Chauffeur de Car : 26 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15142

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Chauffeur de Car : 26 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15142
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2024

N° 2024/ 22

RG 19/15142

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6F6

[S] [O]

C/

SAS COLOR GROUP EXPERIENCE

Copie exécutoire délivrée

le 26 Janvier 2024 à :

– Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V145

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02466.

APPELANT

Monsieur [S] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS COLOR GROUP EXPERIENCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Karen NABITZ, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d’une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 26 Janvier 2024.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2024

Signé par Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [O] était engagé, selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2003 par la société Marseillaise de Tourisme devenue la société Color Group Expérience, en qualité de conducteur receveur, groupe 9 coefficient 140V.

La convention collective nationale applicable était celle des transports routiers de voyageurs.

Selon avenant du 1er avril 2008, le salarié accédait au poste conducteur receveur groupe 10 coefficient 150V, avec une rémunération mensuelle brute de 1 213,36 € outre les primes et indemnités en vigueur.

M. [S] [O] saisissait le 28 novembre 2012 le conseil de prud’hommes de Marseille en rappel de salaire, d’indemnité de congés payés, d’heures supplémentaires, de travail dissimulé et d’exécution fautive du contrat.

Le salarié était en arrêt du travail à compter du 20 mai 2013 et adressait à son employeur le 2 avril 2015 son titre de pension d’invalidité 2ème catégorie délivré par la sécurité sociale.

Le 5 mai 2015 à l’issue de la deuxième visite de reprise, il était déclaré «inapte à la conduite d’un véhicule de transport en commun – pourrait être apte à travail sédentaire (type travail de bureau)».

M. [S] [O] était convoqué le 22 mai 2015 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 5 juin 2015. Il était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 10 juin 2015.

Par jugement du 10 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :

« Déboute Monsieur [S] [O] de 1’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Déboute la SAS Color Group Expérience de sa demande reconventionnelle.

Condamne Monsieur [S] [O] aux entiers dépens ».

Par acte du 30 septembre 2019, le conseil du salarié a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 20 décembre 2019, M. [S] [O] demande à la cour de :

«Réformer le jugement déféré

et statuant à nouveau de

Dire et Juger l’action et l’instance, recevable et non prescrite

Dire et Juger le licenciement irrégulier et nul ou, à tout le moins, sans cause réelle ni sérieuse

Constater la violation répétée des obligations contractuelles et conventionnelles de la Société Marseillaise de Tourisme

Constater l’exécution fautive et de mauvaise foi du contrat de travail constitutif d’actes de harcèlement moral de la Société Marseillaise de Tourisme

Et, par conséquent

Condamner la SAS Color Group Expérience à verser au salarié les sommes ci-après :

Rappel de congés payés 2236.71 €

Valorisation congés payés 110. 95 €

Rappel indemnité de congés payés 1976.17 €

(Règle du 4/30 ième CCN)

Valorisation congés payés 69. 49 €

Rappel de salaire (bonification de points CCN) 3035.08 €

Incidence congés payés y afférent 303.50 €

Rappel d’heures supplémentaires 433. 76 €

Incidence congés payés y afférent 43. 00 €

Prime de 13e mois 271.06 €

Valorisation congés payés y afférent 112.02 €

Indemnités de repas 388.44 €

Incidence congés payés y afférent 38.84 €

Maintien de salaire Maladie

Du 20.05.2013 au 11.08.2013 263.28 €

Incidence congés payés y afférent 26.32 €

Travail dissimulé 10 662.00 €

Exécution fautive et de mauvaise foi du contrat de travail

Constitutifs d’actes de harcèlement moral 10 000.00 €

Remboursement frais de comptabilité 1 556.00 €

DI licenciement nul

Ou à tout le moins, sans cause réelle ni sérieuse 85 000.00 €

DI irrégularité de la procédure de licenciement 2 377.00 €

Préavis 2 mois 4 754.00 €

Incidence congés payés 475.00 €

Condamner l’employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l’astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l’introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Article 700 du CPC distraits au profit de MB Avocat 2 500.00 €

Condamner l’employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s’élève à la somme totale de 2 377.55 € ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 18 mars 2020, la société Color Group Expérience demande à la cour de :

« Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Marseille le 10 septembre 2019 en ce qu’il a :

Débouté Monsieur [S] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Condamné Monsieur [S] [O] aux entiers dépens

