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6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 05 Février 2024
60A
RG n° N° RG 22/06165
Minute n°
AFFAIRE :
[I] [L]
C/
S.A. ALLIANZ IARD
CPAM DE LA GIRONDE
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SCP AVOCAGIR
la SELARL KERDONCUFF AVOCATS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.
DEBATS :
à l’audience publique du 04 Décembre 2023
JUGEMENT :
Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDEUR
Monsieur [I] [L]
né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 6] ([Localité 6])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté par Maître Servan KERDONCUFF de la SELARL KERDONCUFF AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSES
S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Maître Brigitte CHEMIN-DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocats au barreau de BORDEAUX
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 10]
[Localité 3]
défaillante
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 14 mai 2017, M. [I] [L] a été victime d’un accident de la voie publique à [Localité 9]. Alors qu’il circulait au volant de son véhicule Yamaha YZF R1, il a chuté. Il n’a gardé aucun souvenir des circonstances de l’accident dont les causes n’ont pu être déterminées.
Il avait souscrit auprès de la SA ALLIANZ IARD une assurance corporelle du conducteur.
À la suite d’une expertise amiable, l’assureur présentait une offre d’indemnisation à hauteur de 10.244,92 € que refusait M. [I] [L]. Il saisissait alors le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux lequel, par ordonnance du 16 mars 2020, ordonnnait une expertise médicale confiée au docteur [P] et condamnait la SA ALLIANZ IARD au paiement d’une provision de 4.656 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel ainsi que de la somme de 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’expert a déposé son rapport le 11 juin 2021.
Par acte d’huissier délivré les 22 et 23 août 2022, M. [I] [L] a fait assigner la SA ALLIANZ IARD et la CPAM de la Gironde devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour voir liquider son préjudice à la somme de 232.239,18 €.
Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 24 mars 2023, M. [I] [L] demande au tribunal de :
Vu le contrat garantie corporelle du conducteur, souscrit le 9 avril 2015
Vu l’article 1103 et du Code civil
Vu le Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile,
Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice
– déclarer Monsieur [I] [L] recevable et bien fondé en ses demandes,
– fixer les préjudices subis par Monsieur [I] [L], suite aux faits dont il a été victime le 14 mai 2017, à la somme de 241 032,42 €.
– condamner la société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [I] [L] la somme de 233 252,36 € à titre de réparation de son préjudice corporel en deniers ou quittances, provisions non déduites, se décomposant comme suit, après imputation de la créance du tiers payeur :
A. PREJUDICES PATRIMONIAUX
1. Préjudices patrimoniaux temporaires
* 110,00 € au titre des dépenses de santé actuelles (Après déduction de la créance du tiers payeurs)
* 583,00 € au titre des frais divers
* 240,00 € au titre de l’assistance tierce personne temporaire
* 12 565,96 € au titre de la perte de gains professionnels actuels
2. Préjudices patrimoniaux permanents
*7 853,40 € au titre des frais de véhicule adapté
*150 000,00 € au titre de l’incidence professionnelle
B. PREJUDICE EXTRAPATRIMONIAUX
1. Préjudices extrapatrimoniaux temporaires
* 288,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total
* 6 112,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel
* 10 000,00 € au titre des souffrances physiques et psychiques endurées
* 4 000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire
2. Préjudices extrapatrimoniaux permanents
* 10 000,00 € au titre du préjudice d’agrément
* 2 500,00 € au titre du préjudice esthétique permanent
* 15 000,00 € au titre du préjudice sexuel
– condamner la société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [I] [L] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront le coût de l’expertise, les frais de signification de la décision à intervenir, ainsi que les frais d’exécution éventuels.
– condamner la société ALLIANZ IARD à payer à Monsieur [I] [L] les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, sur le montant de la condamnation à intervenir.
– dire que le conseil de Monsieur [I] [L] pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il aura fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
– déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM DE [Localité 8].
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur la totalité des sommes allouées, de droit, et à défaut, sur les deux tiers de celles-ci.
Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, la SA ALLIANZ IARD demande au tribunal de :
Vu la loi du 5 juillet 1985
Vu le contrat garantie du conducteur responsable souscrit auprès d’ALLIANZ
– Déclarer Monsieur [I] [L] partiellement recevable et fondé en ses demandes.
