Your cart is currently empty!
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 06 FEVRIER 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07061 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE7J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° 20/00308
APPELANTE
S.A. [Localité 4] AIR CATERING
[Adresse 6]
[Localité 3]
[Localité 3]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
INTIME
Monsieur [M] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur[M] [U] a été engagé à compter du 6 avril 2017 par la SA [Localité 4] AIR CATERING, en qualité de chauffeur PL, par plusieurs contrats à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité. Le dernier contrat de travail a été conclu pour la période du 18 janvier au 31 décembre 2020. Par courrier recommandé du 16 mars 2020, la société [Localité 4] AIR CATERING a notifié à M. [U] la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à compter du 23 mars 2020 au motif de l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail en raison du contexte de pandémie liée à la propagation du COVID.
La convention collective applicable est celle des personnels au sol du transport aérien. La société [Localité 4] AIR CATERING (SERVAIR), qui prépare des plateaux repas servis dans les avions par des compagnies aériennes, emploie habituellement plus de onze salariés.
M. [U] a saisi la juridiction prud’homale le 3 juin 2020 aux fins notamment de faire requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de faire condamner la société [Localité 4] AIR CATERING à lui verser des indemnités de rupture du contrat de travail, des rappels de salaire inter-contrat, ainsi que des dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Par jugement du 8 Juillet 2021, le conseil de prud’hommes de MEAUX a dit n’y avoir lieu à requalifier en contrat à durée indéterminée le contrat de travail de M. [U], mais a jugé que la rupture pour force majeure du contrat de travail est abusive et condamné la SA [Localité 4] AIR CATERING à lui payer la somme de 16 885,89 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le 2 août 2021, la société [Localité 4] AIR CATERING a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, en ce que celui-ci a jugé que la rupture pour force majeure du contrat de travail de M. [U] est abusive et l’a condamné à payer des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,
Le 10 août 2021, M. [U] a également interjeté appel du jugement, en ce que celui-ci a dit n’y avoir lieu à requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi que des demandes de paiement des salaires inter-contrat, de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles, d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour licenciement nul, et de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
La jonction des deux procédures inscrites au rôle sous les N° RG 21/07061 et 21/07192 a été pronocée par ordonnance en date du 19/04/2022. Elles se se sont poursuivies sous le numéro 21/07061.
Par conclusions récapitulatives du 10 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société [Localité 4] AIR CATERING demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la rupture pour force majeure du contrat de travail de M. [U] est abusive et en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 16.885,89 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée et 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société [Localité 4] AIR CATERING demande par ailleurs de confirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail de M. [U] et l’a débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes.
La société [Localité 4] AIR CATERING demande de débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives du 26 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [U] demande d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, notamment au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de la rupture de la relation de travail.
Il demande d’ordonner la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, et de condamner la société à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal capitalisés :
– Indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée : 3.752,42 €
– paiement des salaires inter-contrat : 14.446,74 €
– congés payés sur les salaires inter-contrat : 1.444,67 €
– dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles (gratification annuelle et ancienneté) : 4.000 €
– indemnité de préavis : 3.752,42 €
– indemnité de congés payés sur préavis : 375,24 €
– indemnité de licenciement : 1.407,15 €
– indemnité pour licenciement nul : 11.257,26 €
– dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail :
5.000 €.
Il demande de condamner la société [Localité 4] AIR CATERING à lui remettre une attestation de salaire destinée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés et conformes à la décision sous astreinte de 30 € par document et jour de retard.
A titre subsidiaire, M. [U] demande de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SA [Localité 4] AIR CATERING à lui payer 16.885,89 € au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, et d’infirmer le jugement uniquement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail à hauteur de 5.000 € et à lui remettre des documents sociaux sous astreinte. Il demande de condamner la société [Localité 4] AIR CATERING à lui payer des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail à hauteur de 5.000 € et à lui remettre une attestation de salaire destinée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés et conformes au jugement sous astreinte de 30 € par document et jour de retard.
En toute hypothèse, il demande de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SA [Localité 4] AIR CATERING à payer à Me [C] [R] 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision de première instance, ordonné la capitalisation des intérêts, et condamné la SA [Localité 4] AIR CATERING aux entiers dépens de première instance.
Y ajoutant, Il demande de condamner la SA [Localité 4] AIR CATERING à payer à Me [C] [R] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700-2° du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision (cette somme s’ajoutant à celle allouée à ce titre par le Conseil de Prud’hommes) et de condamner la SA [Localité 4] AIR CATERING aux dépens d’appel.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
****
MOTIFS
Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Principe de droit applicable
Aux termes de l’article L1221-2 du code du travail ‘ Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail…’.
L’article L. 1242-1 du code du travail qui précise que ‘ le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir, ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’.
Il ressort de l’article L. 1242-2 du code du travail que le contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, notamment en cas d’accroissement temporaire d’activité.
L’article L.1245-1 du code du travail dispose que tout contrat à durée déterminée conclu en dehors des cas autorisés par la loi est réputé à durée indéterminée.
L’article L.1245-2 du code du travail prévoit qu’en cas de requalification du contrat de travail, il est accordé au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Application du droit à l’espèce
M. [U] soutient que le nombre de contrats à durée déterminée conclus et leur renouvellement chaque année, à différentes périodes, montrent que les fonctions de chauffeur PL qu’il exerçait n’étaient pas ponctuelles et que l’emploi qu’il occupait était objectivement indispensable à l’activité permanente et normale de la société. Il fait valoir que, faute pour la société [Localité 4] AIR CATERING d’établir la réalité du surcroît temporaire d’activité et d’apporter la preuve qu’il occupait un emploi par nature temporaire, la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doit être prononcée.
La société [Localité 4] AIR CATERING soutient que tous les contrats à durée déterminée signés avec M. [U] pour accroissement temporaire d’activité sont justifiés. Elle fait valoir que des variations de l’activité expliquent le recours à ce type de contrat : d’une part, l’activité d’une compagnie aérienne cliente (Delta Air Lines), d’autre part, les variations d’activité les week-ends, et, enfin, l’activité Duty. Elle rappelle que M. [U] était affecté au sein de l’aéroport [5].
S’agissant des différents contrats, la société [Localité 4] AIR CATERING indique notamment que :
– le contrat du 6 avril 2017 et ses prolongations ont été signés en raison des vols supplémentaires de la compagnie Delta Air Lines, l’ensemble du trafic sur l’aéroport de [5] ayant connu un accroissement significatif de son activité d’avril à octobre 2017.
– le contrat du 22 mai au 31 août 2018 a été conclu en raison d’un traitement de vols supplémentaires de la compagnie Delta Airlines sur la saison d’été.
– le contrat du 19 février 2019 et ses avenants de prolongation jusqu’au 27 octobre 2019 correspondent aussi à une augmentation d’activité notamment sur Delta Air Lines en raison d’une augmentation des vols,
– le contrat du 17 février 28 avril 2018 a été conclu en raison d’une augmentation des vols le week-end pendant les périodes des congés scolaires.
– le contrat du 16 octobre 2018 au 15 janvier 2019 a aussi été conclu en raison d’une augmentation des vols le week-end, ces périodes recouvrant notamment les départs en vacances de la Toussaint et de Noël.
A cet égard, la société [Localité 4] AIR CATERING explique que, sur cette période, le nombre de chauffeurs mobilisés et le nombre de vols gérés par la Société PAC est nettement plus élevé le week-end que les autres jours de la semaine et qu’en moyenne, les lundi, vendredi, samedi et dimanche sont les périodes où l’activité est la plus élevée de la semaine.
– le contrat du 18 janvier au 31 décembre 2020 a été conclu en raison de l’activité Duty Fly qui correspond à la vente de produits à bord des avions. Cette activité était expérimentale et avait une durée limitée de 12 mois. L’augmentation de la charge de travail temporaire a été interrompue dès les annonces gouvernementales de mars 2020, avant d’être liquidée entre mars 2020 et avril 2021.
SUR CE
Il ressort des pièces contractuelles produites que M. [U] a été embauché par la société [Localité 4] AIR CATERING du 6 avril 2017 au 3 mai 2017 en qualité de chauffeur PL par contrat de travail à durée déterminée à temps complet portant pour motif un accroissement temporaire d’activité ‘lié au traitement des vols supplémentaires DELTA pour la saison été 2017″. Ce contrat a été prolongé du 04 mai au 30 septembre 2017 sans indication particulière sur la prolongation du motif, puis du 1er octobre au 28 octobre 2017 sans indication particulière sur la prolongation du motif. Le motif de recours intitulé ‘saison d’été’ s’est donc déroulé sur une période de sept mois.
D’autres contrats de travail à durée déterminée, toujours pour le même poste et pour le même motif ont été signés par les parties :
– à temps partiel, pour la période du 17 février au 31 mars 2018 au motif d’un accroissement temporaire d’activité lié ‘à la variation d’activité du week-end’ (soit 30 heures par semaine réparties sur 7H50 par jour les lundi vendredi samedi dimanche). Ce contrat a été prolongé du 1er avril au 28 avril 2018 sans indication particulière sur la prolongation du motif ;
– à temps complet pour la période du 22 mai au 31 août 2018 portant pour motif un accroissement temporaire d’activité ‘lié au traitement des vols supplémentaires DELTA sur la saison été 2017″ ;
– à temps partiel pour la période du 16 octobre 2018 au 15 janvier 2019 au motif d’un accroissement temporaire d’activité lié ‘à la variation d’activité du week-end’ (soit 30 heures par semaine réparti sur 7H50 par jour les lundi vendredi samedi dimanche) ;
– à temps complet pour la période du 19 février au 31 août 2019 pour motif d’un accroissement temporaire d’activité ‘lié au traitement des vols supplémentaires DELTA”, prolongé par deux avenants jusqu’au 30 septembre 2019 puis jusqu’au 27 octobre 2019 sans indication particulière sur le motifs des deux prolongations.
– à temps plein pour la période du 18 janvier au 31 décembre 2020 au motif d’un accroissement temporaire d’activité ‘ Duty Fly’..
Ainsi, en l’espèce, du 06/04/2017 au 23/03/2020, sur une période de 44 mois, M. [U] devait travailler environ 35 mois sur le même poste (chauffeur PL), pour exercer les même tâches, et toujours sur le fondement du même motif de recours à un contrat à durée déterminée. Sous couvert d’ accroissements temporaires d’activité, cette situation montre une permanence du volume d’activité et de l’emploi de l’intéressé.
Il est par ailleurs observé que le premier contrat est motivé par un accroissement d’activité pour la saison été 2017. Or le salarié a travaillé sur la base de ce motif du 6 avril au 28 octobre 2017. L’employeur ne justifie pas la réalité d’un motif de recours intitulé ‘saison d’été’ qui aurait duré 7 mois.
De plus, le salarié a travaillé vendredi samedi dimanche et lundi dans la période du 17/02/2018 au 28/04/2018, puis celle du 16/10/2018 au 15/01/2019 au motif d’un accroissement temporaire d’activité lié ‘à la variation d’activité du week-end’. Or, aucun élément ne permet d’établir que l’importance de l’activité du vendredi au lundi pendant ces périodes était temporaire et non récurrente.
De plus, il ressort des éléments versés au débat que :
– S’agissant du contrat du 06/04/2017 au 28/10/2017, les éléments produits par la société [Localité 4] AIR CATERING sur le nombre de vols qui lui ont été confiés par la société DELTA AIRLINES de 2017 à 2020 ne montrent pas un accroissement de l’activité sur la période concernée puisqu’en décembre 2017, il y a plus de vols qu’en avril, mai 2017 et juin 2017. De même, il y a plus de vols en novembre 2017 qu’en avril et en mai de la même année.
– Concernant le contrat du 22/05/2018 au 31/08/2018, les données chiffrées ne montrent pas un accroissement significatif de l’activité entre mai et août 2018 par rapport à d’autres mois de la même année. Il y a plus de vols en janvier et septembre 2018 qu’en mai 2018 et presque autant en janvier 2018 qu’en juin 2018. Par ailleurs, l’employeur produit un article de presse publié dans ‘Actualité’ faisant état d’un trafic passager record de son client la compagnie DELTA AIRLINES pendant l’été 2018, et notamment entre le 24/05 et le 05/09/2018 et au mois de juillet, mais la société [Localité 4] AIR CATERING ne communique pas de données précises la concernant.
– S’agissant du contrat du 19 février au 27 octobre 2019, M. [U] fait observer à juste titre qu’il y a plus de vols DELTA en novembre et décembre 2019 qu’en février de la même année et que l’entreprise ne justifie pas de l’activité totale réalisée par la société, en prenant en compte ses autres clients.
– S’agissant des contrats à temps partiel du 17/02/2018 au 28/04/2018 et du 16/10/2018 au 15/01/2019, la société [Localité 4] AIR CATERING communique les dates des vacances scolaires ainsi que des données sur l’activité des aéroports de [Localité 4] sur les mois d’octobre 2018, novembre 2018 et janvier 2019. Cependant, l’employeur n’apporte pas d’élément suffisamment tangible pour justifier le recours à un contrat précaire au seul motif d’accroissement d’activité lié ‘à la variation d’activité du week-end’ concernant quatre jours par semaine sans d’ailleurs faire état de périodes de vacances scolaires.
– En ce qui concerne le contrat du 18/01/2020 au 31/12/2020, l’employeur produit un courriel en date du 22 juillet 2019 d’un représentant de Dutyfly Solution qui marque un accord pour ‘ continuer au-delà du 31/12/2019″ mais la société [Localité 4] AIR CATERING n’apporte pas de justification sur l’existence d’un surcroît d’activité qui serait dû au lien avec Duty Fly pendant la durée du contrat de M. [U], étant précisé qu’au vu de ce message, l’activité Duty Fly préexixtait au contrat de M. [U].
Il s’ensuit que, sous couvert de différents contrats à durée déterminée au motif d’accroissements temporaire d’activité, M. [U] occupait en réalité au sein de la société [Localité 4] AIR CATERING un emploi de chauffeur poids lourd présentant un caractère durable depuis prés de trois ans, et ce, dès son embauche. Par son objet et sa nature, l’emploi du salarié était objectivement indispensable à l’activité permanente et normale de la société.
En conséquence, le jugement du Conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point et il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.
En application de ll’article L.1245-2 du code du travail, M. [U] peut prétendre à percevoir une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Au vu du dernier salaire mensuel moyen brut de 1876,21euros ainsi que des éléments versés au débat, la société [Localité 4] AIR CATERING sera condamnée à payer à M. [U] une indemnité de requalification du contrat de travail d’un montant de 2000 €.
Sur les demandes au titre du paiement des salaires inter-contrat
En cas de requalification de la relation de travail, le salarié peut solliciter un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat à condition qu’il se soit tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail. Il lui appartient de démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes intercontrats.
Or, en l’espèce, M. [U] n’apporte pas la preuve qu’il s’est tenu à la disposition de la société PAC lorsqu’il n’était pas employé par cette société . La seule production de bulletins de situation Pôle emploi n’établit pas qu’il se soit tenu à la disposition de la société [Localité 4] AIR CATERING pendant les périodes non travaillées. M. [U] ne produit à cet égard aucun document, tel qu’un lettre ou un courriel à son employeur indiquant qu’il se tenait à la disposition de la société [Localité 4] AIR CATERING. De plus, les périodes des contrats étaient fixées et connues de l’intéressé, ainsi que l’horaire et les jours de travail qui étaient fixes, de telle sorte qu’il n’avait pas d’incertitude à cet égard.
Il s’ensuit que M. [U] doit être débouté de sa demande sur ce point.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de cette demande.
Sur la demande au titre d’un non-respect des dispositions conventionnelles
M. [U] sollicite 4.000 € de dommages et intérêts en invoquant le fait que la société [Localité 4] AIR CATERING a commis une faute générant un préjudice dont celui-ci est bien fondé à obtenir la réparation au titre d’un non-respect des dispositions conventionnelles. Cependant, l’intéressé ne produit pas d’élément caractérisant un préjudice à cet égard. En particulier, il n’indique aucune donnée précise dans ses écritures sur des sommes qu’il estime avoir perdues au titre d’une gratification ou d’une prime. De plus, les conclusions sur ce point se réfèrent à une pièce 12 contenant des bulletins de paie, lesquels n’apportent pas d’élément sur le préjudice invoqué. Il s’ensuit que M. [U] sera débouté sur ce point.
Sur la demande au titre d’une exécution déloyale du contrat de travail
Au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit écarté dans les circonstances particulières de l’espèce l’existence d’une mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail.
A cet égard, c’est à juste titre que les premiers juges ont relevé que l’attestation de salaire erronée a été rectifiée et ne caractérise aucune mauvaise foi de la part de l’employeur, qu’il est inexact que l’employeur aurait contraint l’intéressé à rester à son poste après son accident, et qu’il est aussi inexact que l’employeur aurait cherché à le contraindre de démissionner.
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé sur ce point et que M. [U] sera débouté de sa demande formulée sur le fondement de l’article L 1222-1 du code du travail en l’absence de la preuve d’une faute de l’employeur caractérisant une mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail.
Sur la rupture de la relation de travail
Avant la rupture anticipée du dernier contrat de travail, M. [U] était employé à temps plein sur la période du 18/01/2020 au 31/12/2020. Le 02/02/2020, M. [U] a été victime d’un accident du travail qui lui a occasionné une blessure à l’épaule droite. Au vu des pièces produites, il a été placé en arrêt de travail jusqu’au 20 mars 2020.
Le 16/03/2020, la société [Localité 4] AIR CATERING notifiait à M. [U] par lettre recommandée avec accusé de réception la rupture anticipée de son contrat de travail à compter du 23/03/2020 au motif du contexte de pandémie liée à la propagation du COVID 19 et des mesures exceptionnelles prises par de nombreux Etats, notamment depuis le 11 mars 2020, de fermeture totale de leurs frontières, d’interdiction des vols, d’interdiction d’entrée sur lers territoire des citoyens européens ou encore de placement d’office en quarantaine des voyageurs européens.
La lettre de rupture fait état d’une baisse d’activité et de chiffre d’affaires de 82% depuis le 11 mars 2020. Elle fait état d’une situation imprévisible, irrésistible et extérieure provoquée la contraignant de rompre le contrat de manière anticipée à compter du 23 mars 2020 en visant l’article 1243-1 du code du travail.
A la date de notification de la rupture du contrat de travail, le contrat du salarié était toujours suspendu suite à l’accident de travail. Or, la rupture prononcée en cours de suspension en dehors des cas prévus par l’article L.1226-9 du code du travail entraîne sa nullité même si ses effets sont reportés à une date postérieure à la fin de la suspension.
En l’espèce, la rupture ne procède pas d’un des cas prévus par l’article L.1226-9 puisqu’elle ne concerne ni d’une faute grave, ni d’une impossibilité de maintenir le contrat : en effet, l’employeur a mis fin à la relation contractuelle au prétexte de la situation provoquée par la pandémie liée au COVID 19, mais cette situation ne constitue pas une impossibilité maintenir un contrat de travail à durée indéterminée au sens de l’article L.1226-9 du code du travail.
S’agissant en l’espèce d’une relation de travail requalifiée à durée indéterminée, la situation pouvait conduire à une suspension temporaire de l’exécution temporaire du contrat mais ne rendait pas impossible le maintien à terme du contrat de travail.
Il s’ensuit qu’en l’espèce, la rupture intervenue en période de suspension en raison d’un accident du travail est donc nulle, de sorte que le salarié a droit à une indemnité qui ne saurait être inférieure à 6 mois de salaire, ainsi qu’à une indemnité de licenciement et à une indemnité de préavis.
Evaluation du montant des condamnations
Le dernier salaire moyen brut de M. [U] s’élevait à 1878,21 €.
Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [U], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences de la rupture à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 13000 € euros le montant de la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail dont la nullité est ici prononcée.
Il convient par ailleurs d’accorder à M. [U] les sommes suivantes dont les montants ne sont pas contestés par et qui sont justifiées au vu des pièces versées aux débats:
– 3.752,42 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 375,24 € au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis
– 1.407,15 € à titre d’indemnité de licenciement.
Sur la demande de remise de documents :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif. Il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte en l’état.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M.[M] [U] de ses demandes de paiement de salaires inter-contrat et congés payés sur salaires inter-contrat, de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles, et de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
PRONONCE la requalification des contrats à durée déterminée conclus entre la SA [Localité 4] AIR CATERING et M.[M] [U] en un contrat à durée indéterminée,
PRONONCE la nullité de la rupture du contrat de travail de M. [M] [U] notifiée le 16 mars 2020 alors que [M] M. [U] se trouvait période de suspension du contrat en raison d’un arrêt de travail lié à un accident du travail.
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
CONDAMNE la SA [Localité 4] AIR CATERING à payer à M. [M] [U] les sommes suivantes :
– 2000 euros à titre d’indemnité de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée,
– 13000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– 3.752,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 375,24 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.407,15 euros à titre d’indemnité de licenciement.
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
– DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;
– AUTORISE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– ORDONNE la remise par la SA [Localité 4] AIR CATERING à M.[M] [U] une attestation de salaire destinée à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt ;
DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte
Vu l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SA [Localité 4] AIR CATERING à payer à M. [U] en cause d’appel la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE la SA [Localité 4] AIR CATERING aux dépens.
La greffière, La présidente.