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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N°2023/ 142
Rôle N° RG 18/18439 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMDZ
[F] [W]
C/
SARL SAINT CYR TOURISME
Copie exécutoire délivrée
le : 26/05/2023
à :
Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
Me Hélène BAU de la SARL HÉLÈNE BAU, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 12 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00154.
APPELANT
Monsieur [F] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL SAINT CYR TOURISME, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Hélène BAU de la SARL HÉLÈNE BAU, avocat au barreau de TOULON substituée à l’audience par Me Nicolas REYNIER, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 21 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre chargé du rapport, et Madame Estelle de REVEL.
Ces magistrats ont rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 24 août 2012, M. [W] a été recruté en qualité de conducteur de car pour les périodes scolaires, dit CPS, par la SARL St Cyr Tourisme (société de car de tourisme et voyages).
Le 18 février 2016, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une demande à l’encontre de la SARL St Cyr Tourisme en paiment de diverses sommes à titre de rappel de salaire et en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 6 février 2017, M. [W] a été licencié pour faute grave.
Par jugement du 12 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Toulon a débouté M. [W] de ses demandes.
M. [W] a fait appel de cette décision le 23 novembre 2018.
Par ordonnance sur requête du 22 février 2019, la SARL St Cyr Tourisme a été autorisé à se faire remettre par la SARL St Cyr Tourisme ses relevés tachygraphes pour la période 2013 à mars 2014 ainsi que ceux d’autres salariés pour des tournées réalisées en 2016. Il a été procédé à ces opérations par acte d’huissier du 25 avril 2019.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 mai 2022, M. [D] a été commis en qualité d’expert aux fins de’:
– prendre connaissance des relevés tachygraphes de M. [W] de mai 2013 au mois de mars 2014 inclus, de tout document qu’il estimera utile ou que lui transmettront les parties,
– déterminer, pour cette période, les temps de travail effectif de M. [W] par mois,
– dire si les temps de travail effectifs présentent des écarts avec les temps de travail mentionnés sur les bulletins de salaire pour la période de mai 2013 à mars 2014, et au besoin, chiffrer les heures qui seraient dues en tenant compte de la majoration liées aux heures complémentaires (10’% ou 25’%),
– faire toutes observations utiles,
Par ordonnance du’21 octobre 2022, le magistrat chargé du contrôle des expertises a constaté/prononcé la caducité de la désignation de l’expert, faute pour la SARL St Cyr Tourisme d’avoir versé la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert.
A l’issue de ses conclusions du 24 février 2023, à 7’h’13, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [W] demande de’:
– réformer le jugement dans toutes ses dispositions’;
– juger recevables ses conclusions des 20 et 24 février 2023 antérieurement à l’ordonnance de clôture’;
– juger recevable ses demandes présentées en cause d’appel’;
– juger recevables ses conclusions déposées le 20 et le 24 février 2023 antérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture’;
– juger recevables ses demandes présentées en cause d’appel’;
– juger non prescrites ses demandes présentées en cause d’appel’;
– débouter la SARL St Cyr Tourisme de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;
– condamner à lui payer’:
– 1’663.13’€ brut au titre du rappel de salaire pour l’année 2012′;
– 166.31’€ brut au titre des congés payés subséquents’;
à titre principal’;
– juger qu’à compter du 01.07.2014, il est engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée temps plein’;
– condamner à lui payer’:
– 16’787.56’€ brut au titre du rappel de salaire pour la période du 01.07.2014 au 31.12.2016′;
– 1’678.76’€ brut au titre des congés payés subséquents’;
à titre subsidiaire’;
– juger qu’à compter du mois de juillet 2015, il est titulaire d’un contrat de travail d’une durée mensuelle de 178.33h’;
– fixer le salaire de référence à 1’910.93’€ brut’;
– condamner à lui payer’:
– 3’691.18’€ brut au titre du rappel de salaire pour la période de juillet 2015 à novembre 2015′;
– 369.12’€ brut au titre des congés payés subséquents’;
et en tout état de cause,
– condamner à lui payer’:
– 3’000’€ à titre de dommages et intérêts en raison du non-respect par l’employeur de la durée maximale hebdomadaire de travail’;
– juger qu’il a été victime de travail dissimulé’;
– requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
– condamner à lui payer’:
– 11’465.58’€ au titre de l’allocation forfaitaire pour travail dissimulé’;
– 11’465.58’€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
– 3’821.86’€ brut au titre du préavis’;
– 381.19’€ brut au titre des congés payés’;
– 8’000’€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la relation contractuelle’;
– 3’000’€ à titre de dommages et intérêts pour mesure vexatoire’;
– ordonner à la SARL St Cyr Tourisme d’avoir à lui remettre les bulletins de paye rectifiés sous astreinte de 100’€ par jour de retard,
– condamner l’employeur à rembourser les indemnités versées par Pôle Emploi dans la limite de six mois’;
– condamner à lui payer 2’500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [W] soutient que la SARL St Cyr Tourisme, invoquant une violation du principe du contradictoire, ne peut conclure au rejet de ses dernières pièces et conclusions, communiquées quelques jours avant l’ordonnance de clôture au motif qu’elle a été en mesure de répliquer à ces conclusions et de communiquer de nouvelles pièces.