Déclarer Monsieur [S] [O] irrecevable dans ses demandes en nullité, irrégularité et à défaut sans cause réelle et sérieuse du licenciement notifié le 10 juin 2015 car entachées de prescription

Constater la mauvaise foi de Monsieur [S] [O] et l’absence de harcèlement moral

Dire et juger que Monsieur [S] [O] ne rapporte pas la preuve des différentes demandes en rappel de salaire formulées

Dire et juger que la Société n’a violé aucune de ses obligations contractuelles et conventionnelles,

Dire et juger que la Société a respecté son obligation de reclassement,

Dire et juger que la moyenne des salaires est de 1777,58 € bruts et non de 2377,55 € bruts

Débouter Monsieur [S] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement,

Dire et juger que Monsieur [S] [O] ne justifie pas d’un préjudice

Limiter l’indemnisation de l’appelant à l’euro symbolique à défaut de justification de son préjudice

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [O] à verser à la Société Color Group Expérience une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Condamner Monsieur [O] aux entiers dépens».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rejet de la piècen°4 :

La société demande que la pièce adverse n° 4 intitulée ‘planning’soit écartée des débats au motif qu’aucun planning à proprement parler n’a été régulièrement communiqué par l’appelant.

Or, la société indique dans ses conclusions que cette pièce correspond désormais à la pièce 8-4 relative au relevé Dis Transics qu’elle a elle-même produit à la suite de la demande des conseillers rapporteurs.

Dès lors, la demande est sans objet et doit être rejetée.

I) Sur l’exécution du contrat de travail

A) Sur la violation des obligations contractuelles et conventionnelles

a) Sur le rappel de congés payés de juin 2007 à janvier 2012 :

Le salarié soutient que l’employeur doit nécessairement appliquer la solution la plus avantageuse selon le principe de faveur ce qu’il n’a pas fait ayant appliqué la règle du maintien de salaire.

La société fait valoir qu’elle a bien rétribué le salarié à chaque période de prise de congés et que le salarié n’apporte aucun détail de son calcul si ce n’est un tableau illisible et inexploitable, sans préciser de quelle année il s’agit.

En application de l’article L.3141-3 du code du travail, le salarié a droit à 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif accompli au cours de la période de référence. La durée totale du congé exigible ne peut excéder 30 jours ouvrables.

Les dispositions de l’article L. 3141- 24 du code du travail édictent que le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au 10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

La règle de calcul de l’indemnité de congés payés prévoit deux formules soit le 10e de la rémunération totale perçue au cours de la période de référence (formule dite du 10e), soit la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait travaillé (formule dite du maintien de salaire).

Chaque salarié doit bénéficier de l’application de la formule qui lui est la plus avantageuse et l’employeur doit procéder à une comparaison entre le salaire moyen et le salaire dit théorique afin d’appliquer à chaque salarié la méthode de calcul la plus favorable, cette disposition étant d’ordre public.

La convention collective des transports routiers de voyageurs prévoit que la période de référence s’étend à compter du 1er juin N au 31 mai N+1.

A l’appui de sa demande, le salarié verse un rapport Méditec Provence pour la période d’octobre 2012 à mai 2014 (pièce appelant 21) mais ce document ne peut être retenu car il ne concerne pas la période sollicitée. Il verse également un décompte dont il n’est pas explicité le calcul (pièce appelant 16).

L’employeur pour sa part n’a produit aucun mode de calcul, ni de comparaison.

Il s’avère que l’employeur a calculé les congés payés du salarié selon la formule du maintien de salaire et lui a versé au vu de ses bulletins de salaire pour la période de juin 2007 à mai 2012 :

– 611,62 € en août 2007

– 1247,70 € en janvier 2008

– 461,58 € en août 2008

– 1307,82 € en septembre 2008

– 233,03 € en novembre 2008

– 1 553,55 € en janvier 2009

– 791,59 € en décembre 2009

– 1424,87 € en janvier 2010

– 162,29 € en août 2010

– 973,73 € en octobre 2010

– 1 704,03 € en janvier 2011

– 1 248,43 en août 2011

– 83,20 € en octobre 2011

– 748,82 € en novembre 2011

– 965,84 €+297,18 € en janvier 2012

soit la somme totale de 13 815,28 €

Le montant annuel des salaires bruts sur la période concernée de juin 2007 à mai 2012 s’élève à 140.645,37 € et le 10e de cette sommes représente la somme 14 064,53 €.

La différence entre la formule du 10ème de la rémunération (14 064,53 €) et la formule du maintien de salaire (13 815,28 € ) s’élève ainsi à la somme de 249,25 € et la société est redevable de ce montant.