– Condamner la SA ALLIANZ à verser à Monsieur [I] [L] la somme de 60.790 €
au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel selon détail ci- après :
* Dépenses de santé : 110 €
* Frais divers :2.583 €
* Assistance tierce personne temporaire : 675 €
* Perte de gains professionnels actuels : 9.472 €
* Incidence professionnelle : 30.000 €
* Déficit fonctionnel temporaire total : 225 €
* Déficit fonctionnel temporaire partiel : 4.775 €
* Souffrances physiques : 6.000 €
* Préjudice esthétique temporaire : 250 €
* Préjudice d’agrément : 2.200 €
* Préjudice esthétique permanent : 2.000 €
* Préjudice sexuel : 2.500 €
– Débouter Mr [L] du surplus de ses demandes comme étant excessives et mal fondées
– Déduire des sommes allouées les provisions de 10.244,92 € versées à Mr [L] par la SA ALLIANZ
– Condamner la SA ALLIANZ à verser à Monsieur [I] [L] une indemnité de 1.500 euros au titre de l’article 700 du CPC
Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 4 décembre 2023 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.
La CPAM de [Localité 8] n’a pas constitué avocat. Il sera statué par jugement réputé contradictoire.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur le droit à indemnisation de M. [I] [L]
M. [I] [L] a souscrit auprès de la SA ALLIANZ IARD une assurance conducteur au titre de la conduite du véhicule Yamaha [Immatriculation 5]. Il a été victime d’un accident le 14 mai 2017. Si les circonstances de cet accident sont indéterminées, M. [I] [L] bénéficie de la garantie assurance du conducteur contenue dans son contrat d’assurance dont la mise en jeu n’est pas contestée.
Sur la liquidation du préjudice de M. [I] [L]
Il ressort du rapport d’expertise déposé par le docteur [P] que M. [I] [L], né le [Date naissance 2] 1990, a présenté, à la suite de l’accident dont il a été victime le 14 mai 2017, une fracture du col du fémur gauche, déplacée, avec indication chirurgicale, ainsi qu’une contusion pulmonaire, une fracture de la première côte droite, une fracture de l’arc postérieur de la 2ème côte droite, une fracture de l’arc postérieur de la 12ème côte gauche et une disjonction acromio-claviculaire stade 3 à droite.
L’expert a retenu :
– un DFTT du 14 au 19 mai 2017 et du 25 au 27 juillet 2018
– un DFTP à 75% du 20 mai au 10 juin 2017
– un DFTP à 50% du 11 juin au 3 juillet 2017
– un DFTP à 25% du 4 juillet au 11 septembre 2017
– un DFTP à 10% jusqu’au 24 juillet 2018
– un DFTP à 20% du 28 juillet au 15 août 2018
– un DFTP à 15% du 16 août 2018 jusqu’à consolidation
– consolidation le 18 août 2020
– arrêt de travail du 14 mai au 11 septembre 2017, du 16 octobre au 28 octobre 2017 et du 25 juillet au 21 septembre 2018
– DFP de 10%
– souffrances endurées de 3,5/7 compte tenu des périodes d’hospitalisation, des interventions chirurgicales avec immobilisations, urilisation de chaise roulante et rééducation
– préjudice esthétique temporaire avec chaise roulante pendant 6 semaines avec écharpe pendant 3 semaines
– préjudice esthétique définitif de 1,5/7 pour les cicatrices et la boiterie
– préjudice d’agrément : gêne sans impossibilité de pratiquer la moto tout terrain et le snowboard
– préjudice professionnel : persistance d’une gêne au niveau de la hanche pour le métier de mécanicien
– aide par tierce personne : 3h/jour pendant la période de DFTP à 75%, 2h/jour pendant la période de DFTP à 50%
Au vu de ce rapport et de l’ensemble des éléments produits aux débats, il sera alloué à M. [I] [L] les indemnités suivantes au regard des conditions contractuelles :
I – Préjudices patrimoniaux :
A – Préjudices patrimoniaux temporaires :
1 – Dépenses de santé actuelles (DSA) :
Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.
La créance de la CPAM de la Gironde s’élève à la somme de 2.444,45 €. Il est resté à la charge de M. [I] [L] des franchises médicales pour un montant de 110 € qu’accepte de régler la SA ALLIANZ IARD.
