Clause de non-concurrence : 30 août 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00432

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Clause de non-concurrence : 30 août 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00432
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Arrêt n°

du 30/08/2023

N° RG 22/00432

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 30 août 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 9 février 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00381)

SARL IMMO CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

Madame [F] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001577 du 19/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Antoine GINESTRA, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 30 août 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Madame [F] [T] a été embauchée par la SARL Immo Conseil à compter du 4 novembre 2019 dans le cadre d’un contrat de négociateur immobilier V.R.P. salarié exclusif à durée indéterminée.

Au terme du contrat de travail, il était prévu une période d’essai de 3 mois de travail effectif renouvelable une fois.

Une clause de non-concurrence était insérée audit contrat.

Par courrier en date du 24 janvier 2020, la Sarl Immo Conseil a informé Madame [F] [T] qu’elle renouvelait la période d’essai pour une durée de 3 mois à compter du 4 février 2020.

Par courrier en date du 25 mai 2020, la SARL Immo Conseil a écrit à Madame [F] [T] qu’elle mettait fin à la période d’essai avec un préavis d’un mois, soit pour le 25 juin 2020.

Le 15 juillet 2020, Madame [F] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de demandes de rappel de salaire minimum, de nullité de la clause de non-concurrence ou subsidiairement de dommages-intérêts pour absence d’effet de sa renonciation et de demandes indemnitaires et salariales liées à la rupture du contrat de travail sans motif après l’expiration de la période d’essai.

Par jugement du 9 février 2022, le conseil de prud’hommes a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– fixé à compter du 1er janvier 2020, le salaire minimum brut conventionnel à 1450 euros,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– prononcé la nullité de la clause de non-concurrence,

– condamné la SARL Immo Conseil à payer à Madame [F] [T] les sommes de :

2626,51 euros à titre de rappel de salaire minimum, correspondant à la différence entre les sommes dues et celles perçues,

262,65 euros à titre de congés payés afférents,

2900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1450 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement,

1450 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

145 euros à titre de congés payés afférents,

8700 euros à titre de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence illicite,

1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SARL Immo Conseil a interjeté appel de chacun des chefs du jugement le 18 février 2022.

Par conclusions en date du 17 mai 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Madame [F] [T] en l’ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions en date du 27 juillet 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’intimée sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la SARL Immo Conseil au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec faculté de recouvrement direct.

Motifs :

– Sur la rémunération applicable et sur le rappel de salaire :

Les premiers juges ont fait droit à la demande de Madame [F] [T] au titre du rappel de salaire correspondant à la différence entre le salaire perçu et un salaire mensuel de 1450 euros, retenant que les dispositions de l’article 1er de l’avenant n°82 du 2 décembre 2019 qui fixent le montant du salaire du VRP à la somme de 1450 euros étaient applicables à la relation contractuelle, au motif que la Sarl Immo Conseil n’établissait pas ne pas être adhérente à l’une des organisations patronales signataires de l’avenant.

La Sarl Immo Conseil demande l’infirmation du jugement de ce chef, soutenant que de telles dispositions n’ont été applicables qu’à compter du 6 août 2020, après extension par arrêté du 24 juillet 2020 pour les employeurs non adhérents à une organisation patronale signataire, que les premiers juges ont procédé à une inversion de la charge de la preuve en mettant à sa charge de produire une preuve négative alors qu’il appartient à Madame [F] [T] de démontrer qu’elle était adhérente à une telle organisation, ce que l’intimée conteste.

Aux termes de l’article 1er de l’avenant n°82 du 2 décembre 2019, le salaire minimum brut mensuel conventionnel des négociateurs immobiliers VRP est fixé à 1450 euros par mois complet.

Madame [F] [T] formant une demande de rappel de salaire, il appartient à la Sarl Immo Conseil d’établir qu’elle l’a remplie de ses droits à ce titre.

Il ressort de l’article 3 dudit avenant, qu’il prend effet pour les organisations signataires à compter du 1er janvier 2020.

La Sarl Immo Conseil contestant qu’un tel avenant soit applicable à la relation contractuelle la liant à Madame [F] [T] à compter de cette date, il lui appartient d’établir qu’elle n’était pas adhérente à une organisation signataire, ce qu’elle ne fait pas.

Dans ces conditions, c’est à raison que les premiers juges, retenant que l’avenant était applicable, ont fixé le salaire minimum brut conventionnel à la somme de 1450 euros et ont fait droit à la demande de rappel de salaire correspondant à la différence entre les sommes perçues et les sommes dues.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

– Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

Les premiers juges, faisant droit à la demande de Madame [F] [T], ont jugé que la rupture du contrat de travail avait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ont accueilli en leur principe ses demandes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la violation de la procédure de licenciement, de l’indemnité de préavis et des congés payés y afférents, les minorant en leur quantum.

Si la Sarl Immo Conseil conclut à l’infirmation du chef du jugement qui a dit que la rupture du contrat de travail de Madame [F] [T] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ne développe aucun moyen au soutien du rejet de cette demande, de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef.