M. [W] expose que la SARL St Cyr Tourisme ne peut soulever l’irrecevabilité de sa demande de rappel de salaire sur la base d’un temps complet du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2016 aux motifs que conformément à l’article 566 du code de procédure civile, il est fondé à présenter en appel des demandes qui sont l’accessoire, la conséquence le complément nécessaire des demandes présentées en première instance et qu’il s’est contenté d’élargir ses demandes en rappels d’heures supplémentaires concernant la période visée, que l’article 564 du code de procédure civile permet de présenter en cause d’appel des demandes nouvelles trouvant leur cause dans la survenance ou à la révélation d’un fait, que de nouveaux faits sont apparus suite au jugement de première instance à savoir la saisi de documents au siège de l’entreprise et leur analyse dans le cadre d’un rapport d’expertise amiable, que c’est à compter de cette date qu’il a pris connaissance des heures supplémentaires dues, que le délai de prescription a donc couru à compter de cette date et que le délai de prescription a été interrompu par la saisine du conseil de prud’hommes.
A titre principal, au soutien de sa demande en requalification de son contrat de travail en temps complet, M. [W] expose qu’il était à dispositions de la SARL St Cyr Tourisme et se trouvait dans l’incapacité de prévoir son rythme de travail de telle sorte que le contrat de travail sera requalifié en temps plein.
A l’appui d’un telle affimation, il expose’:
– que les conducteurs en période scolaire (CPS) sont les conducteurs embauchés pour travailler les jours d’ouverture des établissements scolaires et qui bénéficient d’un contrat de travail intermittent afin de tenir compte de l’alternance des périodes travaillées et des périodes non travaillées,
– que leur statut est régi par les dispositions des articles L3123-31 et suivants du code du travail et par la convention collective qui leur est applicable à savoir en l’espèce la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport,
– qu’en dehors des périodes d’activités scolaires, les fonctions de conducteur scolaire sont suspendues ce qui implique que leur contrat de travail en période scolaire est par nature à temps partiel,
– que ce contrat doit donner lieu à la rédaction d’un écrit mentionnant impérativement la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail du salarié et la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes,
– que son contrat de travail prévoit qu’il exercera son activité tous les jours d’ouverture des établissements scolaires, en fonction du calendrier scolaire fixé par les pouvoirs publics, qui lui sera communiqué chaque année et annexé au contrat de travail,
– qu’il est impossible de déterminer le nombre d’heure qu’il a pu effectuer durant les vacances scolaires puisqu’aucun de ses bulletins de paie ne porte mention et ne fait la distinction entre les périodes scolaires et les périodes de vacances scolaires,
– que ses bulletins de paie ne mentionnent pas le nombre réel d’heures effectuées par lui,
– qu’il est donc impossible de comprendre et de fixer ses rythmes et temps de travail en lisant les bulletins de paie ce qui implique qu’il n’a jamais été payé intégralement au titre des heures de travail réellement accomplies et majorées,
– que les bulletins de paie ne mentionnent pas non plus sa classification et son coefficient en période de vacances scolaires qui est inévitablement différent de celui qui lui est applicable en sa qualité de conducteur scolaire,
– qu’en effet, selon la convention collective applicable, les conducteurs en périodes scolaires peuvent accéder à des emplois disponibles pendant les vacances scolaires et bénéficier du coefficient correspondant à ces emplois,
– qu’il n’a jamais signé d’avenant afférent à ces périodes de travail.