En conséquence, par voie d’infirmation, la cour condamne la société au paiement de cette somme.

b) Sur l’indemnité égale à 4/30 de l’indemnité de congés payés

Le salarié indique que l’indemnité 4/30 de congés payés pour la période de juin 2007 à mai 2012 n’a jamais été versée, ni portée sur les bulletins de salaire alors que la Cour de cassation précise que la condition d’ancienneté suffit à en bénéficier.

La société soutient que le salarié ne démontre pas qu’il aurait été institué au sein de la société un allongement de la période des congés et que les deux conditions sont cumulatives.

La convention collective prévoit en son article 20 – 4 de l’annexe I une indemnité spéciale« pour compenser le travail des dimanches et des jours fériés et l’allongement de la période des congés payés de ce personnel, sous réserve d’un an de présence continue dans l’entreprise au 31 mai. Cette indemnité, payable dans les mêmes conditions que l’indemnité de congé annuel, est égale au 4/30ème du montant de cette dernière».

Dès lors que le versement de la prime n’est pas subordonné à la réalisation effective des sujétions visées et dans la mesure où cette dernière ne figure pas sur les bulletins de salaire, le droit pour le salarié a percevoir cette prime est avéré.

L’indemnité des 4/30 s’élève à la somme de 1 875,27 € compte tenu des éléments retenus ci- dessus sur la période considérée (14 064,53 € x 4/30).

Toutefois cette prime a un caractère annuel et l’accord du 18 avril 2002 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans les entreprises de transport routier de voyageurs annexé à la convention collective précise que « toutes les primes à caractère annuel, y compris les 4/30eme, versées dans les entreprises à la date d’entrée en application de l’accord, s’imputent sur ce treizième mois ».

La cour retient que la société a versé un 13ème mois chaque mois et le montant total sur la période considérée s’élève à la sommede 10 780,16 €. Au vu des bulletins de salaire produits l’indemnité de 4/30 d’un montant de 1 875,27 € n’a jamais été imputée alors qu’elle aurait dû l’être.

Il s’ensuit qu’en application des dispositions précitées, la cour dit que la société n’est redevable d’aucun montant à ce titre.

En conséquence, la cour par voie de confirmation déboute le salarié de sa demande.

c) Sur la bonifications des salaires et congés payés y afférents

Le salarié réclame dans son dispositif de ses conclusions un rappel pour bonification de salaires à hauteur de 3035,08 € et les congés payés y afférents mais ne développe pas sa demande, ni ne donne d’élément pour justifier ses prétentions.

La société n’a pas conclu sur ce point.

La cour ne peut que débouter le salarié de ce chef de demande

d) Sur la bonification relative à l’indemnité de langue étrangère

Le salarié demande une indemnité journalière égale à 2,5 % du salaire minimum hebdomadaire sans ancienneté et soutient qu’il était dans l’obligation d’utiliser une langue étrangère à la demande de son employeur, compte tenu de la nature de son activité.

La société soutient que le salarié ne rapporte pas le moindre commencement de preuve de ce qu’il pratiquait une langue étrangère dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, que les visites touristiques étaient commentées en différentes langues préenregistrées via des écouteurs individuels.

Les dispositions conventionnelles prévoient que « si en cas d’absence de courrier ou de guide et sur ordre de son employeur, un conducteur de car de tourisme utilise une langue étrangère qui parle couramment il a droit, en sus de son salaire garanti de son emploi et pour chaque journée ou une fraction de journée d’utilisation, à une indemnité complémentaire calculée à raison de 2,5 % du salaire minimal professionnel national hebdomadaire, sans ancienneté, d’un conducteur receveur de car ».

Le salarié produit un lexique de phrases usuelles mis à sa disposition par la société et une fiche de recrutement conducteur (pièce appelante 5 et 8).

Le lexique précise cependant que les commentaires des visites sont enregistrés en anglais, français, espagnol, japonais, russe, italien, allemand et mandarin et ne peut donc établir utilement l’utilisation d’une langue étrangère par le salarié sur ordre de la société tout comme la fiche de recrutement qui demande de ‘parler succinctement l’anglais’.

Il s’avère par ailleurs que les bus disposaient d’un système audio et la ‘Charte Qualité’ à la rubrique ‘disponibilité’ rappelle au conducteur la nécessité d’expliquer le mode d’emploi des écouteurs aux clients (pièce appelant 6).

Dès lors, la cour, par voie de confirmation déboute le salarié de sa demande.

e) Sur la prime de 13ème mois

Le salarié revendique un rappel de prime du 13e mois sur les années 2007 à 2011 ainsi que les congés payés y afférents. Il explique que l’employeur n’ayant jamais versé l’indemnité de 4/30, cela a nécessairement entraîné le versement d’une prime dont le montant n’est pas conforme à celui auquel il pouvait prétendre.

La société soutient que le cabinet Eurogestion a manifestement fait une erreur sur le calcul du 13e mois et que le salarié n’explicite aucunement le montant de sa demande.

Les dispositions conventionnelles et l’accord du 18 avril 2002 prévoient que ‘les salariés ayant au moins un an d’ancienneté au 31 décembre de chaque année ont droit à un treizième mois conventionnel. Le 13e mois s’entend sur la base de 35 heures de travail hebdomadaire dans le cadre activité à temps complet et prorata temporis dans les autres cas. Le taux horaire pris en compte est celui du mois de novembre de l’année considérée (…) toutes les primes à caractère annuel, y compris les 4/30ème, versées dans les entreprises à la date d’entrée en application de l’accord, s’imputent sur ce treizième mois ».

La cour retient que les calculs du cabinet Meditech ne concernent pas la période envisagée et que les bulletins de salaire produits attestent que la société a versé le 13e mois conventionnel en décembre de chaque année sur la période considérée, sur la base du taux horaire du mois de novembre de l’année considérée (pièce intimée 9).

Contrairement à ce qui est allégué par l’appelant, si la prime 4/30ème avait été versée, le montant de la prime de 13e mois aurait été diminué d’autant et ne pouvait donner lieu à rappel.

La cour, par voie de confirmation, déboute le salarié de ce chef de demande.

f) Sur l’indemnité de repas

Le salarié soutient que l’indemnité spécifique de repas applicable aux entreprises de transport routier de voyageurs n’est pas conforme aux dispositions conventionnelles, pour la période de juin 2007 à novembre 2012 et réclame la somme de 388,44 €.

La société fait valoir que le salarié n’apporte aucune nouvelle explication en cause d’appel alors qu’il a perçu une somme de 6,92 € au titre de l’indemnité repas au vu de ses bulletins de paie.

Les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers prévoient en son article 3 « Le personnel ouvrier qui se trouve, en raison d’un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail, perçoit pour chacun des repas une indemnité de repas dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole.

Est réputé obligé de prendre son repas hors du lieu de travail le personnel qui effectue un service dont l’amplitude couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11 h 45 et 14 h 15, soit entre 18 h 45 et 21 h 15 ».

L’avenant n°51 du 13 juillet 2016 relatif aux frais de déplacement des ouvriers (annexe I) de la convention collective nationale des transports routiers indique au titre de l’indemnité de repas unique la somme de 7 euros en vertu de l’article 8-1 alinéa 1.

En l’espèce, au vu des bulletins de salaire pour la période de juin 2007 à novembre 2012,compte tenu des jours ou le salarié a bénéficié de l’indemnité repas, ce dernier a perçu la somme de 6.92 € au titre de l’indemnité repas au lieu de la somme de 7 €, de sorte que par voie d’infirmation il y a lieu de condamner la société à lui payer la différence sur les jours concernés, soit la somme de 63,36 €.

La cour infirme la décision en ce sens.

h) Sur la demande de maintien de salaire pendant la maladie

Le salarié réclame dans le dispositif de ses conclusions un maintien de salaire pour maladie du 20 mai 2013’au 11 août 2013 et les congés payés y afférents mais ne développe pas sa demande, ni ne donne d’éléments pour justifier ses prétentions.

La société fait valoir que le salarié s’est absenté pour cause de maladie du 16 mai au 4 juillet 2012 et s’est vu délivrer un nouvel arrêt de travail à compter du 20 mai 2013, soit deux périodes distinctes d’arrêt maladie sur deux années distinctes.

Les dispositions conventionnelles prévoient un délai de franchise de cinq jours avant de percevoir un complément de rémunération pour ‘chaque arrêt maladie constaté’, conformément aux dispositions du paragraphe de l’article 17 bis de l’accord du 27 février 1951.

Le délai de franchise de cinq jours lors de l’arrêt de travail du 20 mai 2013 doit s’appliquer dès lors que le précédent arrêt maladie du salarié avait pris fin le 4 juillet 2012.

