resté soumis à une obligation de non-concurrence entraînant le versement à son profit d’une contrepartie financière, ni à l’inverse que la clause de non-concurrence figurant à l’article 12 du contrat de travail conclu le 3 février 2003 a été annulée par l’accord susvisé du 16 mai 2018.
La cour observe en outre que M. [R] se limite à affirmer que l’accord signé le 16 mai 2018 est venu remplacer un autre accord relatif aux droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, sans pour autant communiquer une copie de cet accord.
Il convient enfin de noter qu’aux termes de l’article 28 de la convention collective applicable, en cas de cessation d’un contrat de travail qui prévoyait une clause de non-concurrence, l’employeur peut se décharger de l’indemnité due en contrepartie de l’obligation de non-concurrence pesant sur le salarié en libérant l’ingénieur ou cadre de l’interdiction de non-concurrence, sous condition d’en prévenir l’intéressé par écrit dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail, étant précisé que selon l’article 32 de cette convention, la mise à la retraite ne constitue pas un licenciement.
En présence d’une contestation sérieuse, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise et de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de M. [R] de se voir verser, à titre provisionnel, une indemnité de non-concurrence ainsi que sur ses demandes accessoires.
Sur la procédure abusive
La société HGST Europe Ltd invoque la mauvaise foi du salarié, lequel a volontairement omis de produire dans le cadre de sa requête initiale l’accord du 16 mai 2018, qui démontre selon elle qu’elle n’est redevable d’aucune indemnité. Elle sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 3 000 euros pour procédure abusive en application de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Elle énonce que, contrairement à ce que soutient M. [R], cette demande de dommages-intérêts n’est pas une demande nouvelle mais un complément nécessaire à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulée en première instance, conformément à l’article 566 du même code, qu’en tout état de cause cette demande reconventionnelle aux demandes du salarié est parfaitement recevable en application de l’article 567 du code de procédure civile.
M. [R] soulève en effet son irrecevabilité au motif que n’ayant pas été formulée en première instance, cette demande est irrecevable en cause d’appel en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.
Il ajoute que cette demande n’est en tout état de cause pas fondée, ni dans son principe, ni dans son quantum, qu’en outre le fait qu’il n’ait pas versé aux débats l’accord dont l’employeur se prévaut, ne permet pas de déduire un abus de droit, ni même une volonté de tromper la juridiction prud’homale mais bien que, pour le salarié, ce document n’a justement aucun effet sur la clause de non-concurrence.
Sur ce, la demande de l’employeur fondée sur le caractère abusif de la procédure doit être considérée comme recevable en appel, en application de l’article 566 du code de procédure civile, comme étant l’accessoire des demandes présentées devant le premier juge.
Il n’en demeure pas moins que la société HGST Europe Ltd n’établit pas le caractère abusif, au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile, de la procédure engagée par M. [R], qui a pu se méprendre sur la portée de ses droits, outre le fait que la cour a retenu l’existence d’une contestation sérieuse qui ne permet pas au juge des référés de statuer sur la demande.
L’appelante sera ainsi déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande d’annulation de l’ordonnance rendue le 8 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt ;
DIT recevable la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
INFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 8 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [V] [R] ;
DÉBOUTE la société Hitachi Global Storage Technologies Europe Limited de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie assumera la charge de ses propres dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,