Madame [F] [T] avait une ancienneté inférieure à 1 an à la date de son licenciement.

C’est à raison dans ces conditions que la Sarl Immo Conseil soutient que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail en allouant à Madame [F] [T] la somme de 2900 euros à titre de dommages-intérêts, alors que l’indemnité maximale est d’un mois de salaire pour une telle ancienneté.

Madame [F] [T] sollicite vainement une appréciation in concreto de sa situation.

En effet, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée et qu’il appartient à la cour d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail.

Pour sa part, la Sarl Immo Conseil soutient à tort que Madame [F] [T] ne justifierait d’aucun préjudice découlant de la rupture de son contrat de travail alors que la perte injustifiée de son emploi par la salariée lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

Madame [F] [T] était âgée de 55 ans lors de son licenciement. Elle ne produit aucun élément sur sa situation professionnelle postérieurement à celui-ci.

Au vu de ces éléments, la Sarl Immo Conseil sera condamnée à lui payer la somme de 1300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en réparation du préjudice subi.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

Il doit encore être infirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Immo Conseil à payer à Madame [F] [T] la somme de 1450 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement, en ce que la Sarl Immo Conseil fait valoir à raison qu’ils ne sont pas cumulables avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Sarl Immo Conseil fait encore valoir que Madame [F] [T] n’est pas fondée à réclamer une indemnité compensatrice de préavis alors qu’elle a accompli celui-ci, à la suite du courrier qu’elle lui avait adressé le 25 mai 2020.

Madame [F] [T] réplique qu’elle doit nécessairement bénéficier d’un préavis dès lors que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par courrier du 25 mai 2020, la Sarl Immo Conseil a mis fin à la période d’essai de Madame [F] [T] avec un préavis d’un mois à compter du même jour.

Il ressort des bulletins de paie des mois de mai et juin 2020 que celui-ci n’a été qu’en partie exécuté puisque Madame [F] [T] a bénéficié de 4 jours de congés payés du 27 au 30 mai 2020 puis de 12 jours de congés payés entre le 1er et le 25 juin 2020.

La Sarl Immo Conseil doit donc être condamnée à lui payer le solde dû, soit la somme de 773,33 euros, outre les congés payés y afférents.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

– Sur la clause de non-concurrence :

La Sarl Immo Conseil reproche aux premiers juges d’avoir prononcé la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail alors que, selon elle, la contrepartie financière n’est pas dérisoire. A titre subsidiaire, elle soutient que la salariée ne justifie d’aucun préjudice en lien avec une clause de non-concurrence illicite.

Madame [F] [T] conclut à raison à la confirmation du chef du prononcé de la nullité de la clause de non-concurrence.

En effet, même si la clause de non-concurrence est limitée au secteur de [Localité 2] et 5 kilomètres autour et à une durée de 6 mois, la contrepartie financière en ce qu’elle est égale à 5 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des 3 derniers mois passés dans l’entreprise, à l’exclusion des primes exceptionnelles de toute nature et des frais professionnels, est dérisoire et équivaut à une absence de contrepartie.

Il appartient dès lors à Madame [F] [T], qui sollicite des dommages-intérêts nés d’une clause de non-concurrence illicite, d’établir qu’elle a subi un préjudice, ce qu’elle ne fait pas puisque tout au plus, et à tort, soutient-elle qu’elle a nécessairement subi un préjudice.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Immo Conseil au paiement de dommages-intérêts de ce chef.

**********

Il y a lieu de dire que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens et en ce qu’il a condamné la Sarl Immo Conseil à payer à Madame [F] [T] une indemnité de procédure.

Partie principalement succombante à hauteur d’appel, la Sarl Immo Conseil doit être condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel.

Madame [F] [T], qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale à hauteur d’appel et ne démontre pas que des frais sont restés à sa charge, doit être déboutée de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel.

Les conditions d’application de l’article 699 du code de procédure civile ne sont pas réunies alors que l’intimée est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et que son avocat n’a pas renoncé à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– fixé à compter du 1er janvier 2020, le salaire minimum brut conventionnel à 1450 euros ;

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– prononcé la nullité de la clause de non-concurrence ;

– condamné la SARL Immo Conseil à payer à Madame [F] [T] les sommes de :

2626,51 euros à titre de rappel de salaire minimum, correspondant à la différence entre les sommes dues et celles perçues ;

262,65 euros à titre de congés payés afférents ;

1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Sarl Immo Conseil aux dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne la Sarl Immo Conseil à payer à Madame [F] [T] les sommes de :

– 1300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 777,33 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 77,73 euros au titre des congés payés y afférents ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;

Déboute Madame [F] [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour violation de la procédure de licenciement et de sa demande d’indemnité pour clause de non-concurrence illicite ;

Déboute Madame [F] [T] et la Sarl Immo Conseil de leur demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel ;

Condamne la Sarl Immo Conseil aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

 


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