La cour par voie de confirmation déboute le salarié de ce chef de demande.

i) Sur les heures supplémentaires

1) Sur le cadre du décompte du temps de travail

Le salarié reproche à la société de n’avoir pas appliqué les dispositions conventionnelles relatives à la durée du travail au sein de l’entreprise. Il soutient qu’il y a eu modification unilatérale de son contrat de travail par l’employeur qui a modifié la méthode de décompte des heures supplémentaires.

Il explique que les heures supplémentaires ont été prises en compte sur une période de 14 jours, au lieu de la semaine et que l’employeur reconnaît au travers de son courrier du 11 juillet 2012, l’existence d’une pratique antérieure applicable à l’ensemble du personnel depuis plusieurs années qui constitue à tout le moins un engagement unilatéral de l’employeur.

Il estime que ce dernier ne saurait contester sérieusement l’existence d’importantes heures supplémentaires au regard des nombreuses fonctions exercées.

La société soutient qu’elle n’a fait qu’appliquer les règles légales et conventionnelles en vigueur puisqu’il est permis à l’employeur de procéder à un décompte du temps de travail effectif à la quatorzaine en vertu de l’article 17 de l’annexe de la convention collective applicable et que cela ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Elle indique que les heures qui ne sont pas dans le cadre du temps de travail effectif notamment les pauses prévues au planning qui était rémunérées ne doivent pas entraîner une majoration de 25 %;

Elle précise que le cabinet comptable Meditech mandaté par le salarié a eu la même appréciation dans son rapport.

L’article 4 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 pris sur la base de l’accord du 18 avril 2002 relative à l’ARTT prévoit :

« II. – Pour le personnel roulant, sans préjudice des dispositions de l’article L. 212-8 du code du travail, la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos. La durée hebdomadaire de travail des intéressés est considérée comme étant le résultat de la division par deux du nombre d’heures accomplies pendant les deux semaines.

Sous réserve que soit respectée pour chacune de ces deux semaines consécutives la durée maximale pouvant être accomplie au cours d’une même semaine fixée à l’article L. 212-7 du code du travail, il peut être effectué, au cours de l’une ou de l’autre semaine, des heures de travail en nombre inégal ».

Les dispositions relatives à l’accord du 18 avril 2002 relatif à l’ARTT définissent ainsi les modalités du temps de travail effectif :

– article 4 : le temps de travail effectif des conducteurs comprend les temps de conduite (art 4.1) les temps de travaux annexes (art. 4.2 : temps de prise et de fin de service consacré à la mise en place du disque, à réparation du véhicule à la feuille de route au nettoyage du véhicule à l’entretien mécanique et à la remise de la recette), les temps à disposition (art.4.3 : présence, attente ou disponibilité passée au lieu de travail ou dans le véhicule) et le cas particulier du double équipage (art 4.4 : temps non consacré à la conduite par le conducteur pendant la marche du véhicule et rémunéré pour 100% de sa durée dont 50 % pris en compte au titre du temps de travail effectif).

– article 5 : les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accompli à la demande de l’employeur au-delà de la durée légale de travail. L’exécution d’heures supplémentaires qui est justifiée par les contraintes de service est prise en compte par l’entreprise.

Les heures supplémentaires sont décomptées selon le dispositif mis en oeuvre au sein de l’entreprise :

– soit à la semaine ;

– soit à la quatorzaine ;

-soit sur toute autre période dans le cadre de la modulation, dans le respect des dispositions de l’article 14.6 du présent accord.

– article7.2 : les temps non considérés dans les paragraphes 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 dans l’amplitude de la journée de travail constitue des coupures qui n’entrent pas dans le décompte du temps de travail effectif.

– article 12 : compte tenu des spécificités de l’activité, l’entreprise peut procéder à une réduction du temps de travail dans le cadre de la quatorzaine: la durée normale du travail effectif est de 70 heures (…).

Il résulte de l’ensemble de ses dispositions que le décompte des heures supplémentaires à la quatorzaine est possible, et la société est fondée à appliquer un décompte du temps de travail et des heures supplémentaires à la quatorzaine sans qu’il puisse lui être opposé une modification du contrat de travail ou un usage antérieur.

2) sur le décompte des heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement, à charge pour ce dernier de justifier les heures de travail effectivement réalisées.

Le salarié produit les éléments suivants :

– le courrier du 14 février 2012 adressé à la directrice d’exploitation de la société réclamant le paiement d’heures supplémentaires pour le mois de janvier 2012 et qui indique « au cours de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 janvier 2012, j’ai travaillé conforme au planning affiché le 29 décembre 2011, et après la demande de coupure de congés payés le 17 18 janvier travaux auprès de nos bus : 45,33 heures de plus que ne le prévoit l’accord collectif.

(13 jours CP x 7 heures = 91 heures ) 91 CP + 106 heures travaillées= 197 heures

197 – 151,67 = 45,33 entendu heures supplémentaires.

Je vous rappelle que selon le code du travail vous devez me rémunérer ces heures et y ajouter une majoration de 25 % pour les huit premières heures et 50 % pour les suivantes(…) » (Pièce 9)

– un relevé indiquant « heures supplémentaires à compter de janvier 2012: sans que soit noté le nombre d’heures sollicitées (pièce 16)

– une note d’honoraire pour recalcul des droits pour prud’hommes (pièce 17)

– un tableau de marche conducteur (25)

– les bulletins de salaire et en particulier le bulletin de salaire du mois de janvier 2012 qui indique le règlement de 65 heures de congés payés sur la base de 11,43 € l’heure et le bulletin du mois de février 2012 qui indique une régularisation de 47,58 heures à 11,43 € (pièce 3)

Les éléments apportés par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La société fait valoir que le salarié comptabilise des congés payés qui ne sauraient être pris en compte pour déclencher les heures supplémentaires, que le décompte du temps de travail effectif a bien été effectué à partir de janvier 2012 par quatorzaine et que les heures supplémentaires sont déclenchées à partir de 70 heures sur 14 jours.

Elle souligne qu’elle a toujours pris en compte l’intégralité des phases inhérentes à l’activité du conducteur et que l’édition de l’activité détaillée des journées considérées du salarié ne peut entraîner de rappel au titre des heures supplémentaires.

La société produit notamment les pièces suivantes :

– le courrier en réponse de la société du 2012 indiquant « un nouveau bulletin va être calculé sur la base des les éléments suivants :

– période de congés payés du 10 janvier 2012 au 16 janvier 2012 et du 19 janvier au 26 janvier 2012, soit 13 jours (…) 13 jours comptabilisés à hauteur de 7 heures par jour soit 91 rémunérées au titre des congés payés légaux. Ces heures ne peuvent en aucun cas être considérées comme des heures supplémentaires mais peuvent le cas échéant ouvrir droit à un paiement d’heures complémentaires au taux horaire brut porté au contrat de travail revu au mois de janvier,

– 8 journées travaillées en service sur la ligne régulière [Localité 3] le Grand Tour ces journées se décomposent comme suit : 10 h d’amplitude pour 8h45 de travail effectif et 1h15 de pause rémunérée à 100 % par l’employeur. Ainsi pour la période qui nous intéresse, 70 h de travail effectif qui ne peuvent le cas échéant ouvrir droit à un paiement d’heures supplémentaires au taux horaire brut porté au contrat de travail majoré de 25 % ou 50 % selon le barème en vigueur et 10 h de temps de pause ou coupure rémunérée qui est le cas échéant ouvrir droit des heures complémentaires

– 26 heures de travail hors planning réparti sur cinq jours non consécutifs. Ces heures seront comptabilisées intégralement en temps de travail effectif (…) » (pièce 4)

-tableau des temps de travail effectif selon rapport Dis Transics et temps de marche conducteur(pièce 8-1)

– les rapports d’activité DIS Transics et les disques chronotachygraphes du 1er janvier 2012 au 30 mai 2015 (pièce 8-2)

– tableau des temps de marche conducteur réalisés par le conducteur correspondant au planning (pièce 8-3)

– planning et détaille des temps par quatorzaine sur l’année 2012 et 2013 comprenant les reports TMC et Taki pour l’établissement de la paix (pièce 8-4, 8-5)

– détail des journées de travail en déplacement du salarié (pièce 8-6)

– rapport de l’expert-comptable du cabinet Meditech Provence qui indique que « le mode de calcul des heures supplémentaires et à notre sens conforme à la convention collective (…) De plus seules les heures de travail effectif sont prises en compte pour évaluer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, il ne faut donc pas tenir compte des heures de coupure, des heures de pause rémunérées ou des absences rémunérées telles que des congés payés, jours fériés etc., ce sont des heures qui doivent être payées en plus du salaire de base mais non considérées comme heures supplémentaires c’est la raison pour laquelle certaines heures sont payées à taux normal et non à taux majoré » (pièce appelant 21 ).

Il est constaté que dans ses conclusions, le salarié n’a pas précisé la période considérée au titre des heures supplémentaires réclamées mais se réfère à son courrier du 14 février 2012 qui concerne des heures supplémentaires qui n’auraient pas été réglées pour le mois de janvier 2012.

Le rapport d’activité conducteur SMT qui précise les temps de départ, d’arrivée et de conduite ainsi que l’amplitude et les kilomètres parcourus indique, pour le mois de janvier 2012, que le salarié a travaillé 43,76 heures la première quatorzaine du 01/01/2012 au dimanche 08/01/2012 et 25,10 heures la seconde quatorzaine.

Le salarié a donc travaillé au total 68,86 heures sans dépasser les 70 heures réglementaires et n’a donc pas accompli des heures supplémentaires sur le mois de janvier 2012, les heures au titre des congés payés ne pouvant être prises en compte pour comptabiliser les heures supplémentaires.

La cour relève que le salarié aurait dû percevoir au titre des congés payés pour le mois de janvier 2012 la somme de 1 040,13 € pour 13 jours de congés payés, soit 91 heures x 11,43 €.

Il a perçu en janvier 2012 la somme de 742,95 € et la somme de 297,18 € en février 2012 soit au total 1.040,12 €, de sorte qu’il a été rempli de ses droits à ce titre.

La société lui a également réglé 47,58 heures improprement indiquées ‘complémentaires ‘au taux de 11,43€ à hauteur de 543,84 €.

Ces heures sont mentionnées sur les bulletins de salaire suivants comme ‘normales’.

Les bulletins de salaire qui ont suivi le mois de janvier 2012 mentionnent bien les heures supplémentaires réglées par la société pour le mois d’avril et mai et juin 2012 ainsi que les heures correspondant aux congés payés. A cet égard, le rapport de l’expert comptable missionné par le salarié n’a relevé aucune heure supplémentaire non rémunérée sur cette période.

Il y a lieu en outre d’observer au vu des pièces produites que la société respecte non seulement la répartition du temps de travail par quatorzaine mais également l’amplitude de travail de 10 heures ainsi que les temps annexes, les temps de conduite et de coupure afin comptabiliser le temps de travail effectif du salarié et les heures supplémentaires.

Dès lors, confrontant les éléments produits de part et d’autre, la cour a la conviction que le salarié n’a pas accompli d’heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées pour le mois de janvier 2012.

La cour confirme la décision déférée de ce chef.

j) Sur le travail dissimulé

Le salarié indique qu’en ne mentionnant pas sur les bulletins de salaire l’ensemble des éléments de rémunération et d’accessoires, l’employeur a volontairement dissimulé une activité salariale.

La société s’y oppose indiquant avoir mis en place des disques chonotachygraphes.

Selon l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire à l’obligation d’établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Le salarié n’établit pas l’existence d’heures supplémentaires non réglées.

En conséquence, par voie de confirmation, il doit être débouté de ce chef de demande.

B) Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Le salarié reproche à la société d’avoir dépassé le cadre normal de l’exercice de son pouvoir de direction et de contrôle en imposant une modification unilatérale du contrat de travail, des conditions de travail inacceptables et une méthode de management critiquable l’ayant contraint à suspendre l’exécution de son contrat de travail pour cause de maladie à compter du 20 mai 2013.

Il produit les seuls éléments suivants :

– les fiches médicales de reprise du 14 avril 2015 : « inapte à la conduite de véhicules de transport en commun » et du 5 mai 2015 «inapte à la conduite de véhicules de transport en commun pourrait être apte à un travail sédentaire type travail » (pièces 26 et 27)

La cour constate que le salarié ne peut se prévaloir de la modification de son contrat de travail et du calcul des heures supplémentaires dans la mesure où la société n’a pas contrevenu aux dispositions conventionnelles et a appliqué celles ci à l’ensemble du personnel de la société.

Il n’est donné aucun exemple, ni relaté ou établi aucune situation de fait et aucun élément n’est produit concernant les conditions de travail inacceptables et la méthode de management dénoncée.

Les fiches médicales ne font état que de l’inaptitude du salarié à reprendre son poste de travail et aucun lien ne peut être fait entre l’état de santé et une situation de harcèlement moral suite à des agissements répétés susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et d’altérer sa santé physique.

En conséquence, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas rapportée, de sorte que le salarié doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

C) Sur l’exécution déloyale

Cette obligation posée par l’article L.1222-1 du code du travail vise à permettre l’exécution du contrat dans les meilleures conditions possibles et impose aux parties, et non au seul employeur, d’adopter un comportement respectant les intérêts essentiels de l’autre partie et prohibe toute déloyauté vis-à-vis de celle-ci.

En l’état des éléments ci-dessus, le salarié échoue à démontrer l’existence d’une violation caractérisée des dispositions conventionnelles et contractuelles et d’un harcèlement moral. En outre, il ne justifie d’aucun préjudice.

Le salarié doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

II) Sur le licenciement

– Sur la recevabilité de la contestation

La société soutient que la demande relative au licenciement est irrecevable car nouvelle, la saisine du mois de novembre 2012 ayant seulement trait à l’exécution du contrat de travail, de sorte que le salarié aurait dû procéder à une nouvelle saisine de la juridiction dans les délais impartis qui avait commencé à courir à compter du 10 juin 2015.

Le salarié fait valoir que les conclusions déposées le 19 juin 2017 n’ouvrent pas une nouvelle instance, ni une nouvelle action mais s’inscrivent dans l’instance et l’action diligentée depuis le 28 novembre 2012 alors que les nouvelles dispositions supprimant le principe d’unicité d’instance et d’action n’étaient applicables qu’aux instances introduites à compter du 1er août 2016.

La règle de l’unicité de l’instance découlant de l’article R.1452-6, alinéa 1 du code du travail aujourd’hui abrogé par décret nº2016-660 du 20 mai 2016 prévoit :

«Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance à moins que le fondement des prétentions soit né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes».

En l’espèce, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes le 28 novembre 2012 puis a été licencié pour inaptitude le 10 juin 2015. Il a contesté pour la première fois la rupture de son contrat de travail par conclusions datées du 19 juin 2017, dans le cadre de l’instance pendante et avant que le conseil des prud’hommes ne statue le 10 septembre 2019.

Dès lors, la demande découlant du même contrat de travail ne constitue pas une demande nouvelle et la demande doit être déclarée recevable.

– Sur la prescription de l’action

La société fait valoir que le point de départ du délai de prescription a commencé à courir sous l’égide de la loi du 14 juin 2013 ramenant la prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail de cinq ans à deux ans et que l’article 21V ne peut recevoir application.

Le salarié soutient qu’il disposait d’un délai de prescription de 5 années à compter du mois de juin 2015 puisque l’action a été diligentée le 28 novembre 2012 et répondait aux dispositions issues de la loi du 17 juin 2008, ayant sollicité à titre principal la nullité de son licenciement pour harcèlement moral.

La demande de nullité sur le fondement du harcèlement moral qui relève de la prescription quinquenale est recevable.

Toutefois, le harcèlement moral n’ayant pas été retenu, la demande en nullité sur ce fondement ne peut utilement prospérer et le salarié doit être débouté de ce chef.

S’agissant de la demande sollicitée à titre subsidiaire de licenciement pour cause réelle et sérieuse, l’article L.1471.1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi nº2013-504 du 14 juin 2013 dans sa version applicable au litige dispose que « Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Il est constant que le salarié n’a saisi le conseil des prud’hommes de sa demande portant sur la rupture du contrat de travail que le 17 juin 2017, de sorte que sa demande est prescrite.

La cour confirme la décision déférée de ce chef

– Sur les autres demandes

Il n’y a pas lieu à remise de documents rectifiés mais seulement à la délivrance d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt sans nécessité d’une astreinte laquelle n’est pas justifiée.

La société Color Group Expérience qui succombe partiellement doit s’acquitter des dépens,

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter la demande de faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s’agissant de la demande de rappel de congés payés et d’indemnité repas et des dépens;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Déclare recevable la demande sur le licenciement ;

Dit non prescrite la demande de nullité sur le fondement du harcèlement moral et déboute M. [S] [O] de ce chef ;

Déclare prescrite la demande portant sur le le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Color Group Expérience à payer à M. [S] [O] la somme suivante de :

– 249,25 € au titre de rappel de congés payés sur la période de juin 2007 à mai 2012

– 63,36 € au titre du reliquat d’indemnité repas

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2012, jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société Color Group Expérience de remettre à M. [S] [O] un bulletin de salaire récapitulatifl conforme au présent arrêt ;

Rejette la demande d’astreinte ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Color Group Expérience aux dépens d’appel.

LE GREFFIER Pour Mme MARTIN empéchée,

Mme MARTI en ayant délibéré

 


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