Chauffeur Poids-Lourd : décision du 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06387

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06387
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 07 FEVRIER 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06387 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CECB4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° F 19/00588

APPELANTE

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE ASSAINISSEMENT VIDANGES EGOUTS – BILLARD (SNAVEB) Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 308 21 8 8 58

Représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

INTIME

Monsieur [M] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

né le 15 Mai 1972 à [Localité 8]

Représenté par Mme [J] [S] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Stéphane MEYER,

M. Fabrice MORILLO, Conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La Société Nouvelle Assainissement Vidanges Egouts Billard (SNAVEB) a pour activité l’entretien des réseaux et ouvrages d’assainissement et la collecte de déchets en vrac.

Elle relève de la convention collective nationale de l’assainissement et de la maintenance industrielle.

Monsieur [M] [Y] a été engagé par la SNAVEB par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 1998 en qualité de chauffeur poids lourd-manutentionnaire. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de chef d’équipe chauffeur poids lourd, statut ouvrier, niveau P1, coefficient 260.

Le salarié avait pour mission de conduire des poids lourds pour collecter et acheminer des déchets vers les centres de traitements autorisés et de participer à la collecte, dans les opérations de chargement et de déchargement.

Le 3 mai 2018, la société a notifié à Monsieur [Y] une mise à pied disciplinaire d’une journée fixée le 30 mai 2018.

Monsieur [Y] a été élu membre titulaire du comité social et économique lors des élections professionnelles qui se sont tenues le 4 octobre 2018 au sein de la SNAVEB.

Monsieur [Y] a fait l’objet de deux autres sanctions disciplinaires :

– le 6 février 2019, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 3 jours les 26, 28 février et 14 mars 2019,

– le 31 mars 2020, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 5 jours les 14, 16, 21, 23 et 28 avril 2020.

Le 2 décembre 2019, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun aux fins d’obtenir l’annulation des deux mises à pied disciplinaires notifiées les 3 mai 2018 et 6 février 2019. En cours de procédure, il a sollicité l’annulation de la sanction disciplinaire du 31 mars 2020. Il demandait la condamnation de la SNAVEB à lui payer les sommes suivantes :

– 428,74 € à titre de remboursement des 4 jours de mise à pied en date des 30 mai 2018, 26, 28 février et 14 mars 2019 ;

– 535,92 € à titre de remboursement des 5 jours de la mise à pied notifiée le 31 mars 2020 ;

– 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier ;

– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour le manquement à l’obligation de sécurité relatif au harcèlement moral opéré ;

– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour la discrimination syndicale ;

– 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par courrier en date du 1er avril 2021, reçu le 2 avril 2021 par la SNAVEB, Monsieur [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 8 avril 2021, la SNAVEB en a accusé réception en indiquant considérer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail comme une démission.

Par jugement en date du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Melun a annulé les trois mises à pied disciplinaires et condamné la SNAVEB au paiement des sommes suivantes :

– 428,74 € à titre de remboursement des 4 jours de mise à pied en date des 30 mai 2018, 26, 28 février et 14 mars 2019 ;

– 535,92 € à titre de remboursement des 5 jours de la mise à pied notifiée le 31 mars 2020 ;

– 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier ;

– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour le manquement à l’obligation de sécurité relatif au harcèlement moral opéré ;

– 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour la discrimination syndicale ;

– 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté la SNAVEB de sa demande reconventionnelle au titre des frais de procédure et l’a condamnée aux dépens.

La SNAVEB a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 juillet 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 19 septembre 2022, la SNAVEB demande à la cour de :

– La déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Melun du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– Débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– Le condamner à payer à la SNAVEB la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Le condamner en tous les dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées au greffe par lettre recommandée avec avis de réception du 22 décembre 2021, Monsieur [Y] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Melun du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– Condamner la SNAVEB à lui verser :

– 3.000 € pour préjudice financier subi du fait de l’appel purement dilatoire,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouter la SNAVEB de toutes ses demandes reconventionnelles,

– Condamner la SNAVEB aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande tendant à écarter des pièces des débats

En vertu de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l’espèce, la SNAVEB demande dans le corps de ses écritures que soient écartées des débats les pièces n° 16 et 37 au bordereau de Monsieur [Y], qui ne lui ont pas été communiquées malgré courrier de mise en demeure du 5 janvier 2022.