DSA : 110 €
2 – Frais divers (F.D.) :
Honoraires du médecin conseil.
Les honoraires du médecin conseil de la victime sont une conséquence de l’accident. La victime a droit au cours de l’expertise à l’assistance d’un médecin dont les honoraires doivent être intégralement remboursés sur production de la note d’honoraires, sauf abus.
Il est sollicité le remboursement de la somme de 2.583 € au titre des honoraires du docteur [T] qui a assisté M. [I] [L] lors des opérations d’expertises. La SA ALLIANZ IARD accepte de rembourser ces frais.
FD : 2.583 €.
3 – Assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.
Il est constant que ces frais sont fixés en fonction des besoins de la victime et du rapport d’expertise et que l’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille. Il convient en outre de rappeler que la tierce personne s’entend de l’aide pour tous les actes essentiels de la vie courante.
L’expert a retenu un besoin de 3h/jour pendant la période de DFTP à 75% soit 22 jours et de 2h/jour pendant la période de DFTP à 50% soit 23 jours.
Il est sollicité l’indemnisation de ce préjudice sur la base d’un taux horaire de 20 € que la SA ALLIANZ IARD demande au tribunal de réduire à 15 €.
Il sera retenu un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide nécessaire qui ne requiert aucune qualification spécialisée soit 112 heures x 18 € : 2.016 €.
ATPT : 2.016 €.
4 – Perte de gains professionnels actuels (PG.P.A.) :
Elles concernent le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.
L’expert a retenu des arrêts de travail imputables du 14 mai au 11 septembre 2017 (121 jours), du 16 octobre au 28 octobre 2017 (13 jours) et du 25 juillet au 21 septembre 2018 (59 jours).
Il est sollicité le paiement d’une indemnité de 12.565,96 € à ce titre. M. [I] [L] explique qu’au moment de l’accident il avait démissionné de son poste de mécanicien au sein de la société MIDAS pour intégrer la société CHEVANCEAUTO. En raison de l’accident, il n’a pu intégrer la société CHEVANCEAUTO avant le 29 septembre 2017. Placé en arrêt de travail du 16 au 28 octobre 2017, l’employeur a décidé de rompre sa période d’essai. Il n’a retrouvé un emploi comme chauffeur routier qu’à compter du 2 mars 2018. Il estime que la rupture de sa période d’essai est imputable à l’accident et sollicite en conséquence l’indemnisation de sa perte de gains entre le 31 octobre 2017 et le 2 mars 2018.
Il calcule sa perte de gains sur la base d’un salaire mensuel de 1.400 € qu’il actualise à 1.549,24 €. Il déduit de sa perte de gains le montant des indemnités journalières versées par la CPAM en tenant compte de la CSG-CRDS.
La SA ALLIANZ IARD indique qu’elle accepte d’indemniser la perte de gains sur la base d’un salaire de 1.472,34 € mais s’oppose à l’indemnisation de la période du 31 octobre au 2 mars 2018.
La perte de gains sera calculée sur la base d’un salaire mensuel de 1.400 € net comme mentionné dans la promesse d’embauche du 13 avril 2017. Contrairement à ce qu’indique M. [I] [L], ce n’est pas le salaire de référence qu’il convient de réactualiser pour tenir compte de l’érosion monétaire mais la perte de gains.
Comme retenu par l’expert, l’arrêt de travail imputable s’établit sur une période de 193 jours. S’agissant de la période allant du 31 octobre 2017 (rupture de la période d’essai du contrat de travail) et le 2 mars 2018 (embauche comme chauffeur routier par la société GETransport), il y a lieu de constater que la rupture de la période d’essai fait directement suite à un arrêt de travail du 16 octobre au 28 octobre 2017, période au cours de laquelle M. [I] [L] était en période d’essai et donc dans une situation particulièrement précaire. Il y a donc lieu de considérer qu’il existe un lien entre la rupture de la période d’essai et l’accident et de prendre en compte cette période au titre de la perte de gains.
M. [I] [L] a donc été en arrêt de travail pendant 193 jours + 123 jours soit 316 jours. Sa perte de gains s’établit à 1.400 € x 12/365 x 316 jours : 14.544,65 €.
