Chauffeur Poids-Lourd : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/01024

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/01024
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AFFAIRE : N° RG 22/01024 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FWZO

 Code Aff. :C.J

ARRÊT N°24/ CJ

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS en date du 24 Juin 2022, rg n° 21/00450

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE [Localité 5]

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

APPELANT :

Monsieur [X] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sandrine ANTONELLI de la SELARL ANTONELLI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003985 du 18/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)

INTIMÉ :

Monsieur [D] [E] , artisan exerçant à l’enseigne « Entreprise de Transport [D] [E]’

[Adresse 2]

[Localité 3]

Non comparant

Clôture : 04 mai 2023

DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2023 en audience publique, devant Corinne Jacquemin, présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique Lebrun, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Corinne Jacquemin

Conseiller : Agathe Aliamus

Conseiller : Aurélie Police

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 25 Janvier 2024

* *

*

LA COUR :

EXPOSÉ DES FAITS

Monsieur [X] [J] a été embauché le 27 juillet 2017 en qualité de chauffeur poids lourd par Monsieur [D] [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” jusqu’au mois de février 2018, sans contrat de travail écrit.

A la suite d’une chute survenue en février 2018 nécessitant une hospitalisation avec intervention chirurgicale, M. [J] a souhaité faire valoir ses droits en tant que salarié.

L’employeur refusant de lui transmettre ses bulletins de salaire ainsi que ses contrats, M. [J] a déposé plainte et M. [E] a été condamné à une amende délictuelle pour travail dissimulé.

Le salarié a reçu le 20 février 2018 de l’employeur “une lettre d’information”.

Afin de faire valoir ses droits, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes afin de voir requalifier ses contrats verbaux successifs à durée déterminé en un contrat à durée indéterminée et voir condamner son employeur à lui verser différentes sommes.

Le conseil de prud’hommes a, par jugement du 29 octobre 2021, requalifié les contrats à durée déterminée de M. [J] en contrat à durée indéterminée et :

– condamné M. [E] exerçant sous l’enseigne Entreprise de Transports [E] [D] à payer les sommes de :

* 2047 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 2047 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 204,70 euros de congés payés y afférents,

*500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] aux dépens.

Sur requête de M. [E], le conseil de prud’hommes a, par décision du 24 juin 2022, rectifié le jugement en ce sens :

– rejette la demande indemnitaire de travail dissimulé ;

– condamné M. [E] à verser à Monsieur [X] [J] les sommes de la précédente décision qui sera inscrite dans la marge du jugement précédent :

* 2047 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 2047 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 204,70 euros de congés payés y afférents,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à M. [E] de remettre à M. [J] , ses documents sociaux rectifiés et conformes:

1°) Ses bulletins de salaires rectifiés (de décembre 2017, janvier et février 2018)

2°) Son reçu pour solde de tout compte rectifié,

3°) Son certificat de travail rectifié,

4°) Son attestation Pôle emploi rectifiée,

Et ce, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter du 15ème jour de la présente notification de jugement ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision a hauteur des neuf mois de salaire sur la base du salaire moyen des trois derniers mois qui s’élève à 2047,00€ ;

– débouté M. [J] de ses autres demandes ;

– débouté M. [E] de ses demandes reconventionnelles, et dit que les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

M. [E] a été régulièrement intimé et n’a pas constitué avocat de sorte que l’arrêt sera réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2023.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

SUR QUOI

M. [J] a formé appel limité aux point suivants :

– un rappel de salaires,

– des dommages et intérets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

– une indemnité pour travail dissimulé.

À défaut d’appel incident, le jugement est définitif en ce qui concerne la requalification du contrat de travail en durée indéterminée ainsi que sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte, les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile .

– Sur le rappel de salaires :

L’appelant soutient qu’il est réputé avoir travaillé à temps plein du fait de la requalification de son contrat de travail en durée indéterminée et qu’il était à la disposition de son l’employeur.

Il ajoute que des sommes mentionnées sur ses bulletins de salaire n’ont pas été payées.

Il résulte du jugement déféré et de la décision de rectification que bien qu’ayant ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés “conformes au texte en vigueur”, le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur le rappel de salaire sollicité.

En premier lieu, le salarié, engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il établit qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’espèce, le salarié se borne à affirmer qu’il s’est tenu à disposition de l’employeur pendant la période considérée mais ne développe aucun moyen de fait alors au surplus qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir le maintien à disposition de M. [J] auprès de son l’employeur pendant les périodes non travaillées de sorte qu’il doit être débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

En second lieu, il résulte des bulletins de paie de M. [J] sur la période considérée qu’il devait percevoir la somme totale de 10 674,33 euros net.