Toutefois, cette demande n’est pas reprise dans le dispositif, et la cour n’en est donc pas saisie.

Sur la demande d’annulation des sanctions disciplinaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l’article L. 1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

S’agissant de la mise à pied notifiée par courrier du 3 mai 2018

Par courrier du 3 mai 2018, la SNAVEB a notifié à Monsieur [Y] une mise à pied d’une journée le 30 mai 2018, pour avoir refusé de réaliser des dépannages demandés le 3 avril 2018, ce qui caractérise un acte d’insubordination.

La société justifie par production de l’attestation de Monsieur [L] que le salarié avait été informé des dépannages à effectuer dès 11h45 et estime qu’il aurait donc eu la possibilité de les réaliser s’il n’avait pas regagné l’agence et rempli artificiellement son emploi du temps de fin de journée jusqu’à 15 heures en effectuant un plein d’eau qui ne lui avait pas été demandé.

La cour relève toutefois que Monsieur [Y] avait terminé son précédent chantier à 12h30 et qu’il bénéficiait d’une heure de pause déjeuner, de sorte qu’il ne disposait que d’une heure et demi jusqu’à la fin de sa journée pour réaliser les dépannages demandés. Les dépannages concernés mentionnés sur la feuille d’activité étaient situés à [Localité 5], qui est à 15 minutes de l’agence, et à [Localité 6], qui se trouve à 30 minutes. Quand bien même il n’aurait pas réalisé le plein d’eau non sollicité, qui a duré 30 minutes, il ne pouvait pas matériellement se rendre sur les deux sites et revenir ensuite à l’agence dans le délai d’une heure trente. Par ailleurs, il a justifié auprès de son employeur que son fils était hospitalisé ce jour-là, et qu’il ne pouvait donc dépasser l’horaire de fin de journée.

Au regard de ces éléments, la sanction prononcée était injustifiée, et il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– prononcé l’annulation de la sanction,

– condamné l’employeur à verser au salarié le salaire correspondant à la journée d’astreinte ( soit 107,18 €).

S’agissant de la mise à pied notifiée le 6 février 2019

Par courrier du 6 février 2019, la SNAVEB a notifié à Monsieur [Y] une mise à pied de trois jours sur les journées des 26, 28 février et 14 mars 2019, pour avoir le 7 décembre 2018 décanté le compartiment de son véhicule sur l’aire de lavage de [Localité 7] alors que celui-ci contenait des hydrocarbures et que cette action constitue une pollution faisant courir des risques pénaux à la société.

Monsieur [Y] conteste cette sanction qu’il estime injustifiée, expliquant que c’était une pratique habituelle dans l’entreprise de procéder au décantage de la cuve sur le site de l’agence de [Localité 7], séparant ainsi l’eau et les hydrocarbures. Ainsi, seule l’eau est vidée, et les hydrocarbures sont ensuite évacués dans une fosse spécialisée pour ce type de déchets.

Toutefois, une note de service du 6 février 2012, notifiée au salarié le 11 janvier 2012, précisait explicitement que « si la fosse de décantation de la SNAVEB est pleine lors du dépotage de votre véhicule, il est strictement interdit de dépoter dedans ou dans un ouvrage d’assainissement (avaloir, ovoïde, poste de relavage etc.) sans autorisation préalable. En cas d’autorisation de rejet, cela doit être précisé sur l’OT avec le nom de la personne ayant autorisé l’action ».

Or, en l’espèce, Monsieur [Y] n’a bénéficié d’aucune autorisation préalable pour réaliser des versements de matière sur l’aire de lavage, et il s’agissait a minima manifestement d’eau contaminée par des hydrocarbures, puisque des fortes odeurs s’en dégageaient, et qu’il ne contestait pas que l’eau avait été en contact avec les hydrocarbures dans son camion.

Le fait pour un salarié expérimenté comme l’était Monsieur [Y], de contrevenir à une note explicite sur le sujet, en réalisant une man’uvre susceptible de polluer les réseaux d’eau, constitue une faute professionnelle justifiant une sanction. La mise à pied de trois jours apparaît en l’espèce justifiée et proportionnée, dans la mesure où les faits auraient pu entraîner une mise en cause pénale de la société.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé la sanction de mise à pied notifiée au salarié le 6 février 2019 et condamné l’employeur au remboursement des jours non payés du fait de la mise à pied, et statuant de nouveau, de débouter Monsieur [Y] de sa demande

d’annulation et de sa demande de remboursement des jours non payés (soit 321,55 €).

-S’agissant de la mise à pied notifiée le 31 mars 2020

Par courrier du 31 mars 2020, la SNAVEB a notifié à Monsieur [Y] une mise à pied de cinq jours sur les journées des 14, 16, 21, 23 et 28 avril 2020, pour d’une part, avoir enlisé son véhicule qu’il avait positionné sur un terrain inadéquat, et d’autre part , avoir laissé sur son véhicule des plaques inadaptées à son contenu, à savoir des panneaux de signalisation pour des déchets dangereux hydrocarbures alors que les déchets effectivement transportés n’étaient pas hydrocarburés.

Monsieur [Y] conteste la sanction en indiquant d’une part, que lorsqu’il a garé le camion, il ne pleuvait pas et le terrain était adapté, et d’autre part, que s’il a oublié d’enlever les plaques « hydrocarbures », il s’agit d’une simple omission sans conséquence pour l’entreprise.

S’agissant de l’enlisement du camion, Monsieur [Y] étant un chauffeur expérimenté, il ne pouvait prendre le risque de garer son camion sur un terrain susceptible de devenir boueux à la moindre survenance de pluie, ce qu’il a pourtant fait et qui a provoqué l’enlisement de celui-ci, avec nécessité de recourir à une entreprise de dépannage, rendant de plus impossible l’exécution de la prestation prévue. Il s’agit d’une faute professionnelle caractérisée justifiant une sanction.

S’agissant de l’oubli des plaques, cette omission n’a causé aucun préjudice à la société et les matières transportées étaient en réalité sans aucun risque. Mais il s’agit toutefois d’un manquement du salarié, qui aurait pu donner lieu à des difficultés administratives dans la mesure où il a déchargé dans une zone non autorisée aux hydrocarbures.

Compte tenu de ces éléments, la sanction de cinq jours de mise à pied apparaît justifiée et proportionnée.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé la sanction de mise à pied notifiée au salarié le 31 mars 2020 et condamné l’employeur au remboursement des jours non payés du fait de la mise à pied, et statuant de nouveau, de débouter Monsieur [Y] de sa demande d’annulation et de sa demande de remboursement des jours non payés (soit 535,92 €).

Sur l’allégation de harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable au litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Monsieur [Y] fait valoir qu’il a subi des faits de harcèlement moral multiples :

– En octobre, novembre et décembre 2011, la moitié de sa prime mensuelle est supprimée au motif que les salariés n’avaient pas dénoncé le coupable qui avait laissé des saletés dans un carter de moteur.

– Début 2012, le salarié est « puni » car il a refusé de signer le dispositif des heures choisies en 2011, de sorte qu’aucune heure supplémentaire ne lui est proposée.

– Le 18 avril 2016, du temps de travail lui est retiré sur sa fiche de paye. Toutefois, s’il produit en pièce 2 selon bordereau certains des bulletins de paie sur lesquels il estime que des retenues injustifiées ont eu lieu, le bulletin de paie d’avril 2016 n’est pas versé aux débats et ne figure pas dans le dossier de pièce remis à la cour. Cet événement ne peut donc être retenu comme laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

– Fin mai 2017, afin de « remplir » la journée de travail, l’employeur lui donne à faire du travail « préventif » sans caractère d’urgence alors qu’il sortait d’un gros chantier : cet événement ne peut être retenu comme laissant supposer l’existence d’un harcèlement, dès lors que le salarié se situait sur son temps de travail, pendant lequel l’employeur peut lui confier des tâches à effectuer.

– Il était souvent mis sous pression par son supérieur hiérarchique, qui l’invectivait, le menaçait d’être « puni » à faire un travail d’assainissement qu’il n’aime pas, au lieu de son travail habituel. Il produit des attestations de salariés, Monsieur [C] qui fait état des « méthodes de pression de Monsieur [Z] [O] à l’encontre de Monsieur [M] [Y] qui consistaient à le menacer d’être remis en assainissement », et Monsieur [G] qui indique qu’« un matin en 2013 en partant de l’agence exceptionnellement nous nous sommes arrêtés boire un café vu que la machine à l’agence ne fonctionnait pas. En nous voyant arrêtés Monsieur [Z] [O] a décidé de venir nous faire un scandale dans le café pour nous informer que nous n’avions rien à faire ici ».

– En juin 2017, sa prime d’objectif est supprimée suite à un problème sur un véhicule dont il n’est pas responsable, ce dont avait pourtant attesté le collègue responsable, Monsieur [W], auprès de son supérieur hiérarchique.

– Il a été sanctionné de trois mises à pied non justifiées : sur ce point, il est jugé par le présent arrêt qu’une des trois sanctions (la mise à pied notifiée par courrier du 3 mai 2018) n’était pas justifiée.

– Dans une plainte pénale pour harcèlement déposée le 14 février 2020, il rappelle l’ensemble de ces faits, et ajoute que pour son supérieur hiérarchique, ses journées de délégation syndicale ne sont visiblement pas compatibles avec son travail.

Certains des éléments dont fait état le salarié, pris ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

En réponse, l’employeur, expose les éléments suivants :

– Sur la suppression par moitié de la prime mensuelle d’octobre, novembre et décembre 2011 : l’employeur indique que la suppression de la moitié de la prime d’objectif pour l’ensemble des chauffeurs, et non spécifiquement Monsieur [Y], faisait suite au non respect par ceux-ci d’une note interne relative à la pesée des déchets qu’il produit. Il fait donc état d’une justification objective étrangère à un harcèlement.

– Sur la non attribution en 2012 d’heures supplémentaires en représailles du refus de signer le dispositif des heures choisies en 2011 : l’employeur justifie que le salarié ne pouvait se voir attribuer des heures supplémentaires au delà du contingent d’heures supplémentaires annuel, sauf à signer le dispositif des heures choisies, ce qu’il a finalement fait en septembre 2012. Ceci constitue une justification objective étrangère à un harcèlement.

– Sur les pressions et invectives de son supérieur hiérarchique : ainsi que le soutient l’employeur, il ne peut pas être reproché au supérieur hiérarchique d’avoir rappelé à l’ordre des employés installés à un café sur leurs heures de travail. S’agissant des faits rapportés par l’attestation de Monsieur [C], à savoir les menaces d’être mis en assainissement, l’employeur fait valoir que celle-ci ne précise pas la date des faits et n’est pas circonstanciée. Les menaces d’être mis en assainissement sont reprises par le salarié dans la plainte qu’il dépose le 14 février 2020 contre son supérieur Monsieur [O], avec en sus la mention d’une incompatibilité supposée des délégations syndicales avec son travail. Même si cette plainte a été classée sans suite, il convient de relever que l’employeur informé de celle-ci n’a procédé à aucune enquête interne, et n’apporte donc aucun élément en réponse à ceux exposés par le salarié sur ces points.

– Sur la suppression de la prime d’objectif de juin 2017, l’employeur indique que celle-ci était justifiée car Monsieur [Y] était à l’origine d’un accident lors de l’exécution d’une mission chez un client. Toutefois, il ne produit aucune pièce qui puisse en justifier, alors que le salarié produit une attestation d’un collègue qui se déclare responsable de l’avarie subie par le véhicule de Monsieur [Y].

– Sur les mises à pied, celle notifiée par courrier du 3 mai 2018 n’était pas justifiée et est annulée par le présent arrêt.

Il résulte de ce qui précède que ne sont pas objectivement justifiés par l’employeur les éléments suivants intervenus au préjudice du salarié :

– les propos du supérieur hiérarchique menaçant de mettre Monsieur [Y] à l’assainissement, et lui indiquant que ses délégations syndicales ne seraient pas compatibles avec son travail, ainsi qu’il résulte de l’attestation de Monsieur [C] du 8 novembre 2019 et de la plainte de Monsieur [Y] du 14 février 2020 ;

– la suppression de la prime d’objectif de juin 2017 intervenue pour un incident dont il n’est pas démontré qu’il ait été causé par le salarié ;

– la mise à pied non justifiée du 3 mai 2018.

