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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 août 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 539 F-D
Pourvoi n° B 22-20.076
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 SEPTEMBRE 2023
1°/ La société Comptoir national de l’or, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Gold Trade, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° B 22-20.076 contre l’arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant à la société Gold Cash Market 38, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés Comptoir national de l’or et Gold Trade, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Gold Cash Market 38, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 février 2021), en 2011, la société Comptoir national de l’or (la société CNO), qui développe sous la marque « Comptoir national de l’or » un réseau spécialisé dans le rachat de l’or, a signé plusieurs contrats de franchise avec la société Gold Cash Market 38 (la société Gold Cash) qui exploite des boutiques d’achat et de vente d’or avec une exclusivité territoriale.
2. Les contrats comportaient, en leur article 16, une clause de non-concurrence applicable après leur cessation, aux termes de laquelle pendant toute la durée du contrat et pendant une durée d’une année à compter de leur date de cessation pour quelque cause que ce soit, le concessionnaire s’engageait expressément à ne pas poursuivre une activité concurrente à celle du concédant, portant sur la vente ou l’achat de métaux précieux dans le territoire concédé, sous quelque forme que ce soit et, notamment, en qualité d’entrepreneur individuel, mandataire social, associé, salarié, prestataire de services ou membre d’un réseau concurrent.
3. Soutenant que certaines clauses du contrat, dont la clause précitée, étaient constitutives d’un déséquilibre significatif, au sens des dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, et reprochant à sa cocontractante le non-respect du principe d’exclusivité territoriale, la société Gold Cash a, le 31 juillet 2014, assigné la société CNO en réparation de son préjudice.
4. La société Gold Trade est volontairement intervenue à l’instance au soutien des intérêts de la société CNO.
5. Au cours de l’année 2016, les contrats liant les parties ont pris fin.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société CNO et la société Gold Trade font grief à l’arrêt de dire que les clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant à l’article 16 des contrats de franchise signés entre les parties sont réputées non écrites et de débouter la société CNO de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, alors « qu’aux termes de l’article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ; qu’aux termes de l’article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, l’article L. 341-2 du code de commerce réputant non écrites les clauses ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un contrat de distribution, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant, s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi ; que pour réputer non écrites les clauses de non-concurrence prévues à l’article 16 des contrats signés entre les parties et débouter la société CNO de sa demande de dommages intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, l’arrêt relève que l’article 31 II de la loi du 6 août 2015 dispose que le I de cet article, qui créé l’article L. 341-2 du code de commerce, s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Il retient qu’il s’en déduit qu’un an après la promulgation de la loi, est réputée non écrite toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, tel le contrat de distribution, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui l’a précédemment souscrit, qu’en l’espèce, les contrats de franchise ont été signés entre les parties les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durée de cinq années, qu’ils sont arrivés à échéance les 5 mars et 8 juillet 2016 et n’ont pas été renouvelés, et que la clause de non-concurrence post-contractuelle d’une durée d’une année était cependant bien en cours lors de l’entrée en vigueur de l’article L. 341-2 le 6 août 2016 qui est dès lors applicable au litige ; qu’en statuant ainsi, quand la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l’espèce, remettre en cause la validité d’une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil, ensemble l’article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 2 du code civil et l’article 31, II, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
7. Aux termes du premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. Il en résulte que, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, la validité des contrats reste régie par la loi sous l’empire de laquelle ils ont été conclus.
8. Selon le second, l’article L. 341-2 du code de commerce réputant non écrites les clauses ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un contrat de distribution, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant, s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.
9. Pour réputer non écrite la clause de non-concurrence post-contractuelle et rejeter la demande de la société CNO en paiement de dommages et intérêts au titre de la violation de cette clause, l’arrêt retient que l’article 31, II, de la loi du 6 août 2015 dispose que le I de cet article, qui crée l’article L. 341-2 du code de commerce, s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Il relève que les contrats de franchise ont été signés entre les parties les 29 mars et 8 juillet 2011 pour une durée de cinq années, qu’ils sont arrivés à échéance les 5 mars et 8 juillet 2016, n’ont pas été renouvelés et que la clause de non-concurrence post-contractuelle, d’une durée d’une année, était en cours lors de l’entrée en vigueur, le 6 août 2016, de l’article L. 341-2 du code de commerce et en déduit que ce texte est, dès lors, applicable au litige.
10. En statuant ainsi, en l’absence de disposition expresse du législateur prévoyant une application de la loi du 6 août 2015 aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il dit que les clauses de non-concurrence post-contractuelles figurant à l’article 16 des contrats de franchise signés entre les parties sont réputées non écrites, déboute la société Comptoir national de l’or de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Gold Cash Market 38 aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gold Cash Market 38 et la condamne à payer aux sociétés Comptoir national de l’or et Gold Trade la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente août deux mille vingt-trois.