Toutefois, ses relevés bancaires mentionnent au titre de ces salaires que le versement d’une somme de 6 850 euros alors M. [E] n’a pas justifié avoir versé le solde.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de l’appelant en paiement de 3 824,33 euros net et par ajout au jugement M. [E] est condamné à payer cette somme outre le montant des congés payés afférents, soit 382,43 euros net.

– Sur la rupture abusive du contrat de travail :

Le conseil de prud’hommes a considéré que la rupture du contrat de travail s’analysait en une démission dès lors que M. [J] ne s’était plus présenté à son poste et que c’est à la suite de l’intervention des gendarmes le 21/02/2018 que “aurait compris que M. [J] avait fait le choix de ne plus travailler pour lui”et lui avait donc envoyé les documents de fin de contrat.

La démission est l’acte par lequel le salarié fait connaître à l’employeur sa décision de rompre le contrat de travail. Elle doit résulter d’une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail.

La manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail peut résulter de ses déclarations ou de son comportement.

L’appelant soutient qu’il a été licencié sans motif et sans respect de la procédure.

Il résulte de la lettre du 20 février 2018 de M. [E] à M. [J] intitulée en objet : “lettre d’information” (pièce 6 du dossier de l’appelant) que l’employeur a adressé les documents de fin de contrat au salarié.

Toutefois, aucune manifestation de volonté du salarié n’a été émise quant à une démission qui ne pouvait se déduire de la plainte qu’il avait déposée pour travail dissimulé, à la suite de la non prise en compte par l’employeur de l’accident du 9 février 2018 au titre de la législation sur les accidents de tajet.

La rupture du contrat de travail s’analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à dommages et intérêts.

Le jugement déféré est infirmé de ces chefs et M. [E] condamné à verser à M. [J] la somme que la cour fixe à un mois de salaire, par application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, soit 2047 euros à titre de dommages et intérêts.

– Sur l’indemnité pour non-respect de la procédure :

M. [J] demande, sans préciser de fondement juridique, le paiement de la somme de 2.047 euros net au titre de l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement .

Or, aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Dès lors que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [J] ne peut, en application des dispositions précitées, prétendre à l’indemnité prévue en cas de non – respect de la procédure de licenciement et à la réparation du préjudice subi en raison de son licenciement abusif, de sorte que le conseil de prud’hommes a rejeté, à propos, la demande du salarié pour irrespect de la procédure de licenciement .

La décision déférée est confirmée de ce chef.

– Sur le travail dissimulé :

L’appelant soutient, au visa de l’article L. 8221-5 du code du travail, que l’employeur n’a pas cotisé auprès de l’organisme et que son intention de l’employeur de ne pas assurer le paiement des charges sociales est constituée.

Il précise qu’en plus de la sanction pénale prononcée l’employeur doit verser l’indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire conformément aux articles L. 8224-1, L.8224-5 et L. 8223-1 du code du travail.

Il résulte de l’ordonnance pénale du 30/10/2020 que M. [E] a été condamné à une amende pour travail dissimulé concernant M. [J].

Or, les décisions pénales ont, au civil, autorité absolue relativement à ce qui a été jugé quant à l’existence de l’infraction et à la culpabilité de la personne poursuivie.

En l’espèce, la réalité d’un travail dissimulé au sens de, l’article L. 8221-5 du code du travail commis volontairement par M. [E], d’une part, par absence de remise de bulletins de salaire à M. [J], d’autre part, par omission intentionnelle de déclarations relatives aux salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions sociales est établie dans le cadre de l’action pénale.

Le salarié a donc droit au versement de l’indemnité forfaitaire d’un montant fixé à la somme de 12 282 euros.

En conséquence , M. [E] est condamné au paiement de cette somme par infirmation du jugement déféré.

– Sur les dépens et les frais irrépétibles en cause d’appel :

Ajoutant en cause d’appel M. [E] est condamné aux dépens et à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros complémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition du greffe, dans la limite de sa saisine :

Infirme le jugement rendu par le conseil de prudhommes de Saint-Denis de la Réunion le 24 juin 2022, sauf en ses dispositions concernant le débouté de la demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Statuant des chefs infirmés et ajoutant :

Condamne M. [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” à payer à M. [X] [J] les sommes de :

* 3 824,33 euros net à titre de rappel de salaire ;

* 382,43 euros net à titre de congés payés afférents ;

Dit que la rupture du contrat de travail de M. [X] [J] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. [D] [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” à payer à M. [X] [J] la somme de 2047 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M.[D] [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” à payer à M. [X] [J] la somme de 12 282 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé;

Condamne M. [D] [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” à payer à M. [X] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [E], artisan exerçant sous l’enseigne “Transport [D] [E]” aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Corinne Jacquemin, présidente de chambre, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

 


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