Dès lors, le harcèlement moral est caractérisé au regard du mode de preuve prévu par l’article L. 1154-1 du code du travail.

Le conseil de prud’hommes a justement évalué le préjudice du salarié consécutif au harcèlement moral à la somme de 1.000 €, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’allégation de discrimination

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales.

Aux termes de l’article L. 1133-1 du même code, cette disposition ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

L’article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, Monsieur [Y] a été élu membre titulaire du comité social économique le 4 octobre 2018. Seuls les faits postérieurs à cette élection peuvent donc être pris en considération au titre de la discrimination syndicale.

Il fait état des éléments suivants à l’appui de ses allégations :

-La prise en compte des fonctions syndicales dans l’évaluation professionnelle : ces faits n’étant étayés par aucune pièce, il ne peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination ;

-La mise à l’écart, la stagnation de carrière : ces faits n’étant étayés par aucune pièce, il ne peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination ;

-Les invectives du supérieur hiérarchique, déjà examinées dans le cadre de la demande relative au harcèlement moral, pour lesquels le salarié produit des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination ;

-Des sanctions non justifiées : toutefois , seule une des mises à pied est non justifiée et elle est antérieure à son élection (3 mai 2018).

En réponse, l’employeur fait valoir que les invectives du supérieur hiérarchique ne sont pas caractérisées au vu des pièces produites par le salarié. Toutefois, il est rappelé que le salarié n’est tenu de produire que des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, ce qu’il fait. L’employeur n’a en réponse aucun élément à apporter et n’a fait diligenter aucune enquête à la suite de la plainte du salarié qui évoquait pourtant explicitement des faits susceptible de caractériser une telle discrimination.

Dès lors, la discrimination syndicale est caractérisée au regard du mode de preuve prévu par l’article L. 1134-1 du code du travail.

Le conseil de prud’hommes a justement évalué le préjudice du salarié consécutif à la discrimination syndicale à la somme de 1.000 €, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

Monsieur [Y] fait valoir qu’il a été victime de sanctions financières injustifiées, de harcèlement moral réitéré, de discrimination syndicale et de menaces sur son déroulement de carrière au motif qu’il bénéficie d’heures de délégation syndicale.

Au regard de ce qu’il expose, Monsieur [Y] ne caractérise aucun fait fautif ni préjudice autre que ceux relevant du harcèlement moral, de la discrimination syndicale et de la mise à pied injustifiée.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré sur ce point, et statuant de nouveau, de débouter le salarié de sa demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice financier subi du fait de l’appel dilatoire

Monsieur [Y] ne caractérise pas de faute susceptible de caractériser un abus de droit de l’appel exercé, étant relevé au surplus que le jugement déféré est infirmé sur certains points qui faisaient droit aux demandes du salarié.

En conséquence, Monsieur [Y] sera débouté de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la SNAVEB aux dépens de l’appel ainsi qu’à verser à Monsieur [Y] la somme de 1.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel.

La SNAVEB sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Dit la cour non saisie de la demande de la SNAVEB tendant à écarter des débats les pièces n° 16 et 37 visées au bordereau de Monsieur [Y],

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

– annulé la mise à pied notifiée le 6 février 2019 et condamné l’employeur à payer au salarié les jours non payés en conséquence,

– annulé la mise à pied notifiée le 31 mars 2020 et condamné l’employeur à payer au salarié les jours non payés en conséquence,

– fait droit à la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

Statuant de nouveau,

Déboute Monsieur [Y] :

– de sa demande d’annulation de la mise à pied notifiée le 6 février 2019 et de sa demande de remboursement des jours non payés en conséquence (soit 321,55 €),

– de sa demande d’annulation de la mise à pied notifiée le 31 mars 2020 et de sa demande de remboursement des jours non payés en conséquence (soit 535,92 €),

– de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

– de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier subi du fait de l’appel dilatoire,

Condamne la SNAVEB aux dépens de l’appel,

Condamne la SNAVEB à verser à Monsieur [Y] la somme de 1.000 € au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel,

Déboute la SNAVEB de sa demande au titre des frais de procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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