La créance de la CPAM de [Localité 8] au titre des indemnités journalières versées au cours de cette période s’établit à 5.335,61 €. Il convient d’ajouter à la perte de gains les cotisations CSG et CRDS prélevées sur les allocations chômage, soit 5.335,61 € x 6,7% : 357,48 euros.
La perte de gains s’établit en définitive à la somme de 14.544,65 € + 357,48 € – 5.335,61 € = 9.566,52 €. Conformément à la demande, cette perte de gains sera actualisée pour tenir compte de l’érosion monétaire, soit une perte d’un montant de 10.586,31 €.
PGPA : 10.586,31 €.
B – Les préjudices patrimoniaux permanents :
1- Incidence professionnelle (I.P)
Elle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatiguante ou pénible traduisant une dévalorisation sur le marché du travail.
M. [I] [L] sollicite le paiement d’une indemnité de 150.000 € au titre de l’incidence professionnelle, faisant valoir qu’en raison de l’accident, il a du renoncer à exercer l’emploi de mécanicien auto pour se reconvertir vers le métier de chauffeur poids lourd et qu’il subit dans l’exercice de ce métier une plus grande fatigabilité et pénibilité qui ont conduit le médecin du travail à préconiser une adaptation du poste de travail.
La SA ALLIANZ IARD propose l’indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 30.000 euros, faisant valoir que l’incompatibilité entre un emploi de mécanicien auto et les séquelles de l’accident n’est pas avérée, qu’il n’est pas établi que M. [I] [L] a été contraint d’effectuer une reconversion professionnelle et qu’il convient d’indemniser seulement la pénibilité et la fatigabilité accrue dans l’exercice du métier de chauffeur poids lourd.
Il convient de rappeler que l’expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 10% soit 8% pour la limitation d’amplitude au niveau de la hanche et 2% au niveau de l’épaule droite. Il a considéré que ces séquelles peuvent présenter une gêne modérée à importante pour le métier de mécanicien mais pas pour un poste de responsable de centre mécanique. Il indique que M. [L] occupe depuis le 2 mars 2018 un poste de chauffeur routier, pour lequel il a été préconisé une adaptation avec camion à boîte automatique et bâche électrique. Les séquelles présentées par M. [I] [L] peuvent être source de fatigabilité accrue en fin de journée.
L’existence d’une incidence professionnelle est donc incontestable. Ce préjudice correspond, outre une plus grande pénibilité et fatigabilité dans l’emploi de chauffeur routier en raison de séquelles côtées à 10%, à la perte pour M. [I] [L] de l’emploi de mécanicien au sein de l’entreprise CHEVANCEAUTO et à l’impossibilité de poursuivre sa carrière de mécanicien en raison d’une gêne dans cet emploi que l’expert a qualifé de modérée à importante. M. [I] [L] était âgé de 30 ans à la date de consolidation. Il y a lieu d’indemniser l’incidence professionnelle à hauteur de 50.000 €.
IP : 50.000 €.
2- Les frais de véhicule adapté
M. [I] [L] sollicite le paiement d’une indemnité de 17.853,40 €, faisant valoir que si l’expert n’a pas expressément retenu ce poste de préjudice il a néanmoins pris en compte ses doléances. En outre, dans le cadre professionnel, une boîte de vitesse automatique a été installée dans son camion.
L’assureur s’oppose à la demande considérant que l’expert n’a pas retenu ce poste de préjudice.
Dans ses conclusions, l’expert n’a pas retenu de besoin d’adaptation du véhicule. En réponse à un dire, il a indiqué “concernant la nécessité d’une boîte de vitesse automatique pour conduire sa voiture, l’expert laisse au magistrat l’appréciation de cette nécessité, sachant que M. [L] a déclaré conduire sa moto (Aprilia 900), ce qui suppose d’une part la possibilité de se tenir en position assise prolongée avec membres inférieurs repliés sur eux-mêmes et d’autre part de ne pas être gêné pour passer les vitesses avec le sélecteur qui est du coté gauche. Pour information, il existe à ce jour certains modèles de moto avec boîte automatique”.
L’expert a noté que M. [I] [L] avait acquis un véhicule muni d’une boîte de vitesse automatique. Il a par ailleurs relevé que dans le cadre professionnel, un avis d’aptitude à l’emploi de chauffeur poids lourd préconisait “un aménagement de poste dans la mesure du possible : camion à boîte automatique avec bâche électrique”.
Les séquelles présentées et côtées à 10% portent sur la hanche gauche et l’épaule droite, étant précisé qu’à la suite de l’accident, M. [I] [L] présente une boiterie importante et doit parfois utiliser une canne.
Il convient dès lors de considérer que le besoin d’équipement du véhicule d’une boîte automatique est établi.
Il est justifié du surcoût de l’équipement à hauteur de 1.690 € au regard des devis présentés (22.140 € – 20.450 €). Le renouvellement interviendra tous les 6 ans. Il sera en conséquence alloué :
– équipement initial en août 2020 : 1.690 €
– renouvellement à titre viager à compter de 2026: 1.690 €/6 x 44.197 (euro de rente viager pour un homme âgé de 36 ans, barème Gazette du Palais 2022 taux 0) : 12.448,82 €
FVA : 14.138,82 €.
II – Préjudices extra-patrimoniaux :
A – Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
1 – Déficit fonctionnel temporaire (DFT) :
Ce poste de préjudice indemnise l’aspect non économique de l’incapacité temporaire, c’est-à-dire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subi par la victime jusqu’à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de qualité de vie.
L’expert a retenu les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes :
– un DFTT du 14 au 19 mai 2017 et du 25 au 27 juillet 2018
– un DFTP à 75% du 20 mai au 10 juin 2017
– un DFTP à 50% du 11 juin au 3 juillet 2017
– un DFTP à 25% du 4 juillet au 11 septembre 2017
– un DFTP à 10% jusqu’au 24 juillet 2018
– un DFTP à 20% du 28 juillet au 15 août 2018
– un DFTP à 15% du 16 août 2018 jusqu’à consolidation
Il est sollicité l’indemnisation de ce préjudice sur la base d’un coût journalier de 32 € que la SA ALLIANZ IARD demande au tribunal de réduire à 25 €.
Il sera alloué une indemnité de 27 € par jour, de nature à indemniser intégralement ce préjudice, soit :
– DFTT : 9 jours x 27 € : 243 €
– DFTP à 75% : 22 jours x 27 € x 75% : 445,50 €
– DFTP à 50% : 23 jours x 27 € x 50% : 310,50 €
– DFTP à 25% : 70 jours x 27 € x 25% : 472,50 €
– DFTP à 10% : 316 jours x 27 € x 10% : 853,20 €
– DFTP à 20% : 19 jours x 27 € x 20% : 102,60 €
– DFTP à 15% : 734 jours x 27 € x 15% : 2.972,70 €
DFT : 5.400 €.
2 – Souffrances endurées (SE) :
Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.
Les souffrances endurées ont été évaluées par l’expert à 3,5/7 compte tenu des périodes d’hospitalisation, des interventions chirurgicales avec immobilisations, utilisation de chaise roulante et rééducation.
Il est sollicité une indemnité de 10.000 € que la SA ALLIANZ IARD demande au tribunal de réduire à 6.000 €.
Au regard de l’importance de ces souffrances telles que décrites par l’expert, il sera alloué une indemnité de 8.000 €.
SE : 8.000 €.
3- Préjudice esthétique temporaire ( P.E.T.)
L’expert a retenu un préjudice esthétique temporaire pour les déplacements avec chaise roulante pendant 6 semaines et le port d’une écharpe pendant 3 semaines.
Il est sollicité le paiement d’une indemnité de 4.000 € que l’assureur demande au tribunal de réduire à 250 €.
Le préjudice esthétique temporaire a été subi jusqu’à la consolidation intervenue en août 2020 soit pendant plus de 3 ans. Il ne concerne pas uniquement l’utilisation d’une chaise roulante et le port d’une écharpe, puisque l’expert a retenu un préjudice esthétique définitif de 1,5/7 pour une boiterie importante et des cicatrices, qui pré-existent à la période antérieure à la consolidation. Il sera dès lors alloué au titre du préjudice esthétique temporaire une indemnité de 2.000 €.
PET : 2.000 €.
B – Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
1- Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.):
Le préjudice esthétique permanent a été évalué à 1,5/7 pour des cicatrices et une boiterie décrite par l’expert comme importante.
Il est sollicité une indemnité de 2.500 € que la SA ALLIANZ IARD propose de fixer à 2.000 euros.
Au regard de l’importance de ce préjudice tel que fixé par l’expert, il sera alloué comme proposé une indemnité de 2.000 €.
PEP : 2.000 €.
2- Préjudice d’agrément ( P.A.) :
Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
M. [I] [L] sollicite à ce titre le paiement d’une indemnité de 10.000 €, faisant valoir la limitation dans la pratique de la moto et du motocross et du snowboard ainsi que les difficultés rencontrées dans la pratique du bricolage. La SA ALLIANZ IARD propose une indemnité de 2.200 €, faisant valoir que le préjudice est limité à une gêne et que la gêne dans la pratique du bricolage n’est pas suffisamment établie.
L’expert a retenu s’agissant du préjudice d’agrément que “s’il peut-être déconseillé à M. [L] de pratiquer de la moto tout terrain et du snowboard, pour risques de chute, les séquelles présentent une gêne sans impossibilité de pratiquer ces activités”. Il est par ailleurs produit plusieurs attestations de proches relatant les difficultés de M. [I] [L] dans la pratique de ces différentes activités ainsi que du bricolage.
Il sera alloué en conséquence au titre du préjudice d’agrément une indemnité de 7.500 €.
PA : 7.500 €.
3- Préjudice sexuel
Ce préjudice comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle à savoir : le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir à l’accomplissement de l’acte sexuel qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, de la perte de capacité physique de réaliser l’acte ou de la perte de la capacité à accéder au plaisir ainsi que le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté de procréer.
M. [I] [L] sollicite l’indemnisation d’un préjudice sexuel à hauteur de 15.000 euros, faisant valoir la gêne positionnelle lorsqu’il tente de s’allonger pour des moments de tendresse et des douleurs lors de l’acte sexuel. La SA ALLIANZ IARD propose d’indemniser ce préjudice à hauteur de 2.500 €.
L’expert a indiqué en réponse à un dire qu’il existait une difficulté à la réalisation technique de l’acte sexuel qui peut représenter un préjudice dans la vie affective.
Il sera en conséquence alloué au titre du préjudice sexuel une indemnité de 5.000 €.
PS : 5.000 €.
Les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :
– dépenses de santé actuelles DSA: 110 €
– frais divers FD: 2.583 €
– ATPT : 2.016 €
– perte de gains actuels PGPA: 10.586,31 €
– incidence professionnelle IP: 50.000 €
– frais de véhicule adapté : 14.138,82 €
– déficit fonctionnel temporaire : 5.400 €
– souffrances endurées: 8.000 €
– préjudice esthétique temporaire PET: 2.000 €
– préjudice esthétique permanent PEP: 2.000 €
– préjudice d’agrément: 7.500 €
– préjudice sexuel : 5.000 €
TOTAL: 109.334,13 €.
Il a été versé des provisions pour un montant de 10.244,92 €.
La SA ALLIANZ IARD sera en définitive condamnée au paiement d’une indemnité de 99.089,21 €.
Conformément à l’article 1231-7 du Code Civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.
Sur les autres demandes
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [I] [L] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant à la procédure, la SA ALLIANZ IARD sera condamnée aux dépens.
Il convient de rappeler que par application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision mise à disposition au Greffe, les parties informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, en premier ressort et par jugement réputé contradictoire,
Fixe le préjudice subi par M. [I] [L], suite à l’accident dont il a été victime le 14 mai 2017, à la somme totale de 109.334,13€ selon le détail suivant :
– dépenses de santé actuelles DSA: 110 €
– frais divers FD: 2.583 €
– ATPT : 2.016 €
– perte de gains actuels PGPA: 10.586,31 €
– incidence professionnelle IP: 50.000 €
– frais de véhicule adapté : 14.138,82 €
– déficit fonctionnel temporaire : 5.400 €
– souffrances endurées: 8.000 €
– préjudice esthétique temporaire PET: 2.000 €
– préjudice esthétique permanent PEP: 2.000 €
– préjudice d’agrément: 7.500 €
– préjudice sexuel : 5.000 €
Condamne la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [I] [L] la somme de 99.089,21 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction des provisions versées à hauteur de 10.244,92 €, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Déclare le jugement commun à la CPAM de [Localité 8] ;
Condamne la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [I] [L] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA ALLIANZ IARD aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise judiciaire et les frais d’exécution éventuels et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT