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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 24 MAI 2022 à
la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES
la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS
FCG
ARRÊT du : 24 MAI 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 19/03871 – N° Portalis DBVN-V-B7D-GCKR
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 15 Novembre 2019 – Section : COMMERCE
APPELANT :
Monsieur [A] [F]
né le 24 Mars 1961 à CHAUDRON EN MAUGES (49110)
7 Chemin du Bas Plessis
49610 SOULAINES SUR AUBANCE
représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
S.A.R.L. TOURAINE EXCURSIONS prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
33 Rue Joseph CUGNOT
37300 JOUE LES TOURS
représentée par Me Marie-Sophie ETIENNE LUCAS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS,
Ordonnance de clôture : 8 mars 2022 à 9h00
Audience publique du 08 Mars 2022 à 9h30 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 24 Mai 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée déterminée, et pour un temps partiel de 120 heures par mois, la SARL Touraine excursions a engagé M. [A] [F] du 3 septembre 2012 au 2 septembre 2013 en qualité de conducteur d’autocars, en application de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé du 28 août 2013 à effet du 1er septembre 2013, M. [A] [F] a été engagé en qualité de conducteur d’autocar en application de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, pour une durée mensuelle de 129,90 heures et une rémunération horaire de 10,30 euros brut.
Selon les mentions des bulletins de salaire délivrés à compter du 1er août 2015, M. [A] [F] occupait un emploi d’agent administratif à temps plein.
Par avenant du 22 décembre 2015, il a été convenu entre les parties qu’à compter du 1er janvier 2016, les horaires de travail de M. [A] [F] seraient répartis de la façon suivante : lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, de 8 heures à 12 heures et de 15 heures à 18 heures.
Par courrier du 2 août 2017, la SARL Touraine excursions a notifié à M. [A] [F] un avertissement au motif d’une erreur de transcription d’une commande sur le planning et d’une absence injustifiée.
Par courrier du 7 août 2017, la SARL Touraine excursions a notifié à M. [A] [F] un second avertissement pour avoir outrepassé ses droits, en ouvrant un courrier qui ne lui était pas adressé, en convoquant le conducteur ayant commis une infraction pour l’en informer et en lui demandant de régler cet avis de contravention, en omettant volontairement de révéler l’auteur de l’infraction.
M. [A] [F] a été en arrêt de travail pour maladie du 11 août au 29 septembre 2017.
Le 13 octobre 2017, la SARL Touraine excursions a adressé à M. [A] [F] un courrier l’informant qu’il ne lui était plus possible de le garder à son poste compte tenu des « multiples manquements et erreurs » dans l’exercice de son activité au service administratif exploitation et que, pour répondre à ses desiderata, elle lui proposait de modifier son contrat de travail en le réaffectant à son ancien poste de chauffeur d’autocars. Elle lui a adressé un avenant en ce sens.
Le 17 octobre 2017, M. [A] [F] a adressé à son employeur un courrier avec copie à l’inspection du travail, se plaignant de ses conditions de reprise.
Le 9 novembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
M. [A] [F] a été licencié le 24 novembre 2017.
M. [A] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours, par requête en date du 29 mars 2018, aux fins de contester les avertissements qui lui avaient été notifiés ainsi que son licenciement, d’obtenir diverses sommes en conséquence ainsi que des rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, le paiement de primes, d’une indemnité pour travail dissimulé, le remboursement de frais professionnels, des dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Par jugement en date du 15 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Tours, section commerce a :
-Dit et jugé que le licenciement de M. [A] [F] par la SARL Touraine excursions est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-Condamné la SARL Touraine excursions à régler à M. [A] [F] [A] les sommes de :
9 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
32,46 euros brut à titre de rappel de salaires sur les 3 heures déduites en juillet 2017 ;
3,24 euros brut au titre des congés payés sur rappel des salaires,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Débouté M. [A] [F] du reste de ses demandes ;
-Débouté la SARL Touraine excursion de sa demande reconventionnelle et la condamne aux entiers dépens ;
-Ordonné à la SARL Touraine excursions un remboursement d’une indemnité équivalente à 30 jours d’indemnité chômage à Pôle Emploi ;
-Ordonné à la SARL Touraine excursions de consigner le montant de ladite condamnation au Pôle de gestion des consignations de Nantes dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, et de communiquer à M. [A] [F] la justification de cette consignation ;
-Ordonné le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;
-Précisé que ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;
-Dit que pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu’il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1, de l’Etat ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1 , dans des délais et selon des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire » ;
-Ordonné à la SARL Touraine excursions un remboursement d’une indemnité équivalente à 30 jours d’indemnité chômage à Pôle Emploi ;
-Ordonné à la SARL Touraine excursions la remise des documents suivants : un bulletin de salaire ; une attestation Pôle emploi ; et ce sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente décision ; se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
-Débouté la SARL Touraine excursions de ses demandes reconventionnelles ;
-Rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les créances salariales qui seront assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil, soit le 05 Avril 2018, et fixe à la somme brute de 1 641,07 euros la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l’article R 1454-28 du Code du travail ;
-Ordonné l’exécution provisoire de l’ensemble de la décision.
M. [A] [F] a interjeté appel de cette décision le 16 décembre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 23 juin 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [A] [F] demande à la cour de :
-Dire et juger sa demande recevable et bien fondée ;
-En conséquence,
-Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL Touraine excursions, à lui payer les sommes de :
32,46 euros à titre de rappel de salaires,
3,24 euros à titre de congés payés y afférents,
1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Dans l’hypothèse où la cour débouterait M. [A] [F] de sa demande au titre de la nullité du licenciement, confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit en son principe au licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf à réévaluer le quantum de cette demande et statuant à nouveau condamner à 16 000 euros de dommages et intérêts de ce chef ;
-Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a :
Jugé non fondée la demande de M. [A] [F] sur le rappel de salaire sur heures supplémentaires, en ce qu’il a débouté M. [A] [F] de sa demande de 2 618,17 euros de rappel de salaire sur heures supplémentaires y ajoutant 261,81 euros de congés payés afférents,
débouté M. [A] [F] de sa demande de 10 992 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
débouté M. [A] [F] de sa demande de 1 000 euros de dommages et intérêts pour nullité des avertissements des 2 et 7 août 2017,
débouté M. [A] [F] de sa demande de 119,90 euros de remboursement de frais professionnels,
débouté M. [A] [F] de sa demande de 360 euros de rappel de salaire sur astreinte y ajoutant 36 euros de congés payés afférents,
débouté M. [A] [F] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral et de sa demande de 5 000 euros de dommages-intérêts de ce chef,
débouté M. [A] [F] de sa demande de reconnaissance de la nullité du licenciement et de sa demande de 16 000 euros de dommages-intérêts de ce chef.
Statuant à nouveau,
-Condamner la SARL Touraine excursions, à lui payer les sommes de :
2 618,17 euros bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires (2015 à 2017)
-261,81 euros bruts à titre de congés payés afférents
-10 992 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
16 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse
5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral
1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité des avertissements des 2 et 7 août 2017
119,90 euros à titre de remboursement de frais professionnels
360 euros bruts à titre de rappel de salaire (prime d’astreinte octobre 2017/janvier 2018)
36 euros bruts à titre de congés payés afférents ;
-Condamner la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
-Ordonner que les intérêts majorés et capitalisés courent à compter de la saisine du Conseil des prud’hommes en application de l’article 1343-2 du code civil ;
-Condamner la SARL Touraine excursions, à lui remettre les bulletins de paie et attestation Pôle emploi rectifiés en application des dispositions qui précèdent dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par document et par jour de retard, que M. [A] [F] pourra faire liquider en sa faveur en saisissant à nouveau la présente juridiction.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 mai 2020 et communiquées à nouveau le 1er mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SARL Touraine excursions, relevant appel incident, demande à la cour de :
-Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes du 15 novembre 2019 en ses dispositions critiquées par la SARL Touraine excursions ;
-Débouter M. [A] [F] de l’ensemble de ses demandes et prétentions et condamner celui-ci à verser à la SARL Touraine excursions la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Donner acte à la SARL Touraine excursions de ce qu’elle s’est acquittée en cours de procédure de la somme de 142,80 euros au titre des frais de déplacement, la somme de 540 euros au titre du rappel de primes d’astreintes pour la période de janvier 2016 à juin 2016, et de la somme de 151,46 euros à titre de solde de congés-payés, et constater en conséquence que ces demandes sont devenues sans objet.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, temps d’intervention lors des astreintes et congés payés afférents
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (en ce sens, Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-16.959, FS, P + B).
Le fait que les heures supplémentaire n’aient pas été effectuées à la demande explicite de l’employeur n’est donc, contrairement à ce qu’invoque la SARL Touraine excursions, pas de nature à faire échec à la demande de M. [A] [F].
M. [A] [F] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires ainsi que des temps d’intervention lors des astreintes de 2015 à 2017, qui n’ont pas donné lieu à rémunération et au titre desquels il estime sa créance à 2 618,17 euros.
La SARL Touraine excursions s’oppose à la demande faisant valoir que le simple traceur GPS d’un téléphone dont la fiabilité est ignorée ne peut être regardé comme un élément de nature à établir la réalité des heures supplémentaires dont le salarié n’a jamais demandé le paiement. Elle ajoute que selon l’avenant du 30 juin 2015, le salarié percevait une prime mensuelle d’astreinte téléphonique d’un montant brut de 90 €, à charge pour lui de fournir un relevé précis du temps de travail effectué lors d’une astreinte afin que ce dernier soit pris en compte dans son temps de travail, ce qu’il n’a pas fait.
A l’appui de sa demande, M. [A] [F] produit le décompte du rappel d’heures supplémentaires qu’il affirme avoir réalisées ainsi que les relevés GPS de son téléphone de juin 2015 à octobre 2017, à partir desquels il a reconstitué ses horaires de travail. Il produit également le relevé des appels téléphoniques professionnels passés de son téléphone personnel sur lesquels figurent les noms des correspondants appelés, la date, le début et la fin de la conversation.
En ce qui concerne les astreintes, M. [A] [F] conteste avoir signé l’avenant lui imposant d’informer son employeur des heures effectuées dans le cadre de ses astreintes et ainsi d’avoir été informé de ce qu’il devait établir un rapport écrit. Il y a lieu de retenir, au des différents documents signés de M. [A] [F] versés aux débats, que la signature apposée sur l’original produit est bien la sienne. Il est cependant indifférent, pour retenir l’existence ou non d’un temps d’intervention non rémunéré lors d’une astreinte, qu’un rapport écrit ait ou non été établi. Il suffit au salarié de présenter des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. Le tableau produit qui serait le relevé des appels émis du téléphone personnel du salarié, peu importe qu’il n’émane pas d’un opérateur téléphonique, sur lequel figure une colonne ‘conducteur’ puis les colonnes des dates, début et fin d’appels téléphoniques, est suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
L’ensemble des éléments produits par le salarié est suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
La SARL Touraine excursions verse aux débats les fiches des relevés des heures accomplies, signés de M. [A] [F], pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016. Elle ne produit pas ces fiches pour les années 2015 et 2017.
M. [A] [F] reconnaît qu’il exerçait une activité d’auto entrepreneur de dépannage même s’il indique qu’il ne l’exerçait que le soir et le week-end.
La cour considère au vu des pièces versées aux débats tant par le salarié que par l’employeur que la créance salariale se rapportant aux heures supplémentaires que M. [A] [F] a effectuées au-delà de celles qui lui ont été payées, de 2015 à 2017, s’élève à 1 100 euros brut, outre 110 euros brut au titre des congés payés afférents. Par voie d’infirmation du jugement, il y a lieu de condamner l’employeur au paiement de ces sommes.
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Il ne résulte pas des éléments versés aux débats que la SARL Touraine excursions aurait sciemment entendu se soustraire à ses obligations déclaratives.
L’élément intentionnel n’étant pas caractérisé, M. [A] [F] est débouté de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande d’annulation des sanctions notifiées les 2 et 7 août 2017 et la demande de dommages-intérêts afférente
Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, un employeur peut sanctionner la faute imputable à un salarié, dès lors que celle-ci est établie dans sa matérialité et constitue une violation des obligations contractuelles ou des relations de travail.
En cas de litige, il appartient au juge de déterminer si la sanction appliquée est justifiée et proportionnée.
Par courrier du 8 février 2016, remis en main propre, la SARL Touraine excursions a notifié à M. [A] [F] un avertissement lui reprochant « les agissements signalés par Mme [E] [S], qui dénonce son comportement inacceptable à son encontre : ‘ harcèlement journalier, langage inacceptable’ mauvaise parole à caractère sexuel’ ».
M. [A] [F] conteste avoir reçu ce courrier et s’étonne de ce que l’employeur lui ait notifié cet avertissement par courrier remis en main propre alors que les deux autres avertissements l’ont été, par lettre recommandée avec accusé de réception. L’employeur produit le courrier de Mme [E] [S] se plaignant du comportement de M. [A] [F] et relatant les faits que la lettre d’avertissement reprend. Ainsi, l’allégation de M. [A] [F] selon laquelle son employeur n’aurait versé aux débats cette pièce que dans le but de chercher à le décrédibiliser n’est pas fondée.
Sur l’avertissement notifié le 2 août 2017 et la demande en paiement du salaire retenu
Le 2 août 2017, la SARL Touraine excursions a notifié à M. [A] [F] un avertissement pour une erreur de transcription d’une commande sur le planning, lui reprochant d’avoir inscrit le transfert d’un groupe le samedi 15 juillet au lieu du lundi 17 juillet 2017, alors que des manquements similaires s’étaient déjà produits, ainsi qu’une absence à son poste de travail sans avoir formulé une demande de congé le 17 juillet 2017. Il est ajouté que M. [A] [F] répond à son employeur avec des remarques désobligeantes, voire insolentes, du type « méthodes d’un autre temps, travailler à la façon du Moyen Âge ».
M. [A] [F] ne conteste pas l’erreur de transcription mais soutient qu’il l’a rectifiée, a avisé sa direction et que cette « anomalie corrigée n’a causé aucun dysfonctionnement, l’employeur organise le plus souvent ses plannings la veille ».
Il est en effet reconnu qu’il a avisé son employeur le 13 juillet 2017 à 11h 45 de cette erreur avant de quitter son poste pour le week-end. Il est justifié par l’attestation du conducteur programmé le 15 juillet 2017 que celui-ci n’était pas disponible le 17 juillet 2017 et qu’ainsi toute la programmation de ce week-end particulier de l’année a dû être modifiée et ce avec difficulté. Il est donc inexact de soutenir que cette erreur n’a causé aucun dysfonctionnement au sein de l’entreprise.
En ce qui concerne l’absence injustifiée, si l’absence n’est pas contestée, M. [A] [F] soutient que celle-ci était convenue avec son employeur sans pour autant en apporter la moindre justification.
Pour ces seuls motifs, l’avertissement infligé est donc fondé et proportionné aux faits reprochés. Il en est de même de la retenue de salaire de 32,46 euros qui n’est pas, contrairement à ce que soutient le salarié, une sanction pécuniaire mais une retenue pour absence. Le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement des sommes de 32,46 euros brut à titre de rappel de salaires sur les 3 heures déduites en juillet 2017 et de 3,24 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire. Il y a lieu de débouter le salarié de sa demande à ce titre.
Sur l’avertissement notifié le 7 août 2017
Le 15 juin 2017, la SARL Touraine excursions a reçu un avis de contravention pour non-dénonciation d’un conducteur dans le cas d’une infraction commise le 5 février 2017, l’amende imposée à la société s’élevant à la somme de 675 € .
La SARL Touraine excursions reproche à M. [A] [F] d’avoir ouvert sans autorisation un courrier qui lui était pas destiné et d’avoir autorisé le conducteur à régler l’avis de contravention en omettant volontairement de révéler l’auteur de l’infraction.
M. [A] [F] soutient que l’employeur a été informé le 15 juin 2017 des faits et qu’il a épuisé son pouvoir disciplinaire en lui notifiant un avertissement le 2 août 2017. Il ajoute qu’il avait pensé bien faire pour éviter au conducteur le paiement majoré de l’amende.
Lorsqu’un employeur, informé d’un ensemble de faits pouvant être reproché à un salarié, a choisi de ne le sanctionner que pour certains d’entre eux, il a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut, dès lors prononcer une nouvelle sanction pour des faits antérieurs à celle-ci dont il avait connaissance.
Il y a lieu de retenir que l’employeur a eu connaissance des faits le 15 juin 2017 en recevant l’avis de contravention et, en tout état de cause, à la date à laquelle il s’est acquitté de l’amende. En infligeant un avertissement le 2 août 2017, il a épuisé son pouvoir disciplinaire.
Pour ce seul motif, la sanction prononcée le 7 août 2017 est annulé. Le jugement est infirmé de ce chef.
Le salarié ne justifiant pas du préjudice qu’il invoque, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts.
Sur la demande de remboursement de frais professionnels
Les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sauf dispositions contractuelles contraires.
M. [A] [F] a suivi dans le cadre de son activité professionnelle une formation AFTRAL du 23 au 30 octobre 2017. Il s’est rendu avec son véhicule à cette formation et sollicite sur la base du barème fiscal, le remboursement de la somme de 142,80 €. Si l’employeur soutient avoir réglé la somme de 142,80 €, il n’en justifie pas. A cet égard, le bulletin de paie d’avril 2019 ne porte mention que du règlement d’une somme de 119 €, que le salarié reconnaît avoir perçue. Il y a donc lieu de condamner la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F] la somme de 23,80 € à titre de remboursement de frais professionnels.
M. [A] [F] demande également le remboursement des frais déboursés pour le renouvellement de sa carte conducteur de 63 € ainsi que pour la visite médicale qu’il a passée en juin 2017 de 33 €.
La SARL Touraine excursions s’oppose au versement de ces sommes au motif que le salarié n’était pas conducteur de car à la date à laquelle il a procédé au renouvellement de sa carte.
Sur les relevés des temps de travail produit par l’employeur pour justifier de l’absence d’heures supplémentaires non payées, il est mentionné que M. [A] [F] est conducteur et il y est porté des temps de conduite. Sur les avis du médecin du travail, il est qualifié d’agent administratif/conducteur de car et l’employeur a inscrit son salarié à une formation continue obligatoire pour le transport routier dont il a accepté la prise en charge des frais de déplacement.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la SARL Touraine excursions est condamnée à payer à M. [A] [F] la somme de 96 € en remboursement de ces frais professionnels.
Par voie d’infirmation du jugement, la SARL Touraine excursions est condamnée à payer à M. [A] [F] la somme de 119,80 € à titre de remboursement de frais professionnels.
Sur le rappel de prime d’astreinte et congés payés afférents
M. [A] [F] demande le paiement d’un rappel de prime d’astreinte de 900 € de janvier à juin 2016 ainsi que d’octobre 2017 à janvier 2018 outre 90 € au titre des congés payés afférents.
La SARL Touraine excursions reconnaît devoir 450 € à titre de rappel des astreintes accomplies en 2016, et soutient qu’au vu des fiches horaires, M. [A] [F] n’a accompli aucune astreinte en 2017.
Les fiches horaires, produites en pièce 17 sous l’intitulé « Synthèse d’activité de Monsieur [F] pour la période du 01/01/2016 au 31/12/2016 », ne concernent que l’année 2016 et non la période 2017.
Il est stipulé dans l’avenant de juin 2015 que M. [A] [F] percevra une prime mensuelle d’astreinte téléphonique d’un montant brut de 90 €. Il est dû au vu des pièces produites, l’employeur ayant payé la somme de 540 €, un solde de 360 € brut au titre des primes d’astreinte. Il sera également alloué la somme de 36 € brut au titre des congés payés. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [A] [F] allègue que l’employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire caractérisant un harcèlement moral, que le gérant de l’entreprise l’a appelé « le corniaud » dont il veut se « débarrasser ». Il ajoute qu’il a demandé le 20 mai 2017 un entretien afin de pouvoir faire le point sur son activité, qu’il n’a jamais reçu de réponse et a été dispensé d’activité à compter du 2 octobre 2017 dans l’attente de la visite de reprise organisée le 5 octobre 2017. Il a de nouveau été dispensé d’activité. Finalement, par un courriel du 9 octobre 2017 à 18h53, l’employeur lui a demandé d’être présent le lendemain 10 octobre à 8 heures. N’ayant pas lu ce courriel le soir, il n’a pu être présent qu’à 8h10 et s’est vu reprocher son retard. Lorsqu’il a repris son travail, il lui a été impossible d’accéder au serveur informatique de la société. Le 13 octobre 2017, son employeur lui a expliqué que, compte tenu de ses multiples ‘manquements et erreurs’, il ne pouvait plus travailler aux fonctions d’agent administratif et lui a proposé de réintégrer un poste de conducteur de car, en lui soumettant un avenant contractuel prévoyant une réduction du temps de travail.
Le salarié verse aux débats un certificat médical du 11 janvier 2018 du Docteur [Z] certifiant le suivre médicalement depuis mai 2017 pour trouble anxio-dépressif ainsi qu’un certificat médical du 14 décembre 2017 de Mme [G], psychothérapeute certifiant l’avoir reçu « lors de deux entretiens les 5 et 7 septembre 2017, souffrant d’un état dépressif suite au harcèlement subi sur son lieu de travail avec son patron »
Ces faits pris dans leur ensemble, et compte tenu des éléments médicaux versés aux débats, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il convient par conséquent de rechercher si l’employeur démontre que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En ce qui concerne le pouvoir disciplinaire et l’absence injustifiée, ainsi qu’il a été précédemment exposé, les avertissements des 8 février 2016 et 2 août 2017 étaient justifiés et proportionnés aux fautes commises et l’absence du 17 juillet 2017 était bien injustifiée. L’avertissement du 7 août 2017 est exclusif de tout harcèlement moral dans la mesure où il repose sur un manquement établi du salarié à ses obligations ayant causé un préjudice à l’employeur.
En ce qui concerne la dispense d’activité dans l’attente de la visite médicale de reprise, celle-ci était justifiée, l’employeur ne pouvant accepter une reprise activité en l’absence de visite médicale de reprise. La dispense d’activité qui a perduré jusqu’au 9 octobre 2017 n’est justifiée par aucun élément objectif.
M. [M] [U], conducteur de car, atteste le 14 janvier 2018, « depuis un peu plus de trois ans, je travaille pour la société Touraine excursions en tant que conducteur de car » (‘) « j’ai personnellement été témoin de conversations entre M. [P] [D] et M. [I] [T], il y a environ un an et demi, de la volonté de tout faire pour se séparer du « corniaud » en l’occurrence M. [F]. ».
Mme [W] [U], commerciale pour la holding de la SARL Touraine excursions atteste que « au moindre prétexte, M. [D] [P] (le gérant) criait sur M. [A] [F], la moindre petite erreur devenait un drame. (‘) La veille du retour de M. [A] [F] au bureau , M. [J] [K] a appelé un informaticien pour faire changer tous les mots de passe de l’ordinateur qu’utilisait M. [A] [F]. Lorsque que M. [A] [F] est revenu travailler, il a été clairement mis ‘au placard’, il avait uniquement accès à Word et Excel. Le matin de son retour, M. [D] [P] lui a demandé de ne pas me parler. (‘) En avril 2017, M. [D] [P] a clairement indiqué que son épouse ne supportait pas M. [A] [F] et qu’il souhaitait s’en débarrasser. » .
Le 16 avril 2018, M. [M] [U] a établi une attestation au profit de son employeur expliquant que l’attestation rédigée au profit de M. [A] [F] ne correspond pas à la réalité pour avoir été faite chez M. [F] sous l’emprise de l’alcool que celui-ci lui avait fait consommer. La longueur, la précision, l’écriture parfaite de l’attestation remise à M. [A] [F], relatant des faits corroborés par l’attestation de son épouse, dément que celle-ci ait pu être faite par une personne alcoolisée n’ayant pas conscience des termes qu’elle employait.
M. [X] [V] atteste que « M. [P] était agressif dans son langage, irrespectueux et n’avait aucune considération pour les salariés. (‘) En outre il faisait régner une atmosphère détestable au sein de la société, voulant tout maîtriser de A à Z au détriment d’une meilleure organisation. Il est regrettable qu’une personne comme lui détruise des personnes compétentes comme M. [F] (‘). ». Cette attestation visant « les salariés », fait bien entrer M. [A] [F] dans le cadre des personnes envers lesquelles le gérant était agressif, avait un langage irrespectueux et aucune considération.
M. [M] [U] ainsi que M. [X] [V] et M. [L] [C], collègues de travail attestent des qualités d’agent administratif de M. [A] [F], lequel a toujours répondu à leurs attentes pour les aider dans leur travail, afin que les ordres de mission soient bien compris, louant sa disponibilité et son investissement au sein de la société.
L’attestation de M. [O], ancien salarié, réembauché en 2018, qui indique avoir été en contrat de travail à durée déterminée de mars 2014 à janvier 2015 et qu’il n’a pas renouvelé son contrat en raison du comportement de M. [A] [F] agent administratif, n’emporte pas la conviction de la cour dans la mesure où ce poste n’a été proposé à M. [A] [F] qu’en juin 2015 avec une prise d’effet en août 2015.
La proposition de modification du contrat de travail de M. [A] [F], faite le 13 octobre 2017, ne repose sur aucun élément tangible. Il n’est justifié que d’une seule erreur, qui a été corrigée, qui a donné lieu à sanction le 2 août 2017. L’employeur n’établit pas l’existence des « multiples manquements et erreurs dans l’exercice de son poste au service administratif exploitation ».
La nécessité de la modification du contrat de travail consistant à réaffecter M. [A] [F], qui occupait un poste d’agent administratif à temps plein, à un poste de conducteur de car n’est pas démontrée par des éléments objectifs.
Il est établi par l’attestation de M. [K], salarié ayant remplacé M. [A] [F] durant son arrêt maladie et lui ayant succédé après son licenciement, que les mots de passe pour accéder au site Internet de la société (accès aux fichiers et aux réseaux) ont été modifiés et qu’ainsi l’accès était bloqué pour M. [A] [F]. Il explique que c’était dans le but que M. [F] ne puisse plus y avoir accès qu’en présence du gérant ou de lui-même. Aucun élément objectif ne justifie cette limitation admise par l’employeur ou cette interdiction d’accès comme le soutient M. [A] [F], impossibilité d’accès confirmée par l’attestation de Mme [U].
Il y a donc lieu de considérer que la SARL Touraine excursions ne rapporte pas la preuve, que les agissements invoqués par M. [A] [F] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Les certificats médicaux produits aux débats, bien que le médecin traitant et le thérapeute se limitent à relater les dires de leur patient, justifient d’une altération de la santé de M. [A] [F] à l’époque des faits invoqués par le salarié.
Il convient en application de l’article L.1154-1 du code du travail de retenir que les agissements allégués sont constitutifs de harcèlement moral et compte tenu de leur durée et des conséquences dommageables qu’il ont eu pour M. [A] [F] au regard des pièces médicales transmises d’évaluer le préjudice subi par le salarié à la somme de 2 000 euros que la SARL Touraine excursions sera condamnée à lui payer. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement du 24 novembre 2017, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« Nous faisons suite à l’entretien préalable sur une éventuelle mesure de licenciement à votre égard, qui s’est déroulé le vendredi 17 novembre 2017 à huit heures en nos bureaux (‘) Il vous a été rappelé que vous avez été reçu le 10 octobre dernier pour vous informer de vos multiples manquements et erreurs dans l’exercice de votre poste au service administratif et exploitation. Vous n’aviez pas contesté les faits qui vous ont été énumérés.
Vous êtes dans le dénigrement permanent vis-à-vis de la société. Vous répétez régulièrement ‘ici, on est au Moyen Âge’. À la clientèle, à qui vous refusez de prendre leur demande de devis par téléphone avec la feuille prévue à cet effet, vous préférez leur répondre par cette réflexion ‘on est en 2017 et plus au Moyen Âge, envoyez un mail’. A contrario, quand il vous est arrivé de recevoir des appels téléphoniques de votre clientèle d’auto entrepreneur ‘mon service 24″nous n’avons pu que constater la différence de langage et de ton qui était bien plus affable.
Vous êtes resté dans votre état d’esprit, à vouloir tout régenter, à refuser de partager vos informations et vos connaissances. Pour exemple, il est plus qu’incorrect de répondre à votre collègue, dixit ‘ il n’y a qu’à suivre les panneaux’, lorsqu’en l’occurrence Monsieur [J] [K] vous demande une information sur l’itinéraire le plus approprié devant être suivi par un conducteur de l’entreprise pour rejoindre le collège de Monts, votre commune de résidence.
À aucun moment, au cours de l’entretien du vendredi 17 novembre 2017, nous n’avons perçu une réelle volonté de votre part de vous améliorer durablement au poste que vous occupez actuellement. Nous avons ressenti de l’insolence et du défi à notre égard.
Dans ces conditions, nous vous confirmions qu’il ne nous était pas possible de vous garder à ce poste.
Comme vous nous l’avez écrit (à deux reprises), si nous n’étions pas satisfaits de vos états de service au poste administratif exploitation, vous demandiez à repasser conducteur d’autocar. Pour répondre à vos desiderata, nous vous avons adressé par courrier recommandé une proposition de modification de contrat de travail, vous réaffectant un poste de conducteur d’autocar actuellement disponible au sein de notre société, et dont vous avez accusé réception le samedi 14 octobre 2017.
Cette modification de contrat ne pouvant se faire qu’avec votre accord, nous vous demandions de bien vouloir nous faire connaître par écrit votre décision, en respectant un délai de trois semaines. Ce délai est plus que révolu, et n’ayant pas eu de réponse claire et précise (positive ou négative) de votre part, nous considérons que vous refusez le poste.
Malgré une remarque précédente quant à votre comportement, nous constatons que vous n’avez fait aucun effort depuis le retour à votre poste le mardi 10 octobre dernier, maintenant une ambiance délétère au sein du bureau.
En conséquence de quoi, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse dans l’intérêt de l’entreprise et de l’ensemble du personnel. (‘) ».
Contrairement à ce qui est écrit dans cette lettre de licenciement, le salarié n’a jamais demandé à retrouver un poste de conducteur de car. Les courriers dans lesquels il aurait fait cette demande ne sont pas produits.
Sur la nature du licenciement
L’employeur a convoqué M. [A] [F] pour un « entretien informel » qui s’est tenu le 10 octobre 2017 à 15 heures. Par courrier du 13 octobre 2017, l’employeur a écrit à M. [A] [F] : « Lors de cet entretien nous vous informions de vos multiples manquements et erreurs dans l’exercice de votre activité au service administratif exploitation. Vous n’avez pas contesté les faits qui vous ont été énumérés. Dans ces conditions, vous comprendrez qu’il ne nous est pas possible de vous garder à ce poste. Aussi comme vous l’avez demandé et pour répondre à vos desiderata, nous vous proposons de modifier votre contrat de travail en vous réaffectant un poste de conducteur de car. Cette modification de contrat que vous avez sollicitée, ne pouvant se faire qu’avec votre accord, nous vous demandons de bien vouloir nous faire connaître votre décision par écrit en respectant un délai de trois semaines suivant la réception de ce courrier (cachet de la poste faisant foi). Dans l’affirmative, nous vous proposerons la signature d’un avenant à votre contrat, qui reprendra et actera la modification précitée, laquelle entrera en vigueur à la signature dudit avenant. Sans réponse de votre part, nous considérerons que vous refusez cette modification et serons amenés à en tirer les conséquences qui s’imposent. ».
L’employeur soutient qu’il a licencié son salarié pour insuffisance professionnelle, ce que celui-ci conteste, estimant que son licenciement est nul en raison du harcèlement moral subi et subsidiairement avoir été licencié pour un motif disciplinaire non fondé.
L’employeur ne précise pas en quoi consistaient les multiples manquements et erreurs qu’il reproche à son salarié et ne les lie pas à une insuffisance professionnelle aux termes de la lettre de licenciement
Il ne ressort pas des témoignages qu’il produit la moindre incapacité non fautive de M. [A] [F] d’exercer les fonctions qui lui étaient confiées.
M. [N] [O] se limite à attester que son collègue avait « une façon de travailler qui lui déplaisait car il voulait le commander alors qu’il était collègue du même niveau, c’était un garçon jaloux’ il était hautain et prétentieux avait un sérieux problème d’aura ». Il indique que c’est pour cette raison qu’il a quitté la société puis est revenu en 2018. M. [N] [O] ne donne aucun élément précis qui permettrait de caractériser une insuffisance professionnelle.
L’épouse du gérant, atteste que M. [A] [F] approuvait de la tête quand Mme [U] venait dans son bureau critiquer le gérant, qu’elle avait mal au ventre le matin pour aller travailler en raison de l’attitude et des réflexions de M. [A] [F]. L’attitude décrite constituerait une faute disciplinaire mais en aucun cas une insuffisance professionnelle.
M. [R] [B] atteste qu’il a entendu M. [A] [F] répondre au téléphone, ignorant avec qui il parlait sur un ton agressif et irrespectueux et une autre fois avoir eu la même attitude avec la comptable de Mme [P]. Il ajoute que Mme [P] lui avait dit avant les vacances scolaires 2017 avoir été insultée par M. [A] [F], cette allégation référendaire ne saurait être retenue. Répondre au téléphone de manière agressive et irrespectueuse constituerait une faute disciplinaire mais en aucun cas une insuffisance professionnelle.
Les faits reprochés tels que décrit dans les attestations produites par l’employeur ont manifestement un caractère disciplinaire.
Pour établir la matérialité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur produit les attestations de trois salariés dont l’une est l’épouse du gérant et un autre le salarié ayant remplacé M. [A] [F] durant son arrêt maladie et lui ayant succédé. Ces attestations ne sont corroborées par aucune pièce et ne suffisent pas à emporter la conviction de la cour. A cet égard, l’employeur, qui reproche au salarié un dénigrement permanent de l’entreprise et une attitude agressive et irrespectueuse envers les clients, ne produit aucune attestation en ce sens émanant de personnes extérieures à la société. Les pièces versées aux débats par l’employeur sont contredites par les attestations produites par le salarié.
Sur la nullité du licenciement
Aux termes de l’article L.1152-3 du code du travail : « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».
Une relation entre les faits de harcèlement et la sanction doit exister pour rendre celle-ci illicite (Soc., 20 avril 2005, pourvoi n° 03-41.916, Bull. 2005, V, n° 149 et Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-69.444, Bull. 2011, V, n° 168).
En l’espèce, il n’est pas établi que le salarié a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir le harcèlement dont il était victime.
En l’absence de lien de causalité entre le harcèlement moral et le licenciement, M. [A] [F] est débouté de sa demande de voir dire son licenciement nul.
Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement n’étant pas établis, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de dire le licenciement de M. [A] [F] sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de licenciement
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail dans leur version issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la présente espèce compte tenu de la date de la rupture, en l’absence de réintégration , qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du
salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
M. [A] [F] a acquis une ancienneté de 5 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est comprise entre 3 et 6 mois de salaire.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à M. [A] [F] la somme de 9 900 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef, sauf à préciser que l’indemnité allouée l’est en brut.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Dès lors qu’il a été partiellement fait droit aux demandes de M. [A] [F], la SARL Touraine excursions est mal fondée à soutenir qu’il aurait agi de manière abusive. Elle est, par voie de confirmation du jugement, déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts
Les condamnations prononcées par le présent arrêt portant sur des créances de nature salariale produiront intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018, date à laquelle la SARL Touraine excursions a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation.
La condamnation à des dommages-intérêts pour harcèlement moral portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La condamnation à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcée par le conseil de prud’hommes portera intérêts au taux légal à compter du jugement déféré.
Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, créé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ‘Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise’.
Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par M. [A] [F] dans les conditions de ce texte.
Sur la demande de remise des documents de fin de contrat
Il convient d’ordonner à la SARL Touraine excursions de remettre à M. [A] [F] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.
Sur l’article L. 1235-4 du code du travail
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, il convient, par voie d’infirmation du jugement, d’ordonner le remboursement par la SARL Touraine excursions à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [A] [F] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement déféré mais seulement :
– en ce qu’il a condamné la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F] les sommes de 32,46 € brut à titre de rappel de salaire sur les 3 heures déduites en juillet 2017 et 3,24 € brut au titre des congés payés afférents ;
– en ce qu’il a débouté M. [A] [F] de ses demandes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, heures d’intervention durant les astreintes et congés payés afférents ainsi que de ses demandes au titre du harcèlement moral, de remboursement de frais professionnels, de rappel de salaire sur astreinte et congés payés afférents ;
– en ce qu’il a ordonné à la SARL Touraine excursions de rembourser à Pôle Emploi 30 jours d’indemnités chômage ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Annule l’avertissement infligé à M. [A] [F] le 7 août 2017 ;
Condamne la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018 :
– 1 100 € brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et heures d’intervention durant les astreintes, outre 110 € brut au titre des congés payés afférents ;
– 119,90 € à titre de remboursement de frais professionnels ;
– 360 € brut à titre de rappel de salaire sur astreinte outre 36 € brut au titre des congés payés afférents ;
Condamne la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’un harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
Dit que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée par le conseil de prud’hommes l’est en brut et est assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2019 sur le montant de la somme allouée par les premiers juges ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil ;
Déboute M. [A] [F] de sa demande en paiement des sommes de 32,46 euros brut à titre de rappel de salaires sur les 3 heures déduites en juillet 2017 et de 3,24 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire ;
Ordonne à la SARL Touraine excursions de remettre à M. [A] [F] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification ;
Dit n’y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d’une astreinte ;
Ordonne le remboursement par la SARL Touraine excursions à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [A] [F] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;
Condamne la SARL Touraine excursions à payer à M. [A] [F] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la SARL Touraine excursions aux dépens d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID