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LC/IC
[D] [B] [E]
C/
[J] [K]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
N° RG 21/00229 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FUHC
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 09 novembre 2020,
rendue par le tribunal de proximité de Beaune – RG : 20-000074
APPELANTE :
Madame [D] [B] [E] veuve [L]
née le 15 Avril 1938 à [Localité 5] (21)
domiciliée :
2 rue du 19 mars 1962
[Localité 1]
représentée par Me Eric RUTHER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 106
INTIMÉ :
Monsieur [J] [K]
né le 17 Février 1973 à [Localité 4] (21)
domicilié :
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Nathalie MINEL-PERNEL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 80
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Leslie CHARBONNIER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
En janvier 2018, Mme [B] [L] a contacté M. [J] [K] pour l’établissement d’un devis afin de réaliser des travaux dans sa cuisine.
Un devis a été établi le 24 février 2018 d’un montant de 8 701 euros et le chèque d’acompte de 2 800 euros, remis le 2 février 2018, a été encaissé.
Les travaux ont été réalisés en mai 2018 et le solde de la facture établie le 23 juin 2018 d’un montant de 6 404,20 euros est resté impayé.
Une ordonnance d’injonction de payer a été rendue le 22 janvier 2020 enjoignant à Mme [B] [L] de payer la somme principale de 3 604,20 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 19 décembre 2019.
Cette ordonnance a été signifiée à personne le 25 juin 2020 et, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 8 juillet 2018, Mme [B] [L] a formé opposition à ladite ordonnance.
Par jugement rendu le 9 novembre 2020, le tribunal de proximité de Beaune a :
-Déclaré l’opposition à l’injonction de payer recevable, et statuant à nouveau,
-Rejeté la demande d’expertise,
-Condamné Mme [B] [L] à payer à M. [J] [K] la somme de 3 604,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, date de la mise en demeure,
-Débouté Mme [B] [L] de ses demandes reconventionnelles,
-Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Mme [D] [B] [E] veuve [L] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe enregistrée le 24 février 2021.
Au terme de ses dernières conclusions d’appelante notifiées le 10 novembre 2021, Mme [D] [B] [E] veuve [L] demande à la cour de :
-Juger qu’il a été bien appelé, et mal jugé.
-Juger son appel recevable.
-Réformer le jugement entrepris sur les chefs de jugements en ce qui concerne le premier chef du jugement critiqué sur sa condamnation au règlement de la somme de 3 604,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019,
-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à régler à M. [J] [K] la somme de 3 604,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 et statuant à nouveau,
A titre principal :
Vu l’article 1359 du code civil et l’article 1 du décret n° 2016-1278 du 29 septembre 2016,
-Juger qu’elle n’a signé aucun devis et que dès lors elle ne peut être engagée à l’égard de M. [J] [K].
-Juger que M. [J] [K] est défaillant dans la charge de la preuve.
-Juger que le devis de M. [J] [K] est irrégulier pour ne pas respecter les règles d’ordre public en matière de contrat conclu hors établissement.
-Prononcer la nullité du devis du 24 février 2018 d’un montant de 8 701 euros TTC et de la facture datée du 23 juin 2018 d’un montant de 6 404.20 euros TTC.
-En conséquence, débouter M. [J] [K] de ses demandes.
A titre subsidiaire : Vu les articles 6 et 7 de l’arrêté du 17 mars 2015
Vu les articles L111-1, L112-1, L221-5, L221-9, L221-29, L242-1, L242-6 et R221-1 du code de la consommation,
-Juger que M. [J] [K] n’a pas respecté son obligation d’information,
-Juger que M. [J] [K] n’a pas respecté les dispositions d’ordre public sur le démarchage hors établissement,
-Prononcer l’annulation du devis d’un montant de 8 701 euros TTC et de la facture d’un montant de 6 404.20 euros TTC.
-Débouter M. [J] [K] de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire :
-Jugé qu’elle est recevable et bien fondée à opposer à M. [K] l’exception d’inexécution,
-Prononcer la résolution du contrat aux torts de M. [K].
-En conséquence, débouter M. [J] [K] de ses demandes.
En ce qui concerne le deuxième chef du jugement critiqué sur le rejet de la demande reconventionnelle,
-Condamner M. [J] [K] à lui régler la somme de 2 800 euros au titre de la somme perçue,
-Condamner M. [J] [K] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral subi.
En ce qui concerne l’expertise sollicitée par M. [K],
-Juger qu’il ne fournit aucun fondement juridique à l’appui de sa demande d’expertise,
-Juger que cette expertise est totalement inutile,
-En conséquence, débouter M. [K] de sa demande d’expertise.
En toute hypothèse,
-Condamner [J] [K] à lui régler la somme de 3 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
-Condamner [J] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel, en jugeant que Maître Eric Ruther, avocat pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l’article 699 du code de procédure civile.
Au terme de ses dernières conclusions d’intimé notifiées le 19 août 2021, M. [J] [K] demande à la cour de:
A titre principal,
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [D] [B] [L] à lui payer la somme de 3.604,20 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 et dépens et débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles ;
-Débouter Mme [L] de l’intégralité de ses prétentions en cause d’appel ;
À titre subsidiaire,
-si la cour de céans, s’estimant insuffisamment éclairée, devait ordonner une mesure d’instruction, réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande d’expertise;
Et statuant de nouveau de ce chef et avant-dire droit,
– ordonner une mesure d’expertise,
Et ajoutant au jugement entrepris,
-Condamner Mme [D] [B] [L] à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
-Condamner Mme [D] [B] [L] à supporter les entiers dépens de première instance, d’injonction de payer, outre les entiers dépens d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées des parties pour un exposé complet de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 04 octobre 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience du 20 octobre 2022 et la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 15 décembre 2022.
Sur ce la Cour,
1/ Sur la recevabilité de l’appel
En application de l’article R211-3-24 du code de l’organisation judiciaire, lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort.
Selon l’article 39 du code de procédure civile, sous réserve des dispositions de l’article 35, le jugement n’est pas susceptible d’appel lorsque aucune des demandes incidentes n’est supérieure au taux du dernier ressort.
Si l’une d’elles est supérieure à ce taux, le juge statue en premier ressort sur toutes les demandes. Il se prononce toutefois en dernier ressort si la seule demande qui excède le taux du dernier ressort est une demande reconventionnelle en dommages-intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale.
Au terme de l’article 40 du code de procédure civile, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d’appel.
En l’espèce, si le tribunal de proximité était saisi d’une demande en paiement du solde d’une facture à hauteur de 3 604, 20 euros, Mme [L], arguant d’un défaut d’information, sollicitait l’application de la sanction de la nullité ou de la résolution de la vente de sorte que sa demande reconventionnelle étant indéterminée, c’est par erreur que le tribunal a rendu sa décision en dernier ressort.
Il en résulte que l’appel est recevable.
2/ Sur la demande en paiement du solde de la facture et la demande reconventionnelle en nullité ou résolution du contrat
Il convient de relever, à titre liminaire, que la cour n’est pas saisie de la question de la recevabilité de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
Il n’est pas contesté, en l’espèce, que le devis d’un montant de 8 701 euros ait été établi hors établissement de M. [K].
Aux termes de l’article 1359 du code civil, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
La somme ou la valeur visée à cet article est fixée par décret à 1 500 euros.
Les dispositions générales de l’article L111-1 du code de la consommation et celles de l’article L221-5 du même code applicable aux ventes hors établissement, obligent le professionnel à communiquer au consommateur, préalablement à la conclusion d’un contrat à titre onéreux, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l’interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l’existence de toute restriction d’installation de logiciel ;
2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d’un prix en application des articles L112-1 à L112-4-1 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à l’identité du professionnel, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° L’existence et les modalités de mise en ‘uvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité et la garantie légale des vices cachés, et des éventuelles garanties commerciales, ainsi que, le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles ;6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
L’article L221-9 du code de la consommation prévoit que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L221-5 et aux termes de l’article L221-10, le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement.
Enfin, selon l’article L242-1 du code de la consommation, les dispositions des articles L221-9 et L221-10 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Mme [L], pour obtenir la réformation du jugement l’ayant condamnée au paiement du solde de la facture litigieuse, soutient qu’elle n’a jamais donné son accord sur le devis de M. [K] et précisément sur les caractéristiques de la cuisine et le prix et que ce dernier, avec ruse et habileté, profitant de son âge avancé et du fait qu’elle vit seule à son domicile, a réussi à lui extorquer la somme de 2 800 euros alors même qu’elle n’avait pas signé le devis ; qu’ainsi, elle ne peut être engagée contractuellement alors, au demeurant, que le devis non signé n’est pas conforme aux dispositions des articles L111-1, L221-5 et L221-29 du code de la consommation en ce qu’il ne mentionne pas notamment le délai de livraison et les modalités d’exercice de droit de rétractation (absence de bordereau de rétractation) de sorte qu’il est nul.
Subsidiairement, elle invoque le non respect de l’obligation d’information pour solliciter l’annulation du devis au motif qu’il ne respecte pas les dispositions de l’arrêté du 17 mars 2015 et de l’article L111-1 du code de la consommation et encore plus subsidiairement, elle soutient que les travaux ne sont pas terminés pour obtenir la résolution du contrat aux torts du professionnel.
Ce faisant, en application de l’article 1353 du code civil, la charge de la preuve de l’existence d’un contrat incombe à celui qui s’en prévaut.
Il incombe à l’entrepreneur qui réclame paiement d’une facture de travaux de prouver que ces derniers lui ont été commandés.
En l’espèce, il est constant que si Mme [L] n’a pas signé le devis établi par M. [K], elle reconnaît avoir pris contact avec ce dernier à l’effet d’obtenir l’établissement d’un devis pour des travaux de rénovation de sa cuisine, devis qui lui a été effectivement remis, de sorte qu’elle était parfaitement informée au regard de son contenu à la fois des prestations envisagées mais également du prix de celles-ci.
Or, d’une part, les travaux ont été réalisés plus de trois mois après établissement du devis et versement de l’acompte sans que Mme [L] ne manifeste son intention de renoncer aux travaux ni ne se plaigne d’une quelconque man’uvre de la part de l’intimé pour obtenir paiement de l’acompte et, d’autre part, elle ne s’est aucunement opposée à la réalisation des travaux, peu important par suite que ces derniers aient pu être, selon elle, non conformes à ceux prévus au devis, cet argument étant sans emport sur la preuve de l’existence du contrat.
Ainsi, alors qu’aucune pièce aux débats de permet d’établir que Mme [L] aurait pu être victime de man’uvres dolosives destinées à la pousser à remettre un chèque d’acompte, l’absence d’opposition de sa part à la réalisation même partielle des travaux au regard du devis qui lui a été effectivement remis, confirme sa volonté de contracter avec M. [K].
Par suite, Mme [L] ne saurait valablement invoquer la nullité du devis au regard des dispositions de l’article L111-1 du code de la consommation pour non respect de l’obligation d’information,
Si l’article L111-7 du code de la consommation dispose que les obligations visées à l’article L111-1 du même code sont d’ordre public, il n’instaure cependant pas une nullité automatique des conventions passées en violation de ces dispositions. Pour que la nullité soit prononcée, il faut que les conditions de l’erreur ou du dol prévues par le code civil soient remplies, ce qui n’est nullement établi en l’espèce.
Or, comme l’a relevé le premier juge, le devis reprend, de manière précise les caractéristiques essentielles de la fourniture et de la pose de la cuisine, seul le délai de fabrication et de livraison étant absent, éléments qui ne font pas l’objet de la critique de l’appelante de sorte qu’elle ne saurait en tirer un grief.
C’est de manière toute aussi pertinente que la juridiction de premier degré a écarté l’existence d’un vice du consentement constatant qu’en l’absence de preuve d’un manque de clairvoyance qui aurait empêché Mme [L] de comprendre la portée de son engagement, celle-ci avait laissé M. [K] intervenir, prendre des mesures, poser la nouvelle cuisine, manifestant ainsi sa pleine volonté de voir exécuter le chantier en cause.
Par suite, la facture est conforme au devis, à l’exception du plan de travail, dont il n’est pas contesté qu’il n’a pas été posé, seule la fourniture et la pose d’un mitigeur douchette ayant été ajoutées d’un montant non exorbitant de 142 euros.
Il est reconnu, par suite, que les travaux ont été effectivement réalisés, même si Mme [L] soutient, sans en rapporter la preuve, qu’ils n’ont pas été achevés.
L’argument de l’absence de réalisation du plan de travail est sans emport dès lors que celui-ci n’est pas facturé.
Mme [L] ne fournit aucun élément permettant de vérifier que des prestations figurant au devis et facturées n’auraient pas été réalisées, la seule absence d’un procès verbal de réception, non requis en matière de contrat d’entreprise, étant insuffisante à cet effet.
Il en résulte que ni la nullité ni la résolution du contrat ne saurait être prononcée et qu’une mesure d’expertise ne serait pas utile à la solution du litige.
En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande d’expertise, fait droit à la demande de condamnation au profit de M. [K] et débouté l’appelante de ses demandes reconventionnelles de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.
3/ Sur les demandes accessoires
Mme [L], partie succombante, est condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [K] une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare l’appel recevable,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [D] [L] aux dépens d’appel,
Condamne Mme [D] [L] à verser à M. [J] [K] une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Le Greffier, Le Président,