A titre subsidiaire, à l’appui de sa demande en requalification de son contrat de travail en temps complet, M. [W] affirme que son temps de travail a dépassé, dans les conditions prévues par l’article L.’3123-13 du code du travail, l’horaire prévu à son contrat de travail aux motifs’:
– que son contrat de travail du 24 août 2012 prévoyant une durée hebdomadaire de travail de 15 heures, durée portée à 80’h par mois par avenant du 1er janvier 2014 est contraire aux dispositions de l’article L3123-27 du code du travail selon lesquelles la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44,
– qu’à compter du 1er janvier 2014, était tenu, sans demande écrite et motivée de sa part, de lui proposer une durée hebdomadaire de travail de 24’heures,
– qu’il a réalisée un nombre heures supérieur à celui contractuellement prévu soit 80h,
– qu’il aurait dû être rémunéré à temps complet à compter du mois de juillet 2015.
Il expose par ailleurs que, en violation de l’article L3121-35 du code du travail, il a effectué à compter du 4 mai 2015 des semaines de plus de 48h de travail et que, se faisant, il peut raisonnablement estimer qu’il se retrouvait contraint de se tenir constamment à la disposition de son employeur induisant une relation de travail à temps plein devant ainsi donner lieu à requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
Il expose que, pour le mois de mai 2015, il a effectué des heures supplémentaires au profit de la SARL St Cyr Tourisme qui n’ont pas fait l’objet de la majoration de 25’% prévue par le du code du travail et en sollicite en conséquence le paiement.
Il s’estime fondé à réclamer la condamnation de la SARL St Cyr Tourisme à lui payer l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé aux motifs que la SARL St Cyr Tourisme ne lui a pas payé, au taux majoré, les heures supplémentaires accomplies en mai 2015, que la SARL St Cyr Tourisme n’a pas fait figurer l’intégralité du nombre d’heures effectuées par lui au cours des mois de mai 2015, juin 2015 et novembre 2015, que la SARL St Cyr Tourisme, destinataire du document synthèse conducteur, ne pouvait ignorer cet élément et que, dans le but de ne pas dépasser le plafond de 1’440 heures mensuelles (ou annuelles) effectuées emportant la requalification de plein droit du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, la SARL St Cyr Tourisme a réglé les heures effectuées par le biais de rappels de salaire.
M. [W] conteste le bien fondé de son licenciement pour faute grave aux motifs’que la SARL St Cyr Tourisme ne rapporte pas la preuve des faits qu’elle lui reproche, qu’à supposer que l’analyse de ses feuilles de route par la SARL St Cyr Tourisme, il a travaillé en deçà de la durée mensuelle prévue par le contrat de travail et que, même s’il était parti plus tôt, la SARL St Cyr Tourisme ne pourrait lui reprocher d’avoir gonflé son temps de travail puisque le minimum fixé contractuellement n’avait jamais été atteint et que l’attestation produite aux débats par la SARL St Cyr Tourisme n’établit pas les faits de conduite dangereuse qui lui sont reprochés
Selon ses conclusions du 23 février 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SARL St Cyr Tourisme demande de’:
– rejeter les conclusions et pièces communiquées par M. [W] le 20 février 2023 à trois jours de la clôture fixée au 24 février 2023 comme portant volontairement atteinte au principe du contradictoire’;
– juger irrecevables, prescrites, et infondées les demandes nouvelles formulées par M. [W] au titre d’une requalification d’un contrat à temps complet sur la période nouvelle de juin 2014 à 2016 en cause d’appel et à trois jours de la clôture fixée le 24 février 2023′;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon le 12 novembre 2018′;
– juger la prescription visée à l’article l 3245-1 du code du travail applicable aux demandes de rappels de salaire formulées avant le 18 février 2013′;
– juger que M. [W] a été entièrement rempli de ses droits en matière de rémunération, et accessoires’;
– juger qu’il ne démontre aucun manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles et conventionnelles’;
– juger qu’en tout état de cause, et si par extraordinaire, la cour ne déclarait pas irrecevables les demandes nouvelles, ni prescrites ni encore injustifiées, les demandes de M. [W] au titre d’une requalification d’un contrat à temps complet sur la période nouvelle de juin 2014 à 2016 ne pourraient excéder 5685,93’€ bruts’:
– juger l’absence de travail dissimulé’;
– juger que M. [W] a volontairement commis des agissements graves justifiant la procédure de licenciement dont il a fait l’objet le 6 février 2017′:
– juger le licenciement de M. [W] légitimement fondé sur une faute grave’;
en conséquence’;
– débouter M. [W] de ses entières demandes, fins et conclusions’;
– condamner M. [W] à lui verser la somme de 4000’€ au titre des frais irrépétibles de procédure’;
”condamner M. [W] aux entiers dépens.
La SARL St Cyr Tourisme reproche à M. [W] d’avoir, en violation du principe du contradictoire, déposé, quelques jours avant la clôture, de nouvelles conclusions modifiant ses demandes, qu’elle n’a pu disposer du temps nécessaire pour y répondre et qu’il conviendra en conséquence de les écarter des débats’;
La SARL St Cyr Tourisme conclut à l’irrecevabilité de la demande de rappel de salaire de M. [W] qu’il a formé pour la première fois en cause d’appel aux motifs qu’il s’agit d’une demande nouvelle qui ne peut bénéficier des exceptions prévues par l’article 566 du code de procédure civile, que cette demande est prescrite puisque formée plus de trois ans après la saisine du conseil de prud’hommes par M. [W] et que cette demande est infondée et disproportionnée puisque M. [W], qui sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps complet ne se déduit pas de ces calculs les heures majorées qui lui ont été réglées.
La SARL St Cyr Tourisme conclut au rejet de la demande de M. [W] en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet à compter du mois de juillet 2015 aux motifs’:
1/que le contrat de travail de M. [W] prévoyait qu’il serait occupé pendant les périodes d’activité scolaire selon le calendrier scolaire fixé chaque année par les pouvoirs publics, que ce contrat prévoyait es horaires et leur répartition en fonction d’une semaine clairement exposée et que M. [W], qui a donc été en mesure de connaître son rythme de travail et le nombre d’heures, ne s’est pas tenu à sa disposition de manière permanente,
2/ que M. [W] opère une confusion dans ses bulletins de paie entre les heures effectuées avec les heures payées,
3 / que M. [W] ne peut se prévaloir des dispositions du code du travail instaurant une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les contrats de travail à temps partiel, ces dispositions n’étant applicables qu’aux contrats de travail signés après le 1er juillet 2014.
Sur le rappel de salaire pour l’année 2012, la SARL St Cyr Tourisme soutient que cette demande est prescrite.
Sur la violation de la durée hebdomadaire, elle affirme que M. [W] opère une confusion entre les notions d’heures travaillées et d’heures à payer et que sa durée hebdomadaire n’a jamais dépassé les 48 heures.
Elle admet l’existence d’une erreur de salaire dû à M. [W] pour le mois de mai 2015 mais en faveur de ce salarié.
Elle conteste les faits de travail dissimulé aux motifs que les heures supplémentaires ont été régulièrement payées, qu’elle a fait l’objet d’un contrôle URSSAF qui n’a relevé aucune irrégularité.
La SARL St Cyr Tourisme soutient qu’elle était en droit de procéder au licenciement de M. [W] en raison de la manipulation du chronotachygraphe dans le but de gonfler sa rémunération et d’une conduite volontairement dangereuse ayant mis en danger autrui.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 mars 2023 à 7’h’40. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
A l’audience des plaidoiries du 21 mars 2023, la cour a soulevé d’office, au visa de l’article 910-4 du du code de procédure civile, la recevabilité des demandes de M. [W] en rappel de salaire pour l’année 2012 ainsi qu’en requalification du contrat de travail de M. [W] en contrat de travail à temps complet à compter du 1er juillet 2014 et a recueilli les observations des parties.
SUR CE’:
sur la recevabilité des conclusions de M. [W] du 20 février 2023′:
L’article 15 du code de procédure civile prévoit que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
Par ailleurs, l’article 594 du même code édicte que la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En l’espèce, il est constant que, le 20 février 2023, M. [W] a déposé de nouvelles conclusions au fond, par lesquelles il a longuement conclu sur sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juillet 2014 et communiqué de nouvelles pièces, soit peu de temps avant l’ordonnance de clôture du 24 février 2023. Cependant, le 24 février 2023, soit peu avant la clôture, il a déposé de nouvelles conclusions au fond, sur lesquelles la cour devra uniquement statuer et dont la SARL St Cyr Tourisme ne sollicite pas le rejet des débats. Dès lors, il devient sans intérêt de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de M. [W] du 20 février 2023.
sur la recevabilité de la demande de M. [W] en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juillet 2014′:
l’article 910-4 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur lors du dépôt par M. [W] de ses premières conclusions au fond du 22 février 2019, prévoit que, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures et que, néanmoins,, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783 (devenu l’article 802), demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, dans le cadre de ses premières conclusions au fond du 22 février 2019, M. [W] a sollicité la condamnation de de la SARL St Cyr Tourisme à lui payer un rappel de salaire pour l’année 2012, la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du mois de juillet 2015, la condamnation de la SARL St Cyr Tourisme à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents pour la période de juillet à novembre 2015, des dommages-intérêts au titre du dépassement de la durée hebdomadaire de travail, l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, des dommages-intérêts pour exécution déloyale de la relation contractuelle, des dommages-intérêts pour mesure vexatoire et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande en en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juillet 2014, qu’il a ensuite formée dans ses conclusions postérieures, et qui n’est pas destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, s’avère donc irrecevable.
sur la recevabilité de la demande de M. [W] en rappel de salaire pour l’année 2012′:
L’article L.’3245-1 du code du travail prévoit que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il en résulte clairement que, lorsque le contrat de travail est rompu, la demande ne peut porter que sur les trois années précédant la rupture du contrat et que toute action portant sur une période antérieure est prescrite, quelle que soit la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits fondant sa demande en rappel de salaire.
M. [W] a été licencié le 6 février 2017. Il ne peut en conséquence solliciter un rappel de salaire pour la période antérieure au 6 février 2014. Sa demande en rappel de salaire pour l’année 2012 est donc prescrite et sera déclarée irrecevable.
Sur la requalification du contrat de travail de M. [W] en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du mois de juillet 2015′:
L’article L3123-14-1, créé par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, devenu l’article L.’3123-27 du code du travail, prévoit que la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2, devenu l’article L.’3121-44.
L’application de cette durée minimum a été suspendue du 22 janvier au 30 juin 2014 par l’article 20, III de la loi 2014-288 du 5 mars 2014.
En l’espèce, le contrat à durée indéterminée conclu entre M. [W] et la SARL St Cyr Tourisme le 24 août 2012 prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 15 heures, soit en deçà du plancher de 24 heures applicables à compter du 1er juillet 2014.
Il ne ressort pas des dispositions qui précèdent que la violation de la durée minimale de 24 heures hebdomadaires applicable à tous les contrats de travail à compter du 1er juillet 2014 est sanctionnée par la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet. Ce moyen est donc inopérant.
L’article L.’3123-13 du code du travail, en vertu duquel, lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-44 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé et l’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli, est issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et ne peut en conséquence, en application du principe de non-rétroactivité de la loi, régir des périodes de travail antérieurs, en l’espèce les mois d’avril à juin 2015 invoqués par M. [W].
En revanche, l’article L.’3123-15 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, applicable à la relation de travail, prévoit que lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3122-2 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé et que l’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli.
Selon avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2014, qu’il n’a pas signé mais dont il invoque le bénéfice à l’appui de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet, M. [W] devait effectuer 80 heures par mois. Il ressort de ses bulletins de paie pour les mois d’avril, mai et juin 2015 et des relevés d’activités annexés à ces derniers que, pendant cette période, il a effectué 140 heures de travail en avril 2015 et 106 heures de travail en mai et juin 2015, soit au-delà de l’équivalent mensuel de deux heures de travail. Cependant, il en résulte que la durée mensuelle moyenne de travail ainsi réalisée a été de 117,33 heures, soit en deçà de la durée légale de travail. M. [W] ne peut donc en tirer argument pour conclure à la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet.
sur les autres demandes au titre de l’exécution du contrat de travail’:
L’article L 3121-35 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016,, devenu l’article L.’3121-20, prévoit que, au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.
Contrairement aux allégations de M. [W], il ressort clairement de la synthèse conducteur annexée à son bulletin de paie pour le mois de mai 2015 que sa durée hebdomadaire de travail pour les semaines numéro 18,19 et 20 de l’année 2015 n’a pas excédé cette durée.
En effet, pour la semaine courant du 4 au 10 mai 2015, sa durée de travail effectif a été de 39 heures 30 minutes (23 heures et 56 minutes de conduite, 14 heures et 44 minutes de travaux et 50 minutes de mise à disposition). Pour la semaine courant du 11 au 17 mai 2015, sa durée de travail effectif a été de 44 heures et 20 minutes (30 heures et 24 minutes de conduite Et 13 heures et 56 minutes de travaux). Enfin, pour la semaine courant du 18 aux 24 mai 2015, sa durée de travail effectif a été de 44 heures et 31 minutes (26 heures et 24 minutes de conduite, 14 heures et 56 minutes de travaux et trois heures et 11 minutes de mise à disposition).
M. [W] ne peut en conséquence prétendre à des dommages-intérêts au titre de la violation par son employeur de la durée hebdomadaire de travail.
Il ressort clairement des explications de la SARL St Cyr Tourisme corroborées par la synthèse conducteur annexée aux bulletins de paie de M. [W] que le salaire du à ce salarié pour le mois de mai 2015 est entaché d’une erreur en ce que les indemnités coupures et amplitudes ont été accumulées avec les heures supplémentaires mais que cette erreur a été favorable à M. [W] puisqu’elle a entraîné un trop-perçu en sa faveur. M. [W] sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire pour le mois de mai 2015.
L’article L’8221-5 du code du travail énonce qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article L’8223-1 du même code prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L’8223-1, de la volonté chez l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.
En l’espèce, il n’est pas établi que’ la SARL St Cyr Tourisme restait débitrice d’un rappel de salaire à l’égard de M. [W] au titre d’heures de travail ne figurant pas sur son bulletin de paie.
M. [W] sera en conséquence débouté de sa demande en paiement au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
sur le licenciement de M. [W]’:
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.
Selon la lettre de licenciement adressée à M. [W] le 6 février 2017, il est reproché à ce dernier par son employeur des manipulations frauduleuses de son disque chronotachygraphe dans le but d’augmenter sa rémunération et des faits de conduite inadaptée à deux reprises, en décembre 2016, contraignant ses collègues de travail, qui conduisaient des autocars, à entreprendre des man’uvres de leurs véhicules.
Il ressort de l’analyse par la SARL St Cyr Tourisme des plannings de M. [W], de sa carte conducteur ainsi que de celle d’autres collègues de travail que, pour le même service, M. [W] a régulièrement déclaré des durées de travail supérieures à celles des autres salariés réalisant le même trajet, démontrant ainsi la manipulation frauduleuse par M. [W] de son disque chronotachygraphe dans le but de majorer son salaire.
L’attestation de Mme [K], relative à un incident survenu entre M. [W] et un autre chauffeur, soit M. [R], se borne à relater des propos que ce dernier aurait racontés sans témoigner de faits auxquels elle aurait personnellement assisté. Dès lors, elle s’avère dépourvue de toute force probante.
En revanche, il ressort des témoignages précis et détaillés de M. [G], chauffeur de l’entreprise, que, au cours du mois de décembre 2016, alors qu’il conduisait un autocar dans le cadre de sa tournée scolaire, M. [W] est arrivée en sens inverse et avait volontairement fait un écart sur la gauche l’obligeant à se déporter en urgence sur sa droite pour éviter un choc frontal.
Il est en conséquence établi que, à plusieurs reprises, M. [W] a manipulé frauduleusement son disque chronotachygraphe dans le but de majorer sa rémunération et qu’il a volontairement adopté une conduite dangereuse, contraignant un collègue de travail a adopté une man’uvre d’urgence pour éviter une collision. Ces faits, qui portent sur les liens de confiance pouvant exister entre l’entreprise et son chauffeur ainsi que le respect par ce dernier des règles relatives à la conduite des véhicules sont d’une telle importance qu’il rendait impossible le maintien de M. [W] dans l’entreprise et justifiait en conséquence son licenciement pour faute grave. Le jugement déféré, qui a débouté M. [W] de sa contestation à l’égard de son licenciement, sera confirmé.
sur le surplus des demandes’:
Enfin M. [W], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à la SARL St Cyr Tourisme la somme de 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS’;
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;
DECLARE M. [W] recevable en son appel’;
DECLARE M. [W] irrecevable en sa demande en rappel de salaire et congés payés afférents pour l’année 2012′;
DECLARE M. [W] irrecevable en sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et en sa demande en rappel de salaires et congés payés afférents connexe’;
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 12 novembre 2018′;
DEBOUTE M. [W] de ses demandes’;
CONDAMNE M. [W] à payer à la SARL St Cyr Tourisme la somme de 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE M. [W] aux dépens.
Le Greffier Le Président