L’article L.132-11 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’éditeur « ne peut, sans autorisation écrite de l’auteur, apporter à l’oeuvre aucune modification ». En l’occurrence, le contrat stipule que : « le licencié s’engage par ailleurs à respecter les choix artistiques du concédant et de ne pas influencer lesdits choix ».
Le cessionnaire a fait valoir en vain que dans un souci de commercialisation et de cohérence avec les produits mis en vente, il a pu guider l’auteur / designer dans l’intérêt commun de promouvoir les ventes, sans toutefois lui imposer aucune modification de ses créations.
A cet égard, il produit de nombreux courriels comportant des échanges d’informations et de visuels entre les parties, s’agissant des créations en cours et montrant que des suggestions étaient régulièrement émises, les créations finales étant tantôt validées par l’auteur tantôt laissées à la décision du cessionnaire.
Opposition de l’auteur non respectée
L’auteur / designer ne conteste pas que sa liberté de choix artistiques a été le plus souvent respectée. Elle fait néanmoins état de quelques exemples (le poster princesse, la baguette magique et le tablier, le packaging..) à l’occasion desquels la société éditrice aurait selon elle, fait peu de cas de son droit moral.
De fait, s’agissant du ‘poster princesse’, l’auteur / designer a adressé le 5 juillet 2016, un courriel à Mme [N], éditrice de Label’tour, en se plaignant en ces termes des nombreuses modifications apportées à son oeuvre : « des dessins ont été supprimés, un bout de château inventé, les murs du château redessinés, le toit retravaillé, les champignons du poster Pirate sont apparus sur le poster Princesse, vous avez dessiné des routes qui ne ressemblent à rien, modifié toutes les licornes, enlevé des chevaux, noirci l’intérieur du carrosse, vous n’avez pas respecté les noirs que j’avais ajouté, vous avez modifié la mise en page. Cela ne vous pose pas de problème d’utiliser mes dessins pour faire un poster qui ne ressemble du tout au mien… ce n’est pas la première fois et nous en avons déjà discuté (cf.tablier princesse) ».
Il a été jugé que les modifications importantes apportées à la proposition originale de l’auteur / designer ont fait l’objet de discussions préalables mais pour d’autres, l’auteur / designer a formulé son opposition :« j’ai vraiment du mal à digérer les modifications de la baguette et du tablier (qui est très différent du mien), complètement retravaillés avec des bouts de mes dessins, parce que les délais étaient speed ! (‘) Vous me mettez dans une situation délicate : je ne peux accepter que mes créations soient retravaillées sans mon accord et opposer mon véto ne me semble pas très productif. Comment on fait ‘ »
Le cessionnaire n’apportait aucun élément s’agissant de ces produits dont on comprend qu’ils ont été entièrement remaniés par la société cessionnaire, qui les a conçus à partir de bouts de dessins de l’auteur / designer.Il n’est fait état d’aucun échange, d’aucun accord préalable avant ces modifications pas plus que d’une validation avant la diffusion et la commercialisation.
Atteinte grave aux choix artistiques de la créatrice
Par ailleurs, il s’évince de ce message que cette atteinte grave aux choix artistiques de la créatrice a été faite sous couvert de délais à respecter, ce qui conforte l’idée que contrairement à ce que soutient la Sarl Label’tour (cessionnaire), la liberté de l’auteur / designer d’accepter ou de refuser les modifications apportées à ses créations n’était pas totale, dans le contexte des relations contractuelles nouées entres les parties, plaçant de facto l’auteur / designer en situation de dépendance vis à vis de son éditeur, notamment du fait de l’exclusivité et de son mode de rémunération (pourcentage des ventes).
Cet épisode, qui constitue un manquement grave de la société Label’tour au respect du choix artistique de la créatrice et au processus collaboratif dont elle se prévaut, sans être la règle, n’est pas isolé, ainsi qu’il ressort d’un échange aux termes duquel l’auteur / designer demande :
« Pourquoi je ne suis toujours pas consultée sur des choix « artistiques » qui me semblent essentiels comme le choix des coloris des packagings( cf théâtre, masques papier) ‘ » auquel la société Label’tour a répondu par un « mea culpa, un raté de notre côté ». Le coloris du packaging n’est ici évoqué qu’à titre d’exemple et l’emploi de l’adverbe toujours marque une certaine récurrence.
Manquement à l’obligation de respecter les choix artistiques
Au total, c’est à juste titre que le tribunal a retenu l’existence d’un manquement à l’obligation de respecter les choix artistiques de l’auteur, quand bien même ce manquement n’aurait pas été systématique.
1ère Chambre
ARRÊT N°178/2023
N° RG 20/06085 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RE43
S.C.P. MJURIS EN LA PERSONNE DE ME [G] [P]
S.A.R.L. LABEL’TOUR
C/
Mme [W] [I]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 février 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 juin 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 10 mai 2023 à l’issue des débats
APPELANTE :
La société LABEL’TOUR, SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nantes sous le n°479.678.401, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bertrand ERMENEUX de la SELARL AVOXA RENNES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [W] [I]
née le 15 Novembre 1964 à Localité 7
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Caroline VERDAN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Yoram LEKER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
La S.C.P. MJURIS en la personne de Me [G] [P] es qualité de liquidateur judiciaire de la société LABEL’TOUR, désignée par jugement du 27 juillet 2022
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bertrand ERMENEUX de la SELARL AVOXA RENNES, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [W] [C], connue sous le pseudonyme « [W] [I] » exerce l’activité de designer et de créatrice d’objets textiles, notamment de tissus à colorier (poupées, pochettes fantaisie, nappes, coussins, sacs, mugs…).
La Sarl Label’tour a pour activité commerciale la vente de pièces de créateurs dans le secteur de la décoration et des objets pour enfants.
Aux termes d’un contrat cadre de licence du 26 octobre 2009, « [W] [I] » a cédé à la Sarl Label’tour le droit exclusif de commercialiser ses créations, pendant 10 ans, dans le monde entier, celle-ci s’obligeant en retour, à mettre en oeuvre avec diligence une exploitation sérieuse et effective de l’activité commerciale visée.
Reprochant à la Sarl Label’tour des manquements à ses obligations contractuelles à compter de 2013 (48 créations sur 110 réellement éditées, promotion insuffisante, communication défaillante, absence de défense des droits de propriété intellectuelle…), [W] [C] a par courrier du 20 novembre 2017 mis en demeure cette dernière de justifier de son activité réelle dans le cadre du contrat.
Après plusieurs échanges, le 12 mars 2018, Mme [W] [C], estimant que la Sarl Label’tour avait commis des fautes à son égard, et qu’elle avait en outre présenté ses oeuvres sur Internet au nom d’un autre auteur, a adressé à la Sarl Label’tour un courrier aux fins de résiliation du contrat.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 janvier 2019, Mme [W] [C] a informé sa cocontractante de son refus de renouveler le contrat à son terme.
Faute de réponse, et par acte délivré le 21 mars 2019, Mme [W] [C] a fait assigner la Sarl Label’tour devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Mme [W] [C] demandait notamment au tribunal, aux visas des articles L.132-1, L. 132-7, L. 132-11 à L. 132-13 du Code de la propriété intellectuelle, 1104 et 1382 du Code civil, de :
-Dire et juger que la Sarl Label’tour a violé le contrat d’édition du 26 octobre 2009 par manquement à son obligation d’exploitation et diffusion, manquement au droit moral de l’auteur,
-Prononcer la résolution judiciaire du dit contrat à compter du 12 mars 2018 ou à tout le moins à compter du 15 septembre 2018, date du préavis proposé dans la lettre du 12 mars 2018,
-Condamner la Sarl Label’tour à l’indemniser de ses préjudices,
-Ordonner à la Sarl Label’tour la restitution du matériel donné par elle, à savoir: l’ensemble des planches de dessins originaux servant de modèles, des prototypes en tissus (édités ou non) adressés et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard.
Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a :
-Dit que la Sarl Label’tour a manqué à ses obligations contractuelles issues du contrat d’édition du 26 octobre 2009,
-Constaté que la résiliation du contrat est acquise à la date du 12 mars 2018,
-Ordonné à la Sarl Label’tour de restituer à [W] [C] alias [W] [I] l’ensemble des matériels remis par elle, à savoir les planches de dessins originaux servant de modèles, les prototypes en tissus, édités ou non, ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et pendant 3 mois, délai à l’issue duquel il sera de nouveau statué par le juge de l’exécution,
-Condamné la Sarl Label’tour à payer à [W] [C] alias [W] [I] la somme de 30.000 € en réparation de son préjudice économique, la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice moral et la somme de 25.000 € à titre d’indemnité de rupture,
-Débouté la Sarl Label’tour de sa demande reconventionnelle,
-Condamné la Sarl Label’tour à payer à [W] [C] alias [W] [I] la somme de 3.000 € au titre de l’abus de droit,
-Condamné la Sarl Label’tour aux dépens,
-Condamné la Sarl Label’tour à payer à [W] [C] alias [W] [I] la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Ordonné l’exécution provisoire.
Suivant déclaration du 10 décembre 2020, la Sarl Label’tour a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.
Par exploit du 15 décembre 2020, elle a fait assigner Mme [W] [C] aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire et en payement d’une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 19 janvier 2021, le magistrat délégué de Monsieur le premier président a fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire en ce qu’elle porte sur les condamnations au payement des sommes de 30.000, 20.000, 25.000, 3.000 et 15.000 € sans qu’il y ait lieu à consignation (rejetant ainsi la demande subsidiaire présentée par Mme [C]) en retenant que la mise à exécution du jugement risquait, compte tenu du montant des condamnations prononcées (plus de 90.000 €), de provoquer le dépôt de bilan de la société Label’tour qui emploie 21 salariés, ce qui constituait une conséquence manifestement excessive.
Par jugement du 27 juillet 2022, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Label’tour et désigné la SCP Mjuris en la personne de Me [P] en qualité de liquidateur. Mme [C] a déclaré sa créance à titre chirographaire par lettre recommandée du 31 août 2022.
Moyens
Cette dernière a pris des conclusions d’intervention volontaire notifiées le 7 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions et aux termes desquelles, la Scp Mjuris en la personne de Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Label’tour demande à la cour de :
-Recevoir la Scp Mjuris en la personne de Maître [G] [P] en son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Label’tour,
-Infirmer le jugement du 7 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Rennes,
En conséquence, statuant à nouveau de ces chefs :
-A titre principal, débouter [W] [C] dite «[W] [I] » de l’ensemble de ses demandes,
-A titre subsidiaire, ramener le montant des condamnations à de plus justes proportions,
-En tout état de cause, condamner [W] [C] dite «[W] [I] » à payer la somme de 110 006,63 € en réparation du préjudice subi,
-Débouter [W] [C] dite «[W] [I] » de sa demande de dommages et intérêts pour abus du droit d’agir en justice,
-Condamner [W] [C] dite «[W] [I] » au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner [W] [C] dite « [W] [I] » aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
-Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.
En cause d’appel, la SCP Mjuris en la personne de Me [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Label’tour soulève que le contrat cadre de licence signé le 26 octobre 2009 ne peut être qualifié de contrat d’édition et que par conséquent, le tribunal a considéré à tort que la société Label’tour avait manqué à ses obligations contractuelles en se fondant sur les dispositions applicables au contrat d’édition du Code de la propriété intellectuelle.
Pour l’essentiel, elle réitère en cause d’appel les moyens développés en première instance.
S’agissant du manquement allégué à son obligation d’exploitation, elle expose qu’elle n’est tenue d’aucune obligation contractuelle d’éditer l’intégralité des créations de Mme [I], l’article 5 du contrat lui laissant une marge d’appréciation quant à la décision d’éditer une création ou non, afin de tenir compte de l’absence de succès commercial (théâtre de marionnettes), de la complexité du produit (boîte à trésors) ou du coût de production (calendrier de l’avent). Elle réfute en outre avoir «inondé» la demanderesse de commandes, estimant qu’il s’agissait seulement de propositions et d’idées échangées dans le cadre d’un processus collaboratif de création.
Contestant tout manquement à son obligation de diffusion et de commercialisation, elle rappelle qu’elle a édité neuf nouveaux produits en 2017, contrairement aux allégations de la demanderesse et que les créations de Mme [I] représentaient 20 à 30% des produits présentés dans ses catalogues 2010 à 2018.
Elle ajoute que le processus de création peut induire un délai de plusieurs mois entre la création et l’édition. Elle ajoute avoir toujours informé Mme [C] de l’évolution des ventes, la conseillant utilement compte tenu de sa connaissance du marché.
Elle indique enfin avoir eu l’intention de poursuivre la relation contractuelle jusqu’à son terme, y compris après la mise en demeure, ce qui n’était pas le cas de sa cocontractante.
Elle conteste toute atteinte au droit moral de Mme [C], en expliquant être en relation d’affaires avec la société Showroomprivé, laquelle a présenté les produits de cette dernière sous le nom d’une autre créatrice par suite d’une défaillance technique. Elle estime ne pas être responsable des éventuels préjudices causés par l’erreur d’une autre société.
S’agissant de l’absence de contrats écrits, la société Label’tour rappelle que jusqu’en 2013, onze contrats de licence ont été rédigés pour encadrer les nouvelles créations de Mme [C], cette pratique ayant ensuite été abandonnée compte tenu du climat de confiance et de l’abondance des créations, ce dont l’intéressée ne s’est jamais plainte. Elle plaide la commune intention des parties pour renoncer à cette disposition contractuelle et rappelle que sa cocontractante n’a pas été laissée dans l’ignorance des créations éditées dans la mesure où les ventes réalisées lui étaient transmises chaque trimestre depuis 2009.
Par ailleurs, la société Label’tour affirme avoir respecté les choix artistiques de l’auteur, et l’avoir simplement guidée dans l’intérêt de promouvoir ses ventes pour s’adapter aux impératifs du marché, le ‘poster princesse’ illustrant selon elle, parfaitement cette démarche de collaboration. Elle estime par ailleurs que l’absence de consultation de Mme [C] sur le choix des coloris de packaging ne peut être retenue comme un manquement au respect de ses choix artistiques. Elle rappelle que Mme [C] a toujours conservé la liberté d’accepter ou de refuser les modifications suggérées et conteste toute dépendance de la créatrice à son égard.
Enfin, elle dénie tout manquement à l’obligation de défendre les droits de propriété intellectuelle de Mme [C]. Elle considère que le tribunal a retenu à tort un manquement à son obligation d’assistance, dès lors que l’article 9 du contrat cadre de licence met cette obligation d’assistance à la charge du concédant, c’est à dire de Mme [C]. Elle fait valoir au surplus que les alertes effectuées par Mme [C] ne concernaient pas des actes contrefaisants de ses ‘uvres. Elle explique qu’en effet les deux produits vendus par Amazon l’étaient en réalité par un distributeur auquel elle les avait précédemment cédés, ce qui exclut toute contrefaçon, tandis que les sacs mis en ligne par le BHV ont fait l’objet d’une étude en la forme d’une réunion, à l’issue de laquelle la comparaison visuelle des produits a permis d’exclure de même la contrefaçon, l’utilisation du mot bazar et l’univers du monde enfantin ne suffisant pas à la caractériser.
Elle conteste les condamnations prononcées à son encontre. S’agissant du préjudice économique, elle reproche au jugement d’avoir retenu la moyenne du chiffre d’affaires des années 2013 à 2016 pour calculer le manque à gagner sur le chiffre d’affaires entre 2017 et 2018. Elle critique également le raisonnement retenu par le tribunal (ratio ‘uvres éditées/ ‘uvres commandées) pour le calcul du manque à gagner résultant du manquement à l’obligation d’exploitation et de diffusion des ‘uvres depuis 2013 et estime que la mise en demeure de Mme [C] étant datée du 20 novembre 2017, aucun manque à gagner résultant d’un manquement à l’obligation et de diffusion des ‘uvres depuis 2013 ne peut être retenu. Elle en conclut que le préjudice économique ne pourrait excéder 2.783 €. Elle fait en outre valoir que l’indemnité de 25.000 € allouée par le tribunal au titre de la rupture du contrat, censée correspondre à une année moyenne de revenus, est excessive, ce d’autant que le chiffre d’affaire moyen est en réalité de 20.393 €. Elle ajoute que la demanderesse a continué à percevoir des redevances au premier trimestre 2019. Elle en conclut que l’indemnité de rupture ne saurait excéder 8.021 €.
Elle estime en outre que le montant réclamé au titre du préjudice moral n’est pas justifié et propose par conséquent une indemnisation à hauteur de l’euro symbolique.
Reconventionnellement, la SA Label’tour sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 107.006,63 €. Elle fait valoir que [W] [C] a résilié le contrat du 26 octobre 2009 par lettre de mise en demeure du 12 mars 2018, de manière abusive, dès lors qu’elle-même n’a pas manqué à ses obligations. Elle explique en effet que l’absence de renouvellement des stocks, après la rupture, a mis en péril l’écoulement des ventes des anciens produits, la conclusion d’un contrat avec la société Nature&Découverte ainsi que l’instauration d’une relation commerciale suivie avec la société Showroomprivé, engendrant en outre une baisse substantielle de chiffre d’affaires.
Elle calcule ainsi son préjudice :
perte de marge nette sur la vente des stocks : 15.008,07 €.
perte de marge nette sur contrat Nature&Découverte : 58.131,20 €.
perte de marge nette sur chiffre d’affaires : 33.927,36 €.
préjudice moral découlant de son discrédit auprès de Showroomprivé : 3.000€.
In fine, elle fait grief au tribunal de l’avoir condamnée à payer à Mme [C] des dommages et intérêts pour procédure abusive, en rappelant que l’exercice d’une action en justice est un droit qui n’a donné lieu en l’espèce à aucun abus caractérisé et que Mme [C] ne peut faire valoir un préjudice moral du simple fait de se voir opposer une demande reconventionnelle dans le cadre du procès.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 3 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [W] [C] exerçant sous le nom d’artiste ‘[W] [I]’ demande à la cour de :
-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes en ce qu’il a :
*Dit que la Sarl Label’tour a manqué à ses obligations contractuelles issues du contrat d’édition du 26 octobre 2009,
*Constaté la résiliation du contrat à la date du 12 mars 2018,
*Ordonné à la la Sarl Label’tour de restituer à [W] [C] dite « [W] [I] » l’ensemble des matériels remis par elle, à savoir, les planches de dessins originaux servant de modèles, les prototypes en tissus édités ou non et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard,
*Condamné la société Label’tour à indemniser Madame [C] dite « [W] [I] » de son préjudice économique, moral et de l’indemnité de rupture, (mais statuer à nouveau sur les quantum),
*Débouté la société Label’tour de sa demande reconventionnelle,
*Condamné Label’tour à payer à Madame [C] la somme de 3 000 € au titre de l’abus de droit.
Y ajoutant,
-Recevant Madame [C] en son appel incident,
-Condamner la société Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite « [W] [I] » les sommes suivantes :
30 000 € au titre du manquement à l’obligation d’exploitation,
*40 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes au droit moral de Mme [C] dite « [W] [I] »,
42 000 € à titre d’indemnité en raison de la rupture du contrat d’édition,
-Condamner la société Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite « [W] [I] » la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère manifestement abusif de la demande reconventionnelle formulée dans ses écritures d’appel,
-Condamner la société Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite « [W] [I] » la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Eu égard à la liquidation judiciaire de la société Label’tour intervenue le 27 juillet 2022 et en conséquence de la déclaration de créance de Mme [C] dite « [W] [I] » adressée le 31 août 2022 à la Scp Mjuris :
-Fixer la créance de Mme [W] [C] dite « [W] [I] » au passif de la liquidation de la société Label’tour représentée par la Scp Mjuris en la personne de Maître [P] à la somme de 132 000 € à titre chirographaire et définitif.
A titre liminaire, Mme [C] expose que la Sarl Label’tour ne peut contester pour la première fois en cause d’appel la qualification du contrat cadre signé entre les parties le 26 octobre 2009. Elle estime que cette « demande de requalification » se heurte à une double irrecevabilité s’agissant d’une demande nouvelle en appel et en raison de l’aveu judiciaire, la Sarl Label’tour ayant expressément qualifié le contrat cadre signé le 26 octobre 2009 de « contrat d’édition » dans ses écritures de première instance.
Au fond, comme en première instance, Mme [W] [C] fait valoir des manquements de la Sarl Label’tour à ses obligations contractuelles, tant sur le fondement des obligations générales découlant du Code de la propriété intellectuelle que sur celles définies par le contrat.
Elle reproche à l’appelante :
-un manquement à son obligation d’exploitation et de diffusion en violation de l’article L.132-12 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 3 du contrat.
A la défenderesse qui objecte ne pas être obligée d’éditer toutes ses créations, elle rétorque avoir été « inondée » de commandes, qu’elle a toutes honorées mais qu’en définitive, très peu de créations ont été éditées et commercialisées par la société Label’tour. Elle estime donc que la société appelante l’a ainsi astreinte à travailler sur des créations sans aucune contrepartie.
Elle ajoute que la Sarl Label’tour a commis une faute flagrante en décidant unilatéralement de cesser la commercialisation de ses nouvelles créations, en protestation des demandes qu’elle avait formulées par l’intermédiaire de son avocat dans sa lettre de mise en demeure du 20 novembre 2017.
-une atteinte portée à son droit moral et à l’interdiction de sous licencier en confiant ses créations au site Showroomprivé.com, son partenaire commercial, lequel les a présentées et vendues sous le nom d'[O] [B], une artiste concurrente (même univers, même public).
Elle considère en outre que la société Label’tour a bien « sous licencié » ses créations en les confiant au site Showroomprivé.com, en violation de l’article 4 alinéa 5 du contrat dont elle considère qu’il doit, en tant que contrat d’adhésion, s’interpréter contre celui qui l’a proposé si la disposition est jugée contradictoire avec celle invoquée en défense, instaurant le droit de diffuser les créations par tous moyens.
-un manquement à l’obligation d’établir des contrats spécifiques pour chaque mise sur le marché d’un nouveau produit, en précisant que depuis 2013 plus aucun contrat n’était formalisé, en contradiction avec l’article 1 dernier alinéa du contrat, entraînant une totale opacité de la diffusion de ses créations puisqu’il lui était impossible de connaître la liste des produits commercialisés.
-le non respect de ses choix artistiques en violation de l’article 5 alinéa 2 du contrat.
Elle concède à son éditeur d’avoir souvent respecté ses choix artistiques mais rappelle que cette obligation doit être systématique. Or, elle estime qu’à plusieurs reprises, la Sarl Label’tour s’est montrée peu regardante s’agissant du droit moral de sa créatrice et illustre son propos par les exemples du ‘poster princesse’, de la « baguette » et du « tablier », qui ont été totalement modifiés par la société Label’tour. En réponse à l’argumentation adverse affirmant qu’elle a toujours conservé la liberté d’accepter ou de refuser les modifications proposées, elle rappelle que cette liberté n’était qu’apparente au regard du contexte des relations contractuelles nouées entre les parties.
-l’absence de défense des droits de propriété intellectuelle contrairement aux stipulations contractuelles (article 9).
Elle indique avoir alerté Label’tour de l’existence de ventes sur Amazon ou le compte Facebook du BHV. Elle invoquait l’existence d’une contrefaçon s’agissant des sacs de coton à colorier vendus sur le site du BHV et la mise en vente de ses créations sur Amazon, sans citer son nom. Elle expose que ses alertes auprès de Label’tour n’ont pas été suivies d’effet.
En conséquence, Mme [W] [C] sollicite l’indemnisation de son préjudice causé par la mauvaise exécution puis par la rupture du contrat, du fait de la Société Label’tour.
Elle invoque un manque à gagner puis une perte de revenus.
Elle ajoute à la diminution du chiffre d’affaire à compter de 2016 (18.000 €), les indemnités auxquelles elle aurait pu prétendre si des actions en contrefaçon avaient été menées, outre 42.000 € d’indemnité de rupture, soit un préjudice économique de 72.000 €. Elle indique être légitime à prendre l’année 2016 comme base de calcul, laquelle équivaut globalement à 2015 en termes de chiffres, ceux des premières années étant logiquement inférieurs.
Elle sollicite enfin 40.000 € au titre de son préjudice moral en raison des atteintes multiples à ses droits.
Estimant que la demande reconventionnelle de la société Label’tour à hauteur de 107.000 € au motif que la résiliation lui aurait causé un préjudice, n’a pour seul objectif que de l’intimider et l’inciter à abandonner l’action initiée, considérant en outre que le préjudice allégué est fantasmagorique et que la Sarl Label’tour n’a apporté aucune réponse sérieuse sur les modalités de la cessation du contrat qu’elle avait pourtant tenté d’organiser, elle sollicite la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’abus de droit.
Motivation
MOTIVATION DE LA COUR
A titre liminaire, selon jugement du 27 juillet 2022, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Label’tour et a désigné la SCP Mjuris en la personne de Me [P] en qualité de liquidateur.
Mme [C] a adressé sa déclaration de créance le 31 août 2022.
Il convient par conséquent de déclarer la SCP Mjuris en la personne de Me [P], recevable en son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Label’tour.
1°/ Sur la qualification du contrat
En cause d’appel, le liquidateur de la Sarl Label’tour soulève que le contrat-cadre signé le 26 octobre 2009 ne peut être qualifié de contrat d’édition.
a. sur les fins de non recevoir soulevée par Mme [C]
Mme [C] considère que cette demande de requalification est irrecevable à double titre : comme étant nouvelle en cause d’appel d’une part, et en ce qu’elle se heurte à la reconnaissance par la société Label’tour de l’existence d’un contrat d’édition dans ses écritures de premières instance, ce qui constitue un aveu judiciaire.
Il est exact que la qualification de contrat d’édition n’était nullement contestée en première instance.
En premier lieu, la cour constate qu’elle n’est toutefois saisie d’aucune demande de requalification du contrat aux termes du dispositif des conclusions d’appelant. Le fait pour la société Label’tour, représentée par son liquidateur, de contester pour la première fois en cause d’appel la qualification du contrat signé le 26 octobre 2009 en contrat d’édition, n’est pas une prétention mais un moyen, lequel peut parfaitement être présenté pour la première fois en cause d’appel afin de faire échec aux demandes adverses. Aucune irrecevabilité n’est encourue sur le fondement de l’article 565 du Code de procédure civile.
En second lieu, il est admis que l’aveu judiciaire ne peut porter que sur des faits. Or, la qualification juridique d’un contrat relève d’une question de droit, insusceptible d’aveu judiciaire. Ce moyen ne peut qu’être rejeté.
b. sur l’existence d’un contrat-cadre d’édition
L’article L.132-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable aux faits d’espèce, prévoit que : « Le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l”uvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion. »
L’article L. 132-10 du Code de la propriété intellectuelle précise : « Le contrat d’édition doit indiquer le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage. Toutefois cette obligation ne s’applique pas aux contrats prévoyant un minimum de droits d’auteur garantis par l’éditeur. »
En l’espèce le contrat signé entre les parties le 26 octobre 2009 s’intitule «contrat cadre de licence».
Ce contrat a pour objet d’encadrer les relations entre la société Label’tour (licencié) et Mme [W] I concernant la fabrication et la commercialisation future des créations de cette dernière.
Aux termes de ce contrat, Mme [C] dite «[W] [I]» a cédé à titre exclusif, pendant une durée de dix ans et dans le monde entier, «les droits de reproduction de diffusion et de commercialisation de ses créations visées dans les contrats annexes ».
En contrepartie de cette exclusivité, la société Label’tour s’est engagée «à mettre en ‘uvre, avec diligence, une exploitation sérieuse et effective de l’activité commerciale attachée au présent contrat et ce, pendant toute la durée de cette exclusivité ».
Le contrat litigieux répond à la définition du contrat d’édition puisqu’il s’agit bien pour Mme [C] de céder ses droits de propriété intellectuelle sur les ‘uvres de l’esprit dont elle est l’auteur ( en l’occurrence, ses « créations »), à charge pour la société Label’tour de faire fabriquer les créations en plusieurs exemplaires et d’en assurer la commercialisation et la diffusion.
Le contrat litigieux précise en page 2 qu’ «il est accepté et reconnu par les parties que le présent contrat constitue un contrat cadre de licence organisant les relations entre elles, étant entendu que le présent contrat sera complété par des contrats annexes adaptés à chaque décision de mise sur le marché ou d’exploitation de nouveaux produits ». Il est précisé que « le présent contrat cadre de licence ne s’étend que sur les créations visées et désignées nommément dans les contrats de licence annexes, tels que définis dans le présent contrat ».
Ce contrat-cadre n’est pas dissociable des contrats ultérieurement conclus à l’occasion de chaque nouvelle fabrication et commercialisation par la société Label’tour des créations de Mme [W] [I]. Ces contrats sont d’ailleurs qualifiés de « contrats annexes » et se réfèrent expressément au contrat-cadre.
Les contrats de licence annexes versés au débat rappellent d’ailleurs en préambule que « ce contrat cadre fait partie intégrante de la présente cession. Tout ce qui n’est pas prévu dans la présente cession sera régi conformément à ce dont les parties sont convenues dans le contrat cadre. En cas de contradiction entre le contrat cadre et le contrat de cession, le contrat cadre primera. »
Or, les contrats de licence annexes ont précisément pour objet de déterminer l’étendue de la cession et les conditions des reproductions et commercialisations, notamment en visant précisément les créations concernées par la cession et en fixant pour chacune de ces créations, le nombre d’exemplaires lors du premier tirage.
Ainsi, dès lors que le contrat cadre du 26 octobre 2009 ne peut s’analyser indépendamment des contrats de licence annexe dont il fait partie intégrante, il y a lieu de considérer que l’obligation de préciser le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage, conformément à l’article 132-10 précité, est respecté.
Au demeurant, toutes les pièces du dossier, ainsi que les conclusions de la Sarl Label’tour en première instance de même que les conclusions d’appel démontrent que la commune intention des parties était de soumettre leurs relations contractuelles au régime du contrat d’édition.
La cour relève à cet égard que dans sa plaquette de présentation la Sarl Label’tour (exerçant sous l’enseigne commerciale « le coin des créateurs » se présente elle-même comme éditeur (« Créée en décembre 2004, la Sté Label’tour édite et distribue des créations d’artistes français »).
De même, en réponse aux griefs que dès 2011 Mme [C] avait formulé par l’intermédiaire de son conseil à l’encontre de la société Label’tour, cette dernière avait répondu « notre rôle d’éditeur se tient là aussi, dans la protection et l’accompagnement de nos créateurs ».
Enfin, c’est non sans contradiction que l’appelante conteste l’existence d’un contrat d’édition, tout en revendiquant dans ses conclusions la liberté de choix éditorial pour contester tout manquement à son obligation contractuelle d’exploitation et de diffusion (page 15 des conclusions).
Il s’en suit que le contrat signé entre Mme [C] et la Sarl Label’tour le 26 octobre 2009 s’analyse en un contrat-cadre d’édition de sorte que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition sont applicables.
2°/ Sur les manquements aux obligations contractuelles
a) le manquement à l’obligation d’exploitation et de diffusion
L’article L.132-12 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’éditeur est tenu d’assurer à l”uvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ».
L’article L. 132-13 du même code ajoute que : « l’éditeur est tenu de rendre compte. L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock ».
Dans le prolongement de ces dispositions, l’article 3 du contrat cadre du 26 octobre 2009 stipule en son dernier alinéa que «en contrepartie de cette exclusivité pour une durée de 10 ans, le licencié s’engage à mettre en ‘uvre, avec diligence, une exploitation sérieuse et effective de l’activité commerciale attachée au présent contrat, et ce pendant toute la durée de cette exclusivité ».
L’article 5 du contrat précise que : « le concédant s’engage à proposer prioritairement au licencié toutes ses créations qu’il jugera opportun de commercialiser ou d’exploiter ».
S’agissant de l’interprétation de cet article, il y a lieu de considérer comme l’a jugé le tribunal que c’est bien le concédant qui doit juger opportun de commercialiser ses créations, qu’il doit alors proposer au licencié, en vertu de l’exclusivité accordée.
Pour autant, il n’est pas contesté que l’éditeur conserve une liberté de choix éditorial et qu’il n’est pas tenu de fabriquer ni de commercialiser toutes les créations qui lui sont proposées.
Toutefois, comme l’a justement retenu le premier juge, pour les créations ayant fait l’objet d’une commande préalable auprès de l’artiste, l’éditeur ne peut décliner son obligation d’édition.
En premier lieu, Mme [C] reproche à la Sarl Label’tour de lui avoir commandé de nombreuses nouveautés, qui n’ont finalement pas été éditées, de sorte qu’elle estime avoir travaillé sans aucune contrepartie.
A cet égard, s’il ressort de nombreux courriels que les parties travaillaient habituellement sur les créations dans un cadre concerté, Mme [C] produit toutefois plusieurs échanges allant bien au delà des simples suggestions que l’éditeur peut adresser à son créateur ou du processus de création collaboratif invoqué par la société Label’tour, pour s’analyser en de véritables commandes.
Ainsi, lorsque la Sarl Label’tour écrit le 8 mars 2016 : « comme convenu voici le brief, entre () : des suggestions
Dessin à composer sur un format 120 x 80 cm :
pour ce dessin serait-il possible de dessiner tout dans le sens lecture.
dessin princesse en vue de sets de table/poster
dessin chevalier (plan du royaume) en vue de set de table/poster
dessin pirate (carte de mer, île au trésor + bateau pirate détaillé) en vue
de sets de table/poster
dessin conte (3 petits cochons, loup…) en vue de sets de table/poster
dessin indien/cowboy en vue de sets de table/poster
Dessin à composer sur un format 19 x 25 cm :
dessin pirate en vue de tote bag
dessin chevalier en vue de tote bag
dessin princesse en vue de tote bag
Dessin à composer sur format carte postale (…) »
Comme l’a justement retenu le premier juge, il s’agit là d’une commande détaillée portant sur des dessins précis, dont les thèmes, formats et supports sont déjà prévus. Seul le détail du dessin est suggéré entre parenthèses, afin de préserver la liberté artistique de Mme [C].
Aux termes du mail du 29 avril 2016, il est demandé à cette dernière de : « dessiner le poster ‘princesse’ et concevoir les têtes de trophée suivantes : – Licorne – Dinosaure – Zèbre – Hippopotame – Panda », ce qui caractérise incontestablement une commande.
De même, le courriel du 19 septembre 2017 intitulé ‘nouveautés pour janvier’ ne peut que s’analyser en une commande s’agissant d’éditions prévues pour le mois de janvier suivant :
« 1/ [W] [I]
Nappe coton à colorier princesse/pirate new
rouleau adhésif à colorier : pour kit nomade à colorier
poupée licorne/pistolet
accessoires photo Booth
livre d’or
cartes postales
nouvelle trousse ado
trousse fée
carnet sets de table montagne ».
Aux termes du courriel du 24 avril 2014, la Sarl Label’tour indiquait à Mme [C] « des idées pour septembre 2010 :
‘Chouette à colorier : 17×24 cm environ + 4 feutres – motif vichy violet au verso- tour Eiffel à colorier : 19×25 cm environ + 4 feutres – motif vichy bleu marine au verso
Trousses à colorier : 23×14 cm environ + 4 feutres – 2 faces à coloriser.
(…) Nous voulons plusieurs modèles de trousses (garçons/filles/ados)…’
Ce à quoi Mme [C] a répondu qu’elle se mettait ‘tout de suite au travail pour une tour Eiffel et pour de nouveaux dessins pour les trousses’.
Comme l’a justement relevé le premier juge, ces « idées » de créations avec des formats, coloris et détails très précis n’étaient pas destinées à ‘inspirer’ la créatrice, mais plutôt à orienter son travail afin de répondre aux besoins de commercialisation de la société Label’tour, quand bien même il lui était demandé son avis in fine sur ce qu’elle pensait de l’ensemble.
Il est donc avéré qu’au delà d’un processus de création collaboratif, la société Label’tour a passé de multiples commandes à Mme [C], que celle-ci a honorées et qui devaient donc donner lieu à édition.
Or, [W] [C] produit un courriel adressé à la Sarl Label’tour le 25 septembre 2017 aux termes duquel elle se plaint de l’absence de disponibilité en boutique de ses nouvelles créations et du fait qu’elle travaille depuis 2016 sur des commandes auxquelles il n’est donné aucune suite :
« je suis très étonnée que mes questions soient traitées si ‘légèrement’!
Je viens de recevoir un mail de [K], me disant que le théâtre doit être retravaillé et ne sera donc pas disponible pour Noël ! Quel dommage !
Tu peux rajouter à la liste de mes questions :
‘ depuis janvier 2017, aucun nouveau produit ‘[W] [I]’ n’est disponible en boutique, pourquoi ‘
‘ depuis septembre 2016, je travaille pour vous (liste de commandes de produits en PJ) sans contreparties financières, puisque les produits demandés ne sont pas édités. Il me semble indispensable de revoir notre’collaboration’.
‘ une liste de 10 nouveaux produits proposés comme nouveautés en janvier 2018 m’a été envoyée par [K], est-ce que ces produits seront édités ‘ Si oui, dans quels délais ‘ [K] a prévu plusieurs semaines de travail. Quid des produits proposés depuis sept. 2016 ‘ »
De fait, Mme [C] joint à son courriel la liste des créations transmises à Label’tour depuis février 2016. Il n’est pas contestable que certaines d’entre elles répondent aux commandes précitées (cartes postales, totebags, trousses, par exemple).
Pour démontrer qu’elle a commercialisé et vendu des nouveautés de Mme [C] au cours de l’année 2017, la Sarl Label’tour produit un listing récapitulatif des ventes de [W] [I] en 2017 (pièce 1.12), un tableau intitulé « liste des nouveautés [W] [I] année 2017 » (pièce n°2.5) ainsi que le catalogue 2017 à destination des professionnels.
Toutefois, ces pièces ne contredisent pas les griefs formulés par Mme [C] en ce que parmi ces « nouveautés » ne figurent aucune des créations transmises en 2016 en vue de la saison 2017 ( sauf éventuellement le zèbre à colorier). Au contraire, ces premières commercialisations concernent manifestement des créations déjà anciennes comme le masque princesse (créé en 2015).
Par ailleurs, le courriel de Mme [C] est daté du 25 septembre 2017. De fait, parmi les neuf « nouveautés » censées avoir été commercialisées en 2017, cinq l’ont été en septembre et en novembre 2017. Pour les quatre autres, le tableau intitulé « liste des nouveautés [W] [C] année 2017 » mentionne une première commercialisation en mars 2017. Cependant, cette pièce éditée par la société Label’tour elle-même n’a aucune valeur probante, si elle n’est pas corroborée par d’autres éléments. Or, s’agissant des sets de tables à colorier « chevaliers » et « anniversaires », la cour n’a pas retrouvé ces produits dans le listing récapitulatif des ventes de Mme [C] en 2017 (pièce 1.12). Quant aux posters à colorier « chevaliers » et « anniversaire », s’ils figurent bien dans les produits vendus à compter du mois de mars 2017 dans le listing précité, il est observé que ceux-ci n’apparaissent pas dans le catalogue 2017. Il en résulte que la société Label’tour ne démontre pas suffisamment que cette commercialisation concernait des nouveautés.
Il y a par conséquent lieu de considérer que les reproches de Mme [C] à l’encontre de son éditeur étaient fondés.
Cette situation ressort également des extraits tirés d’un message antérieur (pièce n°21) aux termes duquel Mme [C] se plaint d’avoir travaillé sur de nombreuses nouveautés commandées (posters montagnes, cartes postales, boîtes aux trésors, capes de chevaliers ou super héros…) non éditées : « Pour quelles raisons, à ce jour, ces produits ne sont ils pas édités ‘ Quelles garanties puis-je avoir, quand je travaille de nombreuses heures sur une « commande », que ce sera un produit qui sortira dans les meilleurs délais ‘ Heures de travail non rémunérées puisque produit non édité ! »
Pour illustrer ce manquement, Mme [C] cite encore dans ses conclusions, l’exemple du projet pour la RATP ayant donné lieu à des échanges entre les parties entre le 9 février et le 19 mars 2015. Il ressort des pièces produites que Mme [C] a travaillé sur ce projet qui résultait clairement d’une commande de la SA Label’tour et auquel il n’a finalement manifestement pas été donné suite.
Au total, Mme [C] dénombre depuis 2013, 110 créations commandées par Label’tour, dont seulement 48 ont été éditées.
Pour la seule année 2016, sur 24 créations sollicitées, seules 8 seront éditées.
Ces chiffres ne sont nullement contestés dans le courrier de la défenderesse du 29 décembre 2017.
La Sarl Label’tour ne peut utilement invoquer sa liberté de choix éditorial et elle ne peut se contenter d’invoquer, sans aucune justification, que certaines créations n’ont pas été éditées en raison d’une absence d’intérêt du public (théâtre de marionnettes), de la complexité de la fabrication (boîte à trésors) ou encore des coûts de production (calendrier de l’avent).
En second lieu, l’obligation d’exploitation et de diffusion qui pèse sur l’éditeur (en contrepartie de la cession exclusive et permanente que l’auteur consent sur ses droits de propriété intellectuelle) oblige l’éditeur à assurer dans un délai raisonnable la diffusion de cette ‘uvre et à l’exploiter de manière permanente et suivie.
Or, non seulement une proportion très élevée de créations commandées par la Sarl Label’tour n’ont jamais été éditées (sans avoir d’ailleurs été formellement refusées) mais encore, il ressort des pièces produites que certaines créations de Mme [C] ont été éditées avec un délai anormalement long, totalement étranger au processus de création ou de production.
A titre d’exemple, lorsque Mme [C] interroge la Sarl Label’tour sur le sort des capes de chevaliers et de superhéros travaillées en septembre 2016 et pour lesquelles elle n’a aucune nouvelle, il lui a été répondu que la sortie de ce produit était prévue pour septembre 2018, soit deux ans plus tard. (pièce n° 21, [C]). De même, le masque princesse a certes finalement été édité et commercialisé, mais en novembre 2017 (pièces 2.5 et 1.12 Label’tour) soit plus de trois ans après sa création en septembre 2015.
En troisième lieu, il ressort des échanges produits relatant les questionnements de Mme [C] que cette dernière était maintenue dans une opacité certaine, s’agissant précisément du sort réservé à ses créations alors que l’éditeur a une obligation de rendre des comptes au créateur.
Contrairement à ce que soutient la Sa Label’tour, il ne ressort d’aucune pièce que Mme [C] ait été rendue destinataire de l’évolution des ventes et de l’état des stocks chaque année ni qu’elle ait été régulièrement et spontanément informée, en temps utile, des contraintes techniques et budgétaires avancées par la Sarl Label’tour pour expliquer que certaines créations n’aient pas été éditées ou avec retard. Ne sont en effet produits des récapitulatifs de droits que pour l’année 2017, sans aucune preuve que ces documents aient été effectivement portés à la connaissance de la demanderesse, que ce soit par courrier recommandé ou par courriel avec accusé de réception.
En dernier lieu, c’est en contradiction flagrante avec son obligation légale et contractuelle d’assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale des ‘uvres pendant toute la durée de l’exclusivité, que la Sarl Label’tour, en réaction à la mise en demeure du 20 novembre 2017, a fait part à Mme [C] par courriel du 12 décembre 2017 de la décision suivante : ‘stopper tout développement produits te concernant. Nous ne pourrons par conséquent présenter aucune nouveauté de ta marque au prochain salon Maison et Objet de janvier 2018, ce qui aura inévitablement un impact sur la prise de commandes et donc sur le chiffre’.
Cette décision unilatérale de ne plus éditer aucune nouveauté s’analyse, dans un contexte de dépendance économique, comme une mesure de rétorsion consécutive à la demande de comptes formulée par Mme [C] dans sa lettre du 20 novembre 2017, ce qui caractérise une faute.
La Sarl Label’tour ne peut sans une certaine mauvaise foi, justifier cette décision par une nécessaire prudence face au « risque de présenter des produits qui potentiellement nous seront interdits de commercialisation » ( son courrier du 29 décembre 2017) en se fondant notamment sur la mise en demeure du 20 novembre 2017 aux termes de laquelle Mme [C] indiquait que, faute de contrats, « la société Label’tour ne dispose d’aucun droit sur les créations réalisées à partir de novembre 2013 ».
D’une part, la société Label’tour ne saurait se prévaloir du non respect de ses propres obligations contractuelles (consistant en l’occurrence à établir un contrat annexe avant chaque nouvelle édition) pour justifier l’arrêt d’édition et de commercialisation des nouveautés de Mme [C].
D’autre part, cette justification manque de cohérence car, en l’absence de contrats depuis 2013, le risque de contrefaçon pesait surtout sur les anciennes collections dont la société Label’tour s’engageait pourtant à poursuivre la distribution, alors que les nouveautés non encore éditées pouvaient éventuellement faire l’objet d’un contrat.
Enfin, il est peu compréhensible et pour le moins contradictoire que la société Label’tour ait sollicité Mme [C] le 13 mars 2018, soit le jour de la réception de sa lettre de résiliation, au sujet de nouveautés, ce que la société Label’tour ne conteste pas.
Au total, il résulte de l’ensemble de ces éléments que la Sarl Label’tour a failli, en tant qu’éditeur, à son obligation d’exploitation et de diffusion telle que prévue à l’article 132-12 du Code de la propriété intellectuelle et au contrat.
b) l’atteinte au droit moral (paternité) et le manquement à l’interdiction de sous licencier
L’article L. 132-11 du Code de la propriété intellectuelle dispose en ses trois premiers alinéas que : « l’éditeur est tenu d’effectuer ou de faire effectuer la fabrication ou la réalisation sous une forme numérique selon les conditions, dans la forme et suivant les modes d’expression prévus au contrat.
Il ne peut, sans autorisation écrite de l’auteur, apporter à l”uvre aucune modification.
Il doit, sauf convention contraire, faire figurer sur chacun des exemplaires ou sur l”uvre réalisée sous une forme numérique le nom, le pseudonyme ou la marque de l’auteur’.
L’article 6 du contrat rappelle que « la mention du nom du concédant doit nécessairement apparaître sur les ‘uvres telles que reproduites et ce quelque soit le support, ou tout du moins doivent apparaître sur le ‘packaging’ de ces ‘uvres et bien entendu sur les sites internet qui viendraient à permettre une exploitation en ligne » puis « tout manquement au présent article de la part du licencié engagera de facto la responsabilité de ce dernier ».
L’article 4 alinéa 4 du contrat stipule que Label’tour dispose du ‘droit de représenter les créations cédées par tous moyens, et notamment par télédiffusion, télédistribution et de façon générale, par tous vecteurs de réseau (‘), en vue de la vente des créations sur les sites internet et/ou extranet du licencié et/ou de ses distributeurs et autres revendeurs’.
L’alinéa 5 de ce même article précise ‘le licencié reconnaît que le présent contrat ne l’autorise pas à « sous licencier » les produits attachés au présent contrat, sauf autorisation expresse et écrite du concédant’.
Il n’est pas contesté que le site internet showroomprivé.com a présenté des ‘uvres de ‘[W] [I]’ sous le nom d’une autre créatrice, [O] [B], entre le 1er et le 8 mars 2018.
S’agissant de l’atteinte au droit moral, il résulte des dispositions légales et contractuelles précitées qu’il revenait à la société Label’tour, en sa qualité d’éditeur, de veiller en toute circonstance à la paternité de ‘[W] [I]’ (et donc au respect de son droit moral) sur les ‘uvres dont elle assurait la diffusion.
La société Label’tour ne peut en disconvenir dès lors que dans son courrier du 2 décembre 2011, adressé à l’avocat de Mme [C], elle rappelait son rôle de défense des intérêts des créateurs dont elle assurait la fabrication et la diffusion des ‘uvres : «Notre rôle d’éditeur se tient là aussi, dans la protection et l’accompagnement de nos créateurs. »
C’est de manière totalement inopérante que la Sarl Label’tour tente de s’exonérer de sa responsabilité en citant un arrêt de la cour d’appel de Rennes (1ère chambre, 17 septembre 2019, n°17/06387) dès lors que la société showroomprivé n’est pas un tiers pour la société Label’tour mais bien un partenaire commercial auquel elle ne conteste pas avoir fourni un fichier de vente portant sur les produits de ‘[W] [I]’ ainsi que sur d’autres créateurs édités par elle ( dont faisait d’ailleurs partie Mme [O] [B]).
Elle devait donc s’assurer que son partenaire commercial, en l’occurrence la société showroomprivé, mentionnait bien le nom de la créatrice.
En l’occurrence, dans la lettre de résiliation du contrat du 12 mars 2018, l’avocat de Mme [C] a alerté la société Label’tour de la vente via le site internet showroomprivé.com, de créations ‘[W] [I]’, sous le nom d’une créatrice concurrente.
La société Label’tour ne justifie d’aucune réaction envers ce site internet pour de faire cesser cette situation et obtenir le cas échéant une indemnisation pour le compte de sa créatrice.
C’est en effet Mme [C] elle-même, avec l’aide de son conseil, qui est intervenue directement auprès de la société showroomprivé, laquelle a expliqué dans son courrier du 6 août 2018 que les produits avaient été attribués à une autre créatrice à la suite d’une erreur technique et que la commercialisation litigieuse avait généré un chiffre d’affaire de 2006,52 € (HT).
Ainsi, en laissant diffuser et commercialiser par son partenaire commercial des produits « [W] [I] » sous un autre nom, sans avoir effectué aucune démarche de protection de la paternité des ‘uvres de sa créatrice, la société Label’tour a manqué à l’obligation contractuelle édictée par l’article 6 du contrat ainsi qu’à ses obligations légales d’éditeur, quant bien même elle ne serait pas elle-même à l’origine de l’erreur.
Ce manquement est caractérisé, indépendamment du point de savoir si Mme [O] [B] est une créatrice concurrente ou non de Mme [C]. En l’occurrence, le tribunal a toutefois pertinemment relevé que le préjudice était d’autant plus prégnant que les deux créatrices évoluaient dans un même univers (livres à colorier, pochoirs sur des thèmes identiques : pirates, princesses, licornes…) et auprès du même public (enfants).
C’est par conséquent à juste titre, que le tribunal a jugé que le manquement de la Sarl Label’tour à son obligation de veiller au respect du droit de paternité et du droit moral de Mme [C] dite ‘[W] [I]’ était caractérisé.
En revanche, Mme [C] persiste à soutenir que le recours aux services du site showroomprivé.com constitue un manquement de la société Label’tour à son obligation de ne pas sous-licencier, stipulée à l’article 4 alinéa 5 du contrat.
En l’espèce, la diffusion et la commercialisation des ‘uvres de Mme [C] via le site internet marchand showroomprivé.com est en tout point conforme aux dispositions de l’article 4 alinéa 4 du contrat-cadre précitées et n’entre nullement en contradiction avec l’alinéa 5 du même article stipulant une interdiction de « sous-licencier ».
En effet, la licence emporte par principe cession exclusive des droits de propriété intellectuelle.Or, la commercialisation via le site showroomprivé.com ne s’est accompagnée d’aucune cession des droits de propriété intellectuelle.
C’est donc avec raison que le tribunal a considéré que ce manquement n’était pas caractérisé.
c) l’obligation d’un écrit
L’article L.131-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution ».
Aux termes de l’article L. 132-7 du même code s’agissant du contrat d’édition, « le consentement personnel et donné par écrit de l’auteur est obligatoire’.
L’article 1 du contrat stipule qu’il sera complété « par des contrats annexes adaptés à chaque décision de mise sur le marché ou d’exploitation de nouveaux produits’.
Mme [C] produit les onze contrats de licence formalisés entre le 28 juin 2010 et le 15 octobre 2013.
Il n’est pas contesté qu’a compter de l’année 2013, la mise sur le marché de nouveaux produits n’a plus fait l’objet de contrats spécifiques, la Sarl Label’tour expliquant que la pratique avait été abandonnée d’un commun accord, du fait du climat de confiance régnant entre les parties et de l’abondance des créations qui rendait cette obligation très difficilement gérable.
Sur ce point, la cour entend adopter la motivation pertinente du tribunal.
Au surplus, comme le rappelle justement la partie appelante, la renonciation à un droit doit être non équivoque. En l’occurrence, la commune intention des parties pour se dispenser de cette double obligation légale et contractuelle de formaliser par écrit les contrats de licence annexes ne résulte d’aucun acte manifeste de Mme [C], dont il est juste souligné qu’elle ne s’est pas « émue » de cette situation qui a perduré pendant plusieurs années.
Il n’est pas exclu que dans un contexte de relation contractuelle inégalitaire, Mme [C] étant de facto placée en situation de dépendance économique à l’égard de son éditeur, se soit vu imposer cette pratique contraire à la loi et au contrat. Si la société Label’tour a parfaitement expliqué quel était l’intérêt pour elle de s’affranchir de ce formalisme lourd à gérer, l’intérêt pour Mme [C] de renoncer à des contrats écrits est plus difficile à entrevoir, dès lors que ces contrats étaient pour elle le seul moyen de savoir combien d’exemplaires de ses créations allaient être édités et diffusés.
La renonciation expresse et non équivoque par Mme [C] à cette obligation protectrice de ses droits n’est pas caractérisée.
Le manquement de la Sarl Label’tour à ses obligations, retenu par le tribunal, est particulièrement grave car ce sont précisément les contrats de licence annexes qui transféraient les droits sur les créations à l’éditeur et définissaient les conditions de l’édition et de la commercialisation.
d) le respect des choix artistiques
L’article L.132-11 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’éditeur « ne peut, sans autorisation écrite de l’auteur, apporter à l”uvre aucune modification ».
L’article 5 alinéa 2 du contrat stipule que : « le licencié s’engage par ailleurs à respecter les choix artistiques du concédant et de ne pas influencer lesdits choix ».
La Sarl Label’tour insiste sur le processus collaboratif de création. Elle précise que, dans un souci de commercialisation et de cohérence avec les produits mis en vente, elle a pu guider Mme [W] [C] dans l’intérêt commun de promouvoir les ventes, sans toutefois lui imposer aucune modification de ses créations.
A cet égard, elle produit de nombreux courriels entre décembre 2009 et décembre 2017, comportant des échanges d’informations et de visuels entre les parties, s’agissant des créations en cours et montrant que des suggestions étaient régulièrement émises par la Sarl Label’tour et sollicitées par Mme [W] [C], les créations finales étant tantôt validées par la seconde tantôt laissées à la décision de la première.
Dans ses écritures Mme [C] ne conteste pas que sa liberté de choix artistiques a été le plus souvent respectée. Elle fait néanmoins état de quelques exemples (le poster princesse, la baguette magique et le tablier, le packaging..) à l’occasion desquels la société éditrice aurait selon elle, fait peu de cas de son droit moral.
De fait, s’agissant du ‘poster princesse’, Mme [C] a adressé le 5 juillet 2016, un courriel à Mme [N], éditrice de Label’tour, en se plaignant en ces termes des nombreuses modifications apportées à son ‘uvre : « des dessins ont été supprimés, un bout de château inventé, les murs du château redessinés, le toit retravaillé, les champignons du poster Pirate sont apparus sur le poster Princesse, vous avez dessiné des routes qui ne ressemblent à rien, modifié toutes les licornes, enlevé des chevaux, noirci l’intérieur du carrosse, vous n’avez pas respecté les noirs que j’avais ajouté, vous avez modifié la mise en page. Cela ne vous pose pas de problème d’utiliser mes dessins pour faire un poster qui ne ressemble du tout au mien… ce n’est pas la première fois et nous en avons déjà discuté (cf.tablier princesse) ».
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, les modifications importantes apportées à la proposition originale de Mme [C] ont fait l’objet de discussions préalables entre les parties ainsi que le démontre le courriel adressé le 4 juillet 2016 à l’intimée : « Je t’envoie ci-joint le dessin poster princesse. Comme évoqué, le dessin a été modifié dans sa composition afin de se rapprocher de l’allure du poster pirate. (‘) En espérant que cela te plaise, je me tiens à ta disposition pour toute remarque. »
Il s’avère que la conception de ce poster a fait ensuite l’objet de plusieurs échanges d’idées. Ainsi, dès le 6 juillet, Mme [C] qui « renouvelle ses excuses » pour le ton « un peu dur » employé dans son courriel de la veille, ne propose t-elle pas moins de 12 modifications très précises du dessin. Le 8 juillet, la Sarl Label’tour renvoie la version intégrant les suggestions de la créatrice en lui demandant si cela lui convient. En réponse, Mme [C] répond « oui, c’est très bien merci. Merci » tout en sollicitant d’autres petites modifications.
Il convient de considérer que la liberté artistique de Mme [C] concernant « le poster princesse » a été respectée.
En revanche, s’agissant des modifications de la baguette et du tablier, Mme [C] écrit le 19 décembre 2014 à son éditeur : « j’ai vraiment du mal à digérer les modifications de la baguette et du tablier (qui est très différent du mien), complètement retravaillés avec des bouts de mes dessins, parce que les délais étaient speed ! (‘) Vous me mettez dans une situation délicate : je ne peux accepter que mes créations soient retravaillées sans mon accord et opposer mon véto ne me semble pas très productif. Comment on fait ‘ »
L’appelante n’apporte aucun élément s’agissant de ces produits dont on comprend qu’ils ont été entièrement remaniés par la société Label’tour, qui les a conçus à partir de bouts de dessins de Mme [C]. Il n’est fait état d’aucun échange, d’aucun accord préalable avant ces modifications pas plus que d’une validation avant la diffusion et la commercialisation. Par ailleurs, il s’évince de ce message que cette atteinte grave aux choix artistiques de la créatrice a été faite sous couvert de délais à respecter, ce qui conforte l’idée que contrairement à ce que soutient la Sarl Label’tour, la liberté de Mme [C] d’accepter ou de refuser les modifications apportées à ses créations n’était pas totale, dans le contexte des relations contractuelles nouées entres les parties, plaçant de facto Mme [C] en situation de dépendance vis à vis de son éditeur, notamment du fait de l’exclusivité et de son mode de rémunération (pourcentage des ventes).
Cet épisode, qui constitue un manquement grave de la société Label’tour au respect du choix artistique de la créatrice et au processus collaboratif dont elle se prévaut, sans être la règle, n’est pas isolé, ainsi qu’il ressort d’un échange aux termes duquel Mme [C] demande : « Pourquoi je ne suis toujours pas consultée sur des choix « artistiques » qui me semblent essentiels comme le choix des coloris des packagings( cf théâtre, masques papier) ‘ » auquel la société Label’tour a répondu par un « mea culpa, un raté de notre côté ». Le coloris du packaging n’est ici évoqué qu’à titre d’exemple et l’emploi de l’adverbe toujours marque une certaine récurrence.
Au total, c’est à juste titre que le tribunal a retenu l’existence d’un manquement à l’obligation de respecter les choix artistiques de l’auteur, quand bien même ce manquement n’aurait pas été systématique.
e) l’absence d’actions en contrefaçon à l’égard des tiers
L’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose en son premier alinéa que :« les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire ».
L’article L. 335-3 du même code précise : « est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une ‘uvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.
Est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6.
Est également un délit de contrefaçon toute captation totale ou partielle d’une ‘uvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique ».
L’article 9 du contrat stipule que : « dans l’hypothèse où les créations du concédant reproduites et distribuées par le licencié devaient être contrefaites par des tiers et exploitées sur le territoire concédé, le licencié s’engage à agir en justice et mener toutes actions jugées opportunes » et précise en son dernier alinéa qu’« en toutes hypothèses, le concédant s’engage à prêter au licencié
toute assistance nécessaire quant à l’origine et aux circonstances de la création de l”uvre ».
Mme [W] [C] déplore que les alertes effectuées concernant la vente de ses créations sur Amazon ou de produits susceptibles d’entraîner la confusion avec son travail sur le compte Facebook du BHV, n’aient pas été suivies d’effets.
S’agissant des sacs en coton beige à colorier (tote bags) présentés sur le compte facebook du BHV au mois d’octobre 2015 afin de promouvoir des ateliers ‘do it yourself’, le tribunal a écarté à juste titre et par des motifs que la cour adopte, l’existence d’une contrefaçon de sorte qu’aucun manquement ne peut être reproché à la société éditrice.
En revanche, Mme [C] justifie avoir alerté son éditeur qu’au moins deux de ses créations récentes (poster pirates) étaient mises en vente sur le site Amazon, en mentionnant le nom de Label’tour mais pas celui de « [W] [I] ».
La société Label’tour lui a d’ailleurs répondu que ce n’était pas normal et qu’elle allait contacter le vendeur. Cependant, elle ne justifie d’aucune démarche ni d’avoir informé Mme [C] des suites données à cette alerte.
Dans ses écritures, pour justifier l’absence d’action en contrefaçon, elle explique que le revendeur était en réalité un distributeur qu’elle fournissait. Toutefois, elle ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation.
En outre, la Sarl Label’tour estime n’avoir méconnu aucune obligation contractuelle en considérant que l’obligation d’assistance stipulée à l’article 9 du contrat incombait au concédant, à savoir Mme [C] et qu’elle même n’était tenue à aucun devoir d’assistance.
Ce faisant, la Sarl Label’tour feint de ne pas comprendre le sens de la disposition contractuelle précitée. Il est évident que l’assistance du concédant est due pour aider à l’action en contrefaçon qu’il incombe au licencié d’engager. Il s’agit, dans le cadre d’une telle action, de l’aider à apporter les preuves requises quant aux circonstances de la création de l”uvre, notamment pour prouver son originalité. Toutefois, l’obligation principale est bien celle du licencié, d’agir en cas de contrefaçon.
C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la Sarl Label’tour avait manqué à l’obligation contractuelle stipulée à l’article 9, ne serait-ce qu’en s’abstenant de fournir l’assistance qu’elle devait à Mme [W] [C], aux fins d’appréhender l’origine et les circonstances de cette mise en vente.
3/ Sur l’évaluation des préjudices
Comme en première instance, ont été retenus :
un manquement à l’obligation d’exploitation et de diffusion des ‘uvres de Mme [W] [C] par la société Label’tour, qui a à l’évidence nécessité un investissement important en termes de temps et de créativité qui n’a donné lieu à aucune rémunération, ce dont il résulte un évident manque à gagner,
une atteinte au droit moral, de paternité de l’auteur, par la présentation de créations de la demanderesse sous le nom d’une autre artiste, ce qui a également été de nature à entraîner un manque à gagner, ne serait-ce que parce que la clientèle intéressée par les dites créations a pu être orientée vers les articles créés par la seconde, au lieu des ‘uvres de la première, outre un préjudice moral évident,
un manquement à l’obligation d’établir des contrats spécifiques pour les nouvelles créations, qui a été susceptible d’aggraver les manques à gagner déjà relevés, en entretenant une opacité certaine sur la teneur des ‘uvres réellement diffusées,
un manquement à l’obligation de défendre les droits de propriété intellectuelle, qui a pu plonger Mme [W] [C] dans l’incertitude des suites réservées à ses doléances, et lui causer des troubles et tracas,
enfin, le non-respect des choix artistiques qui n’a pu que causer, ainsi qu’il résulte de ce qui en a déjà été retenu, un préjudice moral conséquent.
a.sur le préjudice économique
Mme [C] estime que la rupture a entraîné un préjudice économique correspondant au manque à gagner au cours de la mauvaise exécution du contrat d’une part et à la perte des revenus qu’elle aurait pu percevoir au cas où le contrat se serait poursuivi, d’autre part.
le manque à gagner sur le chiffre d’affaires réalisé, consécutif aux manquements contractuels
En premier lieu, Mme [C] sollicite la somme de 18.000 € au titre de la diminution du chiffre d’affaires pour les années 2017 et 2018 en raison du manquement à l’obligation d’exploitation et de diffusion.
De fait, les relations contractuelles se sont fortement dégradées à la fin de l’année 2016.
Pour évaluer le manque à gagner au cours des années 2017 et 2018, le premier juge s’est fondé sur la moyenne du chiffre d’affaires des années 2013 à 2016, d’après un tableau fourni par Mme [C], dont les données ne sont pas contestées par la société appelante et sont, pour certaines, corroborées par ses propres pièces.
Il doit être précisé que ce tableau « intitulé chiffre d’affaires » récapitule en réalité les rémunérations proportionnelles (correspondant à 10 % sur le chiffre d’affaires HT généré par les ventes des créations de Mme [C], conformément à l’article 7 du contrat-cadre) que cette dernière a perçues au cours des quatre trimestres des années 2010 à 2019.
C’est à tort que, pour établir un chiffre d’affaires moyen, le tribunal a écarté les années 2009 à 2012, en considérant que les « premières années de démarrage sont nécessairement plus laborieuses. ». En effet l’année 2012 affiche un chiffre d’affaires de 18 267 €, quasiment équivalent à celui de 2014 (18 966 €).
Il convient donc de tenir compte de la moyenne du chiffre d’affaires réalisé entre 2012 et 2016, les deux premières années d’activité (2010 et 2011) ayant généré des revenus très sensiblement inférieurs aux années suivantes, dans un contexte de démarrage de la collaboration contractuelle :
2012 : 18 267,40 €
2013 : 21 462,99 €
2014 : 18 966,25 €
2015: 27 370,28 €
2016 :27 721,57 €
Sous-total : 113 788,49 €
Moyenne du chiffre d’affaires : 22 757,70 €.
Mme [C] a perçu une rémunération de 23 219 € en 2017 et de 14 001 € en 2018, soit un total de 37 220 €. La diminution sur les années 2017 et 2018 est donc de 8 295 €.
Il est observé que Mme [C] ne formule aucune demande au titre du manque à gagner pour la période antérieure (depuis 2013) en raison du manquement à l’obligation d’exploitation et de diffusion.
En second lieu, Mme [C] estime que si des actions en contrefaçon avaient été menées, elle aurait perçu une indemnité de l’ordre de 12 000 €.
Il lui appartient toutefois de justifier de son préjudice, lequel ne pourrait en tout éat de cause, consister qu’en une perte de chance (non sollicitée) d’obtenir des dommages et intérêts si les actions en contrefaçon avaient été menées par l’éditeur. Or, elle ne produit strictement aucun élément permettant d’évaluer quelles auraient été ses chances d’être indemnisée à hauteur de 12.000 € si une action en contrefaçon avait été menée à l’encontre du revendeur sur le site Amazon. Le nombre total d’articles concernés et leur prix ne sont en effet pas connus. Et en l’état la contrefaçon dénoncée à son éditeur par Mme [C] portait seulement sur deux articles au prix de 19, 99 €. Ce préjudice n’est pas établi.
la perte de revenus liée à la rupture du contrat
L’article 10 du contrat cadre d’édition stipule qu’en cas ‘de non respect de l’une des clauses du contrat par une des deux parties, le contrat pourra être résilié trente jours après notification adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à la partie défaillante, si cette requête est restée infructueuse’.
Par une juste motivation que la cour adopte, le tribunal a retenu que le contrat avait été valablement résilié à la date du 12 mars 2018 par Mme [C], tirant les conséquences des manquements contractuels et de l’absence de réponse de la Sarl Label’tour et que cette résiliation était entièrement imputable à cette dernière en raison des manquements commis.
La cour constate que Mme [C] sollicite une « indemnité de rupture » à hauteur de 42.000 € correspondant à une année moyenne de revenus, sans aucune explicitation de ce calcul.
Il est par ailleurs observé que le contrat ne prévoit aucune « indemnité de rupture » en cas de résiliation fautive du contrat par l’une des parties.
Il est cependant certain que la rupture contractuelle aux torts de la Sarl Label’tour a causé un préjudice économique à Mme [C] qu’elle définit d’ailleurs elle-même dans ses écritures comme correspondant aux revenus qu’elle aurait continué à percevoir au titre de la commercialisation ou de l’exploitation de ses créations par la société Label’tour si le contrat s’était poursuivi.
Or, elle a cessé de percevoir tout revenu à compter du premier trimestre 2019 où elle a perçu 4 351 €.
Le contrat arrivait à terme le 26 octobre 2019.
Toutefois le contrat cadre prévoit en son article 10, qu’en cas de non renouvellement ou de résiliation du contrat, le licencié conservera le droit de vendre pendant les neufs mois suivants.
Il s’ensuit que la perte de revenus doit également s’étendre au 4ème trimestre, lequel génère traditionnellement un chiffre d’affaires sensiblement supérieur au reste de l’année compte tenu de la période de Noël.
Ainsi, la cour retient-elle une perte de revenus au titre de l’année 2019 correspondant au revenu moyen précédemment calculé (22 757,70 €) dont il convient de déduire ce qu’elle a effectivement perçu au cours du premier trimestre (4 351 €)
Le renouvellement du contrat à l’expiration de son dixième anniversaire reste hypothétique mais il est certain que la résiliation du contrat aux torts de la Sarl Label’tour, lui a fait perdre des revenus de l’ordre de 18 406,70 €.
b. sur le préjudice moral
La cour a confirmé l’existence d’atteintes aux droits de propriété intellectuelle de Mme [C] :
atteinte à son droit de paternité (à l’occasion de la vente de produits sous le noms d’une créatrice concurrente sur le site Showroom.privé),
-non respect des choix artistiques (avéré pour deux créations, la baguette et le tablier),
absence d’action et d’assistance à la suite de soupçons de contrefaçons ( un produit concerné en vente sur le site Amazon).
Il s’évince des échanges entre les parties que Mme [C] a pu être meurtrie par l’attitude de son éditeur en ayant le sentiment de ne pas être respectée dans son travail, de ne pas être entendue, voire d’être trahie dans sa démarche artistique alors même que l’éditeur n’a eu de cesse de lui rappeler la nécessité de lui faire confiance. L’existence d’un préjudice moral est avéré.
Il ne peut toutefois être considéré qu’en 9 ans de collaboration et après avoir commercialisé 110 créations, ces atteintes aux droits de la créatrice ont constitué la norme dans la relation contractuelle.
Au vu des manquements retenus, l’ampleur du préjudice justifie une indemnisation à hauteur de 10 000 €.
Eu égard à la liquidation judiciaire de la société Label’tour, la créance de Mme [C] ayant été déclarée, il convient après infirmation du jugement, de fixer la créance de cette dernière au passif de la liquidation à hauteur des sommes suivantes :
26 701,70 € au titre du préjudice économique,
-10 000 € au titre du préjudice moral.
4/ Sur la demande reconventionnelle
L’article 1103 du Code civil dispose que ‘les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’.
La Sarl Label’tour sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 107 006,63€ sur le fondement de la rupture abusive du contrat.
La cour ayant retenu, comme le premier juge, que la Sarl Label’tour a manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles, si bien que la rupture du contrat lui est imputable, le jugement ayant rejeté sa demande indemnitaire ne pourra qu’être confirmé.
5/ Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Considérant que cette demande reconventionnelle était abusive, Mme [C] a sollicité la condamnation de la société Label’tour à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Il incombe, sur ce fondement, à Mme [C] de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.
L’exercice d’une action en justice est un droit sauf à caractériser une faute faisant dégénérer ce droit en abus.
En l’espèce, c’est bien l’attitude de la Sarl Label’tour face aux demandes réitérées de Mme [C] qui a précipité la rupture devenue inévitable du fait des manquements contractuels passés.
La rupture contractuelle est entièrement imputable à la société Label’tour.
Toutefois, c’est à tort que le tribunal a considéré qu’au regard des conditions de la rupture contractuelle, la Sarl Label’tour ne pouvait « légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits et sur la légitimité de ses revendications. Ce faisant, elle a agi avec une légèreté blâmable, qui confine à la cautèle ».
En effet, la cour considère que la Sarl Label’tour était fondée sans légèreté blâmable ni mauvaise foi, à se défendre dans le cadre de l’action introduite par Mme [C] à son encontre, en discutant les conditions de la résiliation du contrat mise en ‘uvre par cette dernière et à en tirer toutes les conséquences sur le plan indemnitaire.
Il est exclu que dans le cadre du débat judiciaire inhérent à tous procès, la demande indemnitaire formée à titre reconventionnel par la Sarl Label’tour, fût-elle non fondée, ait pu causer à Mme [C] un préjudice quelconque susceptible d’être indemnisé.
Aux termes de ses écritures, Mme [C] se contente d’ailleurs d’invoquer « un préjudice moral certain » qui n’est nullement justifié.
Après infirmation du jugement, Mme [C] sera déboutée de sa demande à ce titre.
6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Label’tour aux dépens de première instance et à payer à Mme [C] une indemnité de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Ces créances seront en revanche fixées au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Label’tour. (Civ 3ème, 8 juillet 2021, n°19-18.437).
Il convient donc de fixer au passif de la liquidation la créance de Mme [C] la créance de dépens de première instance et d’appel ainsi que celle afférente aux frais irrépétibles, à hauteur de 15 000 €.
La Sarl Label’tour représentée par son liquidateur succombe en appel. La créance de dépens d’appel sera également fixée au passif de la liquidation.
En équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Mme [C] et la Scp Mjuris, es qualités de liquidateur, seront déboutées de leur demande à ce titre.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SCP Mjuris en la personne de Me [P] en qualité de liquidateur de la Sarl Label’tour ;
Confirme le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu’il a :
Dit que la Sarl Label’tour a manqué à ses obligations contractuelles issues du contrat d’édition du 26 octobre 2009 ;
Constaté que la résiliation du contrat est acquise au 12 mars 2018 ;
Débouté la Sarl Label’tour de sa demande reconventionnelle ;
Infirme le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu’il a :
Condamné la Sarl Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite [W] [I] la somme de 30.000 € en réparation de son préjudice économique, la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice moral et la somme de 25.000 € à titre d’indemnité de rupture ;
Condamné la Sarl Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite [W] [I] la somme de 3.000 € au titre de l’abus de droit ;
Condamné la Sarl Label’tour aux dépens ;
Condamné la Sarl Label’tour à payer à Mme [W] [C] dite [W] [I] la somme de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé et y ajoutant :
Déboute Mme [W] [C] dite « [W] [I] » de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute Mme [W] [C] dite « [W] [I] » du surplus de ses demandes indemnitaires au titre des manquements contractuels ;
Déboute la SCP Mjuris en la personne de Me [P], ès qualités de liquidateur de la Sarl Label’tour, de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute Mme [W] [C] dite « [W] [I] » de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
En conséquence,
Fixe la créance de Mme [W] [C] dite « [W] [I] » au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Label’tour représentée par la SCP Mjuris en la personne de Me [P], à hauteur de :
-26 701,70 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique,
-10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,
-